Chers membres du forum, étudiants, physiciens, ingénieurs et autres spécialistes des sciences en général.
J'ouvre cette discussion sur un sujet très large, qui, pour pouvoir espérer des éléments de réponses pertinents et rigoureux, devraient être débattus par des détenteurs de savoir dans des domaines très variés. Toutefois, s'il est vrai que l'expertise est un critère garant de la qualité d'une discussion, j'aime penser que l'expérience de chacun est un éléments nécessaire et suffisant pour avoir le droit de partager son opinion voire ses hypothèses sur des questions aussi vastes et complexes soit-elle. Au regard de l'importance du sujet que j'ouvre, il est très probable que mon message soit très long et dense, veuillez m'excuser d'avance si parfois les informations sont trop nombreuses ou trop peu claires. Veuillez également accepter toute ma gratitude si vous prenez le temps de me lire voire peut être même me répondre.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'attire votre attention sur le fait qu'il n'y a pas de question précise, mais que l'objectif est d'entamer une discussion non exhaustive sur le sujet avec des personnes intéressées. Pour commencer, voici un bref résumé de ma situation et de mon expérience personnel qui fait qu'aujourd'hui je suis en train d'écrire ce message et de solliciter l'avis de l'Autre (avec un grand A). En effet, aussi fûté et teigneux que je puisse être lorsque je réfléchis aux questions que je me pose, j'ai toujours trouvé les meilleurs pistes de réflexions dans la divergence de pensée et le partage des idées.
Voilà maintenant près de 6 ans que j'ai quitté les bancs de l'enseignement obligatoire. A cette époque, j'étais loin du modèle de l'élève idéal, la rigueur et le travail ne faisaient pas partie de mes qualité premières contrairement à l'humour et l'envie de rendre un tant soit peu plus amusant les journées que je passais à moitié endormi à écouter des personnes qui parlaient de sujets parfois ennuyeux, parfois beaucoup trop compliqués pour être compris pleinement à raison de quelque heures par semaines. Une fois mon bac obtenu à l'âge de 17 ans, je me suis rendu en fac de droit car il s'agissait de la seule option immédiate à mes yeux à cet instant. Déjà au lycée, les options mathématiques/scientifiques me semblaient être les plus difficiles. Là ou je me contentais d'étudier le moins possible pour certains cours afin d'avoir la stricte moitié nécessaire, les cours de mathématiques, physique et chimie ne me laissaient aucune chance. M'étant persuadé de ne pas être fait pour cette filière je me suis lancé dans le droit pendant plusieurs années. Seulement même si ces matières étaient synonymes d'échec et de difficultés, j'en ai directement ressenti le manque. Il y a deux ans, j'ai décidé d'arrêter mes études de droit pour reprendre des études math/physique à l'université. D'un certain côté, j'ai l'impression que c'est le meilleur choix que j'ai fait de ma vie, d'un autre côté, j'ai peur d'avoir peut être fait le pire, je m'explique.
Ma première année à l'université en filière scientifique a été un véritable échec. Même si je m'étais persuadé qu'avec de la volonté et du travail, tout était possible, le niveau de compétence requit pour pouvoir apprendre efficacement ce qui était enseigné était beaucoup trop élevé de sorte qu'après un an, je ne pense même pas avoir atteint le niveau prérequis de capacité pour ne serait-ce que entamer ce type d'études. Je précise que je me suis toujours intéressé à de nombreuses activités « intellectuelles » telle que la musique, la philosophie, certain jeux/ jeux vidéos. Même si je suis parfois fainéant et têtu, je ne me suis jamais considéré comme une personne stupide et j'ai bénéficié d'une éducation pour laquelle je suis très reconnaissant. D'un autre côté, je me rappelle que le premier jour où je me suis assis en amphithéâtre et que j'ai assisté au cours d'algèbre linéaire, d'analyse et de physique, je me suis dis pour la première fois de ma vie que j'étais passionné par quelque chose sans même le comprendre.
A l'heure actuelle, je suis des cours de remise à niveau pour pouvoir entamer de nouveau ces études l'année prochaine parce que pouvoir prétendre un jour au titre de physicien serait pour moi un rêve. Maintenant plus que jamais, je baigne dans ce milieu et je commence à y retrouver certains repères mais tout de même je me demande constamment si le niveau de compétence que je développe est suffisant pour pouvoir être à la hauteur. Devoir s'auto évaluer en permanence en fonction de la quantité de travail fourni et devoir se prononcer sur l'état de ses capacités est devenu pour moi un véritable enfer, une sorte de prison mentale générant énormément de stress et de peur souvent transformée en colère. Aujourd'hui j'en suis à un point ou ce qui me passionne me rend terriblement malheureux à cause de toute ces questions relative à la capacité. J'ai énormément d'admiration face aux personnes qui m'enseignent, mais maintenant plus que jamais, j'ai besoin de savoir à quel point ces même personnes (donc vous) ont éprouvées des difficultés lorsqu'elles apprenaient ces matières. Aussi, comment ces difficultés se sont présentées à vous, si elles ressemblent à celle que je vais vous présenter plus bas ou si au contraire le genre de difficultés que je rencontre témoignent de mon incompétence/ manque de capacité intellectuel dans le domaine mathématique et scientifique.
Durant ces dernières années, je me suis beaucoup intéressé à ces questions épistémologiques et psychologiques. J'ai énormément réfléchis et écrit sur le vaste sujet qu’est l’apprentissage notamment sur mon expérience personnel et les difficultés que je pouvais rencontrer dans cette activité. J'ai bien conscience qu'en aucun cas il sera possible d'être exhaustif concernant ce sujet, mais mon premier constat est justement d'affirmer que même si les études n'ont jamais été aussi valorisées qu'a l'heure actuelle, personne ne parle vraiment de ce que c'est, de l'intérêt direct que cela présente au delà de l'aspect professionnel et social mais bien au niveau de la contribution direct à la discipline que l'on étudie. Toujours posée comme évidente mais jamais vraiment expliquée de manière claire : que ce que l'étude ? Que ce que étudier ? Quel lien y-a-il entre savoir et étudier ? Pendant combien de temps les choses que l'on étudient restent ancrées en nous ? Les détient-on pour toujours ? S'agit il juste d'apprendre à apprendre ? Etudier n'a il que pour objectif de faire ses preuves ? Témoigner de capacités intellectuelles déjà innées en nous ? Pour beaucoup de mes amis qui ont terminé leur étude, la plupart d'entre eux n'appliquent qu'une très faible partie de tout ce qu'ils ont du apprendre. Ils se spécialisent au détriment de leur objet de savoir général.
Sans entrer dans les détails de la doctrine scientifique concernant l’apprentissage, l’intelligence, les capacités de chacun et les détails de la doctrine philosophique sur le déterminisme et le libre arbitre, j’aimerai juste savoir d’un point de vue totalement subjectif si il vous est déjà arrivé/vous arrive fréquemment de partager le même ressenti que moi lorsque vous êtes confronté à devoir apprendre des points de matières. Je vais essayer de rendre compte au mieux les divers problématiques que je rencontre lorsque j’apprends et plus précisément pourquoi apprendre par pur plaisir et apprendre dans le cadre d’un enseignement académique sont des choses diamétralement opposées.
Un cours constitue un ensemble prémâché de concepts et notions très peu approfondis que l'on doit accepter par argument d'autorité. On ne juge jamais nécessaire de systématiser la pensée des personnes qui ont développé leur théorie dans une époque différente de la notre avec des enjeux et des contraintes très différentes. Pour illustrer mon propos, lorsque l'on m'a enseigné la dualité onde-corpuscule à l'école, on a toujours essayé de me faire poser cela comme une évidence qu'il s'agit d'un paradoxe, que si c'est une onde c'est pas possible que cela soit une particule et inversément. Que toute la physique quantique repose sur le fait qu'au niveau subatomique, la mécanique classique ne permet pas d'expliquer ce paradoxe. Seulement déjà pour comprendre véritablement tout cet enjeu, il existe à cette époque des centaines de notions d'électromagnétismes, de thermodynamique, qui sont expérimenté en laboratoire par des personnes expertes dans leur domaine, comme Bohr et l'étude sur le rayonnement électromagnétique des corps noirs et tellement d'autres. Alors comment sommes nous censé faire, pour apprendre en quelque années des phénomènes et concept qui ont pris parfois presque un siècle pour être appréhendé ? Au début, j'ai toujours eu le vif sentiment d'être profondément stupide, de ne pas comprendre, et en fait plus tard j'ai compris que mes questions étaient bonnes, qu'elle renvoyait à des questions très intéressante que les contemporains du sujet étudié s'étaient également posées mais qu'il était largement préférable de ne pas aborder dans le cadre d'un cours adressé à des élèves de 16 ans. Mais comment faire pour pleinement comprendre des concepts qui requiert d'avoir compris ce que des génies comme Newton n'ont jamais compris de leur vivant ? Comme si au final la naïveté l'emportait toujours dans le modèle de l'intelligence scolaire/académique. Comme si le fait d'accepter de mémoriser quelque chose qu'on ne conceptualise pas soi même était la clef pour avancer. A l'instar d'Einstein qui remettait en cause l'interprétation de Copenhague parce qu'il était convaincu qu'il existait des variables cachées, j'ai l'impression de voir bien plus clairement les lacunes qu'un cours fait pour éviter de rendre trop complexe des choses. Mais pour moi, plus on cherche à simplifier les choses, moins l'argumentation me parait avoir de poids et plus difficile cela rend mon étude.
Ce que j'aime dans les math, la physique et les sciences, au delà de comprendre comment le monde et l'univers fonctionne c'est avant tout de voir comment l'Homme a crée des subterfuges d'une intelligence splendide pour les étudier. Malheureusement trop souvent ces idées emblématiques sont réduites à un simple énoncé comme s'il était une évidence depuis toujours. Comme si le but était de pouvoir juste énoncer la conclusion en quelque lignes d'un penseur, plutôt que son travail qui lui a permis d'arriver à ladite conclusion. Trop souvent dans mes cours j'ai l'impression que l'on triche, que l'on réponds à certaines questions avec des réponses que ces même questions on permis de trouver, mais par tâtonnement, en essayant peut être des milliers d'autres hypothèses avant. Par contre moi, si cela ne me semble pas évident, je suis forcément condamné à être considéré comme un mauvais élève.
Suis-je le seule à avoir ce genre de problèmes ?
Le sujet commence à devenir vraiment trop long, et j'ai peur de perdre toute attention, néanmoins j'ai un tas d'autre exemple et d'autre situations que j'aimerai illustrer et dont j'aimerai discuter avec les personnes que ça peut intéresser.
Mille merci à vous,
Quarkent
-----