C'est une remarque philosophique plutôt qu'une remarque épistémologique, il cherche ce qu'est la pensée, il ne cherche pas à critiquer la science .
Parfaitement d'accord, aussi.
Mais je réponds dans forum épistémologique, donc je me permets d'aborder que ce qui concerne cela.
Le reste, pour moi, n'a pas sa place ici.
Je suis cette discussion avec une certaine curiosité et j'y vois beaucoup de sophismes. Certes j'avoue ne jamais avoir lu Heidegger, donc j'essaie de m'en faire une idée à partir des messages qui défendent sa position. J'avoue que je ne comprends pas bien d'ailleurs le sens du mot penser pour lui. Que signifie par exemple :
Pour moi, se mettre en présence de l'être est une expression qui n'a aucun sens. Les seuls qui pourraient la revendiquer sont ceux qui affirment avoir eu des expériences mystiques, car on retrouve dans leurs écrits des témoignages très proches de ce que pourrait signifier cette expression. Donc on est totalement hors charte du forum.
Mon impression est que Heidegger s'est fait sa propre définition sur mesure (et très restrictive) du verbe penser, laquelle n'est pas du tout en accord avec le sens commun (je vous renvoie par exemple au dictionnaire de l'académie). Cette définition sur mesure est conçue pour exclure la démarche intellectuelle scientifique du champ de ce mot et pour le réserver aux philosophes (du moins je suppose ceux qui pensent comme lui). En conséquence de quoi il en conclut que la science ne pense pas. Aucune surprise puisque les ingrédients pour aboutir à cette conclusion ont été introduits arbitrairement dès le départ.
Il faudrait m'expliquer comment le fait de construire un modèle théorique parfois très abstrait pour interpréter des observations et des expériences, et pour en déduire des prédictions vérifiables, n'est pas un exercice de pensée, beaucoup plus exigeant que celui de la philosophie d'ailleurs car il doit se soumettre à la sanction des faits. Certes la nature ne nous dit pas si une théorie est vraie. Par contre elle nous dit impitoyablement quand elle est fausse.
Bref ce débat me semble reposer sur un clivage (arrogant parce que reposant sur une hiérarchie implicite ?) entre deux approches des connaissances alors qu'on pourrait espérer qu'elles soient complémentaires. Elle repose aussi sur une dissociation entre réfléchir et penser. Personnellement je reste fidèle à Pierre Dac
Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac
Citation de JPL:
BonjourPour moi, se mettre en présence de l'être est une expression qui n'a aucun sens. Les seuls qui pourraient la revendiquer sont ceux qui affirment avoir eu des expériences mystiques, car on retrouve dans leurs écrits des témoignages très proches de ce que pourrait signifier cette expression. Donc on est totalement hors charte du forum.
Mon impression est que Heidegger s'est fait sa propre définition sur mesure (et très restrictive) du verbe penser, laquelle n'est pas du tout en accord avec le sens commun (je vous renvoie par exemple au dictionnaire de l'académie). Cette définition sur mesure est conçue pour exclure la démarche intellectuelle scientifique du champ de ce mot et pour le réserver aux philosophes (du moins je suppose ceux qui pensent comme lui). En conséquence de quoi il en conclut que la science ne pense pas. Aucune surprise puisque les ingrédients pour aboutir à cette conclusion ont été introduits arbitrairement dès le départ.
Il faudrait m'expliquer comment le fait de construire un modèle théorique parfois très abstrait pour interpréter des observations et des expériences, et pour en déduire des prédictions vérifiables, n'est pas un exercice de pensée, beaucoup plus exigeant que celui de la philosophie d'ailleurs car il doit se soumettre à la sanction des faits. Certes la nature ne nous dit pas si une théorie est vraie. Par contre elle nous dit impitoyablement quand elle est fausse.
Bref ce débat me semble reposer sur un clivage (arrogant parce que reposant sur une hiérarchie implicite ?) entre deux approches des connaissances alors qu'on pourrait espérer qu'elles soient complémentaires. Elle repose aussi sur une dissociation entre réfléchir et penser. Personnellement je reste fidèle à Pierre Dac
Je suis entièrement d'accord avec ce texte. Quant à la complémentarité des connaissances (entre la science et la philosopie), c'est très simple: l'une (la science) avance, parfois avec peine, mais surement et en affermissant chacun de ses pas; l'autre (la philosophie) pose, parfois, de bonnes questions mais ne donne jamais la moindre réponse et se résout, la pluspart du temps, en une gelée verbale sans aucune consistance.
Cordialement
Ne jetez pas l’anathème : il peut servir !
Bonjour jacquolintegrateurLa question: "Qu'est-ce qu'il y avait avant le big bang" peut poser un problème mais à condition d'en préciser sérieusement le sens!! La question:"qu'est-ce que l'âme?" ne peut faire l'objet d'un problème car, pour l'instant, du moins, elle est parfaitement vide de sens.
Quant à être une "position philosophique", je la qualifierais plutôt de "pragmatique".
Je crois reconnaître ici quelques unes des leçons du grand Wittgenstein (?).
Si, en ce qui me concerne, la question de l'avant big bang (que je crois insoluble) ou bien celle de l'âme (qui m'indiffère, étant parfaitement agnostique), peuvent m'apparaître comme dépourvues d'intérêt (plus que de "sens"), il n'en va pas de même pour tous: et je ne me sens pas du tout le droit d'ériger en règle universelle ce qui ne vaut que pour moi ou que dans un cadre conceptuel donné: le pragmatisme EST une philosophie.
Bonjour,
C'est un peu toute la question de la pensée d'Heidegger.Ce n'est pas parcequ'on ne suit pas le projet scientifique (pour reprendre votre expression pour désigner ce à quoi vous faisiez allusion) dans sa méthodologie orientée vers l'universel qu'on fait de la philosophie. La mise en tension pourquoi la sortir de la science et vouloir la mettre dans la philosophie, elle évolue dans son propre domaine, et il est tout aussi critiquable de vouloir la mettre dans la pensée philosophique que dans la positivité de la science. C'était l'une de mes premières remarques (#28) : est-ce que n'importe qui quand il réfléchit à quoi que ce soit d'une manière non scientifique, fait de la philosophie ?
Il est à une époque charnière où se pose la question du rapport de la philosophie aux sciences notamment dans le cadre très concret des disciplines universitaires. Grossièrement, on aura un courant de la philosophie institutionnelle qui tendra à se calquer sur le modèle scientifique (cercle de Vienne, philosophie analytique...) et un courant plus centré sur le rapport vécu, brut, subjectif, à la pensée (Husserl, phénoménologie, Heidegger, existentialisme...).
Toujours très grossièrement, on pourrait dire que le premier courant se préoccupe de ce qu'on peut penser et le second de ce que ça fait de penser, comment ça se vit.
Heidegger ne se distingue pas seulement du projet scientifique mais aussi de certains projets philosophiques. Par exemple, quand il parle de Spinoza, c'est pour critiquer son système ontologique qui selon lui transformerait l'Etre en un objet. Plutôt que de renvoyer la pensée à une représentation des choses, c'est-à-dire à la répétition dans l'esprit d'un ordre (se représenter le monde, l'objectiver), il s'attache à la force même de l'esprit comme activité sans objet défini. En bon héritier de Husserl, il partirait de l'idée que la pensée est toujours pensée de quelque chose ("intentionnalité", visée vers...) mais que c'est moins en tant qu'elle se conforme à ce quelque chose qu'elle est pensée que dans le mouvement même vers ce quelque chose.
Pour qu'il y ait pensée, il faudrait qu'il y ait conscience, cette attention, souci, recherche, tension vers l'Etre.
Sa philosophie se veut alors une discipline d'intensification de cette activité, d'intensification de la conscience, d'orientation vers ce rapport-là, que le philosophe soit un "berger de l'Etre" comme il dit.
Donc, tout homme normal, qu'il soit scientifique, philosophe ou menuisier, peut penser mais tout homme ne prend pas pour tâche d'intensifier ce rapport particulier au monde qui produit par exemple des questions existentielles limites du type "pourquoi quelque chose plutôt que rien ?".
On pourrait éventuellement faire une liste d'affects "heideggeriens" : souci, inquiétante étrangeté (Unheimlichkeit), étonnement...
Dans son idée, on se mettrait vraiment à penser (et parfois à philosopher) quand on est pris par ces sentiments, quand il y a quelque chose qui nous remue vraiment dans l'existence même.
Pour prendre un exemple historique scientifique : là où Einstein aurait le plus pensé au sens d'Heidegger, ce serait peut-être lorsqu'il en vient avec Podolsky et Rosen à poser la question de ce qu'on entend par "élément de réalité". Là, on entrerait en philosophie même si en bon scientifique on la quittera bien vite pour sortir du malaise, arrêter la pensée et la fixer sur une définition, une convention ou une connaissance.
A noter aussi que la question n'est pas vraiment l'universalité, au moins au niveau humain : la pensée à la Heidegger se veut tout aussi universelle que l'information scientifique puisqu'elle part d'un principe même de conscience, tout ce qu'il dit se veut valable pour tout être conscient. La différence est plutôt sur le communicable : on peut transmettre un savoir, une information mais on ne transmet pas l'activité même de la pensée, c'est à chacun de penser.
Une anecdote significative par rapport à sa manière d'enseigner : "Heidegger ne présupposait aucun savoir philosophique dans ce séminaire : bien plutôt attendait-il des étudiants qu'ils soient prêts à faire l'essai du philosopher. Il les amenait à penser par eux-mêmes. S'il posait une question et que personne n'osait proposer une réponse, il scrutait la salle et reconnaissait d'après l'expression des étudiants lequel avait quelque chose à dire : il s'adressait alors à lui, et en dialogue socratique, il l'amenait à trouver la réponse de lui-même. Quelqu'un essayait-il de fournir une réponse à l'aide de connaissances apprises, en employant de grands mots savants, Heidegger se prenait le menton, regardait devant lui d'un air malin en souriant et disait "Cela me dépasse, je ne comprends pas, pouvez-vous m'expliquer cela avec vos propres mots ?" Si d'aventure quelqu'un qui avait lu Heidegger essayait de le citer, en se montrant fier de sa réponse, alors il répliquait de façon presque brutale : "Je me souviens parfaitement de ce que j'ai écrit : ce qui m'intéresse, c'est ce que vous avez à dire sur le sujet.""
(Walter Biernel, cité dans ce petit bouquin que je recommande pour qui veut tester du Heidegger pour pas cher. Les notes et commentaires de Marc Froment-Meurice sont pas mal.)
P.S. : je mets beaucoup de conditionnels parce que j'ai un peu de mal avec Heidegger, et je ne suis jamais tout à fait certain de saisir sa pensée (pour autant qu'il l'ait lui-même vraiment saisie...). Quand on le lit, on sent bien la cohérence, les tendances, la profondeur de certaines questions, mais, au moins pour moi, il est difficile de s'en donner une représentation simple, communicable sans se contenter de le citer texto.
Citation de Karlp:
Bonsoir KarlpJe crois reconnaître ici quelques unes des leçons du grand Wittgenstein (?).
Si, en ce qui me concerne, la question de l'avant big bang (que je crois insoluble) ou bien celle de l'âme (qui m'indiffère, étant parfaitement agnostique), peuvent m'apparaître comme dépourvues d'intérêt (plus que de "sens"), il n'en va pas de même pour tous: et je ne me sens pas du tout le droit d'ériger en règle universelle ce qui ne vaut que pour moi ou que dans un cadre conceptuel donné: le pragmatisme EST une philosophie.
Je connais le nom de Wittgenstein mais je n'ai jamais rien lu de lui.
Je ne sais pas si une question dépourvue de sens peut avoir "de l'intérêt". Pas pour moi mais ce n'est certes pas important. Il n'est pas question d'énoncer de règle universelle (de comportement?). Même si j'étais chef du gouvernement () je n'interdirais à personne de faire de la philosophie ni même de s'adonner à d'autres disciplines (numérologie, astrologie etc.) que, personnellement, je considère comme de parfaites fadaises. Chacun s'amuse (ou "se réalise"?) comme il l'entend. Ce que j'ai voulu préciser, c'est que l'on peut , sans la monidre peine, assembler des môts dans des phrases grammaticalement correctes mais parfaitement dépourvues de sens. Ce qu'elles codent est parfaitement vide et ne saurait relever de la science. Il se peut que le pragmatisme soit une philosophie: je faisais de la philosophie comme Mr. Jourdain faisait de la prose!! Je crois que le vocable "philosophie" relève d'une sémantique plutôi floue. Pour moi, lorsque le contenu est tant soit peu substantiel, cela doit correspondre, à peu près à ce que Jean Louis Destouches et Paulette Février ("La Structure des Théories Physiques" P.U.F. 1951 dans la Collection "Philosophie de la matière" (hé oui!)) appelaient: "Synthèse Inductive". Le plus souvent, les textes philosophiques relèvent du "galimatias de second degré": non seulement, ceux qui en prennent connaissance, n'y comprennent rien mais encore, ceux qui les ont produits ne comprenaient rien à ce qu'ils écrivaient!!
Cordialement.
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Il est vain d'essayer d'empecher quelqu'un de penser.Envoyé par Jacquolintégrateurje n'interdirais à personne de faire de la philosophie ni même de s'adonner à d'autres disciplines (numérologie, astrologie etc.) que, personnellement, je considère comme de parfaites fadaises
L'état d'esprit dont vous vous réclamez, ne connait pas ce language, fadaises, idioties, s'adonner.
Vous devez vous restreindre à démontrer que les hypothèses, par vous retenues, sont validées par les faits, sans aucune considération de valeur ni jugement et ceci pour chaque cas. L'amalgame n'est pas une méthode scientifique.
De plus, un scientifique ne fait pas appel à ses états d'âmes ou considérations personnelles.
Le jugement ou opinions personnelles ne font pas partie des sciences.
Pour en revenir à la pensée en sciences, comment la science définie-t-elle par exemple "le vivant" ?
Elle commence par une connaissance intuitive et commune de la chose.
Ensuite, elle fourni des définitions.
Si un "objet" se conforme à la définition, il est vivant, sinon, il ne l'est pas.
On voit donc bien qu'il s'agit ici d'une définition artificielle, qui se rapporte à elle-même, elle s'"auto-défini".
En quelque-sorte, les sciences classent selon des propriétées qu'elle a elle-même défini.
Il s'agit d'un ensemble fermé...
Mais alors, comment fait-elle pour étendre le champ des connaissances humaines?
Elle ne le peut pas, je pense, par elle-même, l'ensemble étant fermé.
D'ou vient l'apport, qui on le constate bien, ne provient pas des sciences ?
Et qui fait pourtant que la connaissance se développe ?
Comment surgit une nouvelle idée ?
De la pensée ?
Je dois malheureusement vous donner raison pour une grande part des "philosophes " actuels, en tous cas ceux qui se sont détournés de la science. Je n'ai pas personnellement de goût pour Heidegger (en dehors de "qu'est-ce que la métaphysique"; les autre que j'ai lus étaient "imbuvables").
Mais d'un autre côté je n'aime pas du tout cette opposition science/philosophie : Thales,Pythagore, Platon, Descartes, Leibniz, Popper, Einstein, etc. sont là pour nous rappeler que cette distinction n'a peut être pas d'autre intérêt que de servir ceux qui s'en réclament pour verrouiller leur paradigme et ne lui donner consistance que dans leur superbe opposition à l'autre (j'ai un beau frère qui écrit des bouquins de philo -très "savants" et sans intérêt).
Bonne soirée
Citation de karlp:
BonsoirJe dois malheureusement vous donner raison pour une grande part des "philosophes " actuels, en tous cas ceux qui se sont détournés de la science. Je n'ai pas personnellement de goût pour Heidegger (en dehors de "qu'est-ce que la métaphysique"; les autre que j'ai lus étaient "imbuvables").
Mais d'un autre côté je n'aime pas du tout cette opposition science/philosophie : Thales,Pythagore, Platon, Descartes, Leibniz, Popper, Einstein, etc. sont là pour nous rappeler que cette distinction n'a peut être pas d'autre intérêt que de servir ceux qui s'en réclament pour verrouiller leur paradigme et ne lui donner consistance que dans leur superbe opposition à l'autre (j'ai un beau frère qui écrit des bouquins de philo -très "savants" et sans intérêt).
Je ne souhaite pas, non plus, opposer la science et la philosophie. Ce que je tente d'exprimer, c'est que la philosophie (qui ne se réduit pas à de la pure gelée verbale, comme c'est trop souvent le cas) n'est pas autre chose que de la science possible. Bein sûr, ceci n'engage que moi (mais je ne suis pas le seul à penser ainsi, loin de là) et d'aucuns vont crier au scandale!!
Notez que tous les noms que vous citez ne font que conforter ce point de vue. Je ne saurais contester la valeur scientifique de l'oeuvre de Leibniz (qui tenta d'élaborer un calcul universel et entrevit le calcul différentiel), cependant, j'ai essayé de lire sa "Monadologie" et je dois dire que je n'y ai strictement rien compris, ce qui, bien sûr, n'augure en rien de sa signification!!
Cordialement
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Citation de Xoxopixo:
BonsoirIl est vain d'essayer d'empecher quelqu'un de penser.
L'état d'esprit dont vous vous réclamez, ne connait pas ce language, fadaises, idioties, s'adonner.
Vous devez vous restreindre à démontrer que les hypothèses, par vous retenues, sont validées par les faits, sans aucune considération de valeur ni jugement et ceci pour chaque cas. L'amalgame n'est pas une méthode scientifique.
De plus, un scientifique ne fait pas appel à ses états d'âmes ou considérations personnelles.
Le jugement ou opinions personnelles ne font pas partie des sciences.
Qui a jamais dit le contraire? Je n'ai fait qu'exprimer un avis. Je ne pense pas être une référence d'un tel poids!!
En ce qui concerne la description que vous donnez de la manière dont la science capture des concepts nouveaux, cela correspond, à peu près à ce que certains ont appelé:"synthèse inductive". On peut dire que cela relève de la philosophie. Question de terminologie. En tous cas, ça se démarque nettement des productions des pures.
Cordialement
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Oui mais ma question était est-ce qu'un scientifique dont les choses pour lesquelles il se mettrait en tension, ce sont les choses de la science et non les questions existentielles en général, est en train de faire de la philosophie heideggrienne ou pas, ou simplement fait-il son taff de scientifique ?
Einstein a fait de la science ou de la philosophie heidegerrienne quand il a développé la théorie de la relativité ?
Dernière modification par invite7863222222222 ; 07/12/2011 à 20h58.
Einstein a fait de la science, il a synthétisé en un bel "objet" mathématique toute une gamme d'expériences de physique.Oui mais ma question était est-ce qu'un scientifique dont les choses pour lesquelles il se mettrait en tension, ce sont les choses de la science et non les questions existentielles en général, est en train de faire de la philosophie heideggrienne ou pas, ou simplement fait-il son taff de scientifique ?
Einstein a fait de la science ou de la philosophie heidegerrienne quand il a développé la théorie de la relativité ?
Pour ce que j'en comprends (soyons précautionneux...), Heidegger entend toucher à l'essence même de ce qu'est un être conscient, un être-au-monde, rapport le plus direct, le plus brut, sans même de relation à un savoir.
Donc, un scientifique pense vraiment non pas quand il fait la théorie de la Relativité mais quand il se demande des choses du type : "comment ça se fait que je sois en train de décrire la réalité en équation et que j'y crois ? Qu'est-ce que je suis en train de faire, de vivre là ?". Il ne s'agit plus d'une simple activité consciente mais d'une prise de conscience de soi et du monde, un sol d'où penser ce qu'on fait, dont les sciences.
Sans cela, on ne penserait pas vraiment parce que la pensée n'aurait pas de sol, elle serait en l'air, sans attache à la réalité première, l'être-là, le dasein. Mais en l'occurrence, vu le caractère d'Einstein, il se peut qu'il ait produit la Relativité en étant dans un rapport "heidegerrien" au monde même si ceci n'est pas à proprement parler scientifique.
En tout cas, Heidegger fait au moins ce rappel de l'énigme de l'être-au-monde, de la conscience, et il peut notamment servir d'aiguillon pour ceux qui pensent scientifiquement mais ne pensent pas à ce que c'est que de penser scientifiquement, chose qui conditionne la manière dont on fait des sciences. Exemple : sa réflexion sur le rôle des mathématiques et de l'expérience.
Ceci étant, une précision : si je défends l'intérêt de la conception d'Heidegger, ce n'est pas pour autant que je la partage. Je suis plutôt du genre à dire qu'un ordinateur ça pense aussi, que l'approche de type phénoménologique est trop restrictive pour penser la pensée. Et je mettrais aussi à son passif l'impression qu'il me donne d'avoir raté combien la quantique obligeait à faire de la philosophie.
Quelle autre réponse que : parceque je suis curieux, et je suis en train de vivre l'expérience d'une façon de décrire la réalité complètement différente de la manière habituelle et intuitive ?Donc, un scientifique pense vraiment non pas quand il fait la théorie de la Relativité mais quand il se demande des choses du type : "comment ça se fait que je sois en train de décrire la réalité en équation et que j'y crois ? Qu'est-ce que je suis en train de faire, de vivre là ?".
Ca a l'air intéressant et ça me permettra peut-êtrede comprendre plus concrètement Heidegger.En tout cas, Heidegger fait au moins ce rappel de l'énigme de l'être-au-monde, de la conscience, et il peut notamment servir d'aiguillon pour ceux qui pensent scientifiquement mais ne pensent pas à ce que c'est que de penser scientifiquement, chose qui conditionne la manière dont on fait des sciences. Exemple : sa réflexion sur le rôle des mathématiques et de l'expérience.
Dernière modification par invite7863222222222 ; 08/12/2011 à 07h38.
A un moment donné il faut bien symboliser ses ressentis pour les communiquer et c'est dans la symbolisation d'une théorie que la sémantique de la pensée si cache non ?
L'analogie sur le mécanisme de Higgs
me semble assez parlant. On retrouve la symbolisation de la dualité onde/particule. Champs de Higgs "onde-particule" ; Un scientifique "particule" vient perturber l'attention (excitation) du champs "onde-particule" ; une rumeur "onde" peut aussi venir perturber l'attention du champs "onde-particule"il existe une petite bande dessinnee qui a ete primee en Angleterre
particule / matériel
onde / immatériel
Patrick
Non ce n'est pas cela, je crois que ce que bardamu a voulou dire qu' Einstein a peut être mis des éléments tout à fait etrangé à la science pour avancer dans sa réflexion, par exemple ce qui l'a conduit à concevoir un monde stationnaire. En gros faut penser à une démarche surréaliste, aussi un peu mystique et poétique pour dépasser les idées communes, si j'ai bien compris.
Oh non, je ne suis pas spécialement "connaisseur" d'Heidegger, comme je le précisais plus avant, je me suis surtout intéressé à deux conférences des années 50 ("La question de la technique", et "Science et méditation"), ayant été amené en ces régions par des lectures des écrits dits philosophiques d'Heisenberg et de Bohr, et je n'aurais certainement rien à "corriger" des précisions que tu donnes, qui me paraissent limpides et témoigner d'une compréhension probablement plus profonde que la mienne.Fgordon semble plus connaisseur que moi d'Heidegger et peut-être me corrigera-t-il, mais, a contrario, Heidegger lierait la pensée plutôt à un savoir-vivre, c'est-à-dire à la manière de vivre cette tension vers les choses qu'est la pensée active. A la limite, un robot peut faire des sciences et il y a d'ailleurs des prémisses d'automatisation de la recherche dans certains domaines. En droit, on pourrait informatiser une grande part de la théorisation mathématique de la physique par des algorithmes jouant avec les équations et sélectionnant les meilleures selon leur accord avec les données mesurées. Dans tout cela, peu importe qu'il y ait un Sujet (Dasein), un être vivant sa pensée.
Je dirais que pour Heidegger, la pensée est la tension d'une conscience en chemin dans le monde, que la philosophie est l'activation de cette tension, la mise en question, l'étonnement, l'interrogation, certainement pas l'arrêt de la pensée à une connaissance, un modèle, une information.
L'allusion au robot "qui pourrait faire de la science" me fait penser à une formulation, lapidaire, pour interpeller sur cette radicale distinction entre la pensée scientifique et la pensée originaire, celle du Dasein, dont parle Heidegger : La science pense un monde dont elle a, préalablement, ôté la vie. Initialement par souci méthodologique, puis l'habitude venant, par étourderie ontologique, par "oubli de l'être".
Non, ce n'est pas ça du tout. La "présence de l'être" (En Allemand, la présence c'est Anwesen, c'est le sens originel que Heidegger donne à l'être (Sein), c'est la métaphysique qui a donné un sens différent à la présence, en la "temporalisant"), c'est notre conscience originaire, notre "s'éprouver vivant" de base, sans intermédiaire réflexif). Ca n'a rien de mystique, c'est le fait d'être vivant et de se sentir tel, cette "chose" irréductible aux calculs scientifiques.Pour moi, se mettre en présence de l'être est une expression qui n'a aucun sens. Les seuls qui pourraient la revendiquer sont ceux qui affirment avoir eu des expériences mystiques, car on retrouve dans leurs écrits des témoignages très proches de ce que pourrait signifier cette expression. Donc on est totalement hors charte du forum.
Bien au contraire, sa définition est plus large que celle du sens commun (un dictionnaire "normal" ne convient pas, ne suffit pas, pour la réflexion philosophique ). Dans le cours (et la conférence) "Qu'appelle-ton penser ?", il est justement question d'essayer d'explorer les significations de ce verbe, et ce qui nous appelle à penser...Et la conférence se termine par une répétition de la question. Le chemin est encore à parcourir...Mon impression est que Heidegger s'est fait sa propre définition sur mesure (et très restrictive) du verbe penser, laquelle n'est pas du tout en accord avec le sens commun (je vous renvoie par exemple au dictionnaire de l'académie).
Ce n'est pas du tout ça, cela a déjà été dit, mais c'est utile de le répéter : Il ne s'agit pas d'exclure quiconque, mais de réfléchir aux limites du domaine dans lequel la science se meut (la science,... et non les scientifiques...)Cette définition sur mesure est conçue pour exclure la démarche intellectuelle scientifique du champ de ce mot et pour le réserver aux philosophes (du moins je suppose ceux qui pensent comme lui).
Il ne s'agit en aucune façon d'une conclusion (elles sont rares, chez Heidegger), mais au contraire, d'une ouverture au questionnement et une incitation à cheminer.il en conclut que la science ne pense pas.
Il n'y a, dans cette approche d'Heidegger, ni arrogance, ni hiérarchie, implicite ou pas... Sur quels textes te bases-tu pour penser cela ?Bref ce débat me semble reposer sur un clivage (arrogant parce que reposant sur une hiérarchie implicite ?) entre deux approches des connaissances
Je trouve que cette question de l'avant Big bang peut fournir une bonne illustration au débat: Elle est insoluble pour la science qui ne peut penser le temps (comme je l'avais indiqué daun un post précédent, elle le détruit en fait, ce qui est un excellent résultat, mais qui ne traite que de la description de l'étant). Donc, pour la science, en tant que science, la question est réglée, il n'y a pas d'avant Big Bang (du moins, dans le cadre de la cosmologie actuelle), l'univers se présente à nous, selon une géométrie spatio-temporelle, avec entre autres, un endroit, une zone, que l'on nomme Big Bang.
Pour le Dasein, il y a une perception du temps, comme construction de la conscience, à partir de l'être, qui est hors du temps. La notion "d'avant Big Bang" est une élaboration, notre (de nous, les vivants, au sens large, pas seulement les humains comme l'affirme restrictivement Heidegger, et qui est fort contestable je trouve) élaboration dans le procès par lequel nous conférons la temporalité à l'être, en en faisant un étant. L'avant Big bang est donc une fausse question, qui doit se résoudre dans une réflexion originaire, cette "pensée" dont parle Heidegger qui est cheminement vers l'être, et qui est inaccessible à la science.
Je ne suis pas certain de ça, j'en donne comme indice cet extrait du cours de 1935/36, "Qu'est-ce qu'une chose ?" :
"Là où s’effectue la recherche authentique et instauratrice, la situation n’est pas différente de ce qu’elle était il y a trois siècles. Cette époque-là aussi avait sa stupidité (*) de même qu’inversement les têtes actuelles de la physique atomique, Niels Bohr et Heisenberg, pensent d’un bout à l’autre en philosophes grâce à quoi seulement ils instaurent de nouvelles manières d’interroger et se tiennent avant tout dans le questionnement. « (Qu’est-ce qu’une chose ? P 79, Dans la section « De la manière kantienne d’interroger en direction de la chose », chapitre V – a, Caractérisation de la science moderne et de la nature vis-à-vis de la science antique et médiévale.)"
(*) Ici, et d'après le contexte, je précise qu'Heidegger fait allusion aux positivistes, et pas à la science en général.
Après de 13/15 décembre je serai plus disponible.
J'aurai le temps de parler, mais ma position n'aura pas bouger d'un iota.
“I'm smart enough to know that I'm dumb.” Richard Feynman
Il me semble que cela on le sait depuis longtemps car lié à la notion de début. Chaque concept a un domaine de pertinence limité. La frontière de son domaine de pertinence est inscrite dans la genèse du concept et s’exprime dans sa définition.
Personne n’a jamais perçu un début bien spécifié qui ne soit le début de telle ou telle entité définie, et qui n’ait consisté à tirer de quelque façon cette entité-là d’autre chose de physique ou de conceptuel qui préexistait.
« quel a été le début de l’Univers ? » L'univers considéré comme un tout donc une entité qui ne laisse rien en dehors d’elle de quoi elle ait pu émerger. Si l’on conçoit ensuite un substrat d’émergence, où peut-on le placer? Dans un autre Univers’? Ce ne serait pas une réponse, cela ne serait qu’ajourner la réponse en amorcent une régression non confinée.
Que fait-on alors? On se met à palier. Par exemple, on pose qu’il n’y a eu aucun substrat d’émergence. En ce cas le présupposé, pour tout début au sens courant du mot, d’un substrat d'émergence qui préexistait, est subrepticement effacé lorsqu’on soulève la question du début-de-l’Univers.
Patrick
Citation de Fgordon:
BonjourJe ne suis pas certain de ça, j'en donne comme indice cet extrait du cours de 1935/36, "Qu'est-ce qu'une chose ?" :
"Là où s’effectue la recherche authentique et instauratrice, la situation n’est pas différente de ce qu’elle était il y a trois siècles. Cette époque-là aussi avait sa stupidité (*) de même qu’inversement les têtes actuelles de la physique atomique, Niels Bohr et Heisenberg, pensent d’un bout à l’autre en philosophes grâce à quoi seulement ils instaurent de nouvelles manières d’interroger et se tiennent avant tout dans le questionnement. « (Qu’est-ce qu’une chose ? P 79, Dans la section « De la manière kantienne d’interroger en direction de la chose », chapitre V – a, Caractérisation de la science moderne et de la nature vis-à-vis de la science antique et médiévale.)"
(*) Ici, et d'après le contexte, je précise qu'Heidegger fait allusion aux positivistes, et pas à la science en général.
J'ignore si ce texte (extrait du cours "Qu'est-ce qu'une chose". De Heidegger??) a une signification pour un philosophe (j'en accepte l'augure) mais ce que je suis en mesure d'affirmer, c'est que, pour un physicien, c'est du galimatias du second dergré: non seulement, celui qui cherche à en prendre connaissance n'y comprend absolument rien mais, encore, celui qui l'a écrit ne comprenait rien à ce qu'il exprimait.
Note: Bohr et Heisenberg, tous deux prix Nobel, n'étaient pas les SEULES "têtes de la physique atomique". Il y avait aussi: Irwing Schrödinger, Louis de Broglie, Max Born, Einstein, Sommerfeld, Sans oublier John von Neumann, l'américain Chadwick, qui venait d'obtenir le prix nobel pour la découverte du neutron, sans oublier: Pierre et Marie Curie (deux prix Nobel), Frédéric et Irène Joliot (deux prix Nobel), et Lord Rutherford (père de la physique nucléaire) et que veuillent bien m'excuser tous ceux dont j'ai oublié de citer les noms!!
Cordialement
Ne jetez pas l’anathème : il peut servir !
L'avant big bang n'est pas forcément une fausse question. Ce "moment" échappe à nos théories actuelles (RG ET MQ) car à ce niveau ces théories rencontrent leurs limites. Il y a quelques réflexions de chercheurs (mais je n'ai plus les références en tête) pour envisager des pistes encore très hypothétiques sur un avant big bang. Bien entendu je ne parle pas là des deux B, je parles de chercheurs sérieux.
Dernière modification par JPL ; 08/12/2011 à 14h29.
Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac
Fgordon, ôtez-moi d'un doute : vous ne pourrez pas convertir les scientifiques ici, car ceux là pensent en terme d'universel, alors que vous vous parlez en terme de monde au delà de la science et donc qui vous est entièrement personnel, non ?
Dernière modification par invite7863222222222 ; 08/12/2011 à 14h41.
Désolé mais ça c'est une connerie.L'allusion au robot "qui pourrait faire de la science" me fait penser à une formulation, lapidaire, pour interpeller sur cette radicale distinction entre la pensée scientifique et la pensée originaire, celle du Dasein, dont parle Heidegger : La science pense un monde dont elle a, préalablement, ôté la vie. Initialement par souci méthodologique, puis l'habitude venant, par étourderie ontologique, par "oubli de l'être".
“I'm smart enough to know that I'm dumb.” Richard Feynman
Sans autre démonstration et explications, on est là dans l'affirmation péremptoire parfaitement gratuite.Envoyé par FgordonLa science pense un monde dont elle a, préalablement, ôté la vie
N'a de convictions que celui qui n'a rien approfondi (Cioran)
“I'm smart enough to know that I'm dumb.” Richard Feynman