Bonjour,
Je potassais "gravitation" de Misner, Thorne et Wheeler (1973) et suis tombé sur un passage traitant de l' "argument de Schild", qui montre que l'existence d'un redshift gravitationnel implique une courbure de l'espace-temps. En farfouillant, je suis tombé sur le site de Peter Brown expliquant qu'un contre-argument avait été opposé par Marsh et Nassim-Sabat dans l'American Journal of Physics (1975), mais l'explication du site ne m'a pas convaincu. Je me suis procuré l'article de Marsh et Nassim-Sabat, qui non seulement explique quelque chose de différent, mais en plus ne convainc toujours pas.
Je commence par exposer de façon neutre et je critiquerais ensuite :
1)
D'après Misner, Thorne et Wheeler, l'argument de Schild est exposé comme suit :
-on considère que l'espace-temps est celui de la relativité restreinte, muni de coordonnées de Lorentz avec la Terre à l'origine. La durées et longueurs propres sont données par la métrique de Minkowski.
-on considère le champ gravitationnel de la Terre tel qu'il est connu expérimentalement, peu importe son fonctionnement interne (champ scalaire, vectoriel, tensoriel... on est pas de le cadre RG, les géodésiques sont des droites, la gravitation empêche les corps de rester sur leur géodésique comme le fait l'electromagnétisme, la chute libre n'est pas un mouvement géodésique ou inertiel)
-on considère un observateur sur Terre à l'altitude z0 et un second à l'altitude z1
-ces deux observateurs sont immobiles (à deux sens : vitesse nulle dans le référentiel de Lorentz considéré ET mesure de distance qui restent constantes dans le temps) l'un par rapport à l'autre et par rapport à d'autres objets "immobiles" et ils peuvent vérifier leur immobilité simplement en mesurant que les durées d'aller-retour de signaux ne varient pas dans le temps
Si l'observateur en z0 émet un signal durant une durée propre T (séparant un évènement A de début d'émission et un évènement C de fin d'émission), l'observateur en z1 reçoit un signal d'une durée propre T' (séparant un évènement B de début de réception et un évènement D de fin d'émission). Du fait que le champ gravitationnel et les deux observateurs sont statiques, les lignes d'univers suivies par le début du signal (AB) et par la fin du signal (CD) sont "congruentes", c'est-à-dire identiques à une translation près. Dans un premier cas simplifié ces lignes d'univers sont des droites (des géodésiques nulles) et on obtient donc un parallélogramme, avec AC=BD, c'est à dire T=T'. Dans un second cas on va plus loin en proposant que ces lignes d'univers puissent avoir une forme quelconque pour tenir compte d'un éventuel effet de la gravitation (peu importe sa nature) sur la lumière, tout en étant toujours congruente, on obtient un genre de "parallélogramme" et pas de changement, cela implique AC=BD et donc T=T'
Or si on intègre le redshift gravitationnel tel qu'il est connu expérimentalement (par exemple Pound et Rebcka et bien d'autres expériences), T est différent de T'. Donc on a un "parallélogramme" dont deux coté opposés sont de longueur différente, impossible en géométrie plane. Donc l'espace-temps ne peut pas être celui, plat, de la relativité restreinte, donc l'espace-temps est courbé (on ne dit pas de quelle manière).
2)
D'après Peter Brown, http://www.geocities.ws/physics_worl..._red_shift.htm , l'argument n'est pas valide car sur le dessin de Schild, les axes temporels ne sont pas gradués et cela cache le fait qu'ils n'ont pas les même graduations, en gros que ce n'est pas le même temps. Du coup l'argument du parallèlogramme tombe à plat : les coté AC et BD ont la même longueur graphiquement, mais l'intervalle AC est différent de l'intervalle BD
(là j'avoue que je me retiens très fort de critiquer de suite...)
3)
D'après Marsh et Nassim-Sabat, l'argument de Schild tente de montrer que tout redshift gravitationnel requiert que la géométrie de l'espace-temps soit courbe, et ils le démontent par le contre-exemple d'un champ de gravitation uniforme, dans lequel il y a redshift gravitationnel, mais, d'après eux, aucune courbure.
maintenant la critique (non-exhaustive) :
1) L'argument de Schild, tel qu'exposé par MTW me semble valide. On arrive bien à une absurdité, mais est-ce bien seulement la première prémisse qu'il faut remettre en question (géométrie de Minkowski partout)? il est clair qu'on ne peut pas remettre en cause le champ de gravitation de la Terre, et que rien n'interdit de mettre deux observateurs à deux altitudes différentes. A la rigueur on peut se poser la question de l'immobilité des deux observateurs, mais je n'y trouve rien à redire.
Par contre on peut noter que tel qu'exposé dans le MTW, c'est du redshift gravitationnel engendré par un astre de symétrie sphérique (ou presque) dont il est question, et pas de "tout redshift gravitationnel" comme mentionné par Marsh et Nassim-Sabat. Je n'ai pas pu lire le texte original de Schild et peut-être qu'il y est question de tout les cas de figures, mais dans ce qui est exposé dans le MTW il n'est pas question de tout les cas de figures mais du champ gravitationnel de la Terre et du redschift mesuré sur Terre. Notons que Marsh et Nassim-Sabat citent l'article de Schild, mais aussi le livre gravitation de MTW.
2) La critique faite par Peter Brown ne me semble pas tenir la route, ce ne sont pas des axes de temps différents, dans la mesure où (dans l'exposé de MTW en tout cas) on a postulé des coordonnées de Lorentz avec le centre de la Terre à l'origine et que le temps coordonnée de Lorentz est supposé coïncidant au temps propre de tout immobile de Lorentz. Postuler des coordonnées de Lorentz en espace-temps plat pour la Terre revient à dire qu'il y a un temps synchronisé pour tout les immobiles dans ces coordonnées, quelque soit leur position, en terme d'altitude notamment. Le fait expérimental qu'il soit impossible de garder synchronisées deux horloges immobiles mais a des altitudes différentes (le redshift gravitationnel observé sur Terre donc) démontre que l'espace-temps plat ne fonctionne pas pour la Terre.
3) La critique formulée par Marsh et Nassim-Sabat est différente de celle de Peter Brown (pourtant ce dernier se réfère à eux...), mais elle ne me semble pas tenir non plus. Ils utilisent le contre-exemple d'un champ de gravitation uniforme, cas dans lequel il n'y aurait pas de courbure. Premièrement, l'argument de Schild, tel qu'exposé dans le MTW n'est pas dans le cadre d'un champ uniforme (mais comme déjà dit je n'ai pas pu lire le texte original de Schild, peut-être qu'il inclut le champ uniforme). Deuxièmement, je n'ai pas de preuve (mais j'en cherche) qu'un champ de gravitation uniforme corresponde à un cas sans courbure.
Si on pense au référentiel de Rindler, il n'y a effectivement pas de courbure, mais il n'est pas vrai de dire que le champ est uniforme (il est uniforme dans un plan seulement, mais augmente ou diminue verticalement). On peut penser, en espace-temps plat, à d'autre référentiels, plus tordus, où le champ est vraiment uniforme (en fait où l'accélération propre de tous les immobiles serait constante en norme et en direction spatiale) mais ils ne sont pas rigides, c'est à dire que la distance que mesure deux immobiles (au sens de vitesse nulle dans le référentiel seulement) entre eux change dans le temps : on est donc plus du tout dans le cadre des hypothèses de l'argument de Schild où la distance entre immobiles ne change pas. Par ailleurs la non-rigidité de ces référentiel "tordus" permet de penser justement que pour avoir à la fois champ uniforme et des immobiles restant à distance constante il faut une courbure... (à démontrer...).
Il y a donc ici un sac de noeud que je compte bien essayer de démêler proprement! qu'en pensez-vous?
m@ch3
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