Attention de ne pas confondre le C/N du produit apporté au sol et le C/N du sol (ou du milieu de culture si vous parlez d’hydroponie).
Après effectivement il y a toujours des apports de C par la culture, mais c’est largement insuffisant : il faut toujours un apport de MO exogène si on ne veut pas voir les teneurs en MO du sol chuter.
Justement, le terme « humus » est ambigu (et pour cette raison de moins en moins utilisé). Deux définitions : celle que vous donnez, et celle qui renvoie au caractère stable de certaines fractions de MO : « Matières organiques stables, mais qui ne sont pas des biomolécules » (je ne réinvente rien, c’est une définition de pédologue extraite du « Handbook of soil science »…).
Je vais essayer de vous retrouver une review que j'ai lu il y a quelques temps qui retraçait justement l'historique des recherches sur l'humus et sur l'évolution de ce concept.
Parler « d’humus » dans le sens d’horizon de sol n’a pas d’intérêt ici puisque dans les sols cultivés on ne retrouve pas cet horizon de surface très organique des sols sous végétation naturelle (horizon O, type mull ou mor par exemple), le plus souvent l’horizon de surface des sols cultivés étant un horizon organo-minéral qui va jusqu’ à la profondeur de labour (horizon LA). En revanche dans ces sols on retrouve des substances humiques, en concentration faible (la MO totale représentant de l’ordre de 30 g/kg de sol) mais dont le rôle est essentiel.
Le processus de minéralisation est effectivement présent dans la plupart des sols, mais dans un sol à l’équilibre il est, par définition, compensé par l’organisation et par les apports exogènes.
D’ailleurs on voit très bien ça en conditions contrôlées : la minéralisation nette du C d’un sol sans apport est inférieure à celle d’un sol avec apport d’azote seul (dans certaines études les deux cas sont envisagés comme témoins face à des apports organiques). C'est du priming effect au sens large : minéralisation de la MO du sol au lieu de (ou en plus de) celle de l'apport.
C’est vrai que l’érosion joue un rôle dans les pertes en MO des sols, mais à l’évidence ce n’est pas le seul mécanisme en jeu, puisque :
1) On observe des pertes de stocks (t/ha) mais aussi des pertes de concentrations (g/kg) (cas de la carte ci-dessus). Les teneurs en MO diminuent avec la profondeur, mais pour observer des pertes significatives de concentrations par le simple fait de l’érosion il faut quand même perdre des masses impressionnantes (il faut pour le coup que les premiers centimètres de sol aient été décapés).
2) On observe aussi des pertes de C dans des régions où l’aléa érosif n’est pas très élevé.
3) L’érosion est aussi justement accentuée par des faibles teneurs en MO des sols.
4) On connait d’autres facteurs explicatifs : pas assez d’apports de MO (pas de retour des résidus de culture par exemple), apports de MO instable, apports minéraux/apports organiques trop élevés, mauvais travail du sol…
Vous l’aimez bien cette expression .
Ce n’est certes pas une vérité générale dans le sens où tous les sols agricoles ne voient par leurs teneurs en MO chuter (heureusement!), mais ça reste très inquiétant avec 45% des sols européens qui ont des teneurs faibles et/ou en diminution. C’est un des principaux problèmes liés à la dégradation de la qualité des sols en Europe, et à ce titre ce n’est pas à sous-estimer.
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