l'épistémologie est comme la linguistique : elles s'intéressent a posteriori à un phénomène qui s'est développé sans elles, et qui continue à le faire.
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l'épistémologie est comme la linguistique : elles s'intéressent a posteriori à un phénomène qui s'est développé sans elles, et qui continue à le faire.
Deedee, a priori, je ne suis pas d'accord.
Si le "pourquoi" ne signifie pas "dans quelle intention" mais signifie "comment se fait-il", je ne vois pas pourquoi cette question ne serait pas scientifique. Et j'aurais même tendance à songer - mais je peux naturellement me tromper - que pour certains (beaucoup ?) cosmologistes, il y ait là une motivation, qu'elle soit consciente ou inconsciente.
Alors peut-être que tant que la science n'a pas de réponse, les scientifiques disent "poubelle" avec une fausse pudeur de pucelle effarouchée.
Mais qu'un jour les "bonnes équations" commencent à se profiler, qu'une voie de recherche fructueuse se dessine, cela m'étonnerait que ce soit toujours "poubelle". Je pense plutôt que ce seraient les grandes trompettes.
Et que, ce qui la veille encore, était déclaré "hors du domaine de la science", devienne du jour au lendemain un de ses grands fleurons.
Oui et ? Ca marche aussi avec beaucoup de domaines de la science ça.
Bon quand j'ai écrit : "sans épistémologie pas de sciences fondamentales" et non pas comme tu semble l'avoir compris "on ne peut faire de recherche fondamentale que si on connaît l'épistémologie" car c'est pas pareil, ce que je voulais dire, car j'ai un peu raccourci, c'est que s'il n'y avait pas eu de réflexion épistémologique et même avant philosophique (avec notamment Descartes et d'autres) à la base, la science fondamentale ne serait sans doute pas traité comme elle l'est actuellement. Je suis d'accord pour dire que depuis belle lurette on se passe bien de la philosophie pour faire de la science, car on a l'habitude maintenant de traiter les concepts sans se poser la question de savoir comment et pourquoi ils ont été construit ainsi (inutile de connaitre l'épistémologie pour faire de la science), mais au regard de l'histoire des sciences, ce sont des avancés philosophiques majeurs qui ont construit la science moderne.
alors tu aurais dû écrire : "sans épistémologie, une autre science fondamentale". C'est déjà plus acceptable, mais je ne suis pas convaincu qu'elle serait si différente que ça. Je suis plutôt de l'avis de Putnam, que je citais plus haut.
(attention, je ne parle pas d'intention, mais je parle de l'univers comme un tout, passé, futur, tout inclut. Une question analogue est "pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien").
Franchement, je vois mal comment on pourrait scientifiquement (c'est-à-dire expérimentalement) valider toute réponse à cette question.
(note que certaines interrogations en science sont dans ce cas, par exemple les questions sur les multivers, que ce soient ceux de Everett ou de Linde, mais certains scientifiques considèrent justement que ces questions sortent du cadre de la science).
Là, par contre, je ne aurais être plus d'accord avec toi. J'ai tendance aussi à penser ça (je veux dire que c'est une motivation en filigrane chez moi et je pense que c'est le cas de beaucoup, enfin, je pense !).
Là, tu fais un (mauvais) procès d'intention car il y a pleins de questions pour lesquelles on n'a pas encore de réponse et qu'on ne jette pas à la poubelle. On cherche. Exemples :
- à court terme : pourquoi les supraconducteurs HT sont-ils supraconducteurs ? Y a-t-il une limite à ces températures ?
- A moyen termes : qu'est-ce que la matière noire ? Y a-t-il un ou plusieurs Higgs ?
- A plus long termes : pourquoi y a-t-il trois familles de particules ? Comment marier correctement MQ et RG ? C'est quoi l'énergie noire ?
- A très très long terme : comment était le tout début de notre univers ? Y a-t-il eut un pré-bigbang ?
Tu aurais un exemple ?
Maintenant, bien sûr, c'est tout à fait possible. Mais, franchement, sur la raison pour laquelle il existe un univers plutôt que rien, franchement, je vois vraiment mal comment on pourrait apporter une réponse à ça ni comment on pourrait la valider scientifiquement.
"Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)
Je reconnais avoir raccourci. Ca me paraissait clair dans ma tête, mais la linguistique est ambigu ^^ On est pas d'accord, mais au moins on s'est compris, déjà ça.
J'aimerais me compléter.
Concernant les multivers cosmologiques, c'est de la spéculation (souvent théoriquement fondée, mais pas toujours). Mais il n'est pas exclu que certaines formes de multivers soient un jour réfutable/vérifiables. Ils peuvent donc rentrer dans le giron de la science, comme dans la dernière remarque de Paminode.
Concernant les mondes multiples d'Everett, c'est de l'interprétation de la MQ. C'est-à-dire une couche d'ontologie rajoutée à la théorie. Et c'est par construction non réfutable. Je ne suis pas contre un peu d'ontologie (je cite seulement la phrase du physicien Michel Blanton : prenez garde à trop de philosophie ), d'autant qu'il peut y avoir des avantages (des avantages pédagogiques, des facilités liées à la formulation mathématique, etc...) Même si ce n'est pas mon interprétation favorite
Tous les physiciens ne sont pas d'accord (certains sont clairement dans le "shut up and compute")
Dernière modification par Deedee81 ; 13/02/2013 à 15h25.
"Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)
Merci pour cet avis Deedee.Je ne suis pas contre un peu d'ontologie (je cite seulement la phrase du physicien Michel Blanton : prenez garde à trop de philosophie ), d'autant qu'il peut y avoir des avantages (des avantages pédagogiques, des facilités liées à la formulation mathématique, etc...) Même si ce n'est pas mon interprétation favorite
Tous les physiciens ne sont pas d'accord (certains sont clairement dans le "shut up and compute")
Par contre, (et comme nous sommes dans la section "débats" ), je ne suis pas entièrement d'accord avec le fait de considérer comme raisonable qu'un scientifique puisse se passer de la philosophie des sciences, soit de l'epistémologie.
Pour de très nombreux cas, lorsque les lois physiques ont été validées, c'est à dire que l'on admet qu'il y a une adéquation suffisante entre les lois physiques et la réalité observationelle, la philosophie est peu utile.
Non par principe, en déclarant cette discipline comme défaillante, par nature, face aux phénomènes physiques, mais par son côté pratique.
La philosophie s'appuie sur le langage et la logique, de la même manière que le font les mathématiques.
Seulement, l'aspect quantitatif se traite difficilement par le langage verbal.
Mais, lorsqu'il devient nécéssaire de juger de le l'adéquation d'un concept nouveau, c'est à dire qu'il faut trouver un consensus scientifique pour des concepts nouveaux, l'épistémologie devient incontournable. (on peut aussi faire semblant de de pas y faire appel. )
Par exemple, prennons le cas de la logique ternaire.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Logique_ternaire
On a 3 états logiques, qui peuvent dans l'absolu s'énoncer de manière arbitraire : {0,1,2}, {-1,0,1}, {A,B,C} etc.
Or, il existe une manière de noter ces états qui semble "donner du sens" à ce concept.
Comment décider que {vrai, faux, inconnu} est la conception qui "donne du sens", de manière intersubjective, autrement que par l'épistémologie ?
Le simple bon sens de chacun ?
Non, puisque choisir, au juger, sans aller au fond des choses, ce qui découle "du bon sens" et ce qui n'en découle pas, n'est pas, à mon avis, une démarche suffisante en sciences.
Salut,
Ca c'est bien possible. En tout cas, oui, pour l'épistémologie (que je ne classe pas dans la philosophie, mais il semble que sur ce point, là c'est moi qui ne fait pas consensus ).
Ca c'est bien possible aussi
Pour un exemple archi classique. J'ai déjà lu pas mal de chose sur le concept de force, son acceptation et son rejet. Les raisonnements font autant appel a des arguments pédagogiques et philosophiques que philosophiques. Perso, j'adopte une aptitude pragmatique : ça marche, je peux traduire d'autres phénomènes en force (par exemple, retrouver la gravitation de Newton à partir des lois de la relativité générale, ou les forces à partir des potentiels et de la mécanique), alors la question de son "existence" physique ne m'intéresse pas du tout. Les concepts ne sont que des mots plaqués sur des grandeurs mesurées avec des instruments (le concept de force est celui correspondant à la valeur indiquée par un dynamomètre).
Enfin, c'est du moins ainsi que je le perçois. J'ai peut-être tort.
Mais je ne saurais guère creuser plus loin. Il faudrait peut-être se plonger dans les travaux d'un Thomas Kuhn (théorie des révolutions scientifiques). Mais je n'ai pas lu.
"Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)
Vu ce qui est en jeu, je pense que toute réponse à senteur scientifique, et même sans aucune vérification possible, pourrait convenir à certains pans de la population, en tout cas amplement aussi bien que les réponses philosophico-théologiques qui ne sont pas mieux loties côté expérimentation.(attention, je ne parle pas d'intention, mais je parle de l'univers comme un tout, passé, futur, tout inclut. Une question analogue est "pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien").
Franchement, je vois mal comment on pourrait scientifiquement (c'est-à-dire expérimentalement) valider toute réponse à cette question.
Oui, mais précisément tu cites là des questions techniques qui ne concernent que les scientifiques.(note que certaines interrogations en science sont dans ce cas, par exemple les questions sur les multivers, que ce soient ceux de Everett ou de Linde, mais certains scientifiques considèrent justement que ces questions sortent du cadre de la science).
(...)
Là, tu fais un (mauvais) procès d'intention car il y a plein de questions pour lesquelles on n'a pas encore de réponse et qu'on ne jette pas à la poubelle. On cherche. Exemples :
- à court terme : pourquoi les supraconducteurs HT sont-ils supraconducteurs ? Y a-t-il une limite à ces températures ?
- A moyen termes : qu'est-ce que la matière noire ? Y a-t-il un ou plusieurs Higgs ?
- A plus long termes : pourquoi y a-t-il trois familles de particules ? Comment marier correctement MQ et RG ? C'est quoi l'énergie noire ?
- A très très long terme : comment était le tout début de notre univers ? Y a-t-il eut un pré-bigbang ?
Alors que la question "Pourquoi quelque chose ?" concerne je ne dirais pas "tout le monde" (je pense qu'une majorité du public ne s'en inquiète guère), mais en tout cas des personnes de toute obédience, sans formation scientifique, simplement curieuses, ou peut-être anxieuses (?)
Ben oui, c'est volontaire. Puisque :
1) Je suis scientifique (enfin, du moins c'est la science que j'aime )
2) C'est un forum scientifique
3) Et la remarque à laquelle je répondais était "Alors peut-être que tant que la science n'a pas de réponse, les scientifiques disent "poubelle" avec une fausse pudeur de pucelle effarouchée.". Et c'est faux. Il y a des tas de questions sans réponse pour lesquelles les scientifiques ne disent pas "poubelle". Ce n'est pas pour cette raison là qu'ils disent (ou plutôt moi ) "poubelle".
"Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)
En fait, il manquait quelques mots dans ma phrase, sous-entendus.3) Et la remarque à laquelle je répondais était "Alors peut-être que tant que la science n'a pas de réponse, les scientifiques disent "poubelle" avec une fausse pudeur de pucelle effarouchée.". Et c'est faux. Il y a des tas de questions sans réponse pour lesquelles les scientifiques ne disent pas "poubelle". Ce n'est pas pour cette raison là qu'ils disent (ou plutôt moi ) "poubelle".
Je voulais dire :
"Alors peut-être que tant que la science n'a pas de réponse sur cette question-là précise, les scientifiques disent "poubelle" ",
et non énoncer une loi générale qui, en effet, peut passer pour un procès d'intention effectivement totalement déplacé, bien loin de ma pensée, vu l'immense respect que je montre à l'égard de la science et des scientifiques .
Là je suis d'accord (bien que comme je l'ai dit, je vois mal comment on pourrait arriver à trouver une réponse à cette question-là précise, mais, bon, la vie est tellement pleine de surprise )
"Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)