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Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?



  1. #31
    invite5321ebfe

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?


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    A propos des biocarburants, je signale un essai que je n'ai hélas pas lu (et qui deux fois hélas est très cher), The Biofuel Delusion, de Giampetro et Mayumi. J'en ai lu des recensions le décrivant comme un exposé particulièrement complet de toutes les raisons pour lesquelles il ne faut surtout pas continuer l'expérience des biocarburants. (Exemple de recensions ici ou, plus détaillée, ).

    Si j’essaie de résumer les critiques adressées aux BC dans leurs générations actuelles, cela donnerait ceci.

    Part infime du mix mondial. Les BC représentent (au moins en 2008, cela a sans doute changé en 3 ans) 2% des carburants à l'échelle mondiale, carburants qui représentent eux-mêmes 20% de l'énergie primaire consommée. Cela ne fait donc pas grand chose et on omet souvent de rappeler cette réalité quand on parle des biocarburants comme alternative au fossile ici et maintenant. J'acquiesce bien sûr à cette critique, qui vaut pour la plupart des énergies renouvelables, elles ne représentent quasiment rien en production et leur montée en puissance pose nombre de problèmes que leurs partisans omettent souvent de signaler.

    Bilan énergétique médiocre. L'énergie nette ou EROEI (ratio des inputs sur les outputs) des BC est médiocre, difficilement équilibré sur la canne à sucre, pas sur le maïs. Ce point n'est pas forcément rédhibitoire pour l'avenir, même s'il est évidemment peu engageant pour l'analyse des coûts sur les générations actuelles de BC. (*)

    Bilan carbone très contestable. Le cycle de production de l'éthanol extrait du maïs, de la canne ou du palmier produit en réalité beaucoup de CO2 (motorisation, engrais, pesticides, déstockage du carbone du sol, déforestation) auquel il faut ajouter le protoxyde d'azote (N2O), lui aussi un GES, dérivé ici spécifiquement de l'usage des engrais azotés. Le bilan radiatif-climatique n'est donc pas bon, alors que c'est une des justifications du biocarburant (pas la seule). Je suis à nouveau d'accord avec cette critique des BC de 1re et 2e générations.

    Evolution incertaine sur la cellulose. Un quatrième point avancé par les critiques est que les dérivés lignocellulosiques (parties non utilisées des plantes pour le moment) ne sont pas encore réellement exploités industriellement et que s'il y a beaucoup de recherches à ce sujet, on n'a pas encore une unité de production opérationnelle pour juger de l'efficacité à grande échelle de ce procédé. Bon, ce n'est pas tout à fait exact parce que des sociétés comme Iogen (Canada) ont une production à assez grande échelle (pas un prototype en serre), mais je ne connais pas d'analyse critique et indépendante des résultats obtenus.

    Faiblesse intrinsèque du rendement de la photosynthèse. Un cinquième point, finalement le plus intéressant, est que la photosynthèse serait structurellement inefficace pour produire de l’énergie. La photosynthèse n’utilise qu’une part du rayonnement (surtout le bleu et le rouge dans le spectre visible) et l’efficience de la conversion est de 0,3% en moyenne planétaire, 1,5% dans les écosystèmes terrestres les plus productifs (forêts). Il en résulte que la masse totalement sèche, surtout composée de carbohydrates, a une densité énergétique de 18 MJ/kg. L’essence a une densité énergétique de 45 MJ/kg.

    La faible conversion et la faible densité finale expliquent que de grandes surfaces doivent être dédiées aux BC si l’on veut obtenir un volume de carburant possédant la même énergie utile que l’essence.

    La solution de ce problème à la racine ne peut venir à mon sens que d’une modification dirigée (biologie moléculaire) des organismes pratiquant la photosynthèse, afin de les rendre plus efficients dans la capture du rayonnement incident (optimisation 1) puis dans la conversion et le stockage physico-chimique de cette énergie (optimisation 2). D'où l'article que je postais en début de cette discussion. Peut-être que des biologistes lisant ce message ont une idée plus précise des contraintes qui se posent aux chercheurs en ce domaine? Peut-on vraiment tout faire en bricolant le vivant, comme un "Lego" auquel je comparais l'exercice? Ou trouve-t-on des limites à la transgenèse et, dans le cas qui nous intéresse ici, au métabolisme énergétique des cellules d'un organisme modifié?

    Par ailleurs, la piste des algues marines (macro-algues ou micro-algues) apporte une réponse à la question de l’emprise surfacique. La culture des organismes produisant le BC peut se faire en mer, en bassins ouverts de littoral ou en cuves verticales (photobiorécateurs) non loin elles aussi du littoral. La concurrence avec l’usage agricole des sols est dans ce cas annulée ou réduite, même si l’algoculture occupe déjà une certaine surface (à des fins diverses, productions d’aliments, d’engrais ou de médicaments par exemple).

    (*) Pour préciser ce point : on a besoin de carburant liquide pour accomplir des tâches productives, par le biais d'une machine thermique. Il n'est pas indispensable que la production de ce carburant liquide possède elle-même un excellent EROEI : l'important en dernier ressort est de pouvoir accomplir le travail mécanique nécessaire à la tâche productive en question. Bien sûr, c'est encore mieux de le faire avec un carburant dont la source est très dense, la production très facile et le coût très bas (= le pétrole depuis un siècle), mais ce n'est pas non plus l'essentiel pour l'avenir. L'essentiel est que si l'on veut labourer un champ, il vaut toujours mieux le faire en une demi-journée avec un tracteur ou un motoculteur usant d'un carburant cher qu'en une semaine avec pas de carburant du tout (c'est-à-dire avec sa bêche ou sa charrue tirée par un cheval). Parce qu'il est peu probable que la "chèreté" du carburant en question atteigne la "chèreté" d'une semaine de travail homme ou homme-animal, cette dernière option étant particulièrement peu productive. Donc quand il n'y aura plus de pétrole bon marché, on préférera un biocarburant (ou un moteur électrique) à un simple retour à la case "musculaire".

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  2. #32
    wizz

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    C'est bien pour cela que l'argument du prix comparé BC/pétrole est contingent (outre le fait que la consommation des ménages n'est pas un enjeu scientifique ou technologique). Même si la courbe du prix BC est stable dans les 100 prochaines années, il suffit que celle de l'essence soit croissante pour qu'elles se croisent à un moment et qu'à ce moment-là, il n'y ait plus d'intérêt économique à préférer l'essence au BC. Le moment où elles se croisent correspond à une certaine quantité consommée Q, la question est de savoir si l'on peut produire ce volume Q en biocarburant plutôt qu'en essence.
    Emettons l'hypothèse que techniquement, on est capable de produire cette quantité Q, mais qu'on est incapable de baisser son prix, qui serait disons de 4€/litre. Et disons qu'en même temps, notre salaire n'aura pas été augmenté. On reste à 1150€/mois

    Question:
    -qui serait capable de posséder une voiture à ce moment là, avec le litre d'essence ou éthanol à 4€
    -et comme tout passe par le transport, les marchandises seront donc aussi plus cheres. Pourra t on toujours profiter pleinement les soldes ce jour là?
    -etc...

    Bref, c'est non. Notre économie est basée sur un certain niveau de consommation, qui elle même dépend du prix des matières premières et de l'énergie. Lorsque l'énergie pétrole coutera très chere, on ne basculera pas vers l'alternatif tout en conservant le même niveau de vie. Ce sera notre niveau de vie qui devra s'adapter, et qui devra baisser

    Demain, ce n'est pas parce que le litre d'essence coute 5€, et que le litre d'éthanol coute 4€, qu'on va tous basculer en alcool et continuer à faire du 20000km/an en moyenne, et partir dans le sud en vacances en voiture

  3. #33
    invite5321ebfe

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par wizz Voir le message
    Emettons l'hypothèse que techniquement, on est capable de produire cette quantité Q, mais qu'on est incapable de baisser son prix, qui serait disons de 4€/litre. Et disons qu'en même temps, notre salaire n'aura pas été augmenté. On reste à 1150€/mois
    Question:
    -qui serait capable de posséder une voiture à ce moment là, avec le litre d'essence ou éthanol à 4€
    -et comme tout passe par le transport, les marchandises seront donc aussi plus cheres. Pourra t on toujours profiter pleinement les soldes ce jour là?
    -etc...
    Bref, c'est non. Notre économie est basée sur un certain niveau de consommation, qui elle même dépend du prix des matières premières et de l'énergie. Lorsque l'énergie pétrole coutera très chere, on ne basculera pas vers l'alternatif tout en conservant le même niveau de vie. Ce sera notre niveau de vie qui devra s'adapter, et qui devra baisser
    Demain, ce n'est pas parce que le litre d'essence coute 5€, et que le litre d'éthanol coute 4€, qu'on va tous basculer en alcool et continuer à faire du 20000km/an en moyenne, et partir dans le sud en vacances en voiture
    Tout cela me paraît très intéressant, mais à nouveau, sans rapport particulier avec mon sujet de débat. Si j'étais un optimiste béat affirmant qu'en 2020, on fera du biocarburant à moins d'un euro le litre à la pompe et en quantité illimitée, tu pourrais sûrement m'opposer des objections de cette nature. Mais comme je n'ai pas la moindre idée de ce que sera le prix d'équilibre du biocarburant et le moment où ce prix sera plus intéressant que celui de l'essence...

    Imaginons que le biocarburant soit à 4 euros le litre. Ben pour 20 euros, je peux labourer et fraiser mon demi-hectare au motoculteur : je préfère largement cela à devoir le faire à la bêche ou à devoir disposer d'un animal de trait. Pour les mêmes 20 euros, je peux faire un aller-retour hebdomadaire pour mes courses à la ville (10 km d'ici) ; à nouveau, je préfère cela à les faire en bicyclette ou à devoir me priver de certains biens qui ne se trouvent qu'à la ville. Le renchérissement du carburant entraîne des modifications du mode de vie (globalement, moindre productivité et moindre pouvoir d'achat), il n'entraîne pas forcément une disparition complète de ce que l'on a l'habitude de faire et un retour au statu ante quo. Mais de toute façon, la sociologie des temps de pénurie n'est pas du tout la question posée dans ce fil.

    Concernant les ordres de grandeur de coût, il me paraît douteux que le biocarburant soit à 300 ou 400% du carburant actuel. J'ai indiqué en début de cette discussion le chapitre 2 du récent rapport du GIEC ayant fait le point sur l'état des énergies renouvelables (SRREN 2011). On peut lire dans la synthèse de ce chapitre :

    Recent analyses of lignocellulosic biofuels indicate potential improvements that enable them to compete at oil prices of USD 2005 60 to 70/barrel (USD 2005 0.38 to 0.44/litre) assuming no revenue from carbon dioxide (CO2) mitigation.
    Admettons (ce que j'admets volontiers) que les chercheurs du GIEC souffrent d'un biais optimiste quand ils évaluent les énergies. Donc multiplions par trois leur estimation : cela nous ferait un biocarburant à 1,20 USD2005 le litre. Avec les technologies actuelles, sans compter la courbe d'apprentissage et d'innovation d'ici 2050 (qui est plutôt ma date de référence).

    Je pense donc que le vrai problème du BC, c'est la surface exploitée pour obtenir un gros volume, pas tellement qu'il serait un ordre de grandeur au dessus du prix actuel du pétrole.

  4. #34
    invite8915d466

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Imaginons que le biocarburant soit à 4 euros le litre. Ben pour 20 euros, je peux labourer et fraiser mon demi-hectare au motoculteur : je préfère largement cela à devoir le faire à la bêche ou à devoir disposer d'un animal de trait. Pour les mêmes 20 euros, je peux faire un aller-retour hebdomadaire pour mes courses à la ville (10 km d'ici) ; à nouveau, je préfère cela à les faire en bicyclette ou à devoir me priver de certains biens qui ne se trouvent qu'à la ville. Le renchérissement du carburant entraîne des modifications du mode de vie (globalement, moindre productivité et moindre pouvoir d'achat), il n'entraîne pas forcément une disparition complète de ce que l'on a l'habitude de faire et un retour au statu ante quo. Mais de toute façon, la sociologie des temps de pénurie n'est pas du tout la question posée dans ce fil.
    mais le prix n'a aucune raison d'être une donnée fixée constante . Il dépend de manière complexe des conditions de production et de l'offre et de la demande. Par exemple une pression accrue sur les biocarburants conduirait à une pénurie sur l'utilisation alimentaire, du coup à une flambée des prix .. jusqu'à ce que l'utilisation comme biocarburants puisse devenir économiquement moins rentable que de les vendre comme nourriture ! et les coûts sont aussi dépendant des engrais, des transports, etc ...

    il y a forcément un équilibre qui va s'établir, et vu les productions agricoles nécessaires pour l'alimentation, la fraction attribuée aux biocarburants a peu de chance d'atteindre la production fossile actuelle. Meme la cellulose, c'est aussi utile pour autre chose - si on commence par exemple à vouloir faire des centrales thermiques au biogaz par méthanisation. Qu'on puisse produire des biocarburants, c'est une évidence, d'ailleurs on le fait. Mais les chiffres ne sont pas du tout à la hauteur qu'il faudrait pour remplacer les fossiles, sans même parler des les augmenter ...

  5. #35
    invite5321ebfe

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par gillesh38 Voir le message
    Qu'on puisse produire des biocarburants, c'est une évidence, d'ailleurs on le fait. Mais les chiffres ne sont pas du tout à la hauteur qu'il faudrait pour remplacer les fossiles, sans même parler des les augmenter ...
    Tout à fait, c'est le point que je soulignais plus haut. Et la sagesse commande plutôt de geler les projets actuels concurrençant les usages alimentaires, vu les fâcheux précédents depuis 2007. On notera au passage que c'est typiquement la "fausse bonne idée" issue d'une mauvaise prise en compte de la complexité : tout à la crainte du réchauffement climatique et/ou de la volatilité pétrolière, les pouvoirs publics ont soutenu activement l'extension de la filière biocarburant... sans contrôler auparavant qu'il n'y avait pas de risques alimentaires. Or il y en a, comme le rapport de la FAO (après celui de la Banque mondiale) cité plus haut le rappelle. Bref, invoquer le "principe de précaution", cela en jette devant les caméras de télé, mais ce n'est pas très crédible si cela mène concrètement à multiplier des risques...

    Cela ne signifie pas pour moi que la piste BC est morte. L'usine pilote de BFS dont Moinsdewatt a rappelé l'existence en début de discussion fonctionne selon un principe différent (cyanobactéries et phytoplanctons en cuve), qui a priori ne prend pas des millions d'hectares. Ses concepteurs garantissent à partir de leur pilote qu'une usine de 50x50 km suffirait à produire plus d'un million de baril/jour de qualité identique au pétrole organique, sans trace minérale genre soufre ou autre. Certes, il y a souvent loin entre l'annonce d'un industriel et la vérité vraie, mais enfin si l'on n'est pas pressé, je pense que la piste de l'algoculture est plus prometteuse que les deux premières générations BC, même avec exploitation des dérivés lignocellulosiques.

  6. #36
    invite79ff59a2

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Bonsoir à toutes et à tous,

    Dans l’état actuel des connaissances, et après un petit examen du « fil » et de la littérature :
    • Les façons de produire les biocarburants actuellement ne sont pas globalement pertinentes (que l’on soit en génération 1 ou 2),
    • Les voies d’avenir sont certainement celles à partir de bioréacteurs et d’OGM créés pour cela, de préférence « cultivées » en milieu sous-marin pour limiter les besoins en surfaces agricoles terrestres.
    • Pour en arriver là, il fait d’ailleurs énormément de R&D, ces techniques étant loin d’être au point,
    Quoi qu’il en soit, les biocarburants, même dans ces conditions, devraient rester difficiles à produite, donc à réserver aux situations où les actuels carburants fossiles ne sont pas – ou difficilement - substituables par l’électricité (en gros, le transport aérien et les besoins militaires).

    Mais il faut bien voir que dans les produits actuels, la part de l’énergie – et son coût - par kg de produit livré au consommateur diminue sans cesse, le principal « contenu » d’un produit actuel étant l’information : il croît très vite, et coûte de plus en plus cher. Dans ces conditions, on pourra à terme admettre un coût beaucoup plus élevé dans les utilisations subsistantes.

    Je prends un exemple militaire – c’est un domaine significatif techniquement, indépendamment des opinions de chacun.
    Prenons un Rafale, qui fait en gros le même « travail » qu’une vingtaine de B 17 de la seconde guerre mondiale :
    * 1 B17 = 3 tonnes de bombes avec moins de 5 % de coups au but
    * 1 Rafale = 3 tonnes de bombes avec plus de 95 % de coups au but
    Les vrais chiffres sont certainement encore plus favorables au Rafale (par exemple les bombes du Rafale sont beaucoup moins lourdes unitairement, et permettent de « traiter » beaucoup plus d’objectifs) …
    Pour aller bombarder 10 objectifs à 2 000 km, le Rafale, même en tenant compte de ses ravitailleurs, etc. consomme beaucoup moins de carburant que les 20 B17, et beaucoup moins d’énergie et de matières premières pour sa production.
    De même, le Rafale va occuper au maximum deux pilotes (contre au moins 240 navigants pour les 20 B17) et beaucoup moins de mécaniciens au sol.
    Donc le coût du carburant du Rafale est beaucoup moins important en % du total des dépenses que le coût du carburant des B 17.
    Par contre, la quantité d’information globale « contenue » par l’AASM du Rafale qui pulvérise un objectif est infiniment plus importante que celle contenue par une bombe au phosphore larguée par un B 17 à 3 km de l’objectif. L’information contenue coûte très cher en main d’œuvre hyper-qualifiée – et beaucoup moins en carburant.

    Cela me semble vrai pour tous les produits industriels de haute technologie. Par exemple, même chose pour des A 380 qui traversent l’Atlantique par rapport à une flotte de Super-Constellation transportant le même nombre de passagers.

    Dans ces conditions, on peut admettre un coût des bio-carburants pour les usages résiduels (aéronautique / militaire) beaucoup plus élevé que celui des carburants actuels.
    Ce qui à mon sens est un élément important de débat (je ne prétends pas détenir la vérité) dans le débat de Skept.

    Amitiés,

    Jean

  7. #37
    invite5321ebfe

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    • Les façons de produire les biocarburants actuellement ne sont pas globalement pertinentes (que l’on soit en génération 1 ou 2),
    • Les voies d’avenir sont certainement celles à partir de bioréacteurs et d’OGM créés pour cela, de préférence « cultivées » en milieu sous-marin pour limiter les besoins en surfaces agricoles terrestres.
    • Pour en arriver là, il fait d’ailleurs énormément de R&D, ces techniques étant loin d’être au point,
    Quoi qu’il en soit, les biocarburants, même dans ces conditions, devraient rester difficiles à produite, donc à réserver aux situations où les actuels carburants fossiles ne sont pas – ou difficilement - substituables par l’électricité (en gros, le transport aérien et les besoins militaires).
    Bonsoir Jean

    Et merci de nous rejoindre.

    Je suis d'accord avec ton point sur le Rafale et le fait que dans certains cas, le poste "énergie" d'une machine ou d'un process peut augmenter si dans le même temps il y a des gains d'efficience (par rapport à la destination de la machine / du process) dû à l'information. Quand l'énergie était bon marché, on pouvait se permettre de faire des engins énergivores et "grossiers". A mesure qu'elle devient un poste problématique, on consacre une bonne de part de l'intelligence à contourner l'effet de la rareté.

    Concernant le point ci-dessus, je suis également d'accord sur le besoin R&D, à propos duquel j'essaierai de trouver des documents plus précis (c'est-à-dire une analyse des obstacles actuels à la culture marine ou au rendement du procédé). Il y a notamment ce numéro spécial récent d'Applied Energy, dédié aux BC issus des algues, sur lequel je dois prendre le temps de jeter un oeil, au moins les articles en libre accès ou les abstracts.

    Comme le soulignait wizz plus haut, un intérêt du biocarburant est qu'il ne demande pas d'énormes modifications dans les cycles des machines thermiques que l'on maîtrise bien, après des décennies de développement. Et que comme le pétrole, c'est un liquide facile à transporter et stocker, le stockage étant le problème n°1 pour les moteurs électriques embarqués. L'autre intérêt que j'y vois, c'est que les biocarburants sont adossés à la biologie, un des domaines dont on observait dans l'autre débat qu'il avait connu et connaît encore une explosion des connaissances depuis la seconde moitié du XXe siècle. Bien qu'aucun ne soit pour le moment intervenu dans cette discussion, il semble qu'un biologiste n'est aujourd'hui pas spécialement effaré à l'idée que l'on peut produire des micro-organismes possédant une pluralité de gènes d'intérêt issus d'autres organismes, voire créer purement et simplement une espèce ad hoc, comme cela a déjà été fait en 2010 par Craig Venter si je me souviens bien. C'est donc un domaine où l'on n'est pas encore contraint par des limites naturelles explorées depuis longtemps, l'horizon est plutôt ouvert.

  8. #38
    invite79ff59a2

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Bonsoir Skept, Bonsoir à toutes et à tous,

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Et merci de nous rejoindre.
    Je t’en prie ! Même si j’ai été un peu « speed » ces derniers jours par ailleurs, je trouve ton débat très intéressant …

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Il y a notamment ce numéro spécial récent d'Applied Energy, dédié aux BC issus des algues, sur lequel je dois prendre le temps de jeter un oeil, au moins les articles en libre accès ou les abstracts.
    Oui, il commence à y avoir de la littérature …

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Comme le soulignait wizz plus haut, un intérêt du biocarburant est qu'il ne demande pas d'énormes modifications dans les cycles des machines thermiques que l'on maîtrise bien, après des décennies de développement. Et que comme le pétrole, c'est un liquide facile à transporter et stocker,
    L’adaptation relève vraiment de la R&D « de réglage » : c’est peanuts …

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    le stockage étant le problème n°1 pour les moteurs électriques embarqués.
    Oui, tant qu’un génie n’a pas inventé une « batterie miracle », mais là, on se heurte à des lois de physique fondamentale, peut-être contournables en partie à l’aide des PAC …

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    L'autre intérêt que j'y vois, c'est que les biocarburants sont adossés à la biologie, un des domaines dont on observait dans l'autre débat qu'il avait connu et connaît encore une explosion des connaissances depuis la seconde moitié du XXe siècle. Bien qu'aucun ne soit pour le moment intervenu dans cette discussion, il semble qu'un biologiste n'est aujourd'hui pas spécialement effaré à l'idée que l'on peut produire des micro-organismes possédant une pluralité de gènes d'intérêt issus d'autres organismes, voire créer purement et simplement une espèce ad hoc, comme cela a déjà été fait en 2010 par Craig Venter si je me souviens bien. C'est donc un domaine où l'on n'est pas encore contraint par des limites naturelles explorées depuis longtemps, l'horizon est plutôt ouvert.
    Je n’ai rien d’un biologiste, mais j’en ai quelques gènes familiaux, dirons-nous, et de toute façon les « grands » de la R&D technologique (MIT / Caltech, par exemple) sont en train de « virer biotech » …
    Les progrès potentiels sont gigantesques, là encore dans le cadre des lois de la physique (par exemple, rendement de la photosynthèse …).
    Je crois aussi beaucoup aux possibilités du milieu marin. D’après les marins de ma connaissance, les capacités du milieu marin – en particulier en biotechs – sont particulièrement mal connues, car inexplorées. L’utilisation du milieu maritime est pour le moment très partielle et particulièrement sommaire (pêche, tourisme, poubelle, …) alors que dans les océans, tout reste à découvrir. A ce jour, moins d’Hommes sont allés au fond de la mer (- 10 900 m, fosse des Mariannes) que … sur la Lune !
    D’ailleurs, on pourra sans doute trouver / produire par une exploitation saine des océans (70 % de la surface terrestre quand même) des quantités impressionnantes de nourriture et de médicaments pour l’Homme. Cela demandera de la R&D « biotech marine », ce qui « poussera » les biocarburants du même acabit …

    Amitiés,

    Jean

  9. #39
    invite8915d466

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Je crois aussi beaucoup aux possibilités du milieu marin. D’après les marins de ma connaissance, les capacités du milieu marin – en particulier en biotechs – sont particulièrement mal connues, car inexplorées. L’utilisation du milieu maritime est pour le moment très partielle et particulièrement sommaire (pêche, tourisme, poubelle, …) alors que dans les océans, tout reste à découvrir. A ce jour, moins d’Hommes sont allés au fond de la mer (- 10 900 m, fosse des Mariannes) que … sur la Lune !
    Bonjour Jean

    euh, je comprends pas très bien ce que tu veux dire. De façon "sommaire", on a effectivement commencé par pêcher, et tous les progrès que tu cites ont aussi été réalisé par les bateaux de pêche , qui sont maintenant des véritables usines traquant les bancs de poisson et raclant les profondeurs. Résultat : on est passé d'une exploitation marginale qui laissait le stock se renouveler à une surexploitation qui est en train de vider la mer de ses poissons à une vitesse V. Et il en est de même pour la plupart des ressources. C'est donc précisément les progrès que tu mentionnes qui ont donné la capacité à l'homme d'épuiser ces réserves, et maintenant qu'on atteint nos limites, la solution, ce serait d'en faire encore plus pour en épuiser encore plus ? tu crois pas que c'est une fuite en avant , perdue d'avance ?

    cordialement
    Gilles

  10. #40
    invite79ff59a2

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Bonjour Gilles, Bonjour à toutes et à tous,

    Citation Envoyé par gillesh38 Voir le message
    euh, je comprends pas très bien ce que tu veux dire. De façon "sommaire", on a effectivement commencé par pêcher, et tous les progrès que tu cites ont aussi été réalisé par les bateaux de pêche , qui sont maintenant des véritables usines traquant les bancs de poisson et raclant les profondeurs. Résultat : on est passé d'une exploitation marginale qui laissait le stock se renouveler à une surexploitation qui est en train de vider la mer de ses poissons à une vitesse V. Et il en est de même pour la plupart des ressources. C'est donc précisément les progrès que tu mentionnes qui ont donné la capacité à l'homme d'épuiser ces réserves, et maintenant qu'on atteint nos limites, la solution, ce serait d'en faire encore plus pour en épuiser encore plus ? tu crois pas que c'est une fuite en avant , perdue d'avance ?
    La notion de « surexploitation » dépend directement de la nature sommaire des technologies, et cela depuis très longtemps …

    Quelques exemples d’exploitation parfaitement maîtrisées par l’Homme :
    • L’élevage des ovins / caprins / bovins / volailles : l’Homme assure l’équilibre écologique de ces populations animales, depuis des millénaires,
    • L’élevage du gibier dans les chasses, où l’Homme assure de façon certes marginale, le fonctionnement de tout un écosystème – pour la chasse,
    • L’élevage des taureaux de combat – sans corridas, cette race n’existerait tout simplement pas. Son élevage exige le maintien d’écosystèmes spécifiques
    On pourrait multiplier les exemples (élevage du vison, …).

    Pour les poissons, et le milieu marin en général, on en est resté au stade du chasseur-cueilleur, avec juste une sarbacane perfectionnée …

    Amitiés,

    Jean

  11. #41
    invite5321ebfe

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    En consultant le numéro d’Applied Energy cité ci-dessus, j’ai trouvé pas mal de monographies sur telle ou telle espèce d’algue et son intérêt comme BC. Assez en amont donc pour le moment. Mais j’ai aussi vu un article de Ron Pate et al sur le potentiel concret des BC à base d’algues dans la situation américaine, au niveau actuel de technologie. Cela m’a semblé plus intéressant pour évaluer de façon synthétique les obstacles de court et moyen termes. L’article lui-même n’est pas libre de droit, mais on trouve sur le net cette présentation de R. Pate qui en reprend les conclusions essentielles.

    La diapo 8 est intéressante pour avoir un aperçu de la filière et de ses différentes possibilités : milieu ouvert, fermé ou mixte, espèces autotrophe ou hétérotrophe, exploitation des sucres vers l’éthanol et/ou des lipides vers le biodiesel et/ou de l’algue entière en pyrolyse, gazéification et liquéfaction. C’est-à-dire à peu près tout l’éventail des BC à base de végétaux terrestres, mais applicables aux algues. L’auteur s’intéresse ici aux micro-algues autotrophes.

    Comme on peut s’y attendre, le principal avantage des algues comparé aux BC est le moindre usage des sols et de l’eau douce. Ce n’est pas un facteur limitatif de leur extension dans le cas américain étudié par l’auteur, contrairement au maïs. L’eau pose quand même le problème de l’évaporation si l’on fait le choix d’une culture en milieu ouvert et en zone à forte insolation. Ce dernier facteur (rayonnement) est bien sûr déterminant pour la productivité, de même que la température (dans une moindre mesure).

    En revanche, R. Pate se montre plus pessimiste sur le poste carbone et sur le poste des intrants NP (azote, phosphore). Concernant le carbone, l’intérêt des algues est qu’elles en fixent le maximum dans leur masse sèche (intérêt énergétique et subsidiairement climatique). Ce ne peut être obtenu que si l’on fait des apports de CO2 (ou de carbone organique), en supplément du CO2 atm pour le milieu ouvert, et en intrant nécessaire pour le milieu fermé. Une diapo vers la fin (non numérotée) montre que les émissions industrielles de CO2 (en supposant que l’on construit des bioréacteurs près des sources) sont très limitées, et ne permettraient de « nourrir » en carbone que 10 à 20 milliards de gallons par an (BGY), soit si je ne me trompe pas dans les gallons US, à peu près 37 à 54 milliards de lires /an. (Ce qui peut paraître beaucoup, mais qui est fort peu pour des Américains consommant 230 BGY tous carburants confondus).

    Pour les intrants NP, les cultures d’algues seraient aussi très gourmandes : les 10 à 20 BGY cités ci-dessus représenteraient déjà l’équivalent de 25 à 50% de la consommation américaine pour l’agriculture. Il y aurait donc compétition d’usage en perspective, et problème de durabilité comme de coût des alogocultures.

    Pour cette analyse, on peut donc dire que les postes carbone, azote et phosphore sont les trois principaux obstacles à une extension massive (au-delà de 10% des besoins), les sols et l’eau n’étant pas limitants en revanche comme ils le sont pour les BC hors algues. Cette analyse vaut pour les micro-algues autotrophes étudiés par R. Pate, sans modification génétique. J'essaierai par la suite de faire un point sur les grandes familles d'algues.

  12. #42
    invite79ff59a2

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Bonsoir Skept, Bonsoir à toutes et à tous,

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Pour cette analyse, on peut donc dire que les postes carbone, azote et phosphore sont les trois principaux obstacles à une extension massive (au-delà de 10% des besoins), les sols et l’eau n’étant pas limitants en revanche comme ils le sont pour les BC hors algues. Cette analyse vaut pour les micro-algues autotrophes étudiés par R. Pate, sans modification génétique. J'essaierai par la suite de faire un point sur les grandes familles d'algues.
    On réussira certainement, avec du génie génétique, à améliorer les rendements, mais sans doute pas suffisamment, en particulier, je vois mal s’améliorer celui de la photosynthèse …

    A mon sens, les biocarburants resteront donc une ressource chère à usage limité (transport aérien, militaire) en parallèle avec une utilisation massive de l’électricité pour tous les usages où c’est possible (en particulier transports terrestres et chauffage des habitations). Leur culture en mer à faible profondeur - j’ai oublié de préciser ce dernier point dans un précédent post -, me semble la voie la plus prometteuse.

    Ceci dit, pétrole et gaz sont aujourd’hui des biocarburants, pour lesquels nous fonctionnons en « chasseurs-cueilleurs-à-sarbacane-améliorée ». Donc, il paraît logique de faire avec les susdits pétrole et gaz la même chose qu’avec le moutons ou les bœufs …

    Amitiés,

    Jean

  13. #43
    invite5321ebfe

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Bonsoir Skept, Bonsoir à toutes et à tous,
    On réussira certainement, avec du génie génétique, à améliorer les rendements, mais sans doute pas suffisamment, en particulier, je vois mal s’améliorer celui de la photosynthèse …
    A ce propos, je lisais une incidente dans le livre très riche de Paul Mathis, qui est ingénieur agronome et docteur en physique (Les énergies, Quae, 2011, p. 202). Celui-ci évoque la photosynthèse naturelle, rappelle son rendement très faible (1%) et fait observer que la photosynthèse n'ayant probablement pas tellement changé depuis son invention il y a plus de 3 milliards d'années, la vie aurait déjà "trouvé" une amélioration du procédé si cette amélioration était facile.

    Cela m'a plongé dans un abîme de perplexité. Pourquoi en 3 milliards d'années la vie n'a-t-elle pas en effet vu émerger des bactéries, algues ou plantes à rendement photosynthétique de 1, 3, 5, 7%, de même qu'ont émergé toutes sortes de propriétés différentes pour toutes sortes de traits physiologiques des organismes ? D'où viendrait cette limite, alors que l'on se représente spontanément une vaste et longue compétition pour l'efficience dans la capture des photons, aboutissant à une diversité prononcée en la matière ?

  14. #44
    inviteea028771

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Cela m'a plongé dans un abîme de perplexité. Pourquoi en 3 milliards d'années la vie n'a-t-elle pas en effet vu émerger des bactéries, algues ou plantes à rendement photosynthétique de 1, 3, 5, 7%, de même qu'ont émergé toutes sortes de propriétés différentes pour toutes sortes de traits physiologiques des organismes ? D'où viendrait cette limite, alors que l'on se représente spontanément une vaste et longue compétition pour l'efficience dans la capture des photons, aboutissant à une diversité prononcée en la matière ?
    Il est possible qu'une autre molécule/réaction soit plus performante... Mais qu'elle soit trop éloignée (= séparée par des réactions au rendement catastrophique) pour que l'on puisse y parvenir par mutations successives.

    L'évolution fonctionne "de proche en proche", elle va donc aboutir à des optimums locaux mais pas nécessairement globaux.

  15. #45
    invite79ff59a2

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Bonsoir Skept et Tryss, Bonsoir à toutes et à tous,

    Au temps pour moi, j’ai répondu un peu trop rapidement, ce qu’il ne faut jamais faire avec Skept

    Mais ça débouche sur un débat intéressant, ce qui est tout le sel de la chose !

    En fait, j’ai exclu la photosynthèse « instinctivement » parce que je sais justement que son rendement n’a jamais varié de façon significative depuis des temps immémoriaux. Donc, mon premier réflexe (de mécanicien) est de chercher à améliorer « autre chose ».

    Le réflexe de Tryss est apparemment très différent, parce que son approche sous-entend que la photosynthèse est « bloquée » chimiquement (impasse évolutive, certes efficace, mais sans capacité d’amélioration). Donc, l’Homme peut « bypasser » le cul de sac.

    Il semble en fait que plusieurs équipes travaillent, dont une du MIT, à créer de la photosynthèse artificielle. Si ce rendement-là peut augmenter, alors, tous les espoinrs sont permis !

    Amitiés,

    Jean

  16. #46
    invite14397db8

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    A ce propos, je lisais une incidente dans le livre très riche de Paul Mathis, qui est ingénieur agronome et docteur en physique (Les énergies, Quae, 2011, p. 202). Celui-ci évoque la photosynthèse naturelle, rappelle son rendement très faible (1%) et fait observer que la photosynthèse n'ayant probablement pas tellement changé depuis son invention il y a plus de 3 milliards d'années, la vie aurait déjà "trouvé" une amélioration du procédé si cette amélioration était facile.

    Cela m'a plongé dans un abîme de perplexité. Pourquoi en 3 milliards d'années la vie n'a-t-elle pas en effet vu émerger des bactéries, algues ou plantes à rendement photosynthétique de 1, 3, 5, 7%, de même qu'ont émergé toutes sortes de propriétés différentes pour toutes sortes de traits physiologiques des organismes ? D'où viendrait cette limite, alors que l'on se représente spontanément une vaste et longue compétition pour l'efficience dans la capture des photons, aboutissant à une diversité prononcée en la matière ?
    Je spécule, mais une hypothèse que j'ai déjà vue avancée serait que les organismes photosynthétiques sont "piégés" dans un "optimum local de fitness", autrement dit, pour améliorer leur rendement photosynhtétique, ils devraient d'abord passer par une phase de réduction fitness vis-à-vis des autres organismes photosynthétique, ce qui causerait systématiquement leur élimination par sélection naturelle. Si c'est l'explication, on peut imaginer que par génie génétique ou biologie synthétique on puisse créer des variétés à plus haut rendement. Mais je crois que l'on est très loin de maîtriser suffisamment le sujet.

  17. #47
    invite5321ebfe

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Merci de vos réponses. Je ne connais pas très bien la photosynthèse, qui semble redoutablement complexe quand on regarde les détails. En cherchant un peu, j'ai par exemple trouvé ce papier de Chen et Blankenship 2011 (abstract) signalant une "chlorophylle d" capable d'exploiter le rayonnement infrarouge (dans une cyanobactérie) et qui évoque même la possible existence d'une "chlorophylle f", récemment isolée, encore plus décalée vers le rouge. Il y a donc quand même toute sorte de variations de détail.

    Concernant l'efficience maximale, j'ai trouvé ce papier de Zhu et al 2008 (pdf), mais je n'ai pas encore eu le temps de le lire en entier. D'après l'abstract, les auteurs suggèrent que les C3 pourraient atteindre dans les meilleures conditions une conversion de 4,6%, et les C4 de 6% (ce qui serait un gain appréciable par rapport à la moyenne observée en conditions naturelles). Voir la figure 2 pour avoir une idée de ce que deviennent 1000 kJ de rayonnement solaire incident.

  18. #48
    invite5321ebfe

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Le papier de Zhu et al 2008 que je mettais en lien est assez intéressant. Les auteurs décortiquent les « pertes énergétiques » qui accompagnent le processus (naturel) de conversion de l’énergie solaire en biomasse par la photosynthèse. Leur papier concerne surtout les plantes terrestres (C3, C4).

    Limites sur le spectre solaire : la PS est active dans le rayonnement 400-740 nm, ce qui lui fait manquer des photons assez énergétiques à la droite de cette bande.

    Pertes en réflectance : sur la bande active, environ 10% est perdu par réflexion du spectre vert. Mais certaines plantes ont d’autres pigments qui absorbent à ces longueurs d’onde.

    Pertes par relaxation rapide des état excités de la chlorophylle : les plantes n’usent en fait quasiment que du spectre le plus énergétique (rouge) dans la bande active, et dissipent le reste en chaleur.

    Perte dans la synthèse des glucides (‘carbohydrates’ pour les anglo-saxons) : les C3 perdent en moyenne env. 24,6 % et les C4 env. 28,7% dans le processus (calcul fait selon les échanges de particules dans les cycles ATP et NADP).

    Perte par la respiration mitochrondriale et par la photorespiration (oxynégation-carboxylation) : elles varient en fonction de la température et du taux de CO2 pour la seconde (les C4 étant moins gaspilleuses que les C3, ce qui tient à des mécanismes différents pour les enzymes Rubisco, PEPCase, etc.).

    Bien sur, c’est une vue générale. Chaque étape de la PS est elle-même assez complexe dans son détail. L’intérêt me semble que les chercheurs disposent d’une bonne compréhension de l’ensemble de la chaîne et peuvent déterminer les points d’optimisation s’il s’agit d’augmenter artificiellement l’efficience du procédé – tout en n’élargissant pas démesurément les intrants de culture. C’est une des voies pour ne pas rester bloqués à ce que peut faire la nature toute seule, et dont on sait que c’est insuffisant en quantité et/ou coûteux. L’autre voie de recherche concerne les procédés d’extraction ou transformation de la biomasse : une fois que l’on a (éventuellement) produit par génie génétique des plantes dont la photosynthèse est plus efficace, il faut encore convertir le produit en carburant final. Là aussi, il y a pas mal de travaux pour exploiter au mieux les glucides et lipides de la masse sèche (typiquement, mieux exploiter les dérivés ligno-cellulosique, ou bien les sucres comme l’alginate des algues brunes, dans le papier que je citais au début de cette discussion).

    Tout cela n'est pas pour demain, mais si l'on s'accorde une horizon de quelques décennies, c'est une voie de recherche qui me semble très ouverte pour parvenir à une production de carburant liquide ne prenant pas trop de surface, ne coûtant pas les yeux de la tête et ne perturbant pas trop le cycle du carbone.

  19. #49
    Moinsdewatt

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Idées fausses sur les biocarburants : la filière répond
    Les biocarburants font l'objet de critiques fondées le plus souvent sur une connaissance imparfaite des filières dont ils sont issus, des technologies qui les portent ou des résultats qu'ils génèrent en termes de performances économiques et environnementales.
    Voici quinze idées fausses que les filières françaises** des biocarburants entendent bien rectifier.
    ...................
    lire la suite http://www.enerzine.com/6/13571+idee...e-repond+.html

  20. #50
    invite8ae98fac

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Ces quatre pistes ont-elles un potentiel de progrès dans les prochaines années et décennies? Je pense que oui. Il faut noter que ces pistes concernent aussi d'autres objections opposées au biocarburant, sur lesquels nous reviendrons sans doute.
    Absolument aucun doute la dessus.
    Le bio-carburant sera l'alternative à moyen terme ! Du surtout au fait que ce soit stockable.
    S'y investir dés maintenant donnera ses "fruits".

  21. #51
    invite8ae98fac

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Pour ajouter de l'huile dans le feu.

    Pourquoi s'embêter à fabriquer de l'huile, si le processus est maitrisé autant se diriger directement à des matière plus efficientes, je pense au glucose par exemple. Se traduisant directement par une amélioration du rapport Moyens/Coûts.

  22. #52
    invite8ae98fac

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par gillesh38 Voir le message
    On est donc d'accord que le problème des BC est un problème de rentabilité, et que si les algues sont encore bien moins développées que le bioéthanol (qui n'est plus si négligeable au niveau mondial, ça doit représenter l'équivalent de la production pétrolière d'un producteur moyen comme le Canada ), c'est donc un problème de rentabilité , pas un problème de surface.
    On peut bien sûr dit "si on a résolu le problème de rentabilité, alors on ne manquera pas de surface", mais cet argument n'apporte aucune information de plus sur le fait qu'on va effectivement résoudre le problème de rentabilité. Comme le disait moinsdewatt, la culture des algues demande quand même tout une infrastructure pour les confiner et les extraire - ou alors elles sont bien trop dispersées. C'est le même problème que le solaire, les photons sont partout,mais il faut des infrastructures pour les capturer et les concentrer - pour un résultat somme tout assez maigre. C'est pas évident qu'il y ait vraiment des solutions à ce problème, on reste , comme souvent, dans le "wishful thinking". ¨Pour les comparaisons historiques du genre "puisque X a marché, alors Y peut marcher", elles n'apportent comme toujours aucune information réelle par rapport à la simple tautologie "Y peut marcher". OK, tout peut marcher - mais on n'en sait en fait rien.
    Le problème de l'énergie solaire réside ailleurs, il est surtout du au fait de la difficulté de le stocker efficacement.
    Vous ne semblez pas vous rendre compte de la valeur de 120 dollars PAR baril...

  23. #53
    invite8ae98fac

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par gillesh38 Voir le message

    mon point est simplement que si les biocarburants étaient plus intéressants, on ne serait juste jamais allé chercher le pétrole. On ne peut pas à la fois soutenir que le pétrole est plus intéressant économiquement, et que ce sont les biocarburants qui le sont plus que le pétrole, ou autant : c'est juste contradictoire. Ton parallèle avec l'électricité n'est pas valable puisque l'électricité était vraiment une nouveauté, ce que ne sont nullement les biocarburants. Diesel faisait tourner son moteur à l'huile végétale, et les lampes à alcool existent depuis longtemps ! depuis le temps, on devrait le savoir , si c'était vraiment si rentable...
    En effet, le pétrole est plus rentable. Mais ça n'implique pas que l’alcool ne l'est pas...
    Les deux le sont, l'un plus que l'autre, les deux sont sources de devises.

  24. #54
    invite8ae98fac

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par arbanais83 Voir le message
    Je préfère réserver les surfaces actuellement cultivées pour l'alimentaire.
    Pour les surfaces non encore cultivées ? soit elles sont incultivables du point de vue alimentaire et écologiquement assez pauvres en biodiversité ( mais il y en a t il ? ) et là je peux accepter l'idée qu'elle puisse servir à autres choses comme du biocarburant. ( raisonnement valable au niveau du territoire français déjà bien exploité ).
    Pour un pays plus pauvre n'ayant pas encore mis beaucoup de surface en cultures il faut réfléchir s'il y a plus d'intérêt écologique et économique à tenter une mise en culture alimentaire avec les masses d'engrais, pesticides et flotte à apporter ou si un biocarburant est plus rentable de ce point de vue.
    Si un biocarburant doit consommer autant de flotte, engrais et pesticides qu'une culture alimentaire personnellement je n'y vois aucun intérêt c'est pour cela que j'en reste sur ma vision initiale.
    Maintenant si on raisonne au niveau mondial et que l'on s'aperçoive qu'il est plus intéressant et rentable financièrement et écologiquement de cultiver du biocarburant dans certains lieux et de l'alimentaire dans d'autres pourquoi pas mais là ce ne sont encore que des suppositions.
    On ne parle par de culture du biocarburant au sens agricole du terme ici. Ca se rapporte plus à de la synthèse de matière organique à fort potentiel calorique à partir de bactéries ou autre dans le cadre de la bio-technologie.

    En gros, les moyens utilisés se résumeront théoriquement à du CO2 et de lumière du soleil.

  25. #55
    invite8ae98fac

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Bilan carbone très contestable. Le cycle de production de l'éthanol extrait du maïs, de la canne ou du palmier produit en réalité beaucoup de CO2 (motorisation, engrais, pesticides, déstockage du carbone du sol, déforestation) auquel il faut ajouter le protoxyde d'azote (N2O), lui aussi un GES, dérivé ici spécifiquement de l'usage des engrais azotés. Le bilan radiatif-climatique n'est donc pas bon, alors que c'est une des justifications du biocarburant (pas la seule). Je suis à nouveau d'accord avec cette critique des BC de 1re et 2e générations.
    Cet argument est le seul qu'on puisse retenir. Mais de toute façon on ne parle pas ici de moyen à très long terme, mais viendra le temps ou il faudra remplacer le pétrole/gaz. Pas nécessairement à leurs épuisement, il se pourrait très bien arriver qu'il appairasse subitement une énergie à moindre cout ou ayant des avantages comparatifs.

    Évidemment, la production d'éthanol à partir de culture agricole ne sera jamais rentable et ça le sera d'autant plus vu l'accroissement de la population assorti à la croissance mondiale, la valeur du foncier sera d'autant plus grande je suppose. Et à la base, ça n'a pas été le sujet ici.

  26. #56
    invite8ae98fac

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par wizz Voir le message
    Emettons l'hypothèse que techniquement, on est capable de produire cette quantité Q, mais qu'on est incapable de baisser son prix, qui serait disons de 4€/litre. Et disons qu'en même temps, notre salaire n'aura pas été augmenté. On reste à 1150€/mois

    Question:
    -qui serait capable de posséder une voiture à ce moment là, avec le litre d'essence ou éthanol à 4€
    -et comme tout passe par le transport, les marchandises seront donc aussi plus cheres. Pourra t on toujours profiter pleinement les soldes ce jour là?
    -etc...

    Bref, c'est non. Notre économie est basée sur un certain niveau de consommation, qui elle même dépend du prix des matières premières et de l'énergie. Lorsque l'énergie pétrole coutera très chere, on ne basculera pas vers l'alternatif tout en conservant le même niveau de vie. Ce sera notre niveau de vie qui devra s'adapter, et qui devra baisser

    Demain, ce n'est pas parce que le litre d'essence coute 5€, et que le litre d'éthanol coute 4€, qu'on va tous basculer en alcool et continuer à faire du 20000km/an en moyenne, et partir dans le sud en vacances en voiture
    En effet, dans tout les cas le niveau de vie va baisser.

    Il fait considérer le pétrole comme une bénédiction passagère.

    A son épuisement le monde connaitra une énorme récession. (ça s'accompagnera sûrement de guerres à mon avis, alors préparons nous ! )

  27. #57
    invite117cd21f

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Bonjour,
    le bioéthanol issue de la betterave sucrière peut-il être compétitif? le rendement ne fait que croitre ces dernières années et la France est un gros producteur. Ca serait une alternative intéressante sous nos lattitudes, moins gourmande en eau que le maïs.

  28. #58
    invite8ae98fac

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    En revanche, R. Pate se montre plus pessimiste sur le poste carbone et sur le poste des intrants NP (azote, phosphore). Concernant le carbone, l’intérêt des algues est qu’elles en fixent le maximum dans leur masse sèche (intérêt énergétique et subsidiairement climatique). Ce ne peut être obtenu que si l’on fait des apports de CO2 (ou de carbone organique), en supplément du CO2 atm pour le milieu ouvert, et en intrant nécessaire pour le milieu fermé. Une diapo vers la fin (non numérotée) montre que les émissions industrielles de CO2 (en supposant que l’on construit des bioréacteurs près des sources) sont très limitées, et ne permettraient de « nourrir » en carbone que 10 à 20 milliards de gallons par an (BGY), soit si je ne me trompe pas dans les gallons US, à peu près 37 à 54 milliards de lires /an. (Ce qui peut paraître beaucoup, mais qui est fort peu pour des Américains consommant 230 BGY tous carburants confondus).
    Mort de rire !
    Les générations futurs vont bien se moquer de notre "réchauffement planétaire". Le CO2 vaudra son pesant d'or si je comprends bien.

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Pour cette analyse, on peut donc dire que les postes carbone, azote et phosphore sont les trois principaux obstacles à une extension massive (au-delà de 10% des besoins), les sols et l’eau n’étant pas limitants en revanche comme ils le sont pour les BC hors algues. Cette analyse vaut pour les micro-algues autotrophes étudiés par R. Pate, sans modification génétique. J'essaierai par la suite de faire un point sur les grandes familles d'algues.
    Ces obstacles ne le sont pas vraiment. En fait il ne servent qu'a la reproduction de ses fameuses algues et non à la production de bio-carburant.
    Une fois une certaine masse critique atteinte (dépendant de la consommation voulu). Le CO2 sera la seule variable au sein de notre équation !

  29. #59
    invite8ae98fac

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Donc, il paraît logique de faire avec les susdits pétrole et gaz la même chose qu’avec le moutons ou les bœufs …
    Joli raisonnement !

  30. #60
    invite8ae98fac

    Re : Biocarburant : oui mais... à quelles conditions selon vous?

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    A ce propos, je lisais une incidente dans le livre très riche de Paul Mathis, qui est ingénieur agronome et docteur en physique (Les énergies, Quae, 2011, p. 202). Celui-ci évoque la photosynthèse naturelle, rappelle son rendement très faible (1%) et fait observer que la photosynthèse n'ayant probablement pas tellement changé depuis son invention il y a plus de 3 milliards d'années, la vie aurait déjà "trouvé" une amélioration du procédé si cette amélioration était facile.

    Cela m'a plongé dans un abîme de perplexité. Pourquoi en 3 milliards d'années la vie n'a-t-elle pas en effet vu émerger des bactéries, algues ou plantes à rendement photosynthétique de 1, 3, 5, 7%, de même qu'ont émergé toutes sortes de propriétés différentes pour toutes sortes de traits physiologiques des organismes ? D'où viendrait cette limite, alors que l'on se représente spontanément une vaste et longue compétition pour l'efficience dans la capture des photons, aboutissant à une diversité prononcée en la matière ?
    Bonne question oui...
    Je suppose que la nature répond à une certaine demande, le rendement parfait ne fait nullement partie de ses objectifs.
    A vu d'oeil, ses "1%" ont suffit à façonner le monde tel que ne le voyons et le connaissons aujourd'hui.
    Mais il serait quand même intéressant de cerner ses limites imposés, d'en connaitre les causes physiques.

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