Octobre 2009 fut le mois du cancer du sein, appelé pour l'occasion "Octobre rose", rappelant l'importance des efforts médicaux et de recherche pour guérir ce cancer qui est le plus fréquent chez la femme. Une proportion importante de cancers du sein, ceux exprimant les récepteurs des oestrogènes, sont traités depuis plus de trente ans par le tamoxifène. Ce médicament est principalement connu pour se fixer sur les récepteurs des oestrogènes (qui sont parmi les responsables de la prolifération anarchique et de la survie des cellules tumorales) dont il bloque le fonctionnement. Toutefois, ce n'est pas sa seule cible, il se fixe aussi sur le complexe AEBS (Anti Estrogen Binding Site : le site de liaison des anti-oestrogènes) (De Medina et al., Current Medicinal Chemistry 2004). Le tamoxifène provoque ainsi la régression et la mort de la tumeur.
Récemment, notre équipe a montré l’importance d’AEBS dans les effets anti-cancéreux du tamoxifène. Pour cela, l’équipe a synthétisé un analogue du tamoxifène, le PBPE, dont la propriété est qu'il ne se fixe que sur AEBS. Elle a ainsi pu étudier spécifiquement les effets du tamoxifène relevant de sa liaison sur ce complexe. Ceci a permis de montrer qu'à faible concentration, le PBPE et le tamoxifène permettent un retour des cellules cancéreuses vers un état différencié, proche d’une cellule saine. En effet, durant la cancérisation, la cellule oriente progressivement ses dépenses énergétiques vers la croissance et la prolifération cellulaire au détriment des fonctions spécialisées de la cellule, comme la lactation pour les cellules mammaires. Sous l'effet du traitement, les cellules cancéreuses, recouvrent leur fonction normale en produisant à nouveau des constituants du lait (protéines et lipides)(Payré et al., Molecular Cancer Therapeutics 2008).
En 2009, l'équipe a montré qu'à de fortes concentrations, le tamoxifène et le PBPE provoquent la mort des cellules cancéreuses mammaires (De Medina et al., Cell Death and Differentiation 2009). L'étude au microscope électronique des cellules survivant au traitement a montré qu'elles présentaient des caractéristiques typiques d'un processus d'autodigestion (autophagie). Une inhibition de cette autophagie entraine une augmentation de la mortalité cellulaire, ce qui signifie, de manière paradoxale, que c'est bien l'autodigestion qui permet la survie des cellules. Ce résultat suggère que les cellules traitées, dans un dernier élan de survie, choisissent de récupérer l'énergie de leurs propres constituants pour échapper à la mort.
En 2004, l'équipe avait montré que le complexe AEBS est constitué de deux protéines caractérisées comme étant des enzymes participant à la synthèse du cholestérol. Au cours de cette étude, ils avaient découvert que le mécanisme d'action du tamoxifène et du PBPE passe par une accumulation des substrats de ces enzymes, qui sont des stérols, au niveau d'AEBS suivi de leur oxydation (Kedjouar et al., Journal of Biological Chemistry 2004). Ici, la vitamine E, qui est un antioxydant retrouvé dans les aliments gras, a été ajoutée dans les traitements des cellules afin de déterminer l'importance de l'oxydation dans les effets des deux molécules. La vitamine E empêche les cellules cancéreuses de mourir lorsqu’elles sont traitées avec le tamoxifène et le PBPE. Ceci confirme donc l’importance de l’oxydation des stérols accumulés dans les effets anti-cancéreux de ces molécules.
Ces travaux ouvrent de nouvelles voies thérapeutiques ciblant AEBS dans le cancer du sein (Deng et al., Clinical Cancer Research 2009). Ils s’inscrivent en même temps dans une logique de contournement des résistances observées des cellules tumorales mammaires au tamoxifène. L’implication forte du métabolisme oxydatif dans les effets anti-cancéreux de ces molécules suggère l’emploi d’une alimentation adaptée en parallèle du traitement.
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