Bonjour,
Aujourd'hui, j'ai lu sur le forum :
et couplé avec mon expérience, cela m'a fait pas mal réfléchir.
Comme je l'ai déjà dit, un prof d'IA nous avait expliqué "l'IA, c'est de chercher à faire ce que les ordinateurs ne savent pas faire. Dès qu'on y arrive, on explique que cela n'est donc pas de l'intelligence et on bouge la définition et les objectifs".
Et c'est ce que je ressens. Il y a quelques jours, je dois faire un truc technique avec une librairie informatique que je commence à utiliser. Je cherche dans la doc et les exemples sur stackoverflow, bref les outils de base dans mon domaine mais je ne trouve pas tout de suite.
Je demande donc à GPT-4 comment faire et il m'écrit le code correct. Bon, il utilise une méthode que je n'aime pas mais qui marche et ça me donne des pistes pour améliorer.
Et là, je me mets à réfléchir à ce qu'est mon travail : une énorme partie c'est en fait d'appliquer des solutions qui existent déjà quelque part ou à résoudre des problèmes qui se sont déjà produits. Donc soit j'ai déjà vu ou trouvé la solution et je l'ai dans ma "trousse à outil", j'applique rapidement soit je cherche sur le Net et j'essaie ce que je trouve méthodiquement.
Finalement, il n'y a pas "d'intelligence" là dedans. Bon, ok, "intelligence" est polysémique, jamais défini clairement mais pour simplifier, je vais l'utiliser en mode "capacité à traiter des sujets et à résoudre des difficultés dans un domaine qui nécessite des capacités cognitives".
En fait, je fait de la reconnaissance de similarité sur une base de solutions existantes soit dans ma mémoire soit dans celle du Net et ensuite, un classement heuristique des plus probables et j'applique méthodiquement jusqu'à ce que ça marche. Avec une rétroaction parce que ce que j'apprends de chaque essai me permet de réévaluer la définition du problème et les proba.
Bien fait, c'est impressionnant mais finalement mécanique.
Parfois, aucune solution n'existe ou plutôt n'est facilement accessible publiquement. Dans ces cas là, je fait la même chose sauf que je crée une liste d'expériences pour circonscrire le problème, collecter de l'information avant de pouvoir revenir au cas précédent.
C'est la méthode scientifique, c'est lent, fastidieux parfois mais très efficace et cela permet de régler des problèmes qui résistent aux attaques naïves/aléatoires/non structurées...
Mais là aussi, la part d'intelligence est limitée.
Ce qui m'amène à la constatation suivante : cela fait quelques années que je fais de l'IA et j'ai passé les 2 dernières à en construire une qui s'avère pour le moment nettement plus performante que les humains dans son domaine qui est la prédiction d'évènements rares (en l'occurence, les crashs et autres sur les marchés financiers).
Si je fais le bilan de ces 2 ans, le plus gros a été passé à apprendre différents outils, à récupérer, nettoyer et mettre en forme de la données (c'est 80% d'un projet IA), a corriger des erreurs diverses, à essayer plein de techniques et paramètres différents...
En gros, là aussi finalement cela a été méthodique, fastidieux et même si cela nécessite d'acquérir certaines compétences, j'ai du mal à appeler ça "intelligence". Chacune de ces tâches peut-être réalisée par un humain "bien formé et compétent mais borné" et beaucoup sont automatisables et d'ailleurs automatisées par des outils qui permettent de faire de l'IA sans coder.
En fait, j'ai du être intelligent 2 ou 3 jours sur cette période quand on a inventé une ou deux techniques documentées nulle part ou quand on a constaté qu'une erreur était en fait féconde et qu'on a pu la généraliser.
Tout ce long texte pour dire que je demande à quoi ressembleront demain nos métiers, notre système éducatif, etc au fur et à mesure qu'on se débarrassera de ces tâches qui aujourd'hui nous paraissent "à valeur ajoutée" mais qui sont en fait automatisables.
Rien de nouveau, c'est l'histoire du progrès et il faut une époque où savoir tailler un silex vous valait l'admiration de la tribu puis une autre ou simplement savoir lire/écrire/compter faisait de vous un intellectuel mieux formé que 99% de vos concitoyens.
Donc je n'ai pas peur mais je ne suis pas capable d'imaginer ce qui va se passer. Là aussi, rien de nouveau : j'ai bien vu ce qui allait se passer avec les ordinateurs perso puis Internet mais raté une grande partie des usages du smartphone par exemple.
Je n'ai pas vraiment de questions, je voulais juste partager cette interrogation face à ce que je pense être le début de changement potentiellement énormes.
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