"[...] tout développement d'une activité s'appuie sur des ressources moins performantes, car les plus performantes sont utilisées en premier [...]"
Voici un principe interréssant permettant d'alimenter les reflexions sur l'aprés-pétrole...L'homme atteint les limites de la planète : les énergies fossiles s'épuisent, les matériaux sont dispersés, la biodiversité de même, ... La liste est longue et connue.
Les rendements décroissants constituent un des problèmes majeurs de la science économique : tout développement d'une activité s'appuie sur des ressources moins performantes, car les plus performantes sont utilisées en premier.
Quand un système atteint ses limites, ce sont le plus souvent les derniers développements qui sont de fait les premières victimes. Ainsi, la construction des chemins de fer classiques s'est arrêtée avec la deuxième guerre mondiale. Ensuite, avec la concurrence de la voiture, les dernières lignes construites furent les premières à être fermées, certaines n'étant même pas achevées.
Atteindre les limites de la planète a ainsi de profondes conséquences économiques au regard de cette sorte de fatalité des rendements décroissants.
Plongeons dans un examen prospectif en appliquant l'idée que les premières victimes sont les derniers développements :
- En agriculture, la rareté des engrais issus du pétrole ainsi que l'impossibilité d'étendre les terres à outrance du fait de la démographie va inciter à réduire fortement la partie au rendement le plus faible : la production de viande. Il faudra donc s'habituer à manger moins de viande et garder ça comme un plaisir raffiné.
- Dans les transports, le mode le plus énergivore, à savoir la voiture individuelle, va forcément se réduire. Elle ne soutient pas la comparaison avec le vélo, la marche ou le transport collectif. L'automobile va d'abord s'alléger, économiser l'énergie mais à terme elle perdra aussi beaucoup de son individualité. Dans le transport collectif, l'avion devra se restreindre aux voyages vraiment importants.
- Dans l'habitat, l'espace de logement par habitant va se réduire, surtout dans les pays développés où la disponibilité de l'énergie et des matériaux avait permis de construire à la demande dans un souci de confort toujours renouvelé allant souvent au-delà des besoins réels.
- Les produits matériels de consommation vont aussi progressivement subir le jeu de leur réelle utilité. Tous ceux qui se fabriquent actuellement à foison, à bas prix et qu'on achète "au cas où" ou "comme ça" seront les premiers à ne plus être fabriqués.
- Le territoire, en lien avec les transports et l'habitat, va subir lui aussi de profondes transformations. L'habitat périurbain, moins bien placé que l'urbain mais que l'on colonisait grâce à la voiture, se retransformera en champs. Le rural, lui, retrouvera une jeunesse, car il faudra plus de bras dans l'agriculture. Les villes se densifieront sans plus s'étendre.
Le tableau ainsi dressé n'est constitué que des conséquences logiques d'une hypothèse : l'atteinte des limites. Il suppose aussi une linéarité de l'Histoire, ce qu'elle n'est jamais vraiment. Des évènements peuvent infléchir son cours, l'accélèrer ou le devier. Mais si les limites sont atteintes, je vois mal comment ces conséquences pourraient être totalement évitées.
Une réponse est de dire que non, par exemple d'autres sources d'énergie viendront en remplacement : éolien, solaire, nucléaire, ... Mais les unes sont adaptées à du local alors que le pétrole est une énergie solaire concentrée et transportable, les autres déplacent le danger. Ces énergies vont influer mais sans doute pas assez pour infirmer l'hypothèse.
Ces conséquences économiques et de mode de vie ont aussi des profondes incidences sur des comportements de tous les jours.
- L'éthique économique serait amenée à changer : si je suis conscient des limites, il me sera difficile d'accepter les voyages superflus en avion, les très grands logements pour peu de personnes, ... surtout si je peux personnellement me les payer mais que je m'en abstiens volontairement.
- La propriété elle-même peut évoluer. Une telle notion est fondamentale depuis des siècles parce qu'il y avait toujours de la place plus loin pour l'acquérir à force de travail. Atteindre les limites la remet en question parce que le partage ne pourra plus guère se faire sur ce qui sera (ce qui est très pratique), mais sur ce qui est (ce qui l'est moins).
- Le rapport au temps ne peut rester le même : par exemple l'impact énergétique d'une livraison pressée ou non n'est pas du tout le même. Sous la contrainte, l'urgence désertera l'accessoire.
- La performance, l'efficience instantanées seront relativisées. Les limites inciteront à redécouvrir la notion de temps long.
Le tableau est ici forcément incomplet. Il n'intègre même pas l'effet en retour sur l'économie et son organisation.
Mais, pour résumer, l'éthique utilitariste (maximisation du bonheur) sous-jacente dans notre société devra passer d'une maximisation du développement à une maximisation du durable, au lieu de vouloir à toute force accoler les deux notions.
On peut imaginer également que la pression, pour l'utilisation des OGM, comme facteur d'augmentation des rendements ira en augmentant, au fur et à mesure que la courbe des rendements décroissants arrivera à son point d'inflexion.
On peut trouver ici également une explication à la brusque augmentation des produit alimentaire de base, ces dernières années...
Vos remarques et critiques sont les bienvenues quand à la validité de ce principe...
Cordialement,
Korzibsk
Kor
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