Je ne « gueule » pas. Comme Cécile le remarque, demander de remplacer du jour au lendemain 400 TW d’électricité nucléaire en France n’a pas tellement de sens. Donc, le calcul est mal posé et je n’ai pas envie de prendre ma calculette dans ces conditions. D’autant que d’autres, nettement mieux équipés que moi, ont pris leur calculette : par exemple Accenture et Barclays dans un rapport de février 2011 (pdf anglais) chiffrant le coût des objectifs 20-20-20 du paquet énergie-climat : cela représente 2,9 trillions d’euros (2900 milliers de milliards) d’investissement, 300 milliards d’euros par an, 2,4% du PIB européen, cela sur la base de 15 axes technologiques disponibles aujourd’hui, sans fossile ni nucléaire. La question des fonds nécessaires à cet investissement (taxe, marché, etc.) et des retours attendus (emplois, importations, etc.) dépasse le cadre de ce forum qui refuse les débats économiques. Disons simplement que c’est un choix politique n’ayant rien d’aberrant ni d’inaccessible. Aussi l’argument tacite ou explicite des pronucléaires – c’est l’atome ou la bougie – est-il quelque peu éculé. Cela rappelle en effet les années 1980, pas forcément côté Voynet...
Si l’on se base uniquement sur les cinquante ans d’exploitation du nucléaire civil, je pense que le rapport coût-bénéfice est favorable à cette énergie, du moins en l’état des connaissances (sur les morts imputables aux faibles doses). Le problème réside à mes yeux dans le risque maximal inhérent à la technologie : que ce risque ne soit pas réalisé depuis cinquante ans, et qu’il ne le soit peut-être jamais, ne change pas son existence. La question n’est pas la quête d’un risque-zéro (là encore, une caricature), mais bien l’évaluation des risques maxima associés à chaque type de production énergétique. Et une centrale nucléaire à fission me semble de ce point de vue perdante par rapport à ses équivalents en production thermique ou renouvelable. Fukushima ne m’a pas apporté la démonstration que les opérateurs maîtrisent cette potentialité de risque au cours d’un accident – ils croisent surtout les doigts dans les premières heures critiques en espérant que tout le réacteur ne parte pas en couille. Ensuite, si l’on fixe la barre d’acceptabilité du risque très haut – si l’on accepte qu’un accident produise des millions de contaminés car cela sera toujours moins que le tabac, l’alcool, la malbouffe, etc. – , alors on ne tire pas les mêmes conclusions pratiques que moi. Je n’ai pas de problème avec cela, c’est un débat démocratique. J’espère simplement que, pour des raisons de cohérence, ceux qui manifestent cette grande tolérance à une possible mortalité nucléaire ne sont pas ceux qui poussent des cries d’orfraie pour quelques dixièmes de degré de réchauffement…
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