Bonjour
Un premier débat a eu lieu récemment ici et concerne le mécanisme de l'effet de serre, les propriétés d'absorption-émission de certaines espèces gazeuses :
http://forums.futura-sciences.com/thread174887.html
Comme ce premier débat est déjà assez chargé, et qu'il peut continuer d'évoluer sur certains point effleurés mais non approfondis, j'en ouvre un second ici. Il concerne cette fois la question des rétroactions.
Je pose d'abord le problème de manière basique, sous réserve de corrections ultérieures, pour que l'on évite les contresens, notamment ceux qui aimeraient participer mais qui ne sont pas familiers de la question :
- on appelle forçage une modification du bilan radiatif de l'atmosphère mesurée à la tropopause (ou sommet de l'atmosphère, TOA dans le jargon). Ce forçage est un déséquilibre dans le budget énergétique du système climatique. (Exemples : on ajoute du CO2, l'IR est absorbé et réémis vers la surface, c'est un forçage anthropique positif ; un volcan entre en éruption, il envoie des aérosols dans la haute atmosphère qui refléchissent le rayonnement solaire entrant, c'est un forçage naturel négatif).
- on appelle rétroactions l'ensemble des effets d'un forçage sur le climat. Ces rétroactions opèrent jusqu'à ce que le climat ait trouvé un nouvel équilibre. (Exemples : le forçage CO2 augmente la température de surface, les glaces fondent et les neiges se raréfient, l'albedo terrestre diminue c'est-à-dire que la surface réfléchit moins le rayonnement solaire incident, c'est une rétroaction positive ; le même forçage CO2 augmente l'évaporation, la vapeur d'eau se condense en nuage bas, ces nuages bas réfléchissent le rayonnement solaire incident, c'est une rétroaction négative).
- on appelle sensibilité climatique à l'équilibre l'évolution des températures de surface pour 2xCO2, c'est-à-dire un forçage de 3,7 W/m2 (meilleure estimation) et les rétroactions à ce forçage jusqu'à un nouvel équilibre.
- subsidiairement, on appelle réponse climatique transitoire l'évolution des températures de surface lorsque 2xCO2 est atteint dans l'atmosphère, mais avant que l'ensemble des rétroactions opèrent et que l'équilibre soit atteint.
Dans ses rapports, le GIEC calcule la sensibilité climatique à partir d'une vingtaine de modèles de circulation générale (AOGCM). A noter deux choses : ce calcul est indépendant des projections 2100 dont l'incertitude tient en partie aux scénarios d'émission, donc aux décisions humaines ; ce calcul est effectué toutes choses égales par ailleurs, c'est-à-dire sans autre forçage que le CO2, car son objectif est de mesurer la sensibilité des températures au principal GES que nous sommes susceptibles d'émettre à l'avenir.
L'estimation de la sensibilité climatique dans l'AR4 2007 du GIEC est : 2-4,5 °C avec 3,2 °C comme meilleure estimation. Cette valeur était de 3,5°C dans l'AR3 2001 et 3,8°C dans l'AR2 1995 (à mesure que les modèles se complexifient, leurs résultats sont donc susceptible de varier, mais assez légèrement).
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Je propose de débattre ici des points suivants :
- quelles sont les rétroactions envisagées ?
- doit-on s'attendre à des rétroactions plutôt positives ou plutôt négatives au réchauffement (à la hausse du CO2 donc du forçage positif) ?
- comment le climat moderne a-t-il déjà réagi après 150 ans de forçages positifs sous l'influence des activités humaines ?
- la fourchette 2-4,5 °C est-elle susceptible à l'avenir (dans un prochain rapport GIEC) d'être précisée (réduite), de s'élargir au contraire, de tendre vers des valeurs plus basses ou des valeurs plus hautes ?
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J'ai remarqué que les débats sont d'autant plus vigoureux que l'on défend des thèses opposées. Tout en évitant la polémique, totalement infructueuse intellectuellement, je défendrai donc les points de vue suivants :
- le climat terrestre a pour l'instant réagi de manière modérée à 150 ans de réchauffement, la réponse climatique transitoire est faible et la sensibilité à l'équilibre pourrait l'être aussi ;
- les estimations assez fortes (et les fourchettes larges) de la plupart des modèles tiennent à la difficulté à modéliser les deux principales rétroactions attendues, vapeur d'eau et nébulosité de sorte que nous sommes en fait en situation d'incertitude quasi-complète et que des hypothèses de rétroactions négatives fortes, comme l'effet Iris de Lindzen, sont aussi valables que d'autres ;
- la cohérence des modèles entre leur estimation forte et leur validation par confrontation à la réalité (c'est-à-dire la vérification que la physique du modèle fonctionne bien en simulant 1900-2000) tient à ce que leur physique est incomplète sur des points importants (vapeur d'eau et nébulosité, mais aussi soleil, aérosols, variabilité intrinsèque, effets locaux et régionaux des modifications d'usage des sols) de sorte que la forte sensibilité au CO2 et le poids du même CO2 dans les hausses de T observées sont les deux facettes d'un même biais à la base. (Un biais commun car les modèles ne sont pas réellement indépendants et partagent certains schèmes ou paramatérisations sur des facteurs qui ne sont pas calculables numériquement ou qui sont mal contraints empiriquement).
- la focalisation sur les valeurs hautes de la sensibilité est donc arbitraire, on ne sait pas actuellement si la sensibilité sera faible ou forte, le seul indice important que l'on ait (évolution du climat entre 1850 et 2007) plaide plutôt pour des valeurs faibles, contrairement à ce que l'on entend un peu partout.
Bien sûr, on peut avoir les pinions exactement opposées, c'est l'objet du débat
Mais avant cela, chacun peut déjà donner son avis sur la présentation ci-dessus et apporter les modifications, corrections ou questions jugées utiles.
Merci de votre participation.
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