Flèche du temps, entropie, et matière
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Flèche du temps, entropie, et matière



  1. #1
    sunyata

    Question Flèche du temps, entropie, et matière


    ------

    Bonjour,

    Ma question est simple :

    Comment se fait-il que la flèche du temps concerne l'univers dans sa globalité, alors que l'entropie semble ne concerner que l'énergie.

    J'ai cru comprendre qu'il n'y avait pas d'entropie de la matière.

    Pourtant un verre qui tombe au sol qui se brise et dont les composants s'éparpillent ne répare pas spontanément.
    Toute l'activité humaine est pour l'essentiel une lutte contre la dégradation spontanée des maisons, des installations techniques, bref de tous nos artefacts matériels.
    Bref nous luttons en permanence contre les effets de transformations irréversibles qui nous entourent. Les phénomènes d'usure, d'obsolescence de nos installations etc...ponctuent l'écoulement du temps et constituent sa flèche.

    La flèche du temps semble donc inclure l'évolution de la matière...

    Cordialement

    -----
    Dernière modification par sunyata ; 03/09/2024 à 11h12.

  2. #2
    ThM55

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    L'entropie ne concerne pas "que l'énergie". L'énergie est une grandeur conservée et le théorème H de Gibbs dit que lorsque l'entropie a atteint son maximum après un temps de relaxation, la distribution de probabilités doit dépendre uniquement des grandeurs conservées. C'est de cette façon que l'énergie apparaît car c'est la première des grandeurs conservées. Mais il peut y avoir d'autres grandeurs, en particulier quand des réactions chimiques peuvent se produire au sein du système. Donc l'entropie et son augmentation décrit vraiment toutes les circonstances où l'état d'un système isolé évolue naturellement.

    Dans ce cadre conceptuel, l'irréversibilité est un résultat inévitable de notre description des systèmes au moyen de probabilités. D'une certaine manière c'est une "illusion". C'est un peu comme cela je pense qu'il faut comprendre la remarque qu'Einstein avait faite à la veille de sa mort, quand il disait que la distinction entre le passé et le futur est une illusion.

  3. #3
    Amanuensis

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par sunyata Voir le message
    Toute l'activité humaine est pour l'essentiel une lutte contre la dégradation spontanée des maisons, des installations techniques, bref de tous nos artefacts matériels.
    Bref nous luttons en permanence contre les effets de transformations irréversibles qui nous entourent. Les phénomènes d'usure, d'obsolescence de nos installations etc...ponctuent l'écoulement du temps et constituent sa flèche.
    On peut y inclure aussi les phénomènes d'usure, d'obsolescence de notre propre organisme. Ce "qui ponctue tout aussi bien l'écoulement du temps", et l'inefficacité résiduelle de cette "lutte" contre cette usure s'appelle le vieillissement (et d'un autre nom quand inefficacité de la "lutte" fait qu'elle est abandonnée).
    Dernière modification par Amanuensis ; 03/09/2024 à 12h25.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  4. #4
    Amanuensis

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    Dans ce cadre conceptuel, l'irréversibilité est un résultat inévitable de notre description des systèmes au moyen de probabilités. D'une certaine manière c'est une "illusion".
    J'ai du mal à concevoir le vieillissement comme le résultat d'une "description", ou même une "illusion" !

    =======

    La remarque qui suit est HS (ce qui en pratique indique que s'il semble utile d'y réagir, on peut créer une nouvelle discussion)

    C'est un peu comme cela je pense qu'il faut comprendre la remarque qu'Einstein avait faite à la veille de sa mort, quand il disait que la distinction entre le passé et le futur est une illusion.
    C'est devenu un trope courant que d'utiliser cette citation quand il est question d'irréversibilité. Dans quelle mesure est-ce une interprétation a posteriori, adaptée à un besoin contemporain non pas de la remarque mais de l'interprétation, plutôt qu'une interprétation conforme à ce que l'auteur pensait?

    Mon opinion est que l'auteur évoquait autre chose...

    L'astuce rhétorique consiste à appuyer l'interprétation contemporaine à un nom illustre qui va, effet usuel, tendre à faire accepter comme pertinente l'interprétation, du moins à ceux qui sont sensibles à la renommée de l'auteur plus qu'à la signification de l'énoncé en soi.
    Dernière modification par Amanuensis ; 03/09/2024 à 12h56.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Amanuensis

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Autre commentaire...

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    L'entropie ne concerne pas "que l'énergie".
    C'est correct.

    Maintenant, l'énergie a un rôle singulier dans la "lutte contre la dégradation spontanée". Cette lutte passe (la plupart des cas en pratique) par la dégradation ("dissipation") d'une source d'énergie "à basse entropie" en un puits d'énergie "à plus haute entropie". Exemple, l'énergie solaire à 5800 K dissipée en énergie thermique vers 300 K.

    Doit bien y avoir des exemples où la "lutte" utilise ("dissipe") une différence d'entropie autre que portée par de l'énergie, si possible par une autre grandeur conservée, mais je n'en ai pas à présenter ici et maintenant.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  7. #6
    mach3
    Modérateur

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par Amanuensis Voir le message
    Doit bien y avoir des exemples où la "lutte" utilise ("dissipe") une différence d'entropie autre que portée par de l'énergie, si possible par une autre grandeur conservée, mais je n'en ai pas à présenter ici et maintenant.
    Peut-être le mélange de deux gaz parfaits initialement aux même températures et pressions dans un récipient adiabatique de volume constant (typique du "paradoxe" de Gibbs).

    m@ch3
    Never feed the troll after midnight!

  8. #7
    sunyata

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par Amanuensis Voir le message
    Autre commentaire...

    C'est correct.

    Maintenant, l'énergie a un rôle singulier dans la "lutte contre la dégradation spontanée". Cette lutte passe (la plupart des cas en pratique) par la dégradation ("dissipation") d'une source d'énergie "à basse entropie" en un puits d'énergie "à plus haute entropie". Exemple, l'énergie solaire à 5800 K dissipée en énergie thermique vers 300 K.

    Doit bien y avoir des exemples où la "lutte" utilise ("dissipe") une différence d'entropie autre que portée par de l'énergie, si possible par une autre grandeur conservée, mais je n'en ai pas à présenter ici et maintenant.
    Merci pour ces éléments de réponse :

    Selon vous est-ce que le concept d'augmentation d'entropie peut s'appliquer aux phénomènes suivants : (Même si l'aspect quantitatif est difficile, voir impossible à évaluer).

    - Usure des plaquettes de frein d'une voiture.

    - Difficultés de recyclage de certains matériaux (déchets ultimes )

    - Vieillissement des matériaux et notamment des matières plastiques qui se dénaturent avec le temps et deviennent cassants.

    - Dispersion du CO² issus de la combustion des carburants dans notre atmosphère.

    - Vieillissement des organismes biologiques.

    - Erosion des montagnes

    - Contamination des métaux recyclés qui ne peuvent plus être utilisés pour certaines applications technologiques.
    Dernière modification par sunyata ; 03/09/2024 à 15h24.

  9. #8
    Amanuensis

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par sunyata Voir le message
    Selon vous est-ce que le concept d'augmentation d'entropie peut s'appliquer aux phénomènes suivants :
    Oui pour tout.

    C'est direct dans nombre de ces cas quand on a compris que l'augmentation de l'entropie = la marche vers l'homogénéité. Par exemple l'érosion des montagnes = marche vers l'altitude moyenne constante.

    Autre application: la "distance" à l'équilibre thermodynamique. On peut analyser le cas des organismes biologiques ainsi; ils sont maintenus dans un état très loin de l'équilibre thermodynamique (une forme d'homogénéité). C'est un maintien actif. Quand ce maintien disparaît , alors la matière se dégrade vers l'équilibre thermodynamique (sauf obstacle "passif", genre température proche de 0 K).
    Dernière modification par Amanuensis ; 03/09/2024 à 15h39.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  10. #9
    Amanuensis

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Le cas de l'érosion est intéressant (et moins dérangeant que celui des organismes vivants).

    Si l'érosion s'analyse par le second principe, la création de montagne apparaît comme une baisse d'entropie locale à la Terre. C'est le résultat des mouvements tectoniques, eux-mêmes "motorisés" par la dissipation de l'énergie thermique des couches internes de la planète, la dissipation étant la conversion de cette énergie en rayonnement vers l'espace (infra-rouge)-- et le total tout compris est bien une augmentation de l'entropie. Les montagnes s'érigent comme conséquence à la marche vers l'homogénéité thermique de l'intérieur de la Terre perdue dans un Univers plus froid, leur érosion est la forme que prend ensuite le phénomène.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  11. #10
    ordage

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par mach3 Voir le message
    Peut-être le mélange de deux gaz parfaits initialement aux même températures et pressions dans un récipient adiabatique de volume constant (typique du "paradoxe" de Gibbs).

    m@ch3
    Bonjour
    Le concept d'entropie a une définition générale mathématique en théorie de l'information, indépendante de toute application physique.

    L'information requise pour décrire totalement un système (une configuration) est d'autant plus grande que son "entropie" est faible et vice-versa .

    C'est appliqué en thermodynamique et mécanique statistique mais pas que...

    En informatique, on utilise les codages "entropiques" (à entropie aussi grande que pratiquement possible) pour minimiser la quantité d'information stockée ou transmise (compactification) , c'est utilisé dans des algorithmes comme le MP3, MP4 par exemple.

    Pour ce qui est de l'énergie, il ne faut pas oublier que c'est la grandeur physique associée au temps et il n'y a pas que le temps en physique et, si on croît la relativité générale, le temps n'a pas de caractère physique, cela devrait aussi valoir pour l'énergie...

    Cordialement

  12. #11
    ThM55

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    La question du vieillissement est quelque chose d'un peu plus compliqué. Il y a d'abord une accumulation d'erreurs dans la reproduction des cellules et de leur ADN, et ça c'est simplement un effet entropique. Il y a aussi le raccourcissement des télomères et la méthylation de l'ADN, probablement lié à cette instabilité de l'état de basse entropie. Mais il y a aussi des facteurs évolutifs, qui sont un peu plus spéculatifs dans le détails mais qu'on peut difficilement mettre en doute. Par exemple certains ont supposé que la ménopause favorisait les groupe humains qui l'ont "développée" en rendant les femmes plus âgées plus disponibles pour aider les jeunes mères à protéger les petits (on retrouve ces comportements même dans nos sociétés urbaines modernes où les grands-parents sont souvent sollicités). Il est probable que l'espérance de vie limitée et le vieillissement accéléré de certain animaux soit liée à des facteurs purement évolutifs favorisant ou en inhibant certains comportement liés à la reproduction des gènes.

    Mais en ce qui concerne notre perception de l'irréversibilité et de la "flèche du temps", il y a une subtilité qu'il faut prendre en compte. En tant qu'humains conscients nous avons une position très singulière, partagée partiellement avec certains animaux. Nous sommes sur un piédestal, avec notre cerveau composé de milliards de neurones, maintenu provisoirement en vie par l'apport de nourriture, elle-même fournie par la terre qui est inondée d'une source d'énergie dirigée venant de notre soleil. Ces neurones sont capables d'accumuler de l'information et nous permettent aussi de restituer en partie cette information et de la présenter à la conscience. C'est évidemment un aspect fondamental de la condition humaine (et éléphantesque, ainsi que certainement pour d'autres animaux) et c'est une chose qui est très singulière. On pourrait objecter que tout a une "mémoire". Par exemple les roches et les terrains ont une "mémoire": en les observant on peut reconstituer en partie ce qui s'est passé dans les temps géologiques. Mais cette objection ne tient pas la route car il s'agit d'une mémoire d'une autre nature. Elle est passive et la terre elle-même ne peut pas la restituer pour la présenter à sa conscience, qu'elle n'a pas. De même pour les végétaux, les virus et bactéries, les insectes... Chez l'humain cette mémoire est associée à une conscience du temps personnel et à la prise de conscience d'une histoire collective, éventuellement mythique mais faisant partie de la culture d'un groupe. Elle nous place sur un piédestal, une position singulière dont nous n'avons pas toujours parfaitement conscience. En effet, de ce point de vue privilégié mais temporaire et précaire, nous assistons avec dépit à l'évolution normale des systèmes, y compris de notre propre corps, vers des états de plus en plus probables, donc plus désordonnés. On oublie très souvent cette position sur un piédestal que nous avons quand on parle de la "flèche du temps" comme quelque chose qui serait propre à la matière, indépendamment de notre condition d'être humain.
    Dernière modification par ThM55 ; 03/09/2024 à 16h59.

  13. #12
    Amanuensis

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    Mais en ce qui concerne notre perception de l'irréversibilité et de la "flèche du temps", il y a une subtilité qu'il faut prendre en compte.
    Oui: qu'il s'agit de perception.

    Qu'il y ait un aspect subjectif dans la perception est une évidence. Mais cela n'interdit pas un aspect objectif. (Voir cette question en tout ou rien me semble être un des problèmes que j'entrevois dans l'autre fil...)

    Faire le tri entre les deux aspects, voilà le défi.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  14. #13
    ThM55

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Boltzmann a essayé de prouver son fameux "théorème H" d'après lequel une fonction H de l'état d'un système isolé doit toujours décroître (d'où l'entropie posée égale à -kH). Il l'a fait à partir de son équation statistique et le fait est que cette équation n'est pas invariante sous le renversement du temps, d'où les critiques qu'il a subies à l'époque, l'accusant (erronément) d'introduire la conclusion dans l'hypothèse de départ.

    Or ce théorème a été par la suite simplifié par Gibbs, qui a donné une démonstration indépendante de l'équation de Boltzmann, en raisonnant uniquement à partir d'une distribution de probabilités microscopique des états des molécules et avec les lois des probabilités. Tolman l'a ensuite formulé dans le cadre de la mécanique quantique. Ce qui est frappant c'est que cette démonstration utilise explicitement la réversibilité des lois dynamiques microscopiques! Donc en supposant que les lois sont réversibles, si on raisonne probabilistiquement, on aboutit à une évolution irréversible. La violation de CP entraine une violation de T dans certains phénomènes, mais on a pu montrer que cela ne change rien au théorème et de toute façon cela ne concerne que certains phénomènes spéciaux en physique des particules. Dans tous les autres cas, la dynamique microscopique est réversible et c'est notre description probabiliste qui résulte dans le théorème H.

    On trouve une démonstration simplissime du théorème H dans le dernier livre de Steven Weinberg (Foundations of Modern Physics, section 2.4): https://www.google.be/books/edition/...J?hl=fr&gbpv=1

    Une illustration très visuelle de cette question est celle de "l'urne d'Ehrenfest", proposée par Paul et Tatiana Ehrenfest.

    En ce qui concerne la citation d'Einstein, il est très clair que c'est précisément cela qu'il voulait dire, il l'avait déjà exprimé longtemps avant lors de débats sur la question de l'irréversibilité (je pourrais retrouver les références).

    Cela ne veut pas dire que ces considérations épuisent le sujet. Comme je l'ai suggéré dans mon message précédent, nous "voyons" le monde comme irréversible car nous avons une position privilégiée. Si l'univers entier était complètement retourné à un état d'équilibre thermodynamique total (comme cela arrivera peut-être s'il est en expansion éternelle et après que tous les trous noirs se soient évaporés), tout serait complètement réversible, il n'y aurait plus aucune manifestation de la "flèche du temps" mais il n'y aurait non plus personne pour l'observer! Il y a évidemment quelque chose de très mystérieux derrière tout cela et il serait fou de prétendre que nous avons une parfaite compréhension de la question.
    Dernière modification par ThM55 ; 03/09/2024 à 17h37.

  15. #14
    ThM55

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    J'aurais dû écrire "les urnes d'Ehrenfest" au pluriel (il y en a deux).

  16. #15
    Amanuensis

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Cela ne veut pas dire que ces considérations épuisent le sujet. Comme je l'ai suggéré dans mon message précédent, nous "voyons" le monde comme irréversible car nous avons une position privilégiée.
    Peut-être, pour le "voyons". Mais par ailleurs on utilise une modélisation incluant l'irréversibilité parce que ça marche. La vision "positiviste" amène à l'accepter comme élément du modèle.

    La physique "qui marche" peut se contenter d'une notion circulaire d'observation, sans avoir à expliquer le mécanisme de l'observation.

    Si l'univers entier était complètement retourné à un état d'équilibre thermodynamique total (comme cela arrivera peut-être s'il est en expansion éternelle et après que tous les trous noirs se soient évaporés), tout serait complètement réversible, il n'y aurait plus aucune manifestation de la "flèche du temps" mais il n'y aurait non plus personne pour l'observer!
    Et en plus c'est contrafactuel; donc (dans ma manière de voir) non "positiviste". Mais un bon sujet pour des discussions d'opinion...

    =====

    Suite du HS

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    En ce qui concerne la citation d'Einstein, il est très clair que c'est précisément cela qu'il voulait dire,
    Je n'ai pas de faculté de médium permettant de savoir "ce que voulait dire" une personne décédée.

    il l'avait déjà exprimé longtemps avant lors de débats sur la question de l'irréversibilité (je pourrais retrouver les références).
    Merci d'avance.

    Même si interpréter des citations (de qui que ce soit) me paraît sans grand intérêt : s'il faut défendre une idée, cela doit se faire sur la base de l'idée elle-même. La seule référence utile serai un texte qui défende l'idée, l'argumente, et pour commencer l'expose dans un contexte clair.

    Et même si l'interprétation d'une assertion A n'est pas nécessairement garantie par l'interprétation d'une assertion B, faite à une époque et un contexte différents.

    Hors les maths, interpréter un texte ou une citation a toujours, nécessairement, un aspect subjectif, et que les interprétations divergent est la norme, amenant à des discussions d'opinions.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  17. #16
    chaverondier

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par Amanuensis Voir le message
    J'ai du mal à concevoir le vieillissement comme le résultat d'une "description", ou même une "illusion" !
    Je partage ton avis. L'interprétation selon laquelle l'écoulement irréversible du temps (1) devrait être considéré comme une illusion, comme proposé par Einstein ou encore par Thibault Damour (2), est la conséquence de leur choix d'une interprétation réaliste de la physique, une interprétation selon laquelle il pourrait exister une physique objective, une physique fondamentale qui ne devrait rien à l'observateur et dont la science se devrait de chercher à fournir la description la plus fidèle possible.

    Le refus d'accorder une légitimité à l'intrusion de l'observateur macroscopique dans le champ de la physique requière d'interpréter l'entropie pertinente qui lui est propre (3), et donc sa création, comme une illusion. En effet, l'entropie pertinente, le manque d'information de l'observateur macroscopique (les êtres vivants), résulte du partitionnement des états microphysiques en gigantesques classes d'équivalence d'états macroscopiques définies par un tout petit nombre de grandeurs macroscopiques pertinentes à notre échelle macroscopique d'observation (une information très incomplète).

    Les lois d'évolution fondamentales sont unitaires, donc déterministe et réversibles (trous noirs inclus). L'apparition de l'irréversibilité, de l'indéterminisme et de toutes les manifestations d'asymétrie temporelle, violant la symétrie CPT (4), demande la prise en compte de l'observateur et de son manque intersubjectif d'information (sa grille de lecture).

    La physique devrait, à mon sens, être considérée comme un outil d'inférence bayésienne, reposant sur l'information nécessairement incomplète de l'observateur macroscopique, dans l'esprit des Bohr, Born, Heisenberg, Gell-mann, Rovelli, Fuchs, Peres, Balian, Grinbaum, Bitbol, etc, etc et non comme un outil de description, aussi fidèle que possible, de lois déterministes et réversibles et de propriétés de l'univers supposées objectives (cad supposées indépendantes de la notion d'observateur) dans l'esprit d'Einstein, Schrödinger, Bohm, Bell, Goldstein, Bricmont etc, etc.

    Quantum Mechanics, nous dit E.T. Jaynes, aims at making “the best possible predictions from the partial information that we have when we know ψ” (5). Selon l'interprétation positiviste de la physique quantique proposée par C. Fuchs, Qbism = Quantum Bayesianism = Quantum betabilitarianism: ability to make optimally winning bets on the basis of incomplete information (6).

    Sans prise en compte des limitations d'accès à l'information de l'observateur macroscopique, il n'y a ni indéterminisme, ni irréversibilité, ni traces du passé, ni distinction entre évènements passés et évènements futurs, ni écoulement irréversible du temps, ni principe de causalité (7).


    (1) R. Balian, le temps macroscopique, Colloques de la Société Française de Physique : le Temps et sa Flèche ; Paris, France ; 1993-12-08

    (2) Thibault Damour, L'écoulement du temps est une illusion, Nov. 2016, Usbek & Rica

    (3) R. Balian, Incomplete descriptions and relevant entropies,1999, Am.J.Phys.67, 1078

    (4) H. Price, Time’s Arrow and Eddington’s Challenge, 2010, Séminaire Poincaré XV, Le Temps 115 – 140
    The thermodynamic arrow isn’t just a T- asymmetry, it is a PCT-asymmetry as well.
    (5) E.T. Jaynes, Probability In Quantum Theory, How would quantum theory be different? Workshop on Complexity, Entropy, and the Physics of Information, Santa Fe, New Mexico, 1989

    (6) C. Fuchs, A Private View of Quantum Reality, Juin 2015, Quanta magazine

    (7) C. Rovelli, Forget time, 2009, 'First Community Prize' of the FQXi 'The Nature of Time' Essay Contest
    The time of our experience is associated with a number of peculiar features that make it a very special physical variable. Intuitively (and imprecisely) speaking, time “flows”, we can never “go back in time”, we remember the past but not the future, and so on. Where do all these very peculiar features of the time variable come from?

    I think that these features are not mechanical. Rather they emerge at the thermodynamical level. More precisely, these are all features that emerge when we give an approximate statistical description of a system with a large number of degrees of freedom.

  18. #17
    Amanuensis

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par chaverondier Voir le message
    La physique devrait, à mon sens, être considérée comme un outil d'inférence bayésienne,
    Dans mon langage, mais c'est la même chose, la physique est d'abord un outil permettant le prévoir des observations futures, à partir d'observations passées. En développant un cran, permettant le prévoir des observations futures une fois faites, à partir d'observations passées d'une part généralisées par hypothèses raffinées par inférence bayésienne ("lois"), et d'autre part spécifiques à la prédictions tentée (pari).

    La confusion vient de chercher à voir aussi la physique comme la description de "quelque chose" (qui sera nommé "réalité") d'une part parce qu'on en ressent le besoin, d'autre part comme "justification" que la physique "marche" (c'est à dire permet de prendre des paris avec une grande vraisemblance de réussite). C'est quelque part une confusion, car on peut très bien se contenter d'une physique "qui marche" sans avoir besoin d'expliquer "pourquoi" elle marche.

    Notons que c'est ce font la plupart des gens pour les outils matériels à leur disposition! Le parallèle renforce l'idée de "réalisme", parce que lesdits outils sont artificiels et certains ont les informations sur leur construction et leur fonctionnement...

    Et quand j'écris "confusion", je pourrais pousser plus loin et présenter la recherche d'une réponse à "pourquoi la physique marche-t-elle si bien?" comme ressortissant à la philosophie.

    (Au passage, c'est comme cela que je crois comprendre l'opposition entre "réalisme" et "positivisme", dans l'autre fil.)
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  19. #18
    Amanuensis

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    PS: Je tiens à préciser que "ressortir à la philosophie" n'est en rien péjoratif. C'est juste souligner que la forme du discours, la recherche de la conviction, ne procèdent pas des mêmes méthodes en physique et en philosophie. D'où un risque de confusion...
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  20. #19
    ThM55

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    C'est un sujet très rebattu, je doute fort qu'on apporte du nouveau dans un forum comme ici.

    Concernant le débat impliquant Einstein, étant à la retraite je suis éloigné des bibliothèques où je devrais aller pour trouver les références (je deviens flemmard, plus envie de conduire pendant des heures, disons pour me justifier que je veux réduire mon empreinte carbone ). Mais il s'agit d'un débat archi-connu, datant de 1909, entre Einstein et Ritz, dans lequel Einstein attribuait l'irréversibilité à des considérations de probabilités, et Ritz lui opposait l'argument du rayonnement des charges rayonnantes, pour lesquelles on sélectionne les solutions retardées, source selon lui de la flèche du temps. Ritz était un jeune physicien brillant dont les contributions à la spectroscopie sont importantes. Il s'est ensuite opposé à la relativité restreinte, mais ce n'est pas du tout le sujet du débat en question. En "googlant" ou "bingant" "Einstein-Ritz controversy", on trouve quelques allusions à ce débat mais je n'en ai pas retrouvé le texte original, seulement des commentaires. Par exemple: http://shadetreephysics.com/rtzein.htm . Cela peut sembler très technique mais il est assez clair qu'à cette époque (1908-1909) Einstein ne considérait pas la flèche du temps autrement que comme le résultat d'un point de vue probabiliste, la réalité fondamentale étant pour lui symétrique. C'est aussi l'époque de la reconnaissance mondiale des travaux de Gibbs sur la physique statistique, qui allait dans le même sens qu'Einstein. Toutefois je simplifie, Einstein a revu cette position par la suite, c'est un peu plus compliqué que ce bref résumé. Ritz est décédé peu de temps après, suite à une tuberculose.

    Dans les années 1990, j'avais lu un ouvrage plus moderne sur le sujet, "Physical origin of time asymetry", dont voici la référence: https://www.google.be/books/edition/...sec=frontcover . C'est un puvrage collectif avec des contributions de Wheeler, Zurek, Omnès, Gell-Mann, Padmanabhan, Hawking... L'intérêt est qu'il analyse la question à la lumière de la théorie quantique et de la cosmologie, cela va beaucoup plus loin que ce débat Einstein-Ritz, qui apparaît maintenant bien désuet.

  21. #20
    chaverondier

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    Einstein ne considérait pas la flèche du temps autrement que comme le résultat d'un point de vue probabiliste, la réalité fondamentale étant pour lui symétrique
    conformément à son hypothèse réaliste d'existence d'une réalité physique objective, déterministe et réversible à une échelle fondamentale...
    ...une interprétation conduisant à interpréter l'écoulement du temps comme une illusion comme proposé par Thibaut Damour.

    L'objectif de retrouver une physique objective, déterministe, réversible, ne devant rien à l'observateur et à sa grille de lecture thermodynamique statistique (1) est (me semble-t-il) désormais minoritaire mais pas encore unanimement abandonné. A titre d'exemple, cet objectif est à l'origine des très nombreuses tentatives pour éjecter l'observateur de la physique quantique :
    • physique quantique Bohmienne,
    • interprétation des mondes multiples,
    • collapse theories (dont GRW),
    • consistent histories, etc, etc.
    En fait, tant que l'on se refuse à accepter le rôle de la grille de lecture de l'observateur et son manque intersubjectif d'information (1), alors, la symétrie CPT (2) et donc l'unitarité des évolutions, la préservation de l'information, le déterminisme et la réversibilité, sont respectés (3) (rayonnement des trous noirs inclus)...

    ...et il n'y a alors, ni grandeurs macroscopiques, ni traces du passé, ni distinction (objective) entre évènements passés et évènements futurs, ni écoulement irréversible du temps, ni principe de causalité...

    C. Rovelli, Forget time, 2009, 'First Community Prize' of the FQXi 'The Nature of Time' Essay Contest

    The time of our experience is associated with a number of peculiar features that make it a very special physical variable. Intuitively (and imprecisely) speaking, time “flows”, we can never “go back in time”, we remember the past but not the future, and so on. Where do all these very peculiar features of the time variable come from?

    I think that these features are not mechanical. Rather they emerge at the thermodynamical level. More precisely, these are all features that emerge when we give an approximate statistical description of a system with a large number of degrees of freedom.
    ...et en fait, plus généralement, pas de physique car sans enregistrement irréversible d'informations, on ne dispose pas des informations nous permettant d'établir les lois et propriétés que nous attribuons à (notre interaction avec) l'univers.

    Citation Envoyé par Amanuensis Voir le message
    Est-il correct que si on supprime tous les dispositifs liées à la détection des "photons témoins" (soit les trois lames D, E, F et les quatre détecteurs derrière), aucune "frange d'interférence" n'apparaît sur l'écran I ? (Et pareil si les résultats donnés par les détecteurs ne sont pas pris en compte.)
    Oui. Quand les franges d'interférence sont créées par l'action "rétrocausale" de la gomme quantique, cette information manque à l'observateur car ces détections sont situées dans son futur. L'observateur ne peut donc pas faire apparaître séparément les franges d'interférence créées par l'action "rétrocausale" de la gomme quantique. Le principe de causalité est donc bien respecté.

    L'interprétation des effets T-symmetric comme des actions causales, dans les 2 sens d'écoulement du temps, par les Aharonov, Vaidman, Tollaksen... (4) résulte d'une interprétation réaliste de la physique, une interprétation selon laquelle une cause serait un effet physique objectif, indépendant des informations détenues par l'observateur.

    Du coup, dans une telle interprétation, l'action de la gomme quantique (par exemple) est considérée comme rétrocausale (un point de vue réaliste que je ne partage pas).

    (1) R. Balian, Incomplete descriptions and relevant entropies, 1999, Am.J.Phys.67, 1078

    (2) H. Price, Time’s Arrow and Eddington’s Challenge, 2010, Séminaire Poincaré XV, Le Temps 115 – 140
    The thermodynamic arrow isn’t just a T- asymmetry, it is a PCT-asymmetry as well
    (3) Y. Aharonov, P. G. Bergmann, and J.L. Lebowitz, Time Symmetry in the Quantum Process of Measurement, Phys. Rev. 134, B1410 – Published 22 June 1964

    Comme expliqué dans cet article, quand on prend en compte les résultats de mesure quantique précédant ET les résultats de mesure quantique suivant des mesures quantiques intermédiaires, le processus de mesure quantique redevient time-symmetric. Les violations de symétrie T (irréversibilité, indéterminisme, perte d'information...) ne peuvent pas apparaître si l'on refuse de considérer l'observateur et sa grille de lecture macroscopique comme faisant partie intégrante de la physique.

    (4) Y. Aharonov, E. Cohen, A.C. Elitzur, Can a Future Choice Affect a Past Measurement’s Outcome? Ann. Phys. 355 258-268 (2015)

  22. #21
    sunyata

    Le concept d'entropie dépend-t-il du "Coarse Graining" adopté ?

    Le concept d'entropie dépend-t-il du "Coarse Graining" adopté ?

    Certains auteurs disqualifient le concept d'entropie de la matière en faisant remarquer que du point de vue de la terre, tous les gisements de matière première finiront pas se reconstituer
    sous l'effet des mouvements de convection magmatique du manteau terrestre. Donc que le concept de ressources limitées n'est pas valable, et que ce n'est pas un problème d'entropie,
    mais de vitesse à laquelle nous utilisons les ressources qui est beaucoup plus rapide que la vitesse à laquelle elles se régénèrent.

    Je trouve cet argument fallacieux dans la mesure où il ne rend pas compte à la réalité que nous expérimentons à notre échelle de temps.
    Cela revient me semble-t-il à nier la réalité de l'entropie que l'on peut observer à certaines échelles d'observation.

    Dans un système isolé, on pourrait nier la réalité de l'entropie en affirmant que tôt ou tard l'état initial de faible entropie finira par se reproduire même si c'est au bout du temps de récurrence de Poincaré. Cela nie-t-il la réalité de l'entropie pour autant ?

    D'où ma remarque qu'il me semble que la réalité de l'entropie dépend du "coarse-graining" adopté. non ?

    Si on regarde l'évolution de la terre avec une horloge qui ponctue l'écoulement du temps en million d'année on arrive à la conclusion qu'il n'y pas d'entropie des ressources naturelles qui finissent par être recyclées.

    Cordialement
    Dernière modification par sunyata ; 07/09/2024 à 14h09.

  23. #22
    Amanuensis

    Re : Le concept d'entropie dépend-t-il du "Coarse Graining" adopté ?

    Citation Envoyé par sunyata Voir le message
    Certains auteurs disqualifient le concept d'entropie de la matière en faisant remarquer que du point de vue de la terre, tous les gisements de matière première finiront pas se reconstituer
    sous l'effet des mouvements de convection magmatique du manteau terrestre. Donc que le concept de ressources limitées n'est pas valable, et que ce n'est pas un problème d'entropie,
    Il me semble avoir lu par ailleurs que la stratification de la graine métallique n'était pas terminée, et donc que des atomes lourds continuent à "tomber" là où la convection ne le fera remonter qu'avec une probabilité bien plus faible qu'avant.

    Cela me semble impliquer que les gisements ne pourront pas se reconstituer à l'identique.

    Autre point, l'un des moteurs de la convection est la radioactivité d'isotopes à très longue demi-vie. Leur quantité baisse (et c'est une facette de la croissance de l'entropie), et la convection et ses effets vont s'atténuer.

    Certes c'est différent de "les ressources limitées sont définitivement perdues", mais cela ne change pas l'idée, car au mieux ces ressources seront en partie perdues.


    mais de vitesse à laquelle nous utilisons les ressources qui est beaucoup plus rapide que la vitesse à laquelle elles se régénèrent.
    Pas incompatible avec l'idée d'entropie!


    Dans un système isolé, on pourrait nier la réalité de l'entropie en affirmant que tôt ou tard l'état initial de faible entropie finira par se reproduire même si c'est au bout du temps de récurrence de Poincaré.
    C'est un point qui me semble différent du précédent (la Terre n'est certainement pas un système isolé).

    Cela nie-t-il la réalité de l'entropie pour autant ?
    ???


    Si on regarde l'évolution de la terre avec une horloge qui ponctue l'écoulement du temps en million d'année on arrive à la conclusion qu'il n'y pas d'entropie des ressources naturelles qui finissent par être recyclées.
    Les arguments présentés ci-dessus semblent réfuter que "des ressources naturelles [qui] finissent par être recyclées" si on y comprend "totalement" ou "parfaitement" recyclées, plutôt que "en partie" recyclées.
    Dernière modification par Amanuensis ; 07/09/2024 à 16h50.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  24. #23
    chaverondier

    Re : Le concept d'entropie dépend-t-il du "Coarse Graining" adopté ?

    Citation Envoyé par sunyata Voir le message
    Le concept d'entropie dépend-t-il du "Coarse Graining" adopté ? la réalité de l'entropie dépend du "coarse-graining" adopté. non ?
    Oui, mais tant que l'on se limite à des corsegraining/grilles de lecture pertinents pour nous (nous les êtres vivants), la valeur de l'entropie d'un système observé donné ne change pas énormément. Ca vient du fait que le log du nombre de microétats par macroétats selon le partitionnement/coarseraining en macroétats de l'espace des phases du système observé écrase les différences entre d'entopries selon la "finesse de description" des macroétats.

    Balian explicte toutefois ces différents choix d'entropies et leur intérêt relatif selon ce que l'on cherche à modéliser.

    Incomplete descriptions and relevant entropies, R. Bailan 1999, §12 Conclusion: the multiplicity of entropies
    The gas has then been brought to thermostatic equilibrium through the evolution generated by the Boltzmann equation. Because the above four descriptions are more and more incomplete, their three relevant entropies satisfy the inequalitites (6.11), to wit,
    Seq > Sth > SB > S (D) . (12.1)
    The entropies Sth and SB thus vary between the constant lower and upper bounds S (D) and Seq, and SB never decreases. After local equilibrium is established, SB and Sth are nearly equal and both tend to Seq when the system reaches global equilibrium; as we just saw, Seq is of interest only afterwards. Likewise, Sth has no interest before local equilibrium is reached, that is, during some time-lapse of the order of the delay between collisions
    Le temps macrsoscopique, R. Balian 1993
    Dernière modification par chaverondier ; 07/09/2024 à 21h23.

  25. #24
    sunyata

    Re : Le concept d'entropie dépend-t-il du "Coarse Graining" adopté ?

    Citation Envoyé par chaverondier Voir le message
    Oui, mais tant que l'on se limite à des corsegraining/grilles de lecture pertinents pour nous (nous les êtres vivants)...
    Oui c'est pourquoi je pense que réfuter l'entropie de la matière qui nous entoure au prétexte que les gisements de métaux, et de minéraux finiront pas se reconstituer naturellement
    dans quelques millions d'années, ne me semble pas très convaincant.

  26. #25
    chaverondier

    Re : Le concept d'entropie dépend-t-il du "Coarse Graining" adopté ?

    Citation Envoyé par sunyata Voir le message
    Oui c'est pourquoi je pense que réfuter l'entropie de la matière qui nous entoure au prétexte que les gisements de métaux, et de minéraux finiront pas se reconstituer naturellement dans quelques millions d'années, ne me semble pas très convaincant.
    D'autant que la reconstitution des gisements de métaux et de minéraux n'a pas de rapport avec l'entropie.

    L'entropie S d'un système donné, c'est le manque d'information sur l'état microphysique de ce système quand son état est connu seulement par les grandeurs macroscopiques caractérisant cet état à une échelle d'observation macroscopique. Plus précisément, l'entropie S du système dans un état macroscopique donné, c'est le logarithme ln(W) du nombre W d'états microphysiques appartenant à cet état macroscopique. ln(W) est multiplié par la constante k de Boltzmann si on souhaite mesurer la température en Kelvin plutôt qu'en Joule (conformément à l'épitaphe S = k W sur la pierre tombale de Boltzmann).

    Plus la description des états macroscopiques est précise (plus le nombre de grandeurs macroscopiques pour les décrire est important) plus le nombre W d'états microphysiques d'un état macroscopique donné est petit et plus l'entropie mesurant le manque d'information sur l'état microphysique d'un système connaissant son état macroscopique est faible.

    Pour un même système donné, l'entropie dans un état microphysique donné mesure donc la quantité d'information manquante pour une finesse choisie de description macroscopique de cet état (un coarsegraining) [1]. L'entropie, et donc aussi la notion d'écoulement irréversible du temps (requérant la notion d'évolution irréversible = création d'entropie) n'est donc pas une notion objective.

    Voilà d'ailleurs pourquoi l'interprétation réaliste de la physique, refusant un statut physique aux grandeurs et phénomènes physiques (comme le phénomène irréversible de mesure quantique par exemple [2] et, en fait, toutes les évolutions irréversibles) reposant sur la notion seulement intersubjective de grandeur macroscopique, conduit à qualifier l'écoulement irréversible du temps d'illusion.

    [1] Incomplete description and relevant entropies, R. Balian, 1999.
    [2] Delayed-Choice Experiments and Bohr's Elementary Quantum Phenomenon "No elementary quantum phenomenon is a phenomenon until it is a registered ('observed', 'indelibly recorded') phenomenon, 'brought to a close' by 'an irreversible act of amplification'." W.A. Miller; J.A. Wheeler. Proceedings of the international symposium foundations of quantum mechanics in the light of new technology, 1984.

  27. #26
    Amanuensis

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    N'y a-t-il pas plusieurs définitions distinctes du concept d'entropie? (Dont au moins un qui serait adéquate pour "l'entropie de la matière" qu'évoque Sunyata ?)
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  28. #27
    ThM55

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    La constante de Planck nous donne une unité de mesure de volume dans l'espace de phase. On ne devrait donc plus se poser trop de questions à propos du coarse graining, l'entropie est bien définie au niveau microscopique.

  29. #28
    chaverondier

    Re : Flèche du temps, entropie, et matière

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    La constante de Planck nous donne une unité de mesure de volume dans l'espace de phase. On ne devrait donc plus se poser trop de questions à propos du coarse graining, l'entropie est bien définie au niveau microscopique.
    Si bien que l'entropie au niveau microscopique, l'entropie de Liouville-von Neumann, est conservative.

    Au contraire, l'entropie (les entropies en fait) définie(s) au niveau macroscopique (qualifiée(s) par Balian d'entropie(s) pertinente(s) [1]) n'est (ne sont) pas conservative(s). Dans un système isolé elles ne peuvent que croître en conformité avec le second principe de la thermodynamique. Elles mesurent le manque d'information de l'observateur macroscopique (le coarse graining pertinent à cette échelle).

    "L’entropie peut être considérée comme une mesure de l’ignorance. Lorsque nous savons seulement qu’un système est dans un macroétat donné, l’entropie du macroétat mesure le degré d’ignorance à propos du microétat du système, en comptant le nombre de bits d’information additionnelle qui serait nécessaire pour le spécifier [complètement]." [2]

    C'est de ce coarse graining qu'émerge l'irréversibilité des évolutions observables à notre échelle, l'existence de traces du passé (et l'absence de traces du futur), l'écoulement irréversible du temps [3] (1) ainsi que l'irréversibilité de la mesure quantique [4].

    En l'absence de ce coarse graining (par exemple si on refuse d'accorder une légitimité à la notion d'entropie pertinente en raison de son caractère seulement intersubjectif), les évolutions sont unitaires, déterministes et réversibles en raison de la symétrie CPT [5]. Il n'y a alors pas de traces du passé, pas de distinction entre évènements passés et évènements futurs (univers bloc), pas d'évolution irréversible du temps [6][7], et en fait pas d'informations extraites de ces traces et pas de propriétés et lois physiques que nous attribuons à (nos interactions avec) l'univers (tirées de ces informations).

    [1] R. Balian, Incomplete descriptions and relevant entropies, Am.J.Phys.67, 1078, 1999
    [2] M. Gell-Mann, The Quark and the Jaguar, Londres. Little Brown and Co, 1994, p. 218-220
    [3] R. Balian, Le temps macroscopique, Colloques de la Société Française de Physique : le Temps et sa Flèche ; Paris, France ; 1993-12-08
    [4] Delayed-Choice Experiments and Bohr's Elementary Quantum Phenomenon "No elementary quantum phenomenon is a phenomenon until it is a registered ('observed', 'indelibly recorded') phenomenon, 'brought to a close' by 'an irreversible act of amplification'." W.A. Miller; J.A. Wheeler. Proceedings of the international symposium foundations of quantum mechanics in the light of new technology, 1984.
    [5] H. Price, Time’s Arrow and Eddington’s Challenge, Séminaire Poincaré XV Le Temps (2010) 115 – 140
    "The thermodynamic arrow isn’t just a T- asymmetry, it is a PCT-asymmetry as well"
    [6] The distinction between the past, present and future is only a stubbornly persistent illusion. Einstein dans une lettre de condoléance, de 1955, adressée à la fammile de son ami et plus proche collaborareur Michele Besso
    [7] L’écoulement du temps est une illusion Thibault Damour.

    (1) Ce n'est toutefois pas l'avis de feu Prigogine et de l'école de Bruxelles-Austin, cf. La fin des certitudes (un avis attribuant un caractère objectif à l'indéterminisme et à l'irréversibilité, avis que je ne partage pas). "Le même genre de présentation de la flèche du temps figure dans la plupart des ouvrages. Or cette interprétation, impliquant que notre ignorance, le caractère grossier de nos descriptions, serait responsable du second principe et dès lors de la flèche du temps, est intenable. Elle nous force à conclure que le monde paraîtrait parfaitement symétrique dans le temps à un observateur bien informé, comme le démon imaginé par Maxwell, capable d’observer les microétats. Nous serions les pères du temps et non les enfants de l’évolution."

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