Bonjour tfeArmand,
Je puis toujours tenter de vous donner un aperçu de l'expérience que mon épouse et moi avons eu avec nos jumeaux hyperactifs. La naissance fut délicate, ils vinrent au monde prématurés de 2 mois, ils pesaient 1.4 et 1.8 Kg, l'un deux avait un score d'apgar de 3. Ils durent rester environ un mois en couveuse à l'hôpital.
Alors que les enfants avaient près de 3 ans et demi nous avons consulté un orthophoniste car ils ne parlaient toujours pas et avaient des retards marqués sur bien d'autres plans. La ronde des batteries de tests s'engagea. Un an plus tard, ils furent diagnostiqués hyperactifs à un degré exceptionnellement élevé.
Nous avons essayé toutes sortes d'approches différentes mais rien n'y faisait. De son côté le psychiatre hésitait à leur donner du ritalin à un si jeune âge. Mais finalement nous dûmes nous résoudre à ce traitement. Ce fut tout simplement miraculeux ! Dès la première prise de médicament, l'un d'eux compléta son premier casse-tête. Il faut comprendre que jusqu'alors, le temps maximum (chronométré) de concentration sur le même sujet était de trente secondes… Pour une fois la possibilité de les voir accéder à une école "normale" semblait à portée de main.
Un suivi médical serré fut engagé. Courbes de croissance, prise de poids, tics nerveux, comportement social, résultats scolaires bien des paramètres furent contrôlés. Il faut dire que l'hyperactivité était nouvelle et mal comprise. Ainsi, en plus de devoir composer avec des enfants épuisants (littéralement !) nous avons dû, plus souvent qu'à notre tour, attraper notre bâton de pèlerin pour défendre nos positions auprès d'intervenants auprès de nos enfants -alors qu'on aurait eu plutôt besoin d'aide. Pourtant leur développement allait bon train et, dès le début de leurs études secondaires (lorsqu'âgés d'environ 12 ans), ils furent inscrits dans un groupe enrichi (programme international) au sein d'un collège privé.
À l'adolescence, les traitements furent arrêtés. L'excellent psychiatre avec qui nous avions cheminé durant près de douze ans, venait de prendre sa retraite. Les deux jeunes psychiatres qui prirent la relève décidèrent de traiter chaque enfant séparément. Ils balayèrent d'un revers de main méprisant tout ce qui avait été fait jusqu'alors. Sans tenir compte de nos suggestions ils voulurent entreprendre de tout recommencer à zéro selon une méthode unilatéralement décidée par eux seuls. Nous étions bien trop épuisés pour recommencer le ballet infernal juste pour faire plaisir à deux jeunes docteurs pontifiants qui n'avaient pas encore compris une notion aussi élémentaire que "le bien être des enfants passe par celui des parents". Le lien de confiance n'ayant pu s'établir, nous avons donc cessé les traitements au début des vacances d'été. Si à la prochaine année scolaire les choses dérapaient, on avisera à ce moment là…
Ce fut une erreur coûteuse pour nos enfants. Jusqu'alors, un des indicateurs les plus précieux qui nous permettait d'ajuster finement le dosage du ritalin était la performance scolaire. Cette année là, ils commençaient leur formation collégiale (ce sont deux années de préparation pour l'université). Mon épouse et moi ne nous sommes pas méfiés lorsque nos enfants exprimèrent leur désir de n'avoir plus l'obligation de nous montrer leurs résultats scolaires. Nous avons donc agréé à leur désir au nom du principe plein de bon sens qui veut que "si on désire qu'ils deviennent des hommes un jour, ils faut arrêter de les traiter en enfants". Dans les faits, ils avaient des résultats épouvantables et avaient honte de nous les montrer. Un vilain cercle vicieux se mit en place. De notre point de vue, l'arrêt du médicament n'avait rien changé puisque jusqu'alors, lorsque les enfants revenaient de l'école, l'effet du ritalin était terminé. Du côté des enfants, plus le temps passait, plus ils s'enfonçaient dans les échecs scolaires. Ils nous mentirent. Ça n'était jamais arrivé auparavant, la loyauté, la confiance, la franchise, ces valeurs avaient toujours eu cours chez nous. Inévitablement, au bout d'environ trois ans de ce petit jeu, le chat est sorti du sac.
Ça prit environ deux ans à recoller les pots cassés. Restaurer une confiance mutuelle, ça ne se fait en deux coup de cuillère à pot. Rétablir une image de soi dont les enfants pouvaient être fiers, ne fut pas non plus un défi aisé à relever. Finalement, cet épisode coûta environ cinq ans "d'errance" à nos enfants. Avec tous ces échecs au collégial l'université n'était pas très accueillante…
Aujourd'hui, ils ont 30 ans et chacun de nos deux "p'tits v'limeux" sont sur le point de terminer leur formation universitaire au niveau maîtrise (je ne sais pas à quoi ça équivaut en France mais ça représente environ six ans d'études universitaire, c'est le dernier stade avant le doctorat). L'un deux a décider de reprendre du ritalin alors que l'autre a plutôt préféré développer diverses méthodes et disciplines pour contourner les effets handicapants de l'hyperactivité.
Quand je pense qu'il a fallu se battre contre les doctes conseillers pédagogiques qui voulaient à toute force les placer en "classe spéciale" (formation allégée pour les enfants mentalement désavantagés) "pour leur propre bien". Peuh !
Amicalement
André
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