Bonjour à tous,
Je suis une étudiante en philosophie passionnée par les
découvertes extra-ordinaires des physiciens.
Voici un extrait de "Adieu la raison" de l'épistémologue
Paul Feyerabend relatif à l'effet photoélectrique et au
critère de scientificité de Karl Popper :
<< Selon Popper, les expériences de Philipp Lenard étaient
en conflit avec ce qu'il fallait attendre de la théorie de Maxwell.
Pour qui ?
"comme Lenard lui-même l'affirmait avec insistance" écrit Popper.
Erreur !
Pour Lénard, les résultats expérimentaux qu'il avait rassemblés
jusqu'en 1902 ( saturation du courant indépendant de l'intensité
de la lumière ; influence observable du type de lumière mais pas
de rapport quantitatif entre la fréquence et l'énergie de l'électron
éjecté ) ne présentaient pas le moindre problème.
Il les considérait comme une indication des processus complexes
qui intervenaient à la surface du métal et il accueillit favorablement
l'effet photoélectrique comme outil destiné à l'observation de ces
processus : "Ce résultat", écrit-il "suggère que, dans le processus
d'émission,la lumière ne joue qu'un rôle de déclenchement des
mouvements très rapides qui doivent exister continuellement
dans l'atome." ( la théorie du déclenchement a été appelée
la "théorie moderne" au moins jusqu'en 1910 ).
L'article de 1905 d'Einstein contient d'intéressantes spéculations,
une prédiction précise, mais pas de réfutation. En calculant l'entropie
des radiations monochromatiques pour des densités de radiation
faible à partir de la fausse loi de Wien, il l'a trouvée analogue à
l'entropie d'un gaz constitué de paquets d'énergie. Il en a déduit
une équation pour l'effet photoélectrique qui allait au-delà de ce qui
avait été trouvé expérimentalement jusqu'alors.
En 1914, Milikan a interprété l'équation comme impliquant trois
affirmations, à savoir
1) qu'il existe un rapport linéaire entre le potentiel d'arrêt et la fréquence ;
2) que la valeur de la pente de sa droite représentative est h / e pour
tous les métaux ;
3) que l'intersection de cette droite avec l'axe des fréquences donne le
seuil fréquentiel de l'émission
et il les a toutes confirmées sur un échantillon de sodium. >>
Pouvez-vous m'expliquer, s'il vous plait,
comment le physicien Milikan a pu "confirmer" expérimentalement
"l'équation" d'Einstein, si elle est fondée sur la "fausse loi
de Wien" ?
Suite de l'extrait de "Adieu la raison" :
<< Mais pas plus lui que Planck ou même Bohr n'étaient prêts à
considérer les équations de Maxwell comme réfutées.
Bohr, en particulier, resta attaché à la théorie ondulatoire classique
jusqu'au début des années 30, et avec de bonnes raisons.
Milikan exprima l'attitude générale en ces termes : "L'expérience
a gagné la théorie de vitesse, ou, mieux, guidée par une théorie
erronée, elle a découvert des relations qui semblent être du plus
grand intérêt et de la plus haute importance, mais leurs raisons
ne sont toujours absolument pas comprises."
Einstein à la première conférence Solvay de 1911, a décrit ses
idées de la manière suivante : "J'insiste sur le caractère provisoire
de ce concept qui ne semble pas être conciliable avec les
conséquences expérimentalement vérifiées de la théorie ondulatoire" :
la théorie ondulatoire n'était pas menacée par les quanta ( ou par
l'effet photoélectrique ), ce sont les quanta qui étaient menacés
par la théorie ondulatoire.
La dimension corpusculaire de la lumière ( et la nature réfutatrice
de l'effet photoélectrique ) fut admise seulement après que les
discussions sur l'interprétation de la théorie quantique eurent trouvé
une conclusion préliminaire, ce qui veut dire que l'effet photoélectrique
n'est devenu une réfutation après seulement que les processus soit-disant
engendrés par son potentiel de réfutation eurent suivi leurs cours.
On pourrait dire la même chose de l'expérience de Michelson,
de la réfutation des conceptions antiatomistes, de l'électron de
Thomson.
Dès qu'ils sont étudiés par des historiens de la science sur la base
de documents, et non "principalement sur la base du souvenir",
presque tous les exemples que Popper donne comme étant des
réfutations remarquables conduisant à des reconstructions
théoriques majeures deviennent des processus où les réfutations
jouent un rôle secondaire qui n'a guère d'intérêt. Il y en a, mais
elles ne constituent pas le moteur principal du changement
scientifique. >>
Donc, à cette époque, l'effet photoélectrique n'était pas appréhendé
comme une réfutation de la théorie de Maxwell alors que, de nos
jours, l'effet photoélectrique réfute la théorie de Maxwell.
Comment expliquez-vous cette volte-face des physiciens ?
Merci.
Meilleures salutations,
Sophie
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