Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.
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Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.



  1. #1
    Husserliana

    Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.


    ------

    Bonsoir,

    Je n'ignore pas que le formalisme seul emploie les concepts adéquats pour comprendre ce qu'est la superposition quantique, et les interférences qu'elle rend possible.

    J'aimerais néanmoins savoir quelles images, aux yeux et aux oreilles de physiciens (n'en étant pas un moi-même), seraient susceptibles de décrire le moins approximativement possible ce processus qu'est l'interférence entre deux états propres d'une fonction d'onde.

    Dans la mesure où il s'agit d'une interaction dynamique qui conserve l'individualité conceptuelles des états superposés ; serait-il légitime de parler – métaphoriquement donc – d'un "entretissage" ou d'un "entrecroisement" de ces états ?
    Je précise que je parle ici des interférences "partielles", au sens de celles qui ne sont ni constructives, ni destructives (les constructives impliquant sans doute davantage qu'un entrecroisement ; une sorte de "fusion" mutuelle).

    J'y vois plusieurs avantage ;

    A) L'entrelacement ou entrecroisement suggère que les états quantiques superposés sont liés d'une manière complexe et interconnectée, tout en conservant leur individualité. L'entrelacs en effet, implique à la fois l'unité et l'écart de ses relata ; et de faits, les états qui interfèrent n'en demeurent pas moins distincts l'un de l'autre (c'est du reste l'un d'eux, et un seule, que je mesurerai).
    B)Cette métaphore met en outre l'accent sur le fait que les états superposés ne sont pas simplement mélangés de manière aléatoire, mais qu'ils sont combinés de manière cohérente avec des amplitudes complexes.
    C) Enfin, cette image d'entrelacement peut assez naturellement être associée à des notions de corrélation et de non-séparabilité entre les états quantiques.

    Qu'en pensez-vous ? Est-ce bien là une métaphore pertinente, pour le processus d'interférence quantique ?

    -----

  2. #2
    ThM55

    Re : Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.

    D'abord une question de terminologie. Des "états propres", c'est quelque chose qui est relatif à une observable. Par exemple si cette observable est l'énergie, représentée par l'opérateur hamiltonien , un état propre de cet opérateur est un état qui possède une valeur bien déterminée de l'énergie. Il vérifie "l'équation aux valeurs propres":



    où E_n est une des valeurs possibles de l'énergie (qui peuvent être discrètes ou au contraire appartenir à un spectre continu, selon la nature du hamiltonien). Il se fait que ces états à énergie définie sont aussi les états stationnaires. Ceci est consistant avec un autre fait: les états propres sont mutuellement orthogonaux. A noter que l'on est dans un espace de dimension infinie, il y a donc une infinité de directions orthogonales possibles (contrairement à notre espace usuel, qui n'en a que 3, le pauvre).

    L'exemple paradigmatique est celui de l'oscillateur harmonique pour lequel on a un spectre discret:



    L'électron de l'atome d'hydrogène a un spectre discret surmonté par un spectre continu (celui de l'électron libre après ionisation).

    On peut superposer ces états propres. On peut même en superposer une infinité. On peut par exemple pour l'oscillateur écrire ce qu'on appelle un état cohérent, qui est une superposition d'une infinité d'états propres. Ces états cohérents sont des paquets d'onde d'incertitude minimale, ils réalisent la borne de l'inégalité de Heisenberg.

    Concernant la physique, tes questions ne me semblent pas pertinentes. La notion d'entrelacement a une signification précise en géométrie des courbes de l'espace, mais pour les états quantiques l'image mentale qu'on peut s'en faire est beaucoup plus simple que cela!

    Si et sont des états possibles, les seconds étant par exemple les états stationnaires de l'oscillateur et le premier un état quelconque de cet oscillateur, on a coutume de les normaliser: . Le contenu physique est alors l'angle entre les états, plus exactement le cosinus de cet angle, qui est contenu dans le produit hermitien. En effet, une loi de la mécanique quantique dit que si un système est dans l'état et qu'on le soumet à une expérience de mesure de son énergie et si les états propres possibles sont alors la probabilité d'observer l'énergie propre correspondante est donnée par



    De plus le système se retrouve dans l'état propre après la mesure.

    Donc l'image mentale qu'on se fait (ou que je me fais, d'autres ont peut-être d'autres idées) de la superposition est simplement l'addition vectorielle (une image géométrique parfaitement claire, sauf qu'on est dans un espace vectoriel sur C et non sur R) et la probabilité plus ou moins grande est l'angle entre les états. Si un état propre est orthogonal à l'état initial, il ne sera jamais observé. Par exemple si je prends deux états stationnaires orthogonaux et je considère la superposition (réelle ici, le facteur 1 sur racine de 5 est là pour avoir un état normalisé) :



    les probabilités pour obtenir les états propres sont respectivement:





    La première est plus grande que la seconde parce que l'angle entre les vecteurs est plus petit. On a en effet

    pour des états normalisés.

    Cet angle vaut degrés.

    Et l'autre angle est

    degrés.

    L'angle le plus petit correspond à un état qui est plus "proche" de la superposition psi. Bien sûr un angle de 90 degrés donne une probabilité nulle.

    Je sais que cette vision en terme d'angles peut étonner car on n'en parle jamais dans la vulgarisation, mais c'est vraiment le contenu physique de la mécanique quantique et c'est quelque chose qui nous est familier par la géométrie élémentaire, cela constitue donc une bonne image mentale à mon avis. Sans oublier qu'on peut avoir des coefficients complexes et une infinité d'états en superposition, mon exemple est donc très simpliste.

  3. #3
    Husserliana

    Re : Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.

    Bonjour ThM55, er merci pour ta réponse (riche et rigoureuse, comme toujours).
    Merci notamment pour cette piqure de rappel concernant les états propres. N'étant pas du tout physicien, cela est toujours bienvenu pour moi !!
    (Une simple question à ce sujet ; "L'électron de l'atome d'hydrogène a un spectre discret surmonté par un spectre continu (celui de l'électron libre après ionisation)." ; c'est bien parce que cet électron est ionisé qu'il peut avoir une énergie cinétique de spectre continu, n'est-ce pas ? Autrement, nous n'avons affaire qu'à un spectre discret, non ?).

    Concernant ton développement principal, deux questions qui je l'espère demeurent pertinentes au plan physique !
    1) si je comprends bien, l'angle entre deux états dans un espace de Hilbert détermine la probabilité relative de chaque état de contribuer à l'état résultant. Autrement dit, plus l'angle est petit entre |Psi1> et |Psi2>, plus grande est la similarité de ces deux états, et donc plus leur probabilité de contribution est égale.
    Mais je peine à voir en quoi cela suffit à expliquer l'interférence (peut-être ai-je mal compris, mais ce que j'insère de ton énoncé comme quoi "le contenu physique est contenu dans l'angle entre les états". L'interférence n'est-elle pas d'abord exprimé par mes rapports de phases entre ces états ? Dans la mesure où un angle particulièrement grand n'empêchera pas l'apparition d'interférence (sauf si cet angle =90°, cela je pense l'avoir compris) entre ces états. Au fond, ne pourrait-on pas aller jusqu'à dire que : peu importe l'angle, cad la "distance" dans l'espace d'Hilbert, entre ces états, pour le problème des interférences ? Que seul compte leur rapport de phases ? Bref, que l'angle détermine la distribution de probabilité des états possibles, là où le rapport de phases détermine m'a façon dont les amplitudes des états s'additionnent pu s'annulent (avec tous les degrés intermédiaires entre ces deux extrêmes?).

    2) j'avais souci de distinguer superposition et interférence. Ne peut-on pas distinguer en effet superposition et interférence ? L'une comme condition de l'autre ? L'une comme un état de fait (combinaison d'états), l'autre comme une [I]interaction[/I] (entre ces états combinés) ? Ce caractère "dynamique" de l'interférence (par opposition au caractère "statique" de la superposition – je prends ces deux termes en un sens métaphorique, et pas au sens où on entend "dynamique" en physique), c'est cela que je voulais rendre par le terme d'entrecroisement. Ça, plus le fait que l'interférence peut caractériser des états (du.moins les vecteurs quinles représentent) tout à fait "séparés" dans l'espace de Hilbert (bien sûr, cette séparation, cette distance n'a rien à voir avec celle de notre espace physique -- il me semble ? -- puisqu'elle caractérise la ressemblance/dissemblance de ce statiques entre eux. N'est-ce pas...?)

  4. #4
    Husserliana

    Re : Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.

    (Même message que le précédent, mais expurgé de quelques fautes)

    Bonjour ThM55, er merci pour ta réponse (riche et rigoureuse, comme toujours).
    Merci notamment pour cette piqûre de rappel concernant les états propres. Pas physicien le moins du monde, cela est toujours bienvenu pour moi !!
    (Une simple question à ce sujet ; "L'électron de l'atome d'hydrogène a un spectre discret surmonté par un spectre continu (celui de l'électron libre après ionisation)." ; c'est bien parce que cet électron est ionisé qu'il peut avoir une énergie cinétique de spectre continu, n'est-ce pas ? Autrement, nous n'avons affaire qu'à un spectre discret, non ?).

    Concernant ton développement principal, deux questions qui je l'espère demeurent pertinentes au plan physique !
    1) si je comprends bien, l'angle entre deux états dans un espace de Hilbert détermine la probabilité relative de chaque état de contribuer à l'état résultant. Autrement dit, plus l'angle est petit entre |Psi1> et |Psi2>, plus grande est la similarité de ces deux états, et donc plus leur probabilité de contribution est égale.
    Mais je peine à voir en quoi cela suffit à expliquer l'interférence (sans doute ai-je mal compris, mais ce que j'inxère de ton énoncé comme quoi "le contenu physique est contenu dans l'angle entre les états".)
    L'interférence n'est-elle pas d'abord exprimée par les rapports de phases entre ces états ? Dans la mesure où un angle particulièrement grand n'empêchera pas l'apparition d'interférence (sauf si cet angle =90°, cela je pense l'avoir compris) entre ces états...
    Au fond, ne pourrait-on pas aller jusqu'à dire que : peu importe l'angle – cad aussi la "distance" dans l'espace d'Hilbert – entre ces états, pour le problème des interférences ? Que seul compte leur rapport de phases ? Bref, que l'angle détermine la distribution de probabilité des états possibles, là où le rapport de phases détermine la façon dont les amplitudes des états s'additionnent ou s'annulent (avec tous les degrés intermédiaires entre ces deux extrêmes?).

    2) j'avais souci de distinguer superposition et interférence. Ne peut-on pas les distinguer en effet l'une de l'autre, et l'une comme condition de l'autre ? L'une comme un état de fait (combinaison d'états), l'autre comme une interaction (entre ces états combinés) ? Ce caractère "dynamique" de l'interférence (par opposition au caractère "statique" de la superposition – je prends ces deux termes en un sens métaphorique, et pas au sens où l'on entend "dynamique" en physique), c'est cela que je voulais rendre par le terme d'entrecroisement. Ça, plus le fait que l'interférence peut caractériser des états (du.moins les vecteurs qui les représentent) tout à fait "séparés" dans l'espace de Hilbert (bien sûr, cette séparation, cette distance n'a rien à voir avec celle de notre espace physique -- il me semble ? -- puisqu'elle caractérise la ressemblance/dissemblance de ces états entre eux. N'est-ce pas...?)
    Dernière modification par Husserliana ; 21/04/2024 à 17h37.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    ThM55

    Re : Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.

    Oui, quand l'électron est lié au proton dans l'atome d'hydrogène, son spectre est discret. Les niveaux sont en 1/n^2 et il y a une infinité de niveaux qui s'accumulent jusqu'à la limite d'ionisation qui est, si mes souvenirs sont bons de 11,6 eV. Au dessus, par exemple s'il acquiert de l'énergie par collision avec un photon, l'électron devient libre, il n'est plus lié au proton, il est parti et ce qui reste est un atome ionisé qui dans ce cas est juste un proton. Il y a évidemment le même phénomène pour tous les atomes, en général pour les électrons de valence, avec des énergies différentes selon les cas.

    Ce que j'ai décrit c'est la situation la plus générale, avec une image mentale très simple, celle de l'addition de vecteurs. Exactement comme l'addition des forces sur le plan, mais en réalité dans un espace à une infinité de dimensions, et avec une différence: il est construit sur les nombres complexes et non sur les réels. C'est une image mentale simple, mais très abstraite.

    Les phénomènes d'interférence sont des cas très particuliers, ceux de trains d'ondes. L'espace de Hilbert abstrait possède des réalisations concrètes sous forme de fonctions complexes possédant des propriétés mathématiques précises (de carré intégrable selon l'intégrale de Lebesgue, c'est assez technique, je ne veux pas entrer dans ces détails). C'est le choix qu'avait fait Schrödinger dans sa formulation de la MQ. Chaque fonction est un vecteur dans l'espace de Hilbert. Du fait de l'équation de Schröndinger ces fonctions peuvent avoir un comportement oscillant comme des ondes progressives. On conçoit aisément par analogie avec ce qu'on connaît en optique qu'une addition de ces fonctions peut donner des interférences constructives et destructives réparties d'une manière précise dans l'espace. Mais il faut bien comprendre que le phénomène d'interférence n'est qu'une manifestation très particulière de la superposition des états. La réalité est bien plus riche et compliquée que cet exemple illustratif, elle peut donner lieu à des figures géométriques très diverses, pas seulement des interférences. Je dois contredire ta distinction entre la "simple superposition" et "l'interaction" entre états que tu sembles vouloir faire. Il n'y a pas de notion d'interaction dans ce phénomène, c'est une vision erronée des choses.

    Pour reprendre l'exemple de l'oscillateur, les fonctions d'onde de Schrödinger (dépendant du temps) des états stationnaires ressemblent à des gaussiennes modulées par des sinusoïdes. La page Wikipédia en donne une idée avec une animation sympa à la première figure : Oscillateur harmonique quantique — Wikipédia (wikipedia.org) .

    Dans l'animation de Wikipedia, la dernière figure représente un état cohérent qui est une simple superposition des autres. On y voit en quelque sorte le contraire d'une interférence, le résultat est proche de l'oscillateur classique.

    On pourrait aussi prendre comme base d'état des états cohérents de ce type (avec un détail technique toutefois assez peu important: les états cohérents sont trop nombreux, ils forment une base surcomplète).

    J'ai un peu de mal à exprimer ce genre de chose en langage naturel sans passer par les maths, désolé.

  7. #6
    Husserliana

    Re : Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.

    Au contraire ! C'est très clair, et je ne peux que te remercier pour les efforts que tu fais en direction d'une expression "hors formalisme"
    Je crois déjà un peu mieux comprendre....

    Je vais méditer cela, mais d'avance, deux autres petites questions pour rebondir.
    1)l'interférence comme manifestation parmi d'autres de la superposition ; aurais-tu donc d'autres exemples en tête dès lors, de ces "figures géométriques très diverses"? Le lien que tu donnes va-t-il dans ce sens (tu y mentionnes le cas d'un comportement rappelant l'oscillateur classiques) ? Et ce qu'on appelle aussi bien des "battements quantiques" (ou interférences temporelles)?

    2) L'interférence quantique, pour être une conséquence de la superposition (une manifestation parmi d'autres), n'est donc pas une "interaction". ; c'est-à-dire au sens où elle n'implique pas (me semble que c'est la définition d'une interraction en physique) une influence réciproque, un échange d'énergie ou d'impulsion. Peut-on cependant considérer qu'il s'agit d'un processus, un procès dynamique se déroulant dans le temps -- ou bien cela n'a-t-il tout simplement aucun sens de la décrire ainsi ?

    (Je songe à L'impossibilité de décrire l'intrication quantique comme une "interraction instannée à distance", sauf à violer la localité relativiste, entre autres principes. Mais dans la mesure où l'interférence n'est pas une interraction, je ne serais pas choqué -- au risque de la naïveté-- d'apprendre qu'elle n'est pas quelque chose de temporel, autrement dit, quelle relève d'un "instanné" !).

  8. #7
    ThM55

    Re : Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.

    Avant tout il est important de comprendre un point important. Je remarque souvent que les étudiants et lecteurs qui ont appris les notions fondamentales de la physique quantique, que ce soit dans des cours universitaires ou des ouvrage de vulgarisation (surtout) ont tendance à faire un distinguo entre des états qui sont des superpositions et d'autres qui n'en seraient pas. C'est une erreur et un contresens mathématique.

    En effet, l'espace de Hilbert est un espace vectoriel dans lequel on peut établir l'existence de bases de vecteurs complètes et orthonormées. Cela signifie qu'un vecteur (un état) quelconque peut s'écrire comme une combinaison linéaire (une "superposition") de ces vecteurs de base. Mais un point important est qu'il est possible de changer de base. Et il est possible alors que ce vecteur, que l'on considérait dans la première base comme une "superposition", devienne lui-même un vecteur de base, donc n'est plus une "superposition".

    Encore une fois, il y a une analogie évidente avec ce qu'on fait dans notre espace euclidien usuel à 3 dimensions: par exemple, pour prendre un exemple à 2 dimension, Carnegie Hall est repéré à New-York par "7ème avenue, 57ème rue". Il est dans une superposition d'un vecteur "avenue" et d'un vecteur "rue". Mais on peut aussi donner sa latitude et sa longitude. Le vecteur position est alors repéré par rapport à d'autres vecteurs de base. Je peux aussi choisir de mettre l'origine de mes coordonnées dans la 7 ème avenue de New-York et de prendre comme un des vecteurs de base celui qui relie la première rue et la 57ème. Mon vecteur position dans Carnegie Hall n'est plus une superposition, c'est juste un des vecteurs de base.

    D'où vient qu'on attache tellement d'importance à cette notion de "superposition" dans les textes de vulgarisation? Je crois que cela vient de l'habitude que nous avons prise depuis la petite enfance, peut-être même innée, de considérer comme états privilégiés d'un système des états classiques: une bille a une position précise mesurable. Elle peut être dans un autre état, à une position différente. La physique quantique nous dit qu'elle peut être dans une "superposition" de ces deux états, avec pour chacun un "poids" qui est un nombre complexe. C'est fascinant parce que cela s'écarte radicalement de notre intuition classique, mais cela entraîne une vision qui n'est pas tout à fait correcte: on pourrait aussi dire que l'état dans lequel la bille a une position précise est lui-même la superposition (plus précisément une combinaison linéaire) de plusieurs états où la bille est délocalisée et où des interférences suppriment cette délocalisation.

    Maintenant, il y a tout de même des vecteurs de base qui ont un rôle privilégié, comme je l'ai mentionné plus haut, mais pour des raison très différentes de la pensée classique: ce sont les états propres du Hamiltonien. Du fait de propriétés mathématiques du hamiltonien (il est hermitien), ces états propres sont orthogonaux et forment une base complète. Ce qui les distingue c'est qu'il s'agit d'états stationnaires si le hamiltonien ne dépend pas explicitement du temps (par exemple pour un système isolé). C'est une notion qui n'est pas si facile à comprendre si on se passe du formalisme mathématique. Dans la représentation de Schrödinger, pour simplifier, disons que cela signifie que la dépendance de l'état par rapport au temps est toute simple: c'est oscillant avec une fréquence angulaire (ou en Hertz: ). Une superposition de deux tels états propres n'a pas une dépendance aussi simple par rapport au temps. Le fait que ce soit si simple permet de factoriser cette dépendance et de réduire le problème au calcul d'un spectre. C'est essentiellement ce que Schrödinger avait fait en 1926, au grand dam de Bohr qui manquait souvent de clairvoyance (pour l'anecdote, il a quasi séquestré Schrödinger à Copenhague pour le forcer à réfuter sa propre théorie et reconnaître son erreur, jusqu'à ce que Schröndinger lui prouve qu'elle était équivalente à celle de Heisenberg, qui était le chouchou de Bohr , du moins jusqu'en 1939).

    Quand on prend une superposition de plusieurs états stationnaires, on obtient un phénomène oscillatoire plus lent, analogue aux battements entre oscillateurs. C'est en particulier de cette manière qu'on peut expliquer les oscillations de saveur leptonique des neutrinos: un type donné (par exemple de type électronique) n'est pas un état propre du hamiltonien, c'est une superposition et sa saveur change pendant sa propagation (d'où, comme il y a 3 saveurs, on n'observe qu'un tiers des neutrinos attendus venant du soleil). C'est tout à fait analogue à un phénomène d'interférence. Que dis-je, c'est une interférence.
    Dernière modification par ThM55 ; 22/04/2024 à 10h48. Motif: Accord du participe passé conjugué avec avoir etc..

  9. #8
    Husserliana

    Re : Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.

    Étant en train de lire Le tout et la partie d'Heisenberg, j'apprécie le renvoi à l'anecdote du pauvre Schrödinger, convalescent et pourtant harcelé jusque de son lit par un Bohr opiniâtre

    Je trouve l'analogie avec l'espace euclidien très parlante. De même, très intuitive cette idée comme quoi des interférences destructives entre amplitudes de probabilité pourraient entraîner la sélection d'une position, et d'une seule (cela rejoint il me semble, la "méthode Feynman" pour retrouver la limite classique depuis son intégrale de chemins).
    Seulement du point de vue physique, n'est-ce pas la décohérence qui fournit le meilleur modèle explicatif d'une telle "sélection" (jusqu'à un certain point certes, je sais sue le problème de la mesure n'est pas entièrement résolue par son fait) – glissant sous le tapis de l'inobservable, si je puis dire, les termes d'interférence ? N'est-ce pas elle, du même coup, qui explique la sélection d'une base privilégiée ? Car j'entends que l'on puisse formellement (mathématiquement) changer de base ou récrire son propre état comme une superposition (possiblement infinie, selon ladite nase) d'états-- mais ce jeu mathématique a-t-il le moindre sens physique pris en lui-même ? N'est-ce pas justement une théorie comme celle de la décohérence qui serait susceptible de lui en donner un ?
    Question sans doute naïve, mais enfin, c'est bien l'occasion de la poser...

    Mais je relance mes précédentes

    1) Dois-je comprendre que l'oscillation des neutrinos (sur laquelle je ne sais rien que de très superficiel) est l'une de ces "figures géométriques très diverses" dont tu parlais dans ton post précédent, et donc une manifestation (de la superposition) distincte de l'interférence ? Ou bel et bien une interférence (cf. Fin de ton dernier message). J'avoue avoir été très intrigué par l'idée que l'intereférence ne serait pas le fin mot de l'histoire...

    2) mais surtout, et faisant fond sur ta précédente correction (comme quoi il serait faux de voir dans l'interférence quantique une interaction): ma question serait de savoir si cette interférence est un processus qui se déroule dans le temps (donc bien un "processus", au sens physique) ou une conséquence instantanée de la superposition ?
    J'ai en tête justement une analogie avec l'intrication quantique. De même que celle-ci n'implique pas une interracction à distance (pas de transmission d'énergie, d'une signal, d'une information) entre deux systèmes quantique, mais traduit le simple fait de leur non-séparabilité (la superposition de corrélations entfe leurs etats respectifs) de même, il n'y aurait pas d'interaction et donc aucun processus spatio-temporel, impliqué dans l'interférence ; mais de ce qu'au moins deux états sont superposés, il "s'ensuit"(hors toute chronologie, ce serait une conséquence logique plutôt que chronologique ; et donc à cet égard, instantanée) qu'ils interfèrent, et cela différemment à la faveur de leurs angles et de leurs rapports de phase.
    Cette hypothese, de même que l'analogie avec l'intrication, a-t-elle tout simplement du sens ?

  10. #9
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.

    Pour appuyer le propos de ThM55, la représentation des états purs d'un système à 2 niveaux est isomorphe à une sphère, la sphère de Bloch. Quand il y a plus que 2 états c'est moins visualisable, mais c'est toujours un vecteur dans un espace multidimensionnel.
    Images attachées Images attachées  
    Dernière modification par Gilgamesh ; 23/04/2024 à 15h57.
    Parcours Etranges

  11. #10
    ThM55

    Re : Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.

    Je dois avouer que je ne comprends pas toutes les questions. Je me suis contenté de répondre à la question de l'image mentale qu'on peut se faire des superpositions. Le reste, je ne sais pas. Pour l'intrication, on a aussi des analogies géométriques (des tenseurs qui ne se résolvent pas en simples produits de deux vecteurs), mais c'est nettement moins facile à visualiser, comme Gilgamesh l'a d'ailleurs fait remarquer pour la géométrie d'un état à deux particules. Je m'arrêterai donc ici pour ce fil de discussion.

  12. #11
    Husserliana

    Re : Interférences entre états propres : à la recherche d'une image.

    Eh bien, c'est sans doute que je les formule mal....
    Merci à tous les deux pour vos réponses !

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