Salut Mumyo,
Comme je l'indique , les idées que j'avance sont purement personnelles. Il n'existe donc pas d'autres références pour les éclairer que mes messages. On les trouve principalement dans deux fils que j'ai créés: "magnétoencéphalographie et origine des qualia" et "du diapason au la", fils auxquels tu peux te reporter.
Je pense que tu aimerais sans doute que je résume mes idées dans ce fil dont tu es l'initiateur et dans la mesure justement où mes idées constituent une forme de réponse assez complète à la question que tu poses. Je vais m'y essayer bien que je ne dispose pas du temps qu'il faudrait. Et j'espère que tu me pardonneras l'aspect très approximatif de mes formulations.
Tu évoques un champ magnétique que, selon moi, engendrerait la conscience. Or je ne parle pas de cela. Il y a bien un champ magnétique dans le cerveau mais comme il y en a partout ailleurs. Et, d'après ce que j'ai pu lire, le champ magnétique cérébral n'est pas réellement isolé du champ magnétique terrestre. Seulement des perturbations locales peuvent, pour moi, être localement détectées par un appareil organique sensible. Et c'est dans cette détection-là que se situe, pour moi, l'origine de la conscience.
De la conscience sensible, j'insiste bien. On peut aussi parler d'une conscience intellectuelle, morale etc.Les liens de ces diverses autres consciences avec la conscience sensible me semblent certains. Mais je ne me risquerais pas pour l'instant à envisager leur forme.
Il va y avoir beaucoup de choses dans l'activité du cerveau qui vont perturber le champ magnétique. Mais la perturbation pour moi la plus intéressante va être assurée par cet "oscillateur naturel" (la formule est de J.P. Changeux) que constitue le neurone. L'oscillateur est un " système manifestant une variation périodique dans le temps". Lorsque cette variation est une variation de charge électrique, le champ magnétique subit une perturbation de même intensité et de même fréquence que la variation de charge.
Les dépolarisations et repolarisations successives d'un neurone activé qui vont envoyer selon une certaine fréquence des potentiels d'action dans les axones vont aussi perturber à la même fréquence le champ magnétique cérébral. Tous les neurones ne déchargent pas de la même façon. Certains le font de façon "explosive", d'autres de façon continue mais à fréquence variable. Cependant le nombre de types de décharges n'est vraisemblablement pas très grand et si des millions, voire des centaines de millions de neurones déchargent en même temps et de façon indépendante dans le cerveau, la perturbation magnétique résultante ne peut être qu'un bruit absolument confus pour tout système de détection, artificiel ou naturel.
Il se trouve que les neurones concernés par la détection sensorielle sont groupés dans des modules corticaux afférents à des régions données très précises du corps et/ou à des types précis de sensations. Ainsi un module sera concerné par les excitations sensorielles de l'index gauche, un autre sera concerné par l'audition d'un son d'une fréquence donnée etc. Chacun de ces modules regroupe dans un volume très petit (de l'ordre du milimètre cube) de dix mille à un million de neurones. Mon idée est que la structure de chacun de ces modules est particulière et génétiquement définie. Elle est ensuite que, en fonction des signaux reçus, les neurones de ces modules vont être activés de façon régulière et particulière et entraîner une perturbation du champ magnétique qui sera elle aussi régulière et particulière. Pour prendre l'exemple de la note la que j'évoque justement dans le fil "du diapason au la", il se trouve qu'il y a un module consacré à la détection de la fréquence de 440 hertz qui correspond à cette note. Si le la parvient à l'oreille d'un individu bien entendant, un potentiel d'action va arriver par la voie idoine au module concerné qui va entrer en activité, ou plutôt dont les neurones vont entrer en activité de façon réglée et particulière. La perturbation du champ magnétique consécutive sera en quelque sorte particulièrement modulée tant que le la sera émis. Il peut y avoir tout le "bruit" possible dans le cerveau, tous les autres neurones pourraient (ce qu'ils ne sont évidemment pas) être activés de façon anarchique, le signal modulé qui provient du "'module du la" est, pour moi, potentiellement détectable à tout endroit du cerveau. Ce serait comme si ce signal était en quelque sorte émis par un gros neurone qui oscillerait de façon unique.
Je prends un autre exemple, celui d'un module cortical du cortex visuel primaire. Ce module serait relié à une terminaison du nerf optique située sur la rétine de l'oeil gauche à quatre milimètres de la fovéa en direction de dix heures. Si je regarde une orange de près, ce module sera activé par un signal (voie des connexions) qui code l'orange et, si c'est une tomate, il le sera par un signal qui code le rouge. La modulation de ce module devra être forcément différente dans les deux cas. Tout module ne module donc pas toujours de la même manière. Et on peut penser que chaque module du cortex visuel peut moduler des milliers de façons différentes comme un minuscule orgue de barbarie qui pourrait jouer des milliers de chansons. Cependant pour une même information reçue il devra moduler toujours de la même manière. D'une façon bien entendu extrêmement différente de celle du module du la. Mais d'une façon aussi différente du module du cortex visuel situé toujours dans l'oeil gauche mais à trois milimètres de la fovéa ou à neuf heures.
Ces deux exemples pour expliquer qu'à mon sens, le champ magnétique cérébral contient toutes les informations susceptibles de produire les qualias, les contenus de conscience sensible. Et, ce qu'il me paraît important de voir, c'est qu'il les contient de façon homogène et continue. Entre l'univers des atomes et des molécules auquel se réfèrent les neurotransmetteurs, les vaisseaux sanguins, les potentiels d'action parcourant les voix axonales et l'univers de la conscience sensible, il y a ce sas, pas plus immatériel sans doute que l'univers des ondes électromagnétiques présentes en ce moment dans ma chambre et correspondantes à toutes les émissions radio ou télé du monde. Pas plus immatériel sans doute, mais pas moins. Et surtout ayant pour essence commune d'être une modulation d'un champ et de se constituer comme information dans un espace unidimensionnel qui est celui du temps.
Mais tu me diras, Mumyo, toutes ces ondes radio télé dans ma chambre, à quoi ça me sert si je n'ai ni la télévision ni la radio? En quoi me sera donnée la conscience d'une réalité sensible si à aucun moment un système en moi se révèle apte à justement transformer en données de conscience l'information que mon corps recueille à partir d'elle ? Avant de répondre à ces questions, il faudrait peut-être que je m'arrête un peu et que je revienne sur la question posée dans mon fil: notre cerveau est-il aveugle ? A cette question je réponds : oui. Mais je ne suis pas particulièrement satisfait d'y répondre ainsi. On pourrait donner au verbe voir un sens actif, performatif et dire : si notre cerveau est capable d'analyser une image, de repérer la présence d'un verre sur une table, de situer cette présence dans l'espace, de déterminer la forme du verre, de commander le geste de le prendre précisément et de le faire, au nom de quoi peut-on prétendre qu'il ne voit pas ? Au nom de rien du tout sans doute. Seulement si quelqu'un capable de tout cela me dit qu'il est aveugle, je le crois. Le syndrome de la vision aveugle comme les observations qui ont pu être faites sur les somnambules qui se déplacent les yeux ouverts et sont capables de gestes de préhension relativement précis m'obligent à distinguer une vision du cerveau et une vision de la conscience. Pour moi la conscience sensible, les qualia n'émergent pas de la séquence des connexions neuronales activées. Il faut qu'un autre système intervienne pour que les qualia soient produits nécessairement. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des corrélations entre le système connexionniste et le système moduliste que je vais finir d'expliquer, que ces corrélations sont sans doute nécessaires dès lors que l'on passe l'étape de la conscience sensible instantanée et immédiate. Quelqu'un atteint du syndrome de la vision aveugle, ça se voit. Ses gestes de préhension même les plus simples sont hésitants et approximatifs. Un somnambule se cogne aux murs, se coupe avec le couteau dont il se sert etc. Mais le fait qu'il y ait des rapports entre eux implique qu'à un moment donné il faut les distinguer. Et puisqu'il est question ici d'origine de la conscience sensible, je le dis tranquillement : celle-ci ne réside aucunement dans l'activation des connections neuronales.
Elle réside en quoi alors ? Pour moi, dans l'existence, évidemment supposée, d'un système organique sensible de détection des modulations du champ magnétique. Je reviens sur l'exemple du la. Le module 440 hertz va produire une perturbation modulée de façon réglée et spéciale du champ magnétique. Le récepteur sensible va réagir à cette modulation et, je le suppose toujours, pour ne pas compliquer la spéculation, de façon simple et directe. C'est à dire qu'un affect va être produit instantanément avec une intensité directement liée à l'énergie instantanée du champ dans un endroit donné du cerveau. Alors à la modulation du champ magnétique va correspondre directement une modulation de l'affect. Pour simplifier les choses, on pourrait dire que vont se succéder dans la conscience, aussi rapidement que vont se succéder les inflexions de la courbe de modulation, une quantité d'émotions variant justement en fonction des inflexions de cette courbe. Comme les inflexions de la courbe "magnétique" sont réglées par le module 440 hertz, la modulation des émotions est aussi réglée par lui. Mais cette modulation des émotions qu'on pourrait comparer par exemple à la mélodie précise d'une ritournelle est beaucoup trop rapide pour que notre conscience puisse la percevoir. La seule chose que perçoit notre conscience, c'est le quale, c'est la note la. Et si c'était la note sol qui était émise la modulation des émotions serait suffisamment différente pour que la sensation appréhendée par la conscience soit celle du sol. Cette émotion première qui peut être douloureuse ou plaisante, je la désigne par le terme d'affect primal.
J'hésite pour décider du nombre des affects primaux. Il pourrait n' y en avoir q'un seul, ce qui serait le plus simple. Il pourrait y en avoir aussi deux ou trois dont des caractéristiques différentes de la courbe magnétique régleraient la production, l'intensité et le caractère plaisant ou douloureux instantanés. Tout contenu de conscience sensible serait ainsi constitué de la modulation particulière et propre de ces deux ou trois affects. C'est dire bien sûr que, pour moi, un contenu de conscience ne peut pas exister sans la dimension du temps. Dans l'instant pur, sans dimension, la conscience sensible n'existe pas même si existe la réalité affective qui la constitue. C'est ce paradoxe qu'il faut admettre pour comprendre mon système. Autrement dit, la conscience existe dans la durée et l'inconscient dans l'instant. La perception de l'espace qui apparaît dès l'origine des sensations( il y a très peu de sensations que nous ne situons pas dans un espace, ne serait-ce que celui du corps) pourrait d'ailleurs tirer son caractère primitif du fait que la conscience s'inscrit constitutionnellement dans un espace, celui, unidimensionnel, du temps.
J'aurais beaucoup à dire encore sans doute mais j'ai déjà beaucoup dit dans les fils que je t'ai rappelés et que tu peux toujours lire si ma vision t'intéresse. En attendant tes remarques et tes questions,
cordialement.
Clément
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