Essayons d'être factuels (PS : je précise que je n'avais aucun a priori perso sur la question et qu'avant de faire le développement ci-dessous, j'aurais été bien incapable de dire quelle hypothèse me semblait la plus probable).
Si on considère que la date de contamination du patient zéro (inconnu) est connue à un mois près, on peut estimer grossièrement les probas relatives (ou plutôt les fréquences relatives) de survenue des différents événements pouvant être à l'origine de la contamination de ce patient, à condition de pouvoir attribuer des valeurs crédibles à tous les paramètres ci-dessous.
Dans l'hypothèse d'une fuite du labo de Wuhan (d'un virus spécifique parmi n donnant lieu à des études dans ce labo), en supposant que la sécurité de ce labo soit ni pire ni meilleure qu'ailleurs dans des labos de la même catégorie :
1/12 * (nombre mondial annuel de personnes contaminées dans un labo / nombre mondial de labos) * (1 / nombre d'expériences en cours à Wuhan)
Dans l'hypothèse d'un patient zéro ayant importé le virus depuis la région du réservoir animal, où le virus serait éventuellement endémique dans la population humaine avec une incidence à peu près constante (grâce à de multiples réintroductions dues à des contaminations par un animal) :
1/12 * (nombre annuel de voyages d'habitants de la région du réservoir vers Wuhan) * (incidence dans la population locale)
+ 1/12 * (nombre annuel de voyages de retour d'habitants de Wuhan depuis la région du réservoir) * (nombre moyen d'habitants de la région avec qui un voyageur est en contact à risque) * (incidence dans la population locale) * P(contamination à l'occasion d'un contact à risque d'un individu naïf avec un infecté)
+ 1/12 * (nombre annuel de voyages de retour d'habitants de Wuhan depuis la région du réservoir) * P(voyageur visite une grotte) * P(contamination directe dans une grotte par aérosol ou contact avec des déjections)
Reste l'hypothèse d'un patient zéro contaminé par un animal sur le marché de Wuhan, animal importé depuis la région du réservoir et porteur du virus ou hôte intermédiaire contaminé par un animal originaire de la région en question. Mais là, je suis sec...
Si vous êtes d'accord avec la démarche "théorique", on peut tenter au moins une estimation d'ordre de grandeur pour comparer entre elles les deux premières hypothèses...
Puisqu'il s'agit de comparer des fréquences relatives, je laisse tomber le facteur 1/12 qui intervient dans chacune des formules ci-dessus.
Pour l'hypothèse d'importation depuis la région du réservoir, on peut partir du nombre annuel de voyages entre Wuhan et Thaïlande indiqué par Tawahi-Kiwi (> 500000). La région concernée ne couvre qu'une partie de la Thaïlande mais est à cheval sur plusieurs pays, donc on peut supposer qu'il y a (de l'ordre de) 100000 voyages entre Wuhan et cette région, dont une grande majorité concernent des habitants de Wuhan (au niveau de vie plus élevé) mais au moins quelques milliers (disons 10000) ceux de la région.
On peut estimer qu'un voyageur venant de Wuhan a un nombre de contacts à risque avec des locaux de l'ordre de l'unité (entre 1 et 10) et que, si le contact local est infecté (mais probablement a- ou peu symptomatique), la probabilité de transmission est de l'ordre de 1/10. Si l'incidence hebdomadaire (en gros sur la période où l'infecté est contaminant) dans la population locale est de 1/10000 (*), au facteur 1/12 près les deux premiers termes de la somme ci-dessus sont respectivement de l'ordre de 1 et de 0,1 à 1. Mais l'incidence pourrait être plus élevée dans une population partiellement immunisée où le virus circule à bas bruit à l'occasion de chaque réintroduction, sans provoquer de cas graves (ou trop rares pour qu'ils donnent lieu à investigation sérieuse si le système de santé n'est pas au top dans cette région).
Pour évaluer le troisième terme (la contamination directe dans une grotte), il faudrait avoir une idée des probabilités dont il dépend. Mais si on suppose que quelques % des voyageurs (= quelques milliers) sont des touristes qui visitent ces grottes, la probabilité de contamination directe à cette occasion n'a pas besoin d'être élevée (1/1000 suffit largement) pour que le troisième terme de la somme soit supérieur à 1.
Au total on arrive à un nombre annuel de "quelques" événements (disons de 1 à 10) pouvant donner lieu à une importation du virus par un patient zéro originaire de ou visitant la région du réservoir, ce qui ne rend pas du tout improbable qu'un tel événement soit survenu durant la période d'approximativement un mois à laquelle les épidémiologistes estiment que le patient zéro a été infecté. Mais qui ne le rend pas non plus probable au point de rendre surprenant le fait qu'il n'y ait pas eu de foyers épidémiques à la même époque dans d'autres grandes villes chinoises.
(*) Avec une incidence hebdo moyenne de 1/10000, si le virus est endémique dans la région et qu'il y est présent depuis plusieurs décennies sous la forme d'une souche moins transmissible (transmissible entre humains mais pouvant aussi avoir été réintroduite à de multiples reprises à partir d'un réservoir animal), il peut quand-même avoir infecté quelques dizaines de % de la population locale (des millions de personnes) avant d'évoluer quelque-part en 2019 vers la première lignée du SARS-CoV-2 (contre laquelle la population locale serait restée partiellement immunisée, ce qui, peut-être favorisé par les moyens limités du système de santé local, aurait permis au SARS-CoV-2 de rester sous les radars jusqu'à son arrivée à Wuhan).
Quant à l'autre hypothèse, celle d'une fuite d'un labo, si Archi3 dispose de données fiables je lui laisse le soin d'estimer le nombre moyen d'événements de ce genre qui pourraient avoir lieu à Wuhan et concerneraient spécifiquement l'un des probablement nombreux virus qui y font l'objet d'études ([mode complotiste] à moins de supposer que la plupart de ces études ont justement pour but de fabriquer un coronavirus transmissible entre humains et virulent...[/mode complotiste]).
Mais si par exemple il y a moins de 10 fuites de ce genre par an (**) dans le monde (d'un virus ou autre agent pathogène transmissible entre humains, ayant contaminé au moins une personne non détectée à temps et donc pas mise en quarantaine) parmi une cinquantaine de labos P4 (et des centaines de labos moins sécurisés), il me semble que la probabilité pour qu'il y en ait eu une à Wuhan pile dans la période concernée, et qu'elle ait justement concerné le SARS-CoV-2, n'est certes pas négligeable mais est quand-même assez faible comparée à celle d'un patient zéro, voire plusieurs, revenant de la région du réservoir animal après avoir été contaminé par un humain porteur (plus ou moins sain) du virus ou directement par un animal. A vue de nez, il y a au moins un ordre de grandeur d'écart entre ces deux probas.
(**) Il me semble que si c'était plus fréquent on en aurait entendu parler. Mais je peux me tromper...
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