En effet, certains scientifiques ont, en toute âme et conscience, refusé de continuer certaines expérimentations, notamment sur le génome humain, car ils avaient anticipé les conséquences probables d'une telle découverte sur la société...Aurélien partait de l'idée d'une science éthiquement neutre, la discussion est passé à une science conçue comme éthiquement positive (la science comme sagesse, susceptible de générer une éthique rationnelle) mais pour faire bonne mesure il faudrait peut-être s'interroger sur la science conçue comme mauvaise.
Outre l'idée ancienne d'une science où Connaissance est relié à un Souverain Bien (Vérité = Bien), il y a aussi l'idée d'une techno-science plus obscure qui de Prométhée à Frankenstein a été accusée de mener l'homme à la démesure et à la catastrophe.
jamajeff parle de l'éthique du scientifique dans son travail, c'est-à-dire sa probité dans une recherche de vérité, mais, à mon sens, il s'agit plutôt de son engagement dans la société en tant que source de pouvoir.
Après les "aventures" du XXe siècle (eugénisme, Hiroshima, extinction d'espèces etc.) il est aujourd'hui demandé si toutes les recherches sont souhaitables, et Aurélien s'interrogeait pour savoir si le scientifique doit prendre lui-même en charge les risques de mauvais usage de ses découvertes ou si il doit s'en remettre au pouvoir décisionnaire de son employeur ( je rajouterais : ou d'autorités publiques officielles, comités d'éthiques ou autre).
Je crois que le scientifique fait son boulot de recherche et son éthique scientifique se limite à ce domaine particulier. Mais le scientifique est aussi citoyen, de ce fait si il estime que son action est non conforme à ses valeurs morales, il peut ne pas poursuivre. Cela serait, d'un point de vue éthique, aussi justifiable de continuer l'expérimentation que de l'abandonner.
En revanche, ce qui ne serait pas éthique d'un point de vue scientifique, ce serait d'empêcher qu'un autre ne puisse continuer les recherches. En effet, comme je l'expliquerai plus loin, c'est la possibilité de reproduire l'expérience qui fait que la science est ce qu'elle est. C'est par elle que la communauté scientifique peut confirmer ou infirmer les résultats. Interdire n'est pas du ressort du scientifique.
Notons que le scientifique est tout de même un citoyen différent dans le sens ou il a une certaine expertise sur le sujet. Cela lui donne un pouvoir.
Ainsi, il me semblerait éthique que le scientifique s'en tienne alors à ce quil sait sur son expérimentation. Mais tout aussi légitimement, le scientifique pourrait décider que cela n'est pas de son ressort.
Lorsque le chercheur aborde le problème des implications pratiques, il serait éthique qu'il se distancie de son image de scientifique et qu'il distingue clairement ce qui est découvert (par lui-scientifique) et comment il faut agir sachant cela (selon lui-citoyent quelconque). C'est l'honnêteté.
De ce fait, il mettrai en évidence que la décision quand à l'instrumentalisation de ces connaissances ne sont pas de son ressort mais bien de la société entière car ce sont tous les individus qui la composent qui sont concernés.
Si ce scientifique ne désire pas prendre personnellement position sur ce problème de l'instrumentalisation des connaissances, c'est son droit. On ne pourra pas reprocher à ce scientifique de n'avoir pas fait son job de scientifique. Par contre, on pourra peut-être lui reprocher de ne pas avoir fait son job de citoyen (cela, je dois encore le fonder).
Si il ne se prononce pas, d'autres prendront inévitablement le relais car la science ne se construit pas seul dans son labo mais au sein d'une communauté hétérogène qui ratifie les découvertes pour leur accorder le statut de scientificité. C'est la première étape par laquelle on somme la société de se prononcer sur un problème qui al concerne.
Notons que cette communauté ne contient donc pas seulement les membres liés à un même employeur, c'est cela qui fait la richesse de la science.
Par la mise en scène expérimentale, on invite les détracteurs potentiels - des concurrents qui n'ont pas toujours intérêt à ce que ça marche - à se prononcer sur ce qui a été observé. Le scientifique se cache alors derrière son expérimentation de telle sorte que c'est bien de cela qu'on parlera et à partir de cela qu'on apprendra. Il n'y a donc pas une seule communauté d'intérêt, mais une diversiété d'intérêts divergeants qui convergent.
Même si il y a accord sur le fait scientifique, cette diversité, je l'espère, reste diverse sur le plan des applications de ces découvertes. ainsi, si l'un dit une bêtise, un autre sera toujours là pour exprimer son désaccord.
Ainsi, Heidegger avait raison lorsqu'il voyait l'analogie de la manifestation de l'Être-là dans le phénomène techno-scientifique. Le fait scientifique est toujours présent en même temps que ses applications potentielles. Et jamais on ne pourra faire que celles-ci n'aient pu être.
Ce n'est qu'une fois que le problème est disponible, porté à notre conscience, que les discussion réelle peuvent commencer...
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