Alain Prinzhofer et Eric Deville, dans leur livre « Hydrogène naturel: La prochaine révolution énergétique ? » (1), évoquent les nombreuses émissions naturelles d’hydrogène présentes à la surface de la Terre. Ils montrent qu’une des sources probables de cet hydrogène naturel est la réaction de serpentinisation. Cette réaction a lieu lorsque de l’eau entre en contact avec des péridotites.
La thèse de Benjamin Malvoisin « Conditions réductrices associées à la serpentinisation » (2) étudie cette réaction. Ce travail montre également la possibilité de produire de l’hydrogène à l’aide de laitiers sidérurgiques. Que ce soit à partir de péridotite ou de laitier sidérurgique, l’hydrogène est obtenu par l’oxydation du Fe2+ par l’eau. Deux paramètres contrôlent la cinétique de la réaction : la température et le pH. Le pH élevé nécessaire à la réaction est généré par la forte concentration en ion Mg2+ et Ca2+ des péridotites et des laitiers sidérurgiques.
Je vous propose d’appliquer la réaction de serpentinisation à une autre source de Fe2+, les basaltes, pour produire de grands volumes d’hydrogène.
Les basaltes sont les roches ignées les plus abondantes à la surface de la Terre, alors que les péridotites sont peu présentes dans la croûte terrestre. La teneur en Fe2+ de ces deux types de roches est similaire (3) mais les basaltes n’ont pas la forte teneur en Mg2+ des péridotites. La concentration en Mg2+ des basaltes ne permet pas à ces roches de réagir au contact de l’eau comme les péridotites. Pour produire de l’hydrogène avec de l’eau et du basalte il faut augmenter le pH par un moyen extérieur.
Pour exploiter le Fe2+ contenu dans les basaltes, la séquence pourrait être la suivante :
- forage vertical pour atteindre une couche souterraine de basalte,
- forage horizontal dans la couche de basalte suivi d’une fracturation hydraulique,
- envoi dans le puits d’un lait de chaux.
Le lait de chaux est la base la moins chère et confère à l’eau en contact avec le basalte un pH de plus de 12 (4). Ce devrait être un pH suffisant pour permettre l’oxydation du Fe2+ de la roche. Les ions OH- apportés par le lait de chaux n’étant pas consommés, l’entretien de la réaction devrait se faire par un ajout régulier d’eau dans le puits.
L’autre paramètre contrôlant la réaction, la température, est déterminé par la profondeur du puits. Si la couche de basalte forée est à plus de 4000 mètres de profondeur, la température de la roche devrait être supérieure à 150°C. Selon la cinétique établie dans la thèse de M. Malvoisin, cette température devrait permettre une vitesse de réaction suffisante d’autant que cette chaleur est fournie gratuitement par la Terre.
Un autre élément pourrait être favorable à l’entretien de la réaction dans le puits : l’oxydation du Fe2+ transforme l’olivine contenue dans de la roche en serpentine. Comme cela est montré dans la thèse (2), ce passage d’un minéral à l’autre produit un gonflement et génère une pression de cristallisation de 300 MPa. Cette pression est supérieure à la pression lithostatique jusqu’à des profondeurs de 10 km. Cette situation pourrait rendre le puits autofracturant.
La courbe de production d’hydrogène pourrait être similaire à celle d’un puits de gaz de schiste et donc durer plusieurs années. Après la fin de la production, le puits reste utilisable pour le captage de CO2 ou pour la géothermie.
(1) « Hydrogène naturel: La prochaine révolution énergétique ? » par Alain Prinzhofer et Eric Deville, éditions Belin
(2) https://tel.archives-ouvertes.fr/fil..._archivage.pdf
(3) http://www.geolalg.com/chabou/cours4.pdf
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Eau_de_chaux
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