Sans chercher à faire dériver le fil de cette discussion, je me permets de faire remarquer que ce type de malentendu est assez général. Il est très bien illustré par le documentaire "Espèces d'espèces", à propos duquel je me suis permis une grosse râlante sur ce forum.
Pendant des siècles, et formalisé par Linné, la classification savante du vivant était basée sur des caractéristiques morphologiques. La petite révolution, récente, de la classification phylogénétique n'a pas toujours été bien perçue, et cette classification est souvent présentée, implicitement ou explicitement, comme aussi basée sur des caractéristiques morphologiques, alors que ce n'est pas le cas. (A témoin, le documentaire cité, qui, du coup, a classé les koalas dans les primates, si, si, parce qu'ils ont un pouce opposable...)
Le malentendu vient de ce qu'on ne précise pas clairement à quel type de classification un taxon correspond. Il y a d'une part les termes phylogénétiques, et d'autre part des termes décrivant des morphologies. Et, malheureusement, il y a des termes qui sont utilisés de manière ambigüe, suite au malentendu...
Si on se cantonne à utiliser les termes comme "bactéries" ou "procaryotes" comme décrivant un aspect morphologique particulier, comme "quadrupède", il n'y a pas de malentendu. C'est quand on les utilisent comme classification du vivant que le malentendu apparaît.
Le choix du noms de certains taxons monophylétiques permet d'illustrer la distinction : les serpents ou les autruches appartiennent au clade des "tétrapodes" Manifestement, ce serait une erreur d'y voir là la description littérale d'un aspect morphologique.
Ce qui est "mal entendu" c'est la logique de la classification phylogénétique, qui ne cherche pas à décrire un taxon par des caractéristiques morphologiques, mais par des relations de parenté. Bien sûr, des caractéristiques morphologiques sont utilisées pour essayer de déterminer ces relations de parenté, mais elles passent en second plan : ce sont des indices, des moyens pour placer un être vivant au sein de sa parenté, ce ne sont plus des critères de classification.
On peut décrire un taxon phylogénétique sans référence quelconque à des caractéristiques morphologiques : par exemple, on peut définir le clade "tétrapode" par baleine/dipneuste. Cela signifie tous les descendants (vivant actuellement ou ayant vécu, selon les conventions...) du plus récent ancêtre commun aux baleines et aux dipneustes et qui descendent du plus ancien ancêtre de la baleine qui n'est pas un ancêtre des dipneustes. De même Carla Bruni/siamang décrit-il le clade des hominoïdés... (1)(2)
Pour revenir à "procaryotes", àmha il a toujours recouvert qu’une caractéristique morphologique. Seulement, dans le temps, il était "normal" de classer le vivant selon quelques caractéristiques morphologiques, la nature seulement descriptive de ce terme a été perdue de vue, et la révolution de la classification phylogénétique le réduit, le ramène, à cette nature, qu'il a toujours eu et qui n'aurait pas dû cessée d'être perçue...
(1) Evidemment, l'énorme défaut de cette approche est qu'elle est inapplicable tant qu'on a n'a pas déterminé avec "certitude" les relations de parenté. Ce qui correspond à deux problèmes distincts : les cas où la connaissance n'a pas encore été acquise, et les cas, non impossibles, où la notion de parenté est insuffisante pour "binariser" l'arbre du vivant. Et plus on remonte vers la base de l'arbre, plus on peut émettre des doutes sur la clarté de la notion de parenté...
Peut-être bien que pour le moment, et peut-être à jamais, il n'y a pas de notion autre qu'arbitraire, et donc variant d'un auteur à l'autre, de "eubactérie"...
(2) Je n'ai pas l'originalité de cette saillie, je suis tombé un jour sur un site (je ne le retrouve pas sur le moment) utilisant cette description par inclusion/exclusion, et qui mettait des noms de personnes là où on s'attend à "homo sapiens". J'ai mis un certain temps à comprendre, d'ailleurs...
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