Effet Doppler cosmologique et expansion de l’univers
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Effet Doppler cosmologique et expansion de l’univers



  1. #1
    Elbarto1

    Question Effet Doppler cosmologique et expansion de l’univers


    ------

    Bonjour

    Hubble avait interpréter le décalage vers le rouge avec l’effet Doppler pour dire que les galaxies s’éloignent.
    Mais aujourd’hui, on sait qu’on ne peut pas interpréter de décalage avec l’effet Doppler mais plutôt avec les longueurs d’onde de la lumière qui s’étire avec l’expansion de l’univers.

    Mais pourquoi l’interprétation de Hubble avec l’effet Doppler n’est pas correct physiquement ?
    J’ai vu qu’il y avait un rapport avec le fait que les galaxies peuvent s’éloigner plus rapidement que la vitesse de la lumière, mais j’ai pas trop compris.

    Si on pourrait me l’expliquer simplement, ça serait sympa (j’ai un niveau de terminale)

    -----

  2. #2
    JPL
    Responsable des forums

    Re : Effet Doppler cosmologique et expansion de l’univers

    L’effet Doppler mesure la vitesse de l’émetteur au moment où les photos que tu observes ont été émis, tandis que "l’étirement" des longueurs d’onde cumulent tout ce qui s’est passé (l’expansion) depuis que les photons ont été émis. Je n’ai pas les outils mathématiques pour le calcul de la différence, mais certains participants pourront brillamment t’expliquer ça.
    Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac

  3. #3
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : Effet Doppler cosmologique et expansion de l’univers

    Citation Envoyé par Elbarto1 Voir le message
    Bonjour

    Hubble avait interpréter le décalage vers le rouge avec l’effet Doppler pour dire que les galaxies s’éloignent.

    Mais aujourd’hui, on sait qu’on ne peut pas interpréter de décalage avec l’effet Doppler mais plutôt avec les longueurs d’onde de la lumière qui s’étire avec l’expansion de l’univers.

    Mais pourquoi l’interprétation de Hubble avec l’effet Doppler n’est pas correct physiquement ?
    J’ai vu qu’il y avait un rapport avec le fait que les galaxies peuvent s’éloigner plus rapidement que la vitesse de la lumière, mais j’ai pas trop compris.

    Si on pourrait me l’expliquer simplement, ça serait sympa (j’ai un niveau de terminale)
    Alors d'abord, dans l'article séminal de (Hubble, 1929), la discussion qui conclut l'article porte sur l'effet De Sitter (un effet de relativité générale) et non sur un effet Doppler (qu'il soit classique ou relativiste).

    A Relation between Distance and Radial Velocity among Extra-Galactic Nebulae
    Hubble, Edwin (Mount Wilson Observatory, Carnegie Institution of Washington), 1929, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 15, 168–173

    The outstanding feature, however,is the possibility that the velocity-distance relation may represent the de Sitter effect, and hence that numerical data may be introduced into discussions of the general curvature of space. In the de Sitter cosmology, displacements of the spectra arise from two sources, an apparents lowing down of atomic vibrations and a general tendency of material particles to scatter. The latter involves an acceleration and hence introduces the element of time. The relative importance of these two effects should determine the form of the relation between distances and observed velocities;and in this connection it may be emphasized that the linear relation found in the present discussion is a first approximation representing a restricted range in distance

    Traduction :
    L'aspect le plus remarquable, cependant, est la possibilité que la relation vitesse-distance puisse représenter l'effet de Sitter, et donc que des données numériques puissent être introduites dans les discussions sur la courbure générale de l'espace. Dans la cosmologie de de Sitter, les déplacements des spectres proviennent de deux sources, un affaiblissement apparent des vibrations atomiques et une tendance générale des particules matérielles à se disperser. Cette dernière implique une accélération et introduit donc l'élément temps. L'importance relative de ces deux effets devrait déterminer la forme de la relation entre les distances et les vitesses observées ; à cet égard, il convient de souligner que la relation linéaire trouvée dans la présente discussion est une première approximation représentant une gamme restreinte de distances.
    L'effet De Sitter dont il est question fait référence à une "prédiction" réalisée dès 1917 par l’astrophysicien néerlandais Willem De Sitter dans le cadre d'un modèle d'univers très théorique : un espace vide de matière avec constante cosmologique positive. Je mets prédiction entre guillemet parce que pour De Sitter, son modèle ne prétend pas représenter la réalité (vu qu'il est vide !).

    Einstein's theory of gravitation and its astronomical consequences.
    de Sitter, W., 1917, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Vol. 78, p.3-28


    Personne à ma connaissance n'a jamais interprété le redshift des galaxies lointaines comme un effet Doppler.

    Alors pourquoi c'est pas bon et c'est quoi la différence ?

    En général on dit que le décalage Doppler se produit lorsque l'observateur ou l'émetteur se déplacent dans l'espace, alors que le décalage vers le rouge cosmologique implique que l'émetteurs et l'observateur sont immobiles dans un espace en expansion.

    Ok, me répondras-tu, mais est-ce que ce n'est pas juste une question de point de vue ? En quoi les deux situations diffèrent elles physiquement ?

    On peut se rendre compte de la différence à l'aide de ces deux expériences de pensée, qui impliquent les inséparables Alice et Bob.

    EXPÉRIENCE n°1 : considérons Alice et Bob dans une univers statique. Alice émet un rayonnement avec sa lampe de poche en direction de Bob. Ils sont à plusieurs années-lumière de distance et durant le temps vol des photons, Bob à le temps de folâtrer, s'amuser et faire des bonds ; il enfourche son spatio-scooter et accélère jusqu'à 0,999 c en s'éloignant d'Alice, parce que pourquoi pas. Puis il freine pour retourner à vitesse nulle (par rapport à Alice), descend de son scooter et reçoit le photon d'Alice au repos par rapport à elle. Il ne mesure aucun décalage vers le rouge.

    EXPÉRIENCE n°2 : considérons Alice et Bob à la même distance initiale dans le même univers statique, et de rayon initial a = 0,5 (en unité arbitraire). Avec la même lampe de poche, Alice émet un rayonnement en direction de Bob. Le rayon voyage pendant des années dans un espace statique, puis, d'un seul coup d'un seul et en l'espace d'une seconde, l'univers grandit d'un facteur 2 pour attendre le rayon a0 = 1. Pour les besoins de la cause, on va considérer que le vide dans cet univers est constitué d'un champs scalaire qui remplit le rôle de constante cosmologique (comme dans l'univers de De Sitter) et dont la loi bizarre fait qu'il s'active 1 seconde partout dans l'espace avant de retourner à zéro. Après ce doublement de taille, l'univers est redevenu statique, et le rayon de lumière continue son trajet jusqu'à atteindre Bob. Au moment où Alice émet ses photons, au moment où Bob les reçoit, ils sont au repos l'un par rapport à l'autre. Et si on veut, on peut considérer que le temps de vol des photons ainsi que la distance A-B au moment de l'émission et au moment de la réception sont les mêmes que dans la première expérience. Néanmoins, cette fois ci, du fait de la croissance du facteur d'échelle (et uniquement de ce fait), ces photons sont reçus redshiftés d'un facteur z tel que :

    1 + z = a0/a

    Dans le calcul de ce redshift il n'est pas question de vitesse, ni rien du tout : seul compte le ratio entre la taille de l'univers à l'émission et sa taille à la réception, et c'est une formule exacte. Physiquement le mouvement du photon dans un espace en expansion est assimilable à l'ascension d'une puits gravitationnel : le photon perd de l'énergie pendant le trajet.
    Dernière modification par Gilgamesh ; 19/06/2022 à 17h39.
    Parcours Etranges

  4. #4
    Elbarto1

    Re : Effet Doppler cosmologique et expansion de l’univers

    [Personne à ma connaissance n'a jamais interprété le redshift des galaxies lointaines comme un effet Doppler]

    Mais pourtant : «Et Hubble, lui, va interpréter ce rougissement de la lumière des galaxies comme un effet Doppler, c'est-à-dire une variation de fréquences qui est liée à la vitesse dans l'espace de la source qui émet cette lumière»
    http://www.radiofrance.fr/francecult...-klein-4492114
    C’est pas une source fiable ?

    J’ai à peu près compris l’exemple avec Alice et Bob
    Pourquoi pendant la 1ere expérience Bob va freiner et atteindre une vitesse nulle ? Pareil pour la 2e expérience, pourquoi l’univers redevient statique ? Il n’est pas constamment en expansion?
    Mais normalement j’ai compris la relation trouvé à la fin 1+z=a0/a

    Et aussi pourquoi on pas de redshift pour la 1ere expérience ?
    Si c’est Bob qui émet la lumière et qu’il s’éloigne d’Alice, Alice va voir un redshift à cause de l’effet Doppler, Non?
    Dernière modification par Elbarto1 ; 20/06/2022 à 10h56.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    pm42

    Re : Effet Doppler cosmologique et expansion de l’univers

    Citation Envoyé par Elbarto1 Voir le message
    Non, c'est de la vulgarisation donc pas forcément inintéressant mais avec des raccourcis et approximations. Il faut juste en être conscient.
    Ici, tu as des réponses de Gilgamesh qui est aussi compétent que rigoureux.

  7. #6
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : Effet Doppler cosmologique et expansion de l’univers

    Citation Envoyé par Elbarto1 Voir le message
    [Personne à ma connaissance n'a jamais interprété le redshift des galaxies lointaines comme un effet Doppler]

    Mais pourtant : «Et Hubble, lui, va interpréter ce rougissement de la lumière des galaxies comme un effet Doppler, c'est-à-dire une variation de fréquences qui est liée à la vitesse dans l'espace de la source qui émet cette lumière»
    http://www.radiofrance.fr/francecult...-klein-4492114
    C’est pas une source fiable ?

    En général E. Klein est fiable, surtout en histoire des science, mais pour le coup, c'est pas terrible, ça me surprend venant de lui. Hubble n'a jamais défendu l'idée d'un effet Doppler au sein d'un univers statique. Au contraire, il va tenter de proposer que non seulement l'espace mais les galaxie elles mêmes sont immobiles.

    On a vu qu'initialement (1929), Hubble a été impressionné par l'accord de ses observations avec l'effet de Sitter. Ce n'est probablement pas une coïncidence si Hubble était à la recherche de cet effet : il était à Leyde en 1928 pour une conférence sur les galaxies, et il a eu l'occasion de parler avec de Sitter. Mais attention, ce qu'a montré De Sitter c'est qu'il existait une autre solution, formellement statique, aux équations d'Einstein, dans laquelle les particules s'éloignent avec une accélération qui augmente avec la distance et un décalage vers le rouge du rayonnement, mais on a vu que la solution est "non physique" (l'univers est vide) et l'interprétation est ardue : formellement statique / mais les particule s'éloignent... Le modèle de De Sitter a plus d'un tour dans sa besace.

    Friedmann en 1922 puis indépendamment Lemaître deux ans après, ont trouvé des solutions plus physiques aux équations d'Einstein qui cette fois ci désignent bien nommément une univers en expansion, et la théorie du Big Bang est né avec eux. Mais ce n'est pas à ces modèles que pensait Hubble. Et il est moyennement chaud avec l'idée de "mouvement des galaxies".

    Dans une lettre à De Sitter, Hubble écrit :

    M. Humason et moi-même sommes tous deux profondément sensibles à votre gracieuse appréciation des articles sur les vitesses et les distances des nébuleuses. Nous utilisons le terme de vitesses "apparentes" pour souligner les caractéristiques empiriques de la corrélation. Nous pensons que l'interprétation devrait être laissée à vous et aux quelques autres personnes qui sont compétentes pour discuter de cette question avec autorité.

    Source : Sharov, A. S. & Novikov, I. D. (1993) Edwin Hubble: The Discoverer of the Big Bang Universe (Cambridge Univ. Press, Cambridge, U.K.), p. 67.
    Il ne se mouille pas. Et puis, les vitesses apparente mesurées ne cessent d'augmenter avec les progrès de l'instrumentation: 1800 km/s en 1929, mais 42000 km/s en 1942. L'idée que des corps comme des galaxies puissent se mouvoir à près de v/c ~ 0.14 lui semble douteux. On pourrait lui répondre que précisément, dans un univers en expansion les galaxies sont immobiles dans le repère comobile, mais enfin, les objets s'éloignent bien à ce taux, et c'est ça qui le bloque, de ce que je comprend. Et donc évidemment, le redshift pour lui ne peut pas non plus être un effet Doppler, interprétable par des vitesses propres.

    Pour expliquer la loi de proportionnalité dans un univers statique, il emprunte l'idée de son ami Zwicky, celle de la lumière fatiguée, proposée par ce dernier dès 1929, qui permet de conserver une univers sagement statique avec un effet simplement proportionnel à la distance.

    Dans l'introduction d'un article publié avec Tolman en 1935 on lit :

    Until further evidence is available, both the present writers wish
    to express an open mind with respect to the ultimately most satisfactory
    explanation of the nebular red-shift and, in the presentation of
    purely observational findings, to continue to use the phrase “apparent”
    velocity of recession. They both incline to the opinion, however,
    that if the red-shift is not due to recessional motion, its explanation
    will probably involve some quite new physical principles.
    Idée qu'il développe dans un bouquin, The Observational Approach to Cosmology :

    Well, perhaps the nebulae are all receding in this peculiar manner.
    But the notion is rather startling. The cautious observer naturally
    examines other possibilities before accepting the proposition even as
    a working hypothesis. He recalls the alternative formulation of the
    law of red-shifts — light loses energy in proportion to the distance it
    travels through space. The law, in this form, sounds quite plausible.
    Internebular space, we believe, cannot be entirely empty. There must
    be a gravitational field through which the light-quanta travel for
    many millions of years before they reach the observer, and there
    may be some interaction between the quanta and the surrounding
    medium.
    The problem invites speculation, and, indeed, has been
    carefully examined. But no satisfactory, detailed solution has been
    found. The known reactions have been examined, one after the other
    — and they have failed to account for the observations. Light may
    lose energy during its journey through space, but if so, we do not yet
    know how the loss can be explained.

    La théorie de la lumière fatiguée implique une perte d'énergie du rayonnement proportionnelle à la distance qu'il faut expliquer d'une manière ou d'une autre, mais aucun des mécanismes proposés ne conservent le spectre du corps noir. Cette théorie ne supporte pas la mesure du spectre du CMB qui est celui d'un corps noir d'une perfection impressionnante.

    Certains des mécanisme de la "fatigue" sont basé sur une interaction du rayonnement avec un contenu quelconque de l'univers, ce qui se traduirait par une diffusion des photons. De ce fait, l'espace perdrait progressivement de sa limpidité avec la distance et l'image des galaxie lointaines seraient floutée. On dispose maintenant de l'image de galaxies situées à des distances réellement cosmologiques (avec le champ profond de Hubble notamment, qui a l'intérêt de ne subir aucun brouillage atmosphérique) et ce n'est pas ce que l'on observe.

    En gros l'hypothèse n'a pas survécu à l’avènement de la cosmologie de précision.


    source : Hubble’s Cosmology: From a Finite Expanding Universe to a Static Endless Universe


    Et la bonne interprétation de tout ça a été donnée deux ans avant qu'il ne publie sa loi de 1929, par Georges Lemaître, dans un article de 1927, dont il suffit de lire le titre: Un Univers homogène de masse constante et de rayon croissant rendant compte de la vitesse radiale des nébuleuses extragalactiques

    J’ai à peu près compris l’exemple avec Alice et Bob
    Pourquoi pendant la 1ere expérience Bob va freiner et atteindre une vitesse nulle ? Pareil pour la 2e expérience, pourquoi l’univers redevient statique ? Il n’est pas constamment en expansion?
    Ce sont des expériences de pensées, je n'ai pas décrit l'univers réel. Je te mets en scène deux situations où A et B sont immobiles l'un par rapport à l'autre au moment de l'émission comme au moment de la réception (donc je fais freiner Bob et j'arrête l'expansion, rien ne me résiste) simplement pour montrer dans un cas y'a pas de redshift (because effet Doppler nul) et dans un autre y'en a un (because la croissance du facteur d'échelle durant le trajet de la lumière).


    Et aussi pourquoi on pas de redshift pour la 1ere expérience ?
    Si c’est Bob qui émet la lumière et qu’il s’éloigne d’Alice, Alice va voir un redshift à cause de l’effet Doppler, Non?
    Oui, si Bob pendant qu'il s'éloigne de Alice sur son scooter à 0,999 c émet un rayonnement en direction d'Alice, celle-ci va recevoir un signal fortement redshifté. Mais ce n'est pas la situation que j'ai décrite.
    Dernière modification par Gilgamesh ; 20/06/2022 à 18h55.
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