Ça peut certainement être vrai dans certains cas mais je ne pense pas que ce soit le cas général.
Voilà un exemple dans un domaine différent. J'ai brocardé Lacan au grand dam de certains participants. Par contre j'aime en général les chansons de Jacques Brel donc ce que je vais dire ne tient pas d'un parti pris négatif.
Tout le monde connait les paroles de Ne me quitte pas :
Il est paraît-il
Des terres brûlées
Donnant plus de blé
Qu'un meilleur avril
ou celle du Plat pays
Avec des cathédrales pour uniques montagnes,
Et de noirs clochers comme mats de cocagne
Ou des diables en pierres décrochent les nuages,
Avec le fil des jours pour unique voyage,
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir,
Avec le vent de l'est écoutez-le vouloir,
Le plat pays qui est le mien.
[…]
Quand les fils de Novembre nous reviennent en Mai,
Quand la plaine est fumante et tremble sous Juillet,
Quand le vent est au rire quand le vent est au blé
J'ai mis en gras les phrases qui à la première écoute m'ont parues étonnantes. À la deuxième j'ai cherché à comprendre ce qu'il voulait dire. Beaucoup de gens trouvent ça génial… sans doute parce que justement c'est incompréhensible. Brel jouit en cela de la licence poétique pleine et entière, il n'y a rien à redire.
Mais pour moi, à la réflexion, je n'arrive pas y voir du sens. Vous allez me dire que je suis un idiot. C'est vrai : je veux comprendre, c'est-y pas bête, non ? À l'inverse je trouve que les autres images, qui, elles, sont compréhensibles, sont géniales.
Dans les alignements gratuits de mots sans relations je ne peux que voir un procédé littéraire.
Naturellement le fan de Brel va me tomber sur le dos : je n'aurais rien compris. Forcément, le fan est par définition un inconditionnel. Il adore une idole et tout ce qui vient d'elle est parole d'évangile. Et à ses yeux celui qui se permettrait de dire que la sandale de son idole est mal lacée n'est qu'un mécréant qui n'a rien compris.
Je pense que si beaucoup de gens pensent que ces paroles de Brel sont géniales c'est en vertu du biais cognitif dont je parle : « Je n'y comprends rien, ça doit donc être très fort. »
Nico
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