Bonjour,
je reprends le sujet avec quelques références, désolé si c'est long...
Même si au fond, le sujet originel de Petithassane était plus large que celui de la logique (il n'aurait pas dû employer ce terme avec des logiciens dans le secteur...), voici une petite référence, pour que vous voyiez de quels problèmes je parle, c'est-à-dire des problèmes d'épistémologie ou de philosophie de la logique et pas des problèmes de logique : la philosophie de la logique par M. Seymour.
Il y aborde 3 grandes manières de considérer la logique dont découle 3 grandes approches du rapport entre réalité et logique :
- atomiste : Frege, Russell, Wittgenstein 1ere manière
- "moléculariste" ou conventionnaliste : Wittgenstein 2nd manière, Carnap, Dummett
- holiste : Quine, Davidson, Putnam
Pour résumer grossièrement :
1- chez les atomistes, l'unité sémantique est le mot. Les règles logiques semblent "descendrent du ciel" parce qu'ils considèrent qu'il y a des propositions atomiques, inanalysable, en rapport direct avec une réalité idéelle (réalisme platonicien) ou sensible (dénotation de faits) et s'articulant de manière univoque. Il n'y a qu'une Logique, idéale, dans laquelle tous les langages naturels peuvent être traduits.
2- chez les conventionnalistes, l'unité sémantique est la phrase. Il n'y a plus de dénotation d'une réalité en soi par un symbole, mais un sens qui se construit par les relations entre symboles. On a une sorte de jeu dont les règles sont déterminées par tel ou tel groupe qui s'accorde sur sa pertinence, selon son vocabulaire et sa grammaire. Les constantes logiques sont en partie auto-définies par leurs tables de vérité, comme l'évoque Faith, ce qui produit une sorte de vérité par convention.
Cela autorise une pluralité de logiques, aussi bien celles utilisées en sciences que, peut-être, les jeux littéraires de l'Oulipo.
Comme dit le texte : "Les vérités logiques sont exprimées par des énoncés analytiques , c’est-à-dire des énoncés qui sont vrais en vertu de la signification des connecteurs logiques. Mais puisque la signification des connecteurs est donnée dans les règles conventionnelles, les vérités logiques ont selon cette conception un caractère contingent. Il semble alors que cela leur confère du même coup un caractère arbitraire. C'est ce que semble révéler le connecteur “ tonk ” qu’Arthur Prior a introduit pour démontrer par l’absurde la vacuité du conventionnalisme."
Il pourrait y avoir une unité de la Logique pour autant qu'il y aurait accord général d'une communauté jugée rationnelle et s'opposant aux autres.
3- chez les holistes, c'est l'ensemble du discours qui fonde la sémantique. Il n'y a plus vraiment de règles à appliquer, pas de distinction profonde entre vocabulaire et grammaire, c'est l'ensemble des usages d'un mot qui détermine sa signification. La logique n'est plus un ensemble de convention mais une pratique effective d'inférences dont il s'agirait de déterminer les "lois naturelles". La vérité/fausseté des règles est synthétique a posteriori, proche d'une croyance, d'une adhésion psychologique. Tout cela peut varier et si nos systèmes logiques tiennent mieux que d'autres c'est qu'ils sont au coeur de notre réseau de certitudes.
Cela les conduit à revenir à une conception unitaire de la logique mais sur une base normative. Celle-ci ne se distinguant pas par elle-même d'autres activités intellectuelles, Davidson la définira suivant 3 critères : degré de formalisme, degré d'exprimabilité, et surtout ces spécifications techniques : complétude, compacité et satisfaction du théorème de Löwenheim-Skolem.
Il trouverait ainsi plus "logique" le calcul des prédicats du premier ordre qu'une logique d'ordre supèrieur apte à exprimer la théorie des ensembles qui serait, par ce fait, incomplète.
J'aurais tendance à voir ça ainsi :
1- une logique "à l'antique", un Logos qu'on pense découvrir tel qu'il est en soi, pure forme idéale
2- des logiques autour du langage, comme convention, jeu, art pour l'art, création libre, voire objet manipulable selon notre bon vouloir
3- une logique plus pragmatistes, ni réalité idéale figée, ni création libre, qu'il s'agit de classer, d'ordonner, selon des critères objectifs d'après nos pratiques.
Est-ce que ces approches transparaissent dans les logiques elles-mêmes ?
Si je prends l'exemple de Baguette, parler d'un contrôleur aérien utilisant la logique formelle, ce serait d'abord être dans la position 1 : on se dit qu'il y a des termes et des relations logiques déterminés pouvant transcrire "une trajectoire idéale", ne serait-ce que mathématique.
Nier que cet usage soit vraiment opérationnel, ce serait se rapprocher de la position 2 : il n'y a pas de "trajectoire idéale", pas d'assurance de traductibilité d'un fait en un terme logique, on constate plutôt que ça ne marche pas.
Parler ensuite de logique floue, c'est peut-être tendre à la position 3, se retourner vers une logique qu'il faudrait juger à l'aune de nos réalités, de notre manière pragmatique de résoudre un problème de trajectoire (même si d'après les normes indiquée plus haut, la logique floue n'est peut-être pas considérée comme une "vraie" logique...)
Dans l'application de tel ou tel système formel, ça ne change sans doute rien. Dans l'attitude par rapport à la logique elle-même, cela doit jouer. On peut l'étudier pour elle-même avec le sentiment d'entrer dans la pureté d'une "métaphysique", en faire un amusement, y chercher un outil adapté à une discipline scientifique etc.
Et quand je parlais de "scientifiquement correct", c'était bien en relation avec le "politiquement correct", c'est-à-dire avec la manière dont la communauté scientifique va juger tel ou tel travail de logique d'après les attendus de l'activité scientifique. Un mathématicien peut-il s'intéresser à une logique incapable d'exprimer l'arithmétique, un physicien quantique à une logique qui ne traduit pas son domaine, un linguiste à une logique qui manque les subtilités de l'usage réel (ex. les anglais sont-ils des rosbifs ? ) etc.
Pour la route, un texte de Pascal Engel sur le mode de la fable (Achille et la Tortue) et reprenant les termes du paradoxe de Lewis Carroll :
Extrait
Envoyé par Pascal Engel
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