Nominalisme et paradoxes
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Nominalisme et paradoxes



  1. #1
    Matmat

    Nominalisme et paradoxes


    ------

    Bonjour ,

    J'ai relu récemment un ancien "Les génie de la sciences" ( un HS de "Pour la science" ) de novembre 2000 ( consacré à Poincaré ) , voici ce qui me surprend :

    "Poincaré a été accusé de nominalisme : selon cette doctrine moyenageuse un ensemble , c'est à dire une collection d'objets , n'a pas d'existence autre que nominale et ne peut donc pas etre élément de lui-meme . Pour les nominalistes , les paradoxes de la théorie des ensembles n'existent pas . poincaré ajoute sarcastiquement qu'ils n'ont pas d'interet "

    je ne comprend pas le "lien" entre le nominalisme et l'absence de paradoxe !
    je ne comprend pas non plus ce que Poincaré veut dire quand il dit qu'il n'on pas d'interet .

    -----
    Dernière modification par Matmat ; 06/09/2005 à 20h14. Motif: oubli d'un mot

  2. #2
    Aigoual

    Re : Nominalisme et paradoxes

    Salut Matmat,

    Si j’ai bien compris ce qu’est le nominalisme, celui-ci distingue l’objet réel de ce qui le désigne.

    Par exemple, il n’existe pas de relation en soi entre le mot "arbre" et l’arbre réel.
    De fait, il est possible d’affirmer que le mot "arbre" recouvre un ensemble arbitraire, constitué a priori de tout ce qui peut constituer un arbre (tronc, branches, feuilles, cellules, etc. qui sont eux-mêmes autant de sous-ensembles obéissant à la même logique…)

    Cela nous paraît "évident," en raison de la manière dont nous le percevons (perception renforcée par sa dimension utilitaire), mais en soi, il est parfaitement possible de définir autant d’ensembles distincts autres, tous aussi arbitraires.
    Par exemple, si je choisis de définir la réalité par les seuls atomes qui la compose, la notion d’arbre disparaît, puisque je ne peux plus distinguer la frontière entre les atomes d’oxygène, d’azote ou d’hydrogène (dont ceux présents dans l’eau et dans l’air) contenus dans l’arbre ou dans ce qui l’entoure.

    Bien entendu, cela nous paraît beaucoup moins "évident" en raison de la plus faible valeur utilitaire de cet ensemble. Il n’en reste pas moins tout aussi valide.

    Selon ce que tu dis dans ton message, je suppose donc que c’est ce qu’a voulu exprimer Poincaré : Les ensembles sont de pures abstractions, ne pouvant se substituer à la réalité, qui se fout royalement de la manière dont on la segmente…

    Pas étonnant, dans ce cas, que les représentations concurrentielles (en recouvrements ou en exclusions) entre ces différents ensembles créent des conflits qui s’expriment à leurs frontières sous la forme de paradoxes. Paradoxes dont le nombre possible est alors virtuellement infini. Mais, là encore, la réalité se fiche complètement de ces failles conceptuelles. La réalité se contente d’être ce qu’elle est, et ne connaît pas les paradoxes.
    Ils ne sont (si je traduis bien la pensée de Poincaré) que des curiosités conceptuelles, certes amusantes, mais "sans intérêt," parce qu’étrangères au réel.

    Nominaliste ou pas, moyen-âge ou non, je trouve que cette approche ne manque pas de fondement. Elle a en tout cas le mérite de bien distinguer la représentation de son objet et ça, c’est plutôt précieux.
    N’oublions pas que le principe des intégrismes (dont le scientisme) consiste justement à prétendre que la représentation du réel est la réalité elle-même, par substitution…

    Amitiés,

    Aigoual.

  3. #3
    bardamu

    Re : Nominalisme et paradoxes

    Citation Envoyé par Matmat
    Bonjour ,

    J'ai relu récemment un ancien "Les génie de la sciences" ( un HS de "Pour la science" ) de novembre 2000 ( consacré à Poincaré ) , voici ce qui me surprend :

    "Poincaré a été accusé de nominalisme : selon cette doctrine moyenageuse un ensemble , c'est à dire une collection d'objets , n'a pas d'existence autre que nominale et ne peut donc pas etre élément de lui-meme . Pour les nominalistes , les paradoxes de la théorie des ensembles n'existent pas . poincaré ajoute sarcastiquement qu'ils n'ont pas d'interet "

    je ne comprend pas le "lien" entre le nominalisme et l'absence de paradoxe !
    je ne comprend pas non plus ce que Poincaré veut dire quand il dit qu'il n'on pas d'interet .
    Salut,
    dans les paradoxes de la théorie des ensembles, il y a par exemple la question de savoir si l'ensemble de tous les ensembles est un ensemble.
    Poincaré avait une position plus ou moins intuitionniste qui considérait que les structures mathématiques avaient pour origine un réel extérieur au système mathématique lui-même.
    Sa position s'opposait à une position plus "pythagoricienne" considérant que les objets mathématiques avaient une réalité en soi, qu'ils n'avaient pas à être reliés à une réalité externe. Cette idée est à la base des recherches de formalisation de logiques complètes qu'on retrouve avec Hilbert, Russel, Whitehead etc.

    Pour Poincaré, les paradoxes de la théorie des ensembles sont purement formel, dûs à des cercles vicieux dans les définitions. Les êtres mathématiques qui y sont définis ne sont pas vraiment réels et les paradoxes montrent simplement les faiblesses des définitions dans les systèmes formels.
    Par exemple, si on dit que "l'ensemble de toutes les forêts est une forêt", il ne peut pas y avoir de problème parce qu'on définit un être logique "ensemble de toutes les forêts", différent de la forêt, être réel.
    Par contre, dans le cas de l'ensemble de tous les ensembles, on définit une chose "l'ensemble de tous les ensembles" qui devrait faire partie de lui-même, qui devrait faire partie de ce qui le définit. Le fait que l'ensemble et l'ensemble de tous les ensembles soit au même niveau fait que des paradoxes sont possibles.

    Pour ce qui est du nominalisme, ça correspond à ce qu'on a appelé la "querelle des universaux" qui opposait des penseurs au 14e siècle sur la question de savoir si les genres, espèces, etc. avait une réalité en soi ou bien n'était que des "illusions" logiques.
    D'un côté il y avait les "réalistes" qui reprenant les conceptions de Platon considéraient que ces êtres universels étaient tout à fait réel. De l'autre, les nominalistes (dont Guillaume d'Occam) considéraient que ces êtres n'étaient pas pleinement réel et que seuls existaient des êtres singuliers.

    Ce débat du Moyen-âge s'est donc plus ou moins rejoué au début du XXe siècle au niveau des mathématiques et continue par exemple sur le fil "Mathématiques et réalité".
    Contrairement aux apparences, il n'est pas si simple de considérer que les mathématiques sont un simple langage différent du réel car cela pose la question de savoir comment nous fonctionnons si nous pouvons comprendre sans pour autant pouvoir dire ce que nous comprenons. Les mathématiques se veulent le meilleur langage de compréhension et si leur système est dépassé, il faut une métamathématique, un autre langage rationnel ou abandonner l'idée d'une rationalisation possible du monde.

  4. #4
    Aigoual

    Re : Nominalisme et paradoxes

    Salut Bardamu,

    Bel exposé !
    Je ne connaissais pas le cheminement historique de ces pensées…
    Effectivement, on se retrouve toujours aux prises avec l’obligation de passer par l’abstraction du langage, pour décrire un réel qui lui, ne l’est pas (abstrait)
    C’est ça le problème : le langage réduit.
    Or le réel ne peut pas se réduire, sauf à ce qu’il ne soit plus ce qu’il est…
    L’astuce étant peut-être de préciser en quoi chaque langage est réducteur.
    Cela ne permet peut-être pas d’atteindre le réel, mais de savoir préciser en quoi celui-ci nous échappe est déjà un résultat appréciable.

    A te lire à nouveau,

    Aigoual.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Matmat

    Re : Nominalisme et paradoxes

    Merci à vous deux pour ces réponses riches ,

    Posté par Bardamu :
    De l'autre, les nominalistes (dont Guillaume d'Occam) considéraient que ces êtres n'étaient pas pleinement réel et que seuls existaient des êtres singuliers.
    Je m'apercois que c'est en fait ma compréhension du nominalisme qui avait une faille , je le définissais sans la fin de la phrase ci-dessus ( " et que seuls existaient des êtres singuliers " ) or cette fin de phrase était nécessaire pour comprendre pourquoi pour les nominalistes les paradoxes de la théorie des ensembles n'existent pas .

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