Bonjour tout le monde,
Dans la dernière livraison de Science, j’ai été attiré par un papier de Wargacki et al 2012. En gros, les chercheurs ont construit par génie génétique une « plateforme microbienne » capable de synthétiser tous les sucres des algues brunes, notamment l’alginate.
Ce que j’ai trouvé fascinant, c’est le côté « lego » ou « meccano », c’est-à-dire que les chercheurs prennent dans telle espèce des gènes connus pour organiser par enzymes interposés les étapes de métabolisation de chaque sucre de l’algue (alginate, mannitol, laminarine) et hop, il colle tout cela ensemble dans une E coli pour obtenir leur micro-usine.
Cherchant un peu sur ces histoires d'algues, j’ai trouvé cet autre papier de Weyer et al 2009 (article pdf complet). Par une équation à 11 termes qui me paraissent assez complets (depuis la fraction d’insolation photosynthétiquement exploitable jusqu’à la fraction cellulaire utilisable en filière énergétique), les auteurs définissent le rendement maximal de l’algue en vue de produire du biocarburant. (A noter que contrairement à la piste éthanol ci-dessus, c’est l’huile qui est ici prise comme unité de compte).
Ce rendement (théorique donc) serait de 354.000 litres d’huile non raffinée par hectare et par an – plusieurs ordres de grandeur au-dessus de la canne à sucre, de l’huile de palme et a fortiori du maïs, nous disent Weyer et al 2009. En pétrole, nous consommons environ 90x10^6 barils par jour, soit 33x10^9 barils par an (un peu moins en fait, mais passons, ce sera un peu plus demain). Un baril fait à peu près 160 litres, donc on arrive à 5x10^12 litres. Pour remplacer la totalité du pétrole brut par la même quantité d’huile brute extraite d’algues, il faudrait consacrer 1,4x10^7 hectares (14 millions d’hectares donc). Cela me semble très peu… me suis-je trompé dans le calcul ? En comparaison, on exploite 4,9 milliards d’hectares pour l’agriculture (et 3,9 milliards de forêts).
Bien sûr, Weyer et al 2009 font un calcul théorique sur le rendement maximal. En admettant que l’on arrive par génie génétique ou autre à un rendement réel de 30%, il faudrait 42 millions d’hectares (sauf erreur de ma part dans le chiffre ci-dessus). En admettant que la densité énergétique de l’huile est seulement 20% de celle du pétrole (je l’ignore, le chiffre exact doit se trouver), il faudrait 210 millions d’hectares. Ce sont des ordres de grandeur. Mais ces superficies plus réalistes me semblent assez faibles quand même (4% de la superficie cultivée pour l’agriculture hors forêts), surtout qu’il doit être possible de cultiver… en hauteur (dans des photobiorécateurs verticaux à l’eau de mer, déjà existants pour certaines formes d’algoculture ne nécessitant pas des bassins ouverts). Cela paraît peut-être un peu complexe, mais quand on voit les centaines de milliards investis en R&D et exploration par l'industrie pétrolière, ainsi que les conditions techniques incroyables de récupération du pétrole dans des situations extrêmes, la "complexité" est une chose toute relative de nos jours, dans le monde de l'énergie...
Donc le débat que je voulais lancer à travers ces exemples issus de mes lectures récentes : à quelles conditions (théoriques et pratiques) le biocarburant pourrait-il remplacer une part substantielle des dérivés du pétrole d’ici 2050 ?
Le sujet n'est pas limité aux algues bien sûr, je citais l'actualité scientifique de cette piste là, mais toutes les idées vues, lues et entendues sont intéressantes. En gros, on dit toujours que biocarburant ne pourra jamais représenter que quelques % de nos besoins car il consomme trop de terres agricoles et met en danger la sécurité alimentaire. Avec mon exemple d'algues, je voulais savoir si cette contrainte était vraiment fatale à l'avenir du biocarburant, si certaines pistes sont plus intéressantes que d'autres.
Merci d’avance de votre participation !
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