Bonjour.
Avant toute chose, je veux être bien clair : je ne suis pas là pour demander à quoi servent les nombres complexes en physique. Je sais que ça sert en particulier pour faciliter considérablement les calculs dans n'importe quel système physique faisant intervenir des oscillations (oscillateur en mécanique, électromagnétisme, électricité, physique des ondes...), je sais que c'est beaucoup plus facile de dériver et combiner des exponentielles complexes que des sinus et cosinus réels, et qu'ensuite une fois qu'on a fait tous les calculs on peut prendre la partie réelle afin d'avoir la solution physique visualisable et mesurable (ou encore multipler la quantité complexe avec son conjugué pour avoir une grandeur physique réelle, comme l'intensité I² = AA* où A est l'amplitude complexe et A* le conjugué dans le cadre de l'optique ondulatoire). Je sais aussi qu'on fait la mécanique quantique avec les nombres complexes. Bref, je connais déjà tout ça.
Ma question est vraiment très précise : pourquoi a-t-on "le droit" de prendre la partie réelle d'une solution complexe afin de retrouver et visualiser la grandeur "physique" ? D'autres personnes que moi ont visiblement posé la même question, mais je suis toujours resté sur ma faim concernant la réponse : j'ai en tête en particulier un topic de huit pages qui n'a finalement absolu pas répondu à la question de base, ce qui est assez frustrant.
En effet, je n'ai jamais été satisfait durant tout mon cursus universitaire à ce sujet : aucun prof ne m'a expliqué pourquoi on a le droit de finalement "remplacer" les solutions réelles par des solutions complexes, puis de travailler avec ces solutions complexes bien plus facilement manipulables (ça ok, c'est effectivement beaucoup plus simple), pour finalement prendre la partie réelle à la fin.
Maintenant, à force de réfléchir, je commence à comprendre, mais il me manque encore des éléments pour comprendre, donc je vais vous exposer mon petit raisonnement, en essayant d'être rigoureux à la fois mathématiquement et physiquement (car, là encore, je trouve que beaucoup de profs que j'ai eus en physique ne se foulaient pas trop pour la rigueur mathématique de leur raisonnement, ça me laissait aussi sur ma faim).
Je vais partir d'une situation hyper classique, à savoir l'équation différentielle typique d'un oscillateur harmonique :
x''(t) + omégazéro²*x = 0
Du point de vue mathématique, selon le corps de nombres qu'on considère, on a :
- deux solutions réelles x1(t) = cos(omégazéro*t) et x2(t) = sin(omégazéro*t). La solution générale est la combinaison linéaire x(t) = A*cos(omégazéro*t) + B*sin(omégazéro*t), où A et B sont deux constantes réelles.
- deux solutions complexes x1(t) = exp(i*omégazéro*t) et x2(t) = exp(-i*omégazéro*t). La solution générale est la combinaison linéaire x(t) = A*exp(i*omégazéro*t) + B*exp(-i*omégazéro*t), où A et B sont deux constantes (qui peuvent être aussi bien réelles que complexes).
Voilà, pour l'instant, je suis resté purement dans le point de vue mathématique. Maintenant, je vais mettre un peu de physique là-dedans. Evidemment, les solutions physiques qu'on va retenir sont les solutions réelles, pas les solutions complexes. Toutefois, manipuler des solutions complexes s'avère beaucoup plus pratique au niveau des calculs, donc il faut maintenant que je montre que j'ai le droit de travailler avec ces solutions complexes car les solutions physiques qui m'intéressent sont finalement "incluses" dans ces solutions mathématiques complexes. En effet, il faut se rappeler qu'un nombre, ce n'est rien moins qu'un nombre complexe dont la partie imaginaire est nulle, donc le corps des réels est finalement inclus dans le cors des complexes.
Il faut donc être conscient que lorsqu'on résout une telle équation différentielle linéaire du second ordre (ici à coefficients constants et sans second membre), n'importe quelle combinaison linéaire des deux solutions x1(t) et x2(t) est aussi solution de l'équations. Ainsi, j'ai choisi arbitrairement des constantes A et B pour avoir la combinaison linéaire x(t) = A*x1(t) + B*x2(t), mais je peux vraiment choisir mes constantes A et B absolument comme je veux, à partir du moment où ça reste des constantes (que je peux donc aussi bien appeler "Alfred" que "trucmuche", on s'en fout).
Dans ce cas, je vais "m'amuser un peu" et choisir une combinaison linéaire de la forme : x(t) = (A/2+B/(2i))*exp(i*omégazéro*t) + (A/2-B/(2i))*exp(-i*omégazéro*t).
Bon, ma combinaison linéaire est un peu tordue à première vue, mais bon : j'ai le droit car les quantités "(A/2+B/(2i))" et "(A/2-B/(2i))" sont des constantes parmi une infinité d'autres (et j'ai choisi d'opter pour des constantes A et B réelles, après tout j'ai le droit aussi).
Evidemment, mon choix de combinaison linéaire n'est pas du tout innocent. En effet, on obtient :
x(t) = (A/2)*(cos(omégazéro*t) + i*sin(omégazéro*t) + cos(omégazéro*t) - i*sin(omégazéro*t)) + (B/(2i)*(cos(omégazéro*t) + i*sin(omégazéro*t) -cos(omégazéro*t) + i*sin(omégazéro*t))
x(t) = A*cos(omégazéro*t) + B*sin(omégazéro*t)
Voilà, je viens de montrer que parmi toutes les combinaisons possibles, il y a également des combinaisons linéaires réelles.
Maintenant, il faut montrer que, plutôt que de faire ça, ça reviendrait finalement à la même chose que de prendre la partie réelle d'une solution complexe. Et... c'est malheureusement là que je suis bloqué. En effet, si je pars de la solution complexe générale et que je prends juste "Re(A*exp(i*omégazéro*t) + B*exp(i*omégazéro*t)", je trouve "A*cos(omégazéro*t) + B*cos(omégazéro*t) = (A+B)*cos(omegazéro*t)" : pas de "sinus"(je n'ai que du cosinus), une seule constante (vu que "A+B", je peux le remplacer par une constante arbitraire). Du coup, je ne comprends pas, il y a un truc qui m'échappe.
Est-ce qu'il y a une faille quelque part dans mon raisonnement, ou quelque chose que j'ai oubliée ?
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