Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?
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Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?



  1. #1
    Husserliana

    Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?


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    Bonjour à tous,

    Cette distinction entre cours du temps et flèche du temps, je la trouve (à satiété) dans les ouvrages et articles d'Étienne Klein. Par exemple :
    "Cet examen fait apparaître que, dans ses formalismes opératoires, la physique distingue le temps du devenir. Elle les distingue même radicalement : il y a, d’une part, le cours du temps, grandeur primitive dont la représentation est contrainte par le principe de causalité, d’autre part, la flèche du temps, laquelle n’est pas une propriété du temps, mais de la majorité des phénomènes qui s’y déroulent, en l’occurrence les phénomènes temporellement irréversibles (une goutte d’encre qui tombe dans un verre d’eau se dilue, se disperse et cesse ainsi, irrémédiablement, d’être une goutte d’encre)
    Le cours du temps permet d’établir une différence de statut (mais pas de nature) entre les instants passés et futurs : sur la ligne du temps, demain n’est pas situé à la même place qu’hier – un certain laps de temps les sépare définitivement. La flèche du temps, quant à elle, est la manifestation du devenir. Elle exprime le fait que certains systèmes physiques évoluent de façon irréversible au cours du temps : ils ne retrouveront pas demain les états qu’ils ont connus hier."

    Une première question serait donc : cette distinction est-elle effet posée et assumée comme telle, dans les articles de physique (vulgarisation exceptée) ?
    La seule référence que je puis trouver est une conférence du professeur Thierry de Larochelambert (chercheur à l' Institut Femto-ST) :"le cours du temps est le déroulement irréversible des instants successifs aussi rapprochés que possible(...)le cours du temps est orienté et irréversible par causalité  l’irréversibilité des phénomènes (flèche du temps) n’est pas due à l’irréversibilité du cours du temps (et inversement)"



    Ma seconde question dès lors : lorsque d'aucuns formalisent l'émergence "du temps" depuis un "niveau" intemporel (que ce soit Rovelli et son hypothèse d'un temps thermique, Zeh et Kiefer mobilisant la décohérence pour expliquer "the emergence of a classical concept of time from a timeless quantum world", cf.The Physical Basis of The Direction of Time ) ; de quoi est-il question au juste ? De l'irréversibilité des phénomènes (flèche), ou bien du cours du temps lui-même ?

    Autrement dit : ce "timeless quantum world" – nous sommes, j'imagine dans le contexte d'une théorie de la gravité quantique – est-il "timeless" seulement dans la mesure où ses phénomènes sont réversibles (je mets de côté les exceptions induites par l'interaction faible) ? Ou bien, parce qu'à ce niveau, le temps n'a tout simplement pas cours, il n'y aurait pour ainsi dire aucune "succession irréversible d'instants" ?
    La flèche ou le cours, donc ?

    -----

  2. #2
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    Salut,

    Citation Envoyé par Husserliana Voir le message
    Une première question serait donc : cette distinction est-elle effet posée et assumée comme telle, dans les articles de physique (vulgarisation exceptée) ?
    Oui bien que ce soit souvent implicite et lié au domaine (par exemple un article ou livre de physique statistique). Sauf article traitant spécifiquement de ces aspects sur le temps mais il faut le dire, des articles non vulgarisés traitant spécifiquement de ça, ça doit être rare. C'est plutôt "comme faisant partie d'un ensemble" (la relativité, la physique statistique, la gravité quantique...)

    Mais dans la vulgarisation disons que c'est un peu "variable" selon la qualité et la précision (et c'est pas souvent très bon, hélas).

    Citation Envoyé par Husserliana Voir le message
    Ma seconde question dès lors : lorsque d'aucuns formalisent l'émergence "du temps" depuis un "niveau" intemporel (que ce soit Rovelli et son hypothèse d'un temps thermique, Zeh et Kiefer mobilisant la décohérence pour expliquer "the emergence of a classical concept of time from a timeless quantum world", cf.The Physical Basis of The Direction of Time ) ; de quoi est-il question au juste ? De l'irréversibilité des phénomènes (flèche), ou bien du cours du temps lui-même ?
    Le cours du temps lui-même.

    La flèche du temps, ça, ça existe depuis longtemps. C'est tout simplement exprimé par l'entropie et donc par la thermodynamique (qui exprime justement comme ça l'irréversibilité donc une orientation privilégiée du temps) ou mieux la physique statistique (qui explique la situation, sauf une quand on essaie de comprendre cette situation de systèmes en systèmes de plus en plus grands : "pourquoi les états d'entropie faible et fort collent-ils à la flèche du temps cosmologique", en fait là personne n'en sait rien).

    Le temps (le cours du temps lui-même) c'est beaucoup plus récent et très spéculatif (et tous les physiciens ne sont pas d'accord, il y a déjà eut des "affrontements" entre Rovelli et Smolin sur ce point). Pour ceux qui acceptent les hypothèses qui vont avec c'est le temps "thermique" en gravité quantique à boucles par exemple (peut-être aussi en gravité entropique mais je connais très mal).

    Citation Envoyé par Husserliana Voir le message
    Autrement dit : ce "timeless quantum world" – nous sommes, j'imagine dans le contexte d'une théorie de la gravité quantique – est-il "timeless" seulement dans la mesure où ses phénomènes sont réversibles (je mets de côté les exceptions induites par l'interaction faible) ? Ou bien, parce qu'à ce niveau, le temps n'a tout simplement pas cours, il n'y aurait pour ainsi dire aucune "succession irréversible d'instants" ?
    La flèche ou le cours, donc ?
    Ca ne peut pas être "réversible" puisque cela implique une notion du temps. Il n'y aurait à cette échelle pas de notion de temps, cela se voit dans le formaliste de la théorie des boucles : les réseaux de spin sont "sans temps" (le temps étant une variable dynamique et donc un opérateur agissant sur l'espace d'états et non un paramètre décrivant ces états). Et on fait "sortir le temps" (on dit parfois "dégeler le temps") avec les mousses de spin, mais le passage reste un état un peu chaotique. Ca se voit aussi sur un modèle de pré-bigbang assez mal connu (pas du tout le préféré, y compris de Rovelli qui préfère le modèle avec rebond) où on a une transition de phase du second ordre (analogue au ferromagnétisme mais dont le paramètre d'ordre n'est ici pas le magnétisme, évidemment, mais le temps), avec une "zone" de l'état global qui est chaotique et une autre avec un temps macroscopique ordonné (moi j'aime beaucoup mais c'est évidemment une pure appréciation personnelle).

    Mais tout cela reste extrêmement spéculatif, c'est de purs modèles (parmi beaucoup de modèles possibles) d'une théorie (et il y en a plein d'autres) non validée, toujours sans base expérimentale (autre que celles des bases théoriques : relativité générale, mécanique quantique). Et hélas je ne pense pas que les validations expérimentales arrivent vite (il y a un certain nombre d'expériences de validation de fondations théoriques en cours mais pas du tout de cet ordre).
    Dernière modification par Deedee81 ; 19/02/2024 à 09h36.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  3. #3
    ThM55

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    EDIT. Coiffé au poteau par Deedee. Mais les réponses me semblent complémentaires. Je ne modifie pas.

    Bonjour. Je suis bien incapable d'apporter une réponse aux dernières questions. Je peux me tromper mais je pense qu'il s'agit dans le cas de Rovelli ou de l'émergence d'un temps par décohérence de spéculations qui restent jusqu'à présent sans réel contenu empirique. On corrigera éventuellement si cette opinion résulte de mon ignorance. Mais je peux décrire rapidement ce que la physique communément admise nous dit (par exemple tel que décrite dans Landau-Lifschitz ou dans le "Foundation of Modern Physics" de Steven Weinberg).

    Ce que vous appelez le "cours du temps" est le paramètre "temps" qui apparaît dans les lois déterministes de la physique classique, de Newton jusqu'à la relativité générale, et qui conditionne l'évolution des systèmes physiques. Ce temps apparaît également dans l'évolution unitaire d'un système quantique, qui est déterministe, via la dépendance de l'état en représentation de Schrödinger ou via la dépendance des opérateurs en représentation de Heisenberg (qui sont équivalentes). Dans tous ces cas, ce temps est parfaitement réversible. Ce qui veut dire que si on a un système, par exemple un système mécanique de particules qui se déplacent selon les forces et potentiels, le mouvement inverse, obtenu en renversant toutes les vitesses à un instant donné suit les mêmes lois (c'est un petit peu plus compliqué en physique quantique, il faut passer aux opérateurs adjoints, mais c'est un détail sans importance, les lois physiques décrivent aussi l'évolution inverse). Autrement dit, ces lois déterministes ne rendent pas compte de ce que l'on observe: le mouvement dans lequel les molécules de l'encre diluée se réunissent en un point pour retourner dans le stylo ne se produit jamais dans nos expériences.

    La physique statistique explique cela en établissant des lois de probabilité sur les conditions initiales du mouvement. Bien que le mouvement de concentration soit théoriquement possible, il est d'une probabilité quasi nulle, tellement faible que même avec des milliards d'exemplaires de notre univers observés pendant des milliards d'années, on ne le verra pas se produire. Pour qu'il se produise il faudrait en effet des conditions initiales dignes d'un invraisemblable complot cosmique: il faudrait que toutes les vitesses de toutes les molécules dans le récipient soient précisément ajustées pour rassembler les molécules d'encre, et il faudrait que tous les corps cosmiques envoient des ondes gravitationnelles avec de délicates relations de phase entre elles pour permettre à la goute d'encre de regagner l'énergie potentielle nécessaire pour sortir du verre d'eau. La probabilité d'une telle circonstance est tellement petite que cela n'a aucun sens d'essayer ne serait-ce que l'évaluer. Par contre, le processus inverse, celui qui augmente l'entropie, est d'une probabilité quasi unité car pratiquement toutes les conditions initiales y conduisent.

    Il y a un théorème, appelé "théorème H", dû à Boltzmann, qui décrit ce fait très simplement sur base de l'hypothèse que l'évolution d'un système physique isolé est décrit par une distribution de probabilité. C'est une hypothèse forte, mais elle est en pratique rendue inévitable à cause du nombre énorme de molécules dans les systèmes physiques macroscopiques.

    Il faut ajouter que cela est parfaitement compris pour des systèmes isolés ou dans un bain thermique qui sont proches de l'équilibre thermodynamique. Pour des systèmes qui sont éloignés de l'équilibre et qui sont soumis à des flux d'énergie de basse entropie, il peut se passer des choses plus compliquées mais ce sont des transitoires qui finissent toujours par se dégrader. C'est le cas par exemple de la vie sur terre, qui est rendue possible par un flux d'énergie.

    Si on veut approfondir la question, on finit par dépasser le cadre que j'ai fixé au début de ma réponse: on doit nécessairement inclure la cosmologie et les débuts de notre univers, ainsi que le rôle que joue la gravitation. Je ne le ferai pas ici, comme je l'ai dit cela dépasse le cadre de ma réponse. Ilya Prigogine avait écrit sur le sujet. Il faut savoir que d'autres physiciens ont critiqué ces idées, par exemple: https://arxiv.org/abs/chao-dyn/9603009 .
    Dernière modification par ThM55 ; 19/02/2024 à 09h36.

  4. #4
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    On s'est croisé et je suis d'accord avec tout ça. Et ton message est assez complémentaire.
    (arf, j'aime bien le titre de l'article dans ArXiv , merci Thm55)
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Husserliana

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    D'abord, merci à tous les deux pour vos promptes (et riches) réponses !

    Je m'aperçois qu'en effet, ma question (dans son second volet) avoisine la spéculation – je ne penses pas ce soit un gros mot, mais peut-être eut-il mieux valu la poser sur un autre forum, dédié à cet effet ?

    Qu'à cela ne tienne, j'en ai d'autres que suscitent vos réponses:

    1) ThM55 : au sujet de ce paramètre temps parfaitement réversible (symétrie T, c'est bien cela ?), ne faut-il pas ajouter (votre message semble le dire, mais j'aimerais le lire explicitement) que les phénomènes/évolutions des systèmes décrites par les équations différentielles de second ordre sont elles aussi réversibles ? Puisque en effet, "le mouvement inverse suit les mêmes lois"... Donc, le cours du temps y est posé comme réversible, et la flèche du temps de même (ces deux expressions prises dans l'acception qu'en donne Klein) ?

    2) Vous précisez que ces équations ne rendent pas compte de ce qui est manifesté à notre échelle (flèche du temps justement) ; de fait, sauf "machination cosmique", nous n'observerons probablement jamais la goutte d'encre se reformer à l'identique.
    Mais la chose ne serait-elle pas moins difficile à avaler pour un processus impliquant... un système isolé microscopique ? Là, n'est-il pas envisageable de concevoir une réversibilité temporelle parfaite de leur dynamique/évolution ? Du même coup, ce "Théorème H" s'applique-t-il aussi pour lui ?


    3) Deedee : tu parles du temps comme d'un opérateur agissant sur l'espace des états... mais je croyais que le temps (contrairement à la position ou l'impulsion) n'était précisément pas un opérateur, mais un paramètre justement ? Ou bien tout change dans le contexte de la gravité quantique à boucles ?

    4)"Ça ne peut pas être "réversible" puisque cela implique une notion du temps.".
    Est-ce à dire qu'avec cette problématique d'un champ gravitationnel quantifié, nous nous situons comme "en deçà" des autres champs quantiques, qui eux impliquent des processus temporellement réversibles (exceptés encore une fois, certains cas relevant de l'interaction faible, désintégration du kaon etc...) ? En deçà, au sens où les autres champs présupposent ce temps, encore "gelé" au niveau où nous nous situons ?


    P.S : Merci pour l'article – que je devine dense et corsé, mais enfin j'aime bien monsieur Bricmont !

  7. #6
    ThM55

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    Citation Envoyé par Husserliana Voir le message
    D'abord, merci à tous les deux pour vos promptes (et riches) réponses !

    Je m'aperçois qu'en effet, ma question (dans son second volet) avoisine la spéculation – je ne penses pas ce soit un gros mot, mais peut-être eut-il mieux valu la poser sur un autre forum, dédié à cet effet ?

    Qu'à cela ne tienne, j'en ai d'autres que suscitent vos réponses:

    1) ThM55 : au sujet de ce paramètre temps parfaitement réversible (symétrie T, c'est bien cela ?), ne faut-il pas ajouter (votre message semble le dire, mais j'aimerais le lire explicitement) que les phénomènes/évolutions des systèmes décrites par les équations différentielles de second ordre sont elles aussi réversibles ? Puisque en effet, "le mouvement inverse suit les mêmes lois"... Donc, le cours du temps y est posé comme réversible, et la flèche du temps de même (ces deux expressions prises dans l'acception qu'en donne Klein) ?

    2) Vous précisez que ces équations ne rendent pas compte de ce qui est manifesté à notre échelle (flèche du temps justement) ; de fait, sauf "machination cosmique", nous n'observerons probablement jamais la goutte d'encre se reformer à l'identique.
    Mais la chose ne serait-elle pas moins difficile à avaler pour un processus impliquant... un système isolé microscopique ? Là, n'est-il pas envisageable de concevoir une réversibilité temporelle parfaite de leur dynamique/évolution ? Du même coup, ce "Théorème H" s'applique-t-il aussi pour lui ?


    3) Deedee : tu parles du temps comme d'un opérateur agissant sur l'espace des états... mais je croyais que le temps (contrairement à la position ou l'impulsion) n'était précisément pas un opérateur, mais un paramètre justement ? Ou bien tout change dans le contexte de la gravité quantique à boucles ?

    4)"Ça ne peut pas être "réversible" puisque cela implique une notion du temps.".
    Est-ce à dire qu'avec cette problématique d'un champ gravitationnel quantifié, nous nous situons comme "en deçà" des autres champs quantiques, qui eux impliquent des processus temporellement réversibles (exceptés encore une fois, certains cas relevant de l'interaction faible, désintégration du kaon etc...) ? En deçà, au sens où les autres champs présupposent ce temps, encore "gelé" au niveau où nous nous situons ?


    P.S : Merci pour l'article – que je devine dense et corsé, mais enfin j'aime bien monsieur Bricmont !
    1) Je ne sais pas. Pour moi la "flèche du temps" c'est la constatation que les phénomènes irréversibles vont tous dans le même sens. Je me souviens que Poincaré avait imaginé une autre région de l'espace où la flèche du temps serait dirigée en sens inverse: on l'observant au télescope, on verrait la physique se dérouler à l'envers. Mais je crois que cette idée est farfelue; en tout cas, en contradiction flagrante avec ce que nous savons de la cosmologie.

    2) Effectivement, et d'ailleurs on sait qu'un système en équilibre thermodynamique (par exemple en contact avec un réservoir thermique) présente des fluctuations aléatoires qui peuvent momentanément violer la seconde loi et permettre une diminution brève de l'entropie. Mais ces fluctuations sont symétriques, elles sont compensées par des fluctuations qui augmentent davantage l'entropie. Maxwell avait spéculé sur le fait qu'on pourrait en tirer parti sans interagir avec le système, mais il n'était pas dupe, il a appelé le petit personnage qui prend connaissance de ces fluctuations un "démon". C'est que pour observer et exploiter ces fluctuations, il faut interagir avec le système. Dans son cours, Feynman explique cela au moyen de son exemple d'une "roue à rochets", qui tourne seulement quand une fluctuation va dans un sens et il explique pourquoi cela ne marche pas: https://www.feynmanlectures.caltech.edu/I_46.html .

    3) Je ne vois pas où Deedee a parlé d'un opérateur temps. Il y a bien un opérateur T, qui est le renversement du temps. Les interactions connues sont "presque" invariantes sous T, certains phénomènes faisant intervenir des particules montrent une violation, pour cette question on peut considérer cela comme sans importance. Il est d'ailleurs amusant de voir que la démonstration du théorème H de Boltzmann, qui conduit à l'irréversibilité, utilise l'invariance sous T! (mais sa violation n'infirme pas le théorème; ce n'est pas un paradoxe).
    Dernière modification par ThM55 ; 19/02/2024 à 11h22.

  8. #7
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    1) Je ne sais pas. Pour moi la "flèche du temps" c'est la constatation que les phénomènes irréversibles vont tous dans le même sens. Je me souviens que Poincaré avait imaginé une autre région de l'espace où la flèche du temps serait dirigée en sens inverse: on l'observant au télescope, on verrait la physique se dérouler à l'envers. Mais je crois que cette idée est farfelue; en tout cas, en contradiction flagrante avec ce que nous savons de la cosmologie.
    Farfelue je ne sais pas mais en effet, en contradiction avec ce qu'on observe/sait.

    J'avais d'ailleurs il y a quelque temps fait un raisonnement sur la structure de l'espace des phases de "l'univers" et j'avais constaté qu'une situation "à la Poincaré" n'était pas exclue et ma conclusion est qu'on ne comprenait pas vraiment pourquoi c'était comme ça. Y a encore quelques trucs à comprendre (tant mieux sans doute )

    Concernant l'opérateur temps je parlais de la gravité quantique à boucles où le temps n'est plus un paramètre (comme en MQ "orthodoxe", sans la gravité) et est donc une variable dynamique (comme en RG d'ailleurs).

    Citation Envoyé par Husserliana Voir le message
    3) Deedee : tu parles du temps comme d'un opérateur agissant sur l'espace des états... mais je croyais que le temps (contrairement à la position ou l'impulsion) n'était précisément pas un opérateur, mais un paramètre justement ? Ou bien tout change dans le contexte de la gravité quantique à boucles ?
    Ce qui répond à ça, le statut du temps (et de l'espace d'ailleurs) change en gravité quantique à boucles.

    Je ne comprend pas bien la question quatre. Ce que je peux dire c'est qu'en gravité quantique à boucles, l'espace des réseaux de spins décrivent l'univers comme un tout (incluant son passé et son futur). La même situation qu'avec l'équation de Wheeler-DeWiit (d'ailleurs l'hamiltonien de contrainte quantifié dans la gravité quantique à boucles est parfois appelées comme ça).
    https://en.wikipedia.org/wiki/Wheele...eWitt_equation
    (l'article en français est archi minuscule malheureusement)

    Le sujet est globalement assez difficile :
    - vaste (ça fait intervenir énormément de choses)
    - souvent très contre-intuitif : là on n'est plus loin de la physique classique, on en est TRES loin
    - très matheux
    - extrêmement spéculatif sous bien des aspects
    - et en plus, plusieurs choses ne sont pas encore comprises

    Mais ça viendra
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  9. #8
    Husserliana

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    De ce que j'en ai compris : le cours du temps désigne simplement le fait que le temps s'écoule (linéairement et dans une direction ; de là, l'interdiction des voyages dans le temps, nous dit Klein), et qu'il impose ce faisant un ordre bien défini aux événements (A, puis B, puis C) qui sont causalement reliés les uns aux autres.
    Tandis que la flèche du temps selon Klein, renvoie précisément à ce que vous dites, enfin il me semble ; au fait que certains systèmes physiques connaissent au cours du temps des changements ou des transformations tels qu'ils les empêcheront à tout jamais de revenir à leur état initial, bref, à des phénomènes irréversibles (=elle n'est pas, cette flèche, une propriété du temps lui-même, mais des phénomènes que ce temps paramètrise, selon son cours).

    Dès lors, il me semble : l'opérateur T dont vous parlez (ThM55) opère un renversement du cours du temps (inversant l'ordre de succession), ce qui ne change rien à la validité des équations décrivant les interactions connues (T ou -T, même combat) à quelques exceptions près (concernant certains kaons et mésons)
    Tandis que la flèche du temps n'a pas cours au niveau microscopique, tant que l'on travaille avec peu de degrés de liberté (mettons le cas extrême, une particule libre ; elle pourra toujours retrouver son état initial, n'est-ce pas ?) – cette flèche du temps allant de pair avec la décohérence (à moins qu'il ne s'agisse là encore d'un modèle spéculatif ?).
    Dis-je des bêtises, jusqu'à présent ? Et si oui, lesquelles ?


    Par ailleurs :

    – j'ai quelquefois lu (pas seulement sous la plume de ThM55 donc) qu'en effet, une telle "violation (de la symétrie T) pour cette question on peut considérer cela comme sans importance". Mais qu'est-ce qui nous permet de dire cela ? La petitesse numerique mesurée de cette violation ? Ou bien son caractère exceptionnel ? Ou autre chose ?

    -- par ailleurs Deedee : ce temps "variable dynamique" en gravité à boucles, serait donc d'abord absent des réseaux de spins, avant d'être "dégelé" moyennant de telles mousses de spins (plaisantes images !) ?
    Il n'y aurait donc d'abord "pas de temps" dans un tel modèle... ce qui n'empêche pas de dire que "l'espace des réseaux de spins décrivent l'univers comme un tout (incluant son passé et son futur)". Cette absence de temps m'évoque furieusement la thématique de l'univers-bloc... Le rapprochement est-il osé ?
    Mais de fait, l'équation de Wheeler-DeWitt ne conduit-elle pas elle aussi à une telle conception "éternaliste" ou passé et futur coexistent ?

    Encore merci à tous les deux !

  10. #9
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    Plus trop le temps tout de suite, je reprendrai demain mais un détail.

    La combinaison des symétries C, P et T dite symétrie CPT est toujours invariante (c'est un théorème sous des conditions très faibles, le rejet impliquerait que la MQ ou la RR est fausse, difficile à rejeter !)
    Or les symétries C et P sont vérifiables avec une très grande précision, ce qui permet d'être sûr de l'invariance T.
    C'est aussi une conséquence des théories qui sont elles-mêmes validées avec une très grande précision.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  11. #10
    Husserliana

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    Rebonjour,

    Merci à Deedee pour cette précision.
    Sans clore mes précédentes questions, j'aimerais apporter un éclairage quant à la distinction cours du temps/flèche du temps, que j'emprunte à l'un d'entre vous : 0577, dans une discussion de 20117 ouverte par Chaverondier : https://forums.futura-sciences.com/p...oscopique.html

    Il me paraît judicieux de la citer dans la mesure où personne (ce me semble) n'a repris/répondu à 0577 sur cette partie de son message.

    "J''ai un problème de vocabulaire avec l'expression "écoulement irréversible du temps", qui me semble être employée à la place de "phénomènes (ou processus) irréversibles". Même en dynamique réversible, le temps est irréversible au sens où il y a un différence entre passé et futur et que l'objet de la dynamique est l'évolution d'un système "au cours du temps", i.e. du passé vers le futur (j'emploie ici temps/passé/futur en un sens intuitif, éprouvé par un observateur, modélisable par une ligne orientée. C'est peut-être naïf mais je ne crois pas qu'on sache mieux faire). Dire qu'une dynamique est réversible, ou invariante sous CPT, c'est dire que si une évolution (donc du passé vers le futur) d'un système est possible, alors une autre évolution (toujours du passé vers le futur) est possible (en mécanique du point matériel, celle dont l'état initiale est l'état finale de l'évolution précédente, avec directions des vitesses inversées). En physique des particules, vérifier la symétrie CPT, c'est mesurer les probabilités de deux processus de collisions spécifiques et vérifier que ces deux probabilités sont églaes. En particulier, je ne comprends pas le sens attaché à des expressions comme "le monde paraîtrait parfaitement symétrique dans le temps"."
    (C'est moi qui ai mis en gras certaines parties)

    Ici, il me semble qu'on a bel et bien affaire à la distinction cours du temps// flèche du temps ; dt qui loffre peut-êtrede corriger certaines assertions hâtives formulées au début de mon précédent message.
    Ce qu'on appelle "renversement du temps" correspondrait en fait au renversement de l'évolution d'un phénomène considéré ; la langue est fautive, on fait comme s'il s'agissait du cours, mais c'est de la flèche du temps donc il est question. Le cours du temps lui est invariable, du passé au futur. Mais nombre de processus – je songe ici essentiellement à des processus microscopiques isolés – ne sont orientés pas aucun flèche, en sorte que leur évolution peut se faire dans un sens ou dans l'autre.
    Bref, la.symetrie T (et plus globalement CPT) toucherait aux phénomènes (et donc à la flèche du temps), et non au temps lui-même (à son cours ; lui s'écoule "Toujours du passé vers le futur", comme le précise 0577).
    En revanche, dans certains cas de désintégration radioactive impliquant l'interraction faible, on dit que la symétrie T est violée (non CPT certes). Ce qu'on entend il me semble, c'est qu'on ne peut pas inverser l'état final et l'état initial du processus considéré, bref que l'évolution du phénomène est orientée de manière privilégiée ; qu'il y aurait donc, au niveau microscopique, comme une petite flèche du temps. Seulement cette flèche est à différencier du cours. Même sans flèche (=quand une dynamique est parfaitement réversible, électromagnétisme, ineterraction forte et j'en passe), il existe un cours du temps bien établi, du passé au futur.

    Bien sûr, le point le plus exaltant (et spéculatif), demeure l'hypothèse qun tel cours puisse se révéler être quelque chose d'émergence (Rovelli et cie). De la mes questions sur la gravité quantique à boucles, que je maintiens dès lors

  12. #11
    Husserliana

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    Bonjour,
    Un simple "up", en espérant obtenir des réponses à mes questions sur la gravitation quantique à boucles...!

  13. #12
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    Salut,

    Pour l'irréversibilité.

    Effectivement toute la physique (sauf un détail qui ne joue pas, du moins pas qu'on sache, avec les mésons K et B) respecte la symétrie T.
    Donc est symétrique sous le renversement du temps. Cela signifie deux choses :
    - Les équations sont invariantes sous l'opération (purement mathématique) t -> -t
    - Si on a un état (dépendant du temps) renversé (donc le même qu'un état donné mais avec tous les mouvements renversés et t changé de signe) alors c'est aussi un état physiquement possible.
    Par exemple si on jette un caillou vers le haut et l'avant on a une parabole et la parabole parcourue dans l'autre sens est aussi une possibilité.

    Mais de fait, pour des objets macroscopiques on n'observe pas toujours ça. Un verre qui tombe et se brise. On ne voit jamais les morceaux se recombiner (spontanément !) et former un verre. On dit que le processus est irréversible. Mais ce n'est pas les lois physiques fondamentales qui sont en cause. L'effet vient du nombre d'états possibles d'un système. Pour un état macroscopique donné (le verre intact ou brisé ou tout autre chose) on peut avoir de nombreux états microscopiques données (qui dépend de l'état précis de chaque atome, électron....). Et pour des raisons purement statistiques le système macroscopique va avoir tendance à évoluer vers l'état macroscopique pour le nombre d'états microscopiques est plus grand. Ce serait quelque peu anecdotique pour des différences modérées. Mais on parle là de nombre d'états macroscopiques pouvant varier de 1 à des milliards de milliards de.... de milliards ! Typiquement N! (factorielle) avec N le nombre de particules (qui est typiquement de plusieurs millions de milliards pour un petit système macro). Et donc la probabilité que le système évolue "dans le mauvais sens" est plus faible que tout ce qu'on peut imaginer voir ou mesurer.

    On l'illustre facilement avec de petits systèmes idéalisés et quelques calculs élémentaires. (j'ai une série youtube vulgarisée sur la thermodynamique et la physique statistique où je donne ça, vulgarisée mais de "haut niveau"). Et la thermodynamique illustre cette évolution par l'entropie S, qui est égale à S = k*ln N (k constante de Boltzmann et N le nombre d'états microscopiques, N est parfois appelé probabilité ce qui est tout à fait impropre mais c'est l'usage)

    Donc les systèmes sont tous réversibles en théorie .... mais pas toujours en pratique.
    Et la flèche du temps c'est justement cette irréversibilité thermodynamique.

    Bon voilà déjà un point qui devrait rendre les choses plus claires.

    Pour les questions sur les boucles, cela me semble s'être un peu noyé. Pourrais-tu synthétiser en quelques lignes les questions qui resteraient ? (sans garantie que je sache y répondre, moi ou un autre, ça reste un domaine extrêmement avancé)
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  14. #13
    ThM55

    Re : Cours ou flèche du temps : qu'est-ce qui émerge statistiquement ?

    Deedee81 a écrit:

    Farfelue je ne sais pas mais en effet, en contradiction avec ce qu'on observe/sait.

    J'avais d'ailleurs il y a quelque temps fait un raisonnement sur la structure de l'espace des phases de "l'univers" et j'avais constaté qu'une situation "à la Poincaré" n'était pas exclue et ma conclusion est qu'on ne comprenait pas vraiment pourquoi c'était comme ça. Y a encore quelques trucs à comprendre (tant mieux sans doute )
    Ca c'est intéressant! La "flèche du temps" n'existe pas pour des systèmes en parfait équilibre thermodynamique, elle n'existe que si on a dans le temp un déséquilibre, un état de basse entropie. Je me souviens avoir lu le compte-rendu d'un débat à ce sujet entre Einstein et un autre physicien qui avait eu lieu vers 1910 (j'ai malheureusement oublié qui et je ne retrouve pas la référence). Einstein était un pur boltzmannien et pour la physique fondamentale, il croyait en la réversibilité des lois (t -> -t). Son contradicteur voulait introduire une irréversibilité fondamentale, et si mes souvenirs sont bons, il la trouvait dans les conditions aux limites (une onde lumineuse est émise par une charge accélérée mais ne converge pas vers cette charge). Chose remarquable, Einstein balayait cet argument, il pensait déjà les choses en termes quantiques, avec des photons (alors que le nom de photon n'avait pas encore été créé). L'argument d'Einstein était qu'il fallait la réversibilité pour expliquer l'existence de l'équilibre thermodunamique. Or nous observons des phénomènes de non équilibre autour de nous (déjà le simple fait d'observer quelque chose) et l'idée la plus courante qui semble mise en avant pour l'expliquer est que notre univers doit partir d'un état encore plus éloigné de l'équilibre, ce qu'on assigne parfois au big bang (c'est par exemple ce que Penrose explique en long et en large, mais on retrouve cette idée ailleurs, par exemple dans certains textes de Wheeler pour qui la 3-géométrie porte une information sur le temps). Je n'arrive pas être convaincu par tout cela mais c'est l'idée la plus répandue semble-t-il.

    Mais si c'est vrai, et si une région bizarre "de Poincaré" existe quelque part, il faudrait donc qu'il y a ait quelque part ailleurs dans notre futur (donc dans le passé des être de Poincaré) une autre singularité , un autre big bang se déroulant dans l'autre sens. Je dois dire que je ne connais aucune solution des équations d'Einstein qui décrive une telle chose, avec deux singularité. Cela ne peut pas être un simple "big crunch", qui est un état terminal de haute entropie. As-tu connaissance d'une géométrie de ce type? Je pense que même si on pouvait exhiber une telle solution, on ne serait pas plus avancés, car on ne sait pas pourquoi ces états sont de basse entropie. Pour cela il faut peut-être élucider les aspects quantiques de la question.

    Note:
    on cite parfois la lettre de condoléances qu'Einstein a envoyée à l'épouse de son ami Michele Besso (qui était le vrai co-auteur du papier sur la relativité restreinte). Il écrivait dans cette lettre:

    Pour nous, physiciens croyants, cette séparation entre passé, présent et avenir ne garde que la valeur d’une illusion, si tenace soit-elle
    .

    On a parfois interprété cela en disant qu'Einstein faisait allusion à la notion d'"univers bloc" où tout est déjà écrit dans l'espace-temps. C'est un contresens à mon avis. Ce qu'il voulait dire c'est que la "flèche du temps" est pour lui une illusion car elle n'a qu'une signification statistique due à des conditions initiales. Et quand il parle de "croyant" ce serait aussi un contresens total de le prendre dans le sens religieux comme certains ont essayé de le faire. Il s'en est souvent expliqué/ ce en quoi il croyait était l'existence d'une logique dans les fondements de la nature, sa fois concernait la possibilité de la découvrir. Il a d'ailleurs fait allusion au "Dieu de Spinoza", qui je le rappelle fut excommunié par le rabbinat d'Amsterdam pour athéisme. Fin de la digression.

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