Le concept de Masse
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Le concept de Masse



  1. #1
    curiossss

    Le concept de Masse


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    Bonjour,

    En physique quantique on a pris l'habitude de parler de la 'création spontanée' de paires de particule + antiparticule qui sont 'réelles' un court laps de temps avant de s'annihiler et de 'disparaitre'.

    Je m'étonne de cette vision que je considère simpliste et propice à entretenir confusion et mystères (petit à petit la Physique est passée du statut de Science 'exacte' à celui de Science 'occulte' dans l'esprit de beaucoup de gens, l'Histoire des Sciences un jour devra se pencher sur ce problème).
    Comment l'idée que quelque-chose puisse apparaître de rien est devenue monnaie courante dans les discours scientifiques ? Pourquoi ne jamais préciser clairement que certainement ce n'est pas 'rien' qui est à l'origine du phénomène ?
    Si j'ai dix euros dans ma poche et que je rembourse dix euros que je devais à un ami, j'ai zéro euros dans ma poche. Ai-je cessé d'exister ?

    C'était juste une digression pour arriver au concept de Masse.

    On a observé ce qu'on a qualifié de Quarks Charme à l'intérieur d'un proton. Mais la masse de ce quark est supérieure à la masse du proton. Ne serait-ce pas là l'occasion de bien définir ce qu'on appelle Masse ?
    Une comparaison au hasard : un objet illuminé projette une ombre, mais on ne peut pas dire que cette ombre est une propriété de l'objet puisqu'elle dépend de l'angle d'incidence de la lumière sur l'objet.
    Un autre mauvais exemple : la trainée d'un bateau sur un plan d'eau : la trainée du bateau serait une propriété du bateau ? Mais elle dépend si le bateau se déplace proue ou poupe en avant, ou tête en bas sur l'eau, la trainée ne sera pas la même !
    Je vous laisse le soin d'inventer d'autres exemples

    Mais on a aussi l'image mentale que masse = énergie, et qu'on peut considérer que la particule possède une énergie 'propre' en plus de son énergie cinétique (et potentielle, etc...). Mais le discours ambiant reste assez confus sur ce sujet.
    Suivant qu'on se place en mécanique Newtoniène, en Relativité Générale, ou en Mécanique Quantique, le concept de masse varie. On a vu même apparaitre des Masses 'négatives'...

    La masse d'une particule ne serait-elle finalement que le résultat de son interaction avec son environnement ? Je laisse les mots interaction et environnement suffisamment vagues pour coller à tous les besoins. Quelles sont les dernières avancées théoriques sur le sujet ?
    Considère-t-on toujours que la Masse est une propriété intrinsèque à une particule, ou bien a-t-on déjà abandonné cette façon de voir ?
    Merci.

    -----
    Science n'est pas mysticisme et mysticisme n'est pas science. Mais on mélange les deux !

  2. #2
    ThM55

    Re : Le concept de Masse

    Bonjour.
    En physique quantique on a pris l'habitude de parler de la 'création spontanée' de paires de particule + antiparticule qui sont 'réelles' un court laps de temps avant de s'annihiler et de 'disparaitre'.
    Non non et non! Cela n'existe pas. C'est désolant de lire cela. On décrit des processus et les calculs sont très complexes. Pour les organiser et les rendre faisables "à la main" ou avec des ordinateurs, on a créé des techniques, notamment les fameux "diagrammes de Feynman". Ces diagrammes sont suggestifs et font penser à ces créations et annihilations de particules. Parmi eux il y a des sortes de "déchets", des termes qui font penser un peu à une création spontanée suivie d'une annihilation. Mais on démontre que ces termes doivent disparaître du calcul! ILS N'EXISTENT PAS, ON DOIT LES IGNORER. Excuse-moi de crier, mais je veux que tout le monde entende, même ceux qui dorment au fond de la classe.

    Je m'étonne de cette vision que je considère simpliste et propice à entretenir confusion et mystères (petit à petit la Physique est passée du statut de Science 'exacte' à celui de Science 'occulte' dans l'esprit de beaucoup de gens, l'Histoire des Sciences un jour devra se pencher sur ce problème).
    Non pas du tout. C'est possible dans l'esprit de certains qui sont mal renseignés, mais je te rassure, la physique est toujours une science exacte.

    Je ne sais pas d'où vient l'idée que le proton serait une particule charmée. Ce n'est pas le cas.

    Maintenant, il faut accepter l'idée que d'un point de vue théorique fondamental, on comprend beaucoup moins bien l'origine et la nature de la masse que celle, par exemple, des interactions de jauge. Une partie de la masse provient d'une interaction avec le boson de Higgs. Mais une partie, notamment pour les hadrons, résulte des interactions de la chromodynamique quantique, qui sont extrêmement difficiles à traiter (on le fait numériquement sur des ordinateurs très puissants et on parvient à estimer correctement la masse de la plupart des hadrons).

    En général, une théorie quantique de champs (qui est actuellement le cadre de référence en physique des hautes énergies et aussi, sous un autre point de vue, en physique statistique) contient trois types d'éléments mathématiques, qui apparaissent comme des termes dans un lagrangien.

    Premièrement les termes dynamiques, qui en gros décrivent le comportement de propagation des champs. Il s'agit le plus souvent des combinaisons quadratiques des dérivées partielles de ces champs. On peut expliquer d'où viennent ces termes à partir de principes de base comme l'invariance de Lorentz et des exigences de stabilité de la théorie.

    Un deuxième type de terme décrit les interactions entre champs. En général ils font intervenir un produit des champs au même point et une constante de couplage. On comprend relativement bien ces termes d'interaction à partir de principes tels l'invariance de Lorentz, la localité et l'invariance de jauge locale, du moins dans les théories dites "renormalisables".

    Finalement, le troisième type de terme est celui dit "de masse". Il est généralement quadratique (puissance 2) dans les champs. Il n'y a là rien de mystérieux, si on a compris les idées de la théorie quantique des champs, le coefficient de ce terme est assimilable sans problème au concept de masse de la relativité restreinte qui elle même se réduit à celui de Newton à la limite non relativiste. Croire qu'on a changé de concept parce qu'on a changé de théorie est une erreur. Il y a un cas ou l'apparition d'un terme de masse est assez bien compris, c'est celui de la brisure spontanée de la symétrie de jauge locale. Néanmoins il faut bien reconnaître que cela ne fait qu'éclairer partiellement la question, car cela repose sur le postulat d'un terme en puissance 4 pour le champ de Higgs.

    Il y a d'autres questions qu'on ne comprend pas, par exemple d'où vient le spectre de masse des leptons? Pourquoi le muon et le tau?

    Il y a une théorie qui peut potentiellement expliquer tout cela, c'est la théorie des cordes. Elle a permis de construire des modèles qui présentent des spectres de masse. Mais cela dépasse mes compétences, je ne vais pas me risquer là dedans.
    Dernière modification par ThM55 ; 21/12/2022 à 18h22.

  3. #3
    Morrslieb

    Re : Le concept de Masse

    Comment l'idée que quelque-chose puisse apparaître de rien est devenue monnaie courante dans les discours scientifiques ?
    Pour les diagrammes vide-vide, ThM55 vous a déjà répondu. D'autres types de diagrammes sont par exemple les diagrammes de type "self-interaction". Dans ce type de diagramme, on peut par exemple avoir des particules qui émettent des particules virtuelles puis les réabsorbent immédiatement. Ces particules virtuelles peuvent violer la relation de dispersion d'Einstein, mais puisque c'est uniquement pour un laps de temps extrêmement court, c'est OK. Effectivement, cela ne correspond pas à une création à partir de rien, contrairement aux diagrammes de type vide-vide. Ceci dit, il faut comprendre que ces particules virtuelles ne constituent qu'un outil créé pour faire fonctionner les modèles théoriques. Les particules virtuelles ne représentent pas forcément ce qui se passe en réalité, c'est à dire en réalité, ces particules virtuelles n'existent pas nécessairement.

    On a observé ce qu'on a qualifié de Quarks Charme à l'intérieur d'un proton.
    Où avez-vous lu cela? Les protons sont constitués de quarks up et down, pas de quarks charm.

    On a vu même apparaitre des Masses 'négatives'
    La masse est une charge, toute comme la charge électrique ou la charge couleur. Il n'est donc pas si insolite d'imaginer des masses négatives.

    La masse d'une particule ne serait-elle finalement que le résultat de son interaction avec son environnement ?
    Je ne le vois pas comme ça. Les bosons W et Z ont obtenu leur masses en absorbant des bosons de Goldstone venant du champ de Higgs, lors de la brisure de la symétrie électrofaible. Les fermions ont eu leur masse, lors de la brisure de la symétrie électrofaible, via leur couplage de Yukawa au champ de Higgs avant la brisure de la symétrie électrofaible. Ainsi on obtient, me semble-t-il, ce qu'on appelle une "bare" masse non nulle. Ensuite, cela dépend à quel niveau on travaille. Si on ne travaille pas au niveau arbre, alors il faut aussi tenir compte de la self-interaction mentionnée plus haut. On peut avoir des corrections virtuelles au propagateur, et donc les self-interactions contribuent à la masse. Et donc, la masse observée correspond à la bare masse plus les corrections virtuelles (au niveau arbre, la masse observée est égale à la bare masse). En principe, à cause de ces corrections virtuelles, la masse peut devenir infinie, et il faut donc utiliser la renormalisation pour obtenir la valeur de la masse observée. Mais ceci est plutôt un artefact de la construction théorique, à mon avis. En tout cas, on ne peut pas dire à mon avis que toute la masse d'une particule élémentaire serait entièrement due aux (self-)interactions.
    Pour les particules composées, voir la réponse de ThM55.

    Considère-t-on toujours que la Masse est une propriété intrinsèque à une particule, ou bien a-t-on déjà abandonné cette façon de voir ?
    Il ne faut pas oublier que ce qu'on a, ce sont des modèles pour décrire ce qui se passe. Mais ces modèles ne correspondent pas nécessairement à la réalité, et l'interprétation physique de ces modèles n'est pas toujours très claire non plus. Les constantes de Yukawa sont des paramètres libres du modèle standard, ce qui rend une interprétation de leur signification difficile. Interpréter les corrections virtuelles n'est pas aisé non plus. A mon avis, la masse correspond bien à une propriété intrinsèque à une particule, mais je suppose que c'est peut-être sujet à discussion.

  4. #4
    coussin

    Re : Le concept de Masse

    Citation Envoyé par Morrslieb Voir le message
    Où avez-vous lu cela? Les protons sont constitués de quarks up et down, pas de quarks charm.
    Une étude récente : https://www.nature.com/articles/s41586-022-04998-2

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    un_copain

    Re : Le concept de Masse

    Citation Envoyé par Morrslieb Voir le message
    Ceci dit, il faut comprendre que ces particules virtuelles ne constituent qu'un outil créé pour faire fonctionner les modèles théoriques. Les particules virtuelles ne représentent pas forcément ce qui se passe en réalité, c'est à dire en réalité, ces particules virtuelles n'existent pas nécessairement.
    Il y a quand même une réalité expérimentale derrière tout ça non ? L'effet Casimir est bien quelque chose de mesurable, causé par des photons virtuels.

  7. #6
    coussin

    Re : Le concept de Masse

    Citation Envoyé par un_copain Voir le message
    Il y a quand même une réalité expérimentale derrière tout ça non ? L'effet Casimir est bien quelque chose de mesurable, causé par des photons virtuels.
    Non pas forcément.
    Une interprétation possible de l'effet Casimir fait intervenir des photons virtuelles mais pas d'autres interprétations. En particulier, l'effet Casimir peut être expliqué par des arguments similaires à ceux utilisés pour expliquer les interactions dites de van der Waals, à savoir une interaction tirant son origine des densités de charges et courants fluctuants.

  8. #7
    ThM55

    Re : Le concept de Masse

    Citation Envoyé par coussin Voir le message
    Non pas forcément.
    Une interprétation possible de l'effet Casimir fait intervenir des photons virtuelles mais pas d'autres interprétations. En particulier, l'effet Casimir peut être expliqué par des arguments similaires à ceux utilisés pour expliquer les interactions dites de van der Waals, à savoir une interaction tirant son origine des densités de charges et courants fluctuants.
    Oui, dans l'effet Casimir on doit insérer des plaques conductrices, donc des charges. Cependant, dans le cas des effets dûs à la gravité, comme l'effet Hawking pour les trous noirs, il est légitime de se poser la question. Je dirais qu'on est dans ce cas dans le cadre d'une approximation quasi classique dans laquelle le champ de gravitation est purement classique. Une description complète devrait faire intervenir la véritable gravitation quantique, dont la théorie n'est pas connue. Il serait intéressant de traiter le champ de gravitation comme une théorie effective, je suppose qu'on arriverait à une description avec des gravitons échangés avec la masse. Je serais curieux de savoir si cela a été fait.

  9. #8
    coussin

    Re : Le concept de Masse

    Pour l'effet Hawking, l'explication est la non-unicité des vacua en espace-temps courbe il me semble.
    Mais il est vrai que la "fameuse" explication d'une paire de particules virtuelles se créant proche de l'horizon a la peau dure... Néanmoins, cette explication est peu utilisée dans les publis "serieuses" il me semble. Mais je ne suis pas spécialiste dans ce domaine, je peux me tromper...

  10. #9
    ThM55

    Re : Le concept de Masse

    Pourtant c'est celle qu'on trouve explicitement dans l'article de Hartle et Hawking, publié peu après l'article original de Hawking. Ils travaillaient en fait avec une intégrale fonctionnelle et une figure montre la création d'une paire près de l'horizon sur un diagramme de Penrose.

  11. #10
    coussin

    Re : Le concept de Masse

    Oui c'est une interprétation simple et facile à visualiser. Mais d'autres interprétations existent qui ne font pas appel à ces paires de particules virtuelles. En fait, ce "rayonnement" est une conséquence cinématique en présence d'un horizon et a depuis été observé dans pas mal de systèmes analogues (en particulier l'émission de phonons dans des condensats de Bose-Einstein).

  12. #11
    Morrslieb

    Re : Le concept de Masse

    Huh! J’avoue que cet article sur le quark charm à l’intérieur du proton me laisse relativement perplexe.

    Bon, d’abord pour un hadron, il faut distinguer entre les “sea quarks” et les “valence quarks”. Les sea quarks sont un nuage de particules virtuelles formées de gluons et de quarks de différents types. Cela correspond à des corrections virtuelles, donc des self-interactions, et contribue à la masse du proton. Là, il peut y avoir des quarks charm, ce n’est rien de neuf.
    Ensuite, les valence quarks sont normalement au nombre de trois donnés par des quarks up et down.

    Maintenant, l’article dit qu’il y aura des quarks charms comme “intrinsic” quarks. Je suppose que les auteurs entendent par là les valence quarks. Néanmoins, il n’est pas toujours facile de trancher entre sea quark et valence quark. Peut-être que le quark charm des auteurs est quand-même davantage du côté sea quarks que du côté valence quark, même s’ils aimeraient insinuer le contraire. Ceci dit, les auteurs n’ont que des “indications”, pas de preuve, le résultat n’est pas encore confirmé (il me semble qu’ils sont à 3 sigma si j’ai bien lu, à revoir). Donc, tout ça n’est pas encore bien établi, affaire à suivre.

  13. #12
    ThM55

    Re : Le concept de Masse

    La chromodynamique est tout de même une théorie terriblement compliquée. Personnellement je connais mal, j'en suis au niveau des perturbations dans Peskin-Schroeder (et encore je n'ai pas tout lu et plus j'avance là dedans moins j'ai l'impression de comprendre). A faible énergie comme au sein des nucléons on est dans le domaine non-perturbatif, donc ce n'est pas forcément impossible de voir que d'autres générations puissent se manifester. Je suppose que ces notions de "sea quarks" et "intrinsic quarks" doivent avoir un sens dans la théorie non perturbative, mais j'ai l'impression que c'est plutôt heuristique.

    Maintenant, il ne faut pas oublier que pour des particules fortement liées, il y a le défaut de masse: on descend en énergie potentielle, donc la masse totale est inférieure à la somme. Je rappelle ce fait élémentaire pour répondre au questionnement de curiossss (21/12/2022, 18h10) qui semblait trouver cela paradoxal.

  14. #13
    coussin

    Re : Le concept de Masse

    Le "problème" de la QCD est que les particules médiatrice (les gluons) peuvent se coupler directement aux particules qui interagissent (les quarks).
    Le proton est donc une "molécule de 3 quarks" mais les gluons peuvent se coupler directement à tous les autres quarks. Pas étonnant alors que la distinction entre quarks de valence, quarks virtuels, etc... soit ténu (d'où le terme de soupe )

  15. #14
    Quarkonium

    Re : Le concept de Masse

    Je fais un message assez généraliste pour essayer de m'adresser à différents niveaux.

    Comme évoqué par ThM55, dans ce contexte de calcul de section efficace de processus hadroniques, il faut comprendre "intrinsic" comme non-perturbatif. En physique hadronique, puisque l'amplitude de transition entre états liés hadroniques ne peut être simplement calculée de façon perturbative comme pour des processus de QED, tous les calculs de sections efficaces reposent sur des théorèmes de factorisation de la section efficace.

    La section efficace est typiquement factorisée en deux composantes. Une composante perturbative, qui est la transition d'un état initial comprenant uniquement des particules élémentaires non liées, vers un état final comprenant lui aussi des particules élémentaires non liées. Elle est évaluée en faisant une expansion en puissances de la constante de couplage forte alpha_s et en ne gardant que les termes dominants (leading order, LO next to leading order NLO, NNLO etc), de façon similaire aux calculs QED. Cela est possible quand l'énergie de collision est élevée. Et une composante non-perturbative, pour laquelle le calcul à partir des principes fondamentaux de la QCD est encore à ce jour moins que balbutiant. C'est le corrélateur qui décrit "l'extraction" d'un parton spécifique du proton parent. Dans une section efficace factorisée, cette composante va typiquement contenir une fonction de distribution du ou des des partons impliqués dans le sous-processus perturbatif (que j'appelerai "processus dur" par la suite, hard scattering en anglais car se déroulant à haute énergie dans le centre de masse des particules impliquées).

    Prenons par exemple le processus Deep Inelastic Scattering (DIS), un des processus les plus simples où un électron diffuse sur un quark en cassant son proton parent (la seule particule mesurée dans l'état final est l'électron dévié). La section efficace de réaction entre le proton et le photon virtuel échangé est globalement le produit de la section efficace de réaction entre un quark issu du proton et le photon (le processus dur), avec la fonction de distribution du quark (PDF) dans le proton. Ainsi mesurer DIS permet de mesurer indirectement la PDF du quark impliqué dans le processus dur, qu'on ne sait pas calculer. On interprète cette PDF comme décrivant le contenu du proton en quarks. Elle est fonction de l'impulsion relative du parton par rapport à l'impulsion du proton parent (x = p_parton / p_proton compris entre 0 et 1).

    Mais ce qu'il faut donc garder à l'esprit, c'est que dans ce framework de factorisation, tout ce qui n'est pas dans la composante perturbative fait automatiquement partie de l'autre composante non-perturbative. Cela n'est pas forcément à interpréter comme faisant partie intégrante du proton en toute circonstance, notamment au repos. Juste qu'on ne sait pas le calculer de façon perturbative puisque la constante de couplage alpha_s est trop grande (en réalité, on réalise également une autre expansion en M/Q où M est la masse du proton, et Q l'énergie de collision, et on ne garde que le terme dominant, appelé leading twist).
    Il peut donc y avoir toutes sortes de contributions à la partie non-perturbative à la section efficace. Ce sont des interactions entre partons qui se réalisent sur des échelles de temps/distance qui sont bien plus grandes que celle du processus partonique. On passera les détails mais je te réfère à la notion d'évolution des PDFs avec la résolution (proportionnelle à l'énergie de collision Q), et l'équation d'évolution DGLAP qui prend en compte une certaine catégorie d'interactions entre partons préalables au processus dur. Ce mécanisme d'évolution résulte en une dépendance de la PDF à l'énergie de collision, ce qui peut sembler contre-intuitif de prime abord. En vérité cela implique que plus on sonde le proton avec un photon de grande énergies, plus on sonde de petites échelles, et plus on peut "rencontrer" de partons différents dans le processus dur. Aux basses énergies dans DIS, le photon interagit principalement avec l'un des quarks de valence. Aux hautes énergies, il peut rencontrer une mer de partons, majoritairement des gluons, mais aussi des saveurs lourdes telles que le charm, bottom, mais aussi s, ubar, dbar, etc. J'ai même souvenir d'articles recherchant des processus où des contributions d'origine leptonique (donc vie l'interaction EM) rivalisent avec les contributions hadroniques pour mesurer des PDFs de leptons dans le proton.
    Mais même s'il y a une PDF pour le charm dans le proton, tu peux voir que dans le régime x = 0.3 (chaque parton porte environ un tiers de l'impulsion du proton parent), seules les PDF des quarks u et d sont non-négligeables (avec f_u = 2*f_d je te laisse deviner pourquoi ). En ce sens, ils sont bien les quarks de valence.

    Pour ajouter à l'horreur, il faut garder à l'esprit que démontrer la factorisabilité d'une section efficace hadronique relève de l'exploit. Cela n'a pu être fait de façon rigoureuse que pour les processus DIS et Drell-Yan. Car il est très difficile de prouver que le processus dur qui nous intéresse peut être considéré comme se déroulant de façon indépendante à toutes les autres interactions partoniques se déroulant dans dans le proton. L'idée étant que l'échelle de temps sur laquelle le processus dur se réalise est trop courte pour que les autres interactions partoniques aient une chance d'interférer. Pour toutes les processus autres que DIS et Drell-Yan, on fait l'hypothèse de factorisabilité dans des conditions cinématiques qui semblent raisonnables. En priant pour que les contributions leading order (ou NLO, NNLO, voire N3LO pour les plus énervés) et leading-twist sont effectivement les contributions dominantes à la section efficace.
    Au-delà de ça, la description du proton en termes de PDFs (et fonctions de distribution plus générales qui prennent aussi en compte les composantes transverses de l'impulsion et de la position du parton dans le proton) souffre d'autres difficultés techniques. Par exemple, l'universalité d'une même fonction de distribution lorsqu'elle est mesurée par différents processus est loin d'être triviale. Et retrouver les nombres quantiques du proton à partir des fonctions de distribution de ses composants est également une question qui reste ouverte.

    Il n'y a donc pas de discussion quant à la possibilité théorique d'une composante non-perturbative de type charm dans les processus hadroniques. Comme précisé dans le quatrième paragraphe du corps principal de l'article, dès l'avènement de QCD, on s'attendait à ce que toutes les saveurs de quarks puissent contribuer à la fonction d'onde du proton. La question était plutôt de savoir si une composante issue de saveurs lourdes pouvait être non-négligeable. D'un point de vue pratique, trancher la question est difficile car il est difficile de séparer la contribution non-perturbative, ou intrinsèque, de la composante perturbative issue de diagrammes de correction du processus dur. Pour ce faire, l'article utilise un processus précis contre lequel des détracteurs butés pourraient objecter que la factorisabilité n'est pas prouvée, dans un régime cinématique où la composante charm intrinsèque est censée dominée, ce qui peut toujours être discuté. Ce processus nécessite notamment de mesurer une particule charmée dans l'état final, ce qui implique de modéliser le processus d'hadronisation du quark c avec d'autres partons dans l'état final. Et là aussi il y a autant de disputes et de méthodes que de gluons dans l'univers.
    Donc la façon dont la valeur de la PDF et son incertitude sont calculées peuvent être discutées sur de nombreux points, mais c'est comme ça qu'on fait.

  16. #15
    coussin

    Re : Le concept de Masse

    Merci pour cette réponse complète
    Quel est ton avis sur les sites de vulgarisation qui résume ton message en "le proton contient un quark charm" ? ce qui donne ensuite ce sujet...

  17. #16
    Quarkonium

    Re : Le concept de Masse

    Que parler du contenu du proton n'est jamais chose simple, et que comme toujours, il ne faut pas prendre la vulgarisation pour un cours de physique. Je dirais que pour une particule universelle vue de l'extérieur, le proton peut contenir bien des choses différentes selon comment on le regarde.

  18. #17
    curiossss

    Re : Le concept de Masse

    Merci pour vos réponses, je reviens dans la discussion après de courtes vacances :
    effectivement j'ai ouvert cette discussion après avoir lu un article (je ne sais plus lequel) où il était dit que le proton pouvait contenir un quark charmé. (sous certaines conditions et provisoirement je suppose suite à un choc contre un autre proton, je ne sais plus du tout ce qui y était écrit)
    Je m'étais dit après tout pourquoi pas, si l'énergie cinétique se transforme en masse... mais qu'est-ce que la masse ?

    D'où mon interrogation de base : la masse serait-elle le résultat d'une interaction de la matière avec tout son environnement au sens large plutôt qu'une propriété de la matière ? Je me pose la question car la masse mesure une résistance aux accélérations n'est ce pas, les particules génèrent des champs (comme une particule n'a pas de frontière bien définie on pourrait aussi dire que ces champs font partie de la particule), qu'une accélération d'une particule doit aussi accélérer les champs qui lui sont rattachés, et comme il y a interaction entre les champs de toutes les particules c'est l'énergie nécessaire au réarrangement des interactions entre les champs qui induit la résistance aux accélérations des particules... vous voyez l'idée ? J'enfonce probablement des portes ouvertes, et les théories des champs ne disent peut-être pas autre chose que cela sous forme mathématique. Mais je ne suis pas spécialiste et une réponse claire (ou sous formes d'hypothèses actuellement en cours) me serait précieuse
    Science n'est pas mysticisme et mysticisme n'est pas science. Mais on mélange les deux !

  19. #18
    Quarkonium

    Re : Le concept de Masse

    Il faut être très précautionneux quand on utilise des termes spécifiques qui ont généralement une signification précise en physique. Cela peut aussi dépendre du cadre théorique dans lequel on se place : le même terme peut avoir une signification différente entre deux cadres différents.
    En électromagnétisme classique, une particule dotée d'une charge peut être vue comme étant source d'un champ. Par contre en théorie quantique des champs, les particules élémentaires sont plutôt vues comme étant des excitations du champ correspondant.
    Dans tous les cas pour moi, des phrases telles que "accélérer un champ" ou "interaction entre les champs" n'ont pas de sens physique. Les champs sont justement une représentation de l'interaction entre particules en électromagnétisme classique.

    L'influence des champs environnants sur le mouvement de la particule est donc simplement l'interaction électromagnétique. La résistance à l'influence de ces champs est justement due à la masse de la particule.

    La masse d'un système en elle-même peut être définie par l'énergie du système lorsqu'il est au repos. Pour une particule élémentaire, elle peut être vue soit comme un simple paramètre libre qui n'a pas besoin d'être justifié, soit comme étant issue de l'interaction avec le champ de Higgs. Pour un système composite, elle est la somme des masses et énergies cinétiques de ses composants (ou l'énergie de liaison pour les états liés, même si dans le cas des hadrons le concept d'énergie de liaison est flou).

  20. #19
    curiossss

    Re : Le concept de Masse

    Merci pour ces précisions.
    Elles me confortent un peu dans l'idée que je m'étais faite petit à petit sans connaitre les théories des champs. Même si cette idée est grossière, elle me permet de lever une part du 'mystère' que représentait pour moi le concept de masse.
    Sans avoir la prétention d'être précis dans les termes ni de souscrire à telle ou telle théorie, si on considère les champs comme partie intégrante des particules qui les génèrent, cela apporterait un peu de lumière à l'autre phénomène 'magique' : l'interaction à distance (il n'y a plus de distance puisque les champs des particules se superposent...).

    Vous l'aurez compris, même si j'estime beaucoup les théories physiques, ce qui m'intéresse réellement c'est ce qu'elles traduisent.

    PS :

    Citation Envoyé par Quarkonium Voir le message
    Dans tous les cas pour moi, des phrases telles que "accélérer un champ" ou "interaction entre les champs" n'ont pas de sens physique. Les champs sont justement une représentation de l'interaction entre particules en électromagnétisme classique.
    Un particule isolée possède bien un champ qui lui est associé même sans l'existence d'autres particules ? (par contre pour mesurer une interaction il faut bien au moins deux particules sinon il n'y a pas d'interaction, puisque nos théories sont construites sur les mesures des interactions...?)
    Si la réponse est non, parce que cela contredit la définition qu'on donne au mot 'champ', alors il faut reformuler la question : il ne se passe rien autour (à distance) d'une particule isolée dépendant directement de cette particule ?

    Citation Envoyé par Quarkonium Voir le message
    L'influence des champs environnants sur le mouvement de la particule est donc simplement l'interaction électromagnétique. La résistance à l'influence de ces champs est justement due à la masse de la particule.
    Donc le champ gravitationnel ne serait pas totalement indépendant du champ électromagnétique ? Serait-il une conséquence lointaine de champs électromagnétiques internes à toute particule, même neutre (zéro pouvant être rien, ou bien la somme de + et de -) ?

    Citation Envoyé par Quarkonium Voir le message
    Dans tous les cas pour moi, des phrases telles que "accélérer un champ" ou "interaction entre les champs" n'ont pas de sens physique
    Effectivement accélérer directement un champ ça fait bizarre comme phrase.
    Je voulais dire que si on accélère une particule le champ qui lui est associé va la suivre, donc par rapport à l'observateur ce champ va subir une accélération (qui accélère qui, la particule ou les champs, c'est l'oeuf et la poule) et j'imagine subir aussi une déformation (*).
    (*) : Ce qui est très intéressant à considérer si on se réfère à la Relativité et l'absence de repère absolu : la déformation serait donc qu'une illusion d'optique.
    Mais aucune déformation du champ suite à l'accélération de la particule qui le génère me semble impossible (suite à la finitude des vitesses de propagation), donc la déformation observée serait la somme de la déformation réelle et d'une illusion de déformation conséquente aux vitesses relatives entre observateur et observé ? Mais que voudrait alors dire 'déformation réelle' si on ne considère pas de référentiel absolu ? Pour contourner la difficulté la déformation réelle serait celle vis-à-vis du référentiel constitué par la particule elle-même. Mais la particule aurait donc une illusion de sa propre réalité dépendante de sa vitesse... mais on tourne en rond car vitesse par rapport à quoi ? J'entrevois une solution à toutes ces questions mais ce n'est pas ici que je peux en discuter (je m'éloigne du sujet de cette discussion, mais cela fait aussi partie de mes interrogations profondes)

    Citation Envoyé par Quarkonium Voir le message
    La masse d'un système en elle-même peut être définie par l'énergie du système lorsqu'il est au repos. Pour une particule élémentaire, elle peut être vue soit comme un simple paramètre libre qui n'a pas besoin d'être justifié, soit comme étant issue de l'interaction avec le champ de Higgs. Pour un système composite, elle est la somme des masses et énergies cinétiques de ses composants (ou l'énergie de liaison pour les états liés, même si dans le cas des hadrons le concept d'énergie de liaison est flou).
    Même réflexion que ci-dessus, quand on parle de système au repos c'est simplement vis-à-vis du référentiel de l'observateur. Ca reste un pis-aller que d'être obligé de raisonner en énergies relatives (puisque le zéro de l'échelle de mesure est librement fixé par la vitesse de l'observateur). Ca laisse un arrière goût amer.
    Science n'est pas mysticisme et mysticisme n'est pas science. Mais on mélange les deux !

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