SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique
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SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique



  1. #1
    invitec32070f6

    SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique


    ------

    Bonjour à tous,

    Je suis une étudiante en philosophie passionnée par les
    découvertes extra-ordinaires des physiciens.

    Voici un extrait de "Adieu la raison" de l'épistémologue
    Paul Feyerabend relatif à l'effet photoélectrique et au
    critère de scientificité de Karl Popper :

    << Selon Popper, les expériences de Philipp Lenard étaient
    en conflit avec ce qu'il fallait attendre de la théorie de Maxwell.

    Pour qui ?

    "comme Lenard lui-même l'affirmait avec insistance" écrit Popper.

    Erreur !

    Pour Lénard, les résultats expérimentaux qu'il avait rassemblés
    jusqu'en 1902 ( saturation du courant indépendant de l'intensité
    de la lumière ; influence observable du type de lumière mais pas
    de rapport quantitatif entre la fréquence et l'énergie de l'électron
    éjecté ) ne présentaient pas le moindre problème.

    Il les considérait comme une indication des processus complexes
    qui intervenaient à la surface du métal et il accueillit favorablement
    l'effet photoélectrique comme outil destiné à l'observation de ces
    processus : "Ce résultat", écrit-il "suggère que, dans le processus
    d'émission,la lumière ne joue qu'un rôle de déclenchement des
    mouvements très rapides qui doivent exister continuellement
    dans l'atome." ( la théorie du déclenchement a été appelée
    la "théorie moderne" au moins jusqu'en 1910 ).

    L'article de 1905 d'Einstein contient d'intéressantes spéculations,
    une prédiction précise, mais pas de réfutation. En calculant l'entropie
    des radiations monochromatiques pour des densités de radiation
    faible à partir de la fausse loi de Wien, il l'a trouvée analogue à
    l'entropie d'un gaz constitué de paquets d'énergie. Il en a déduit
    une équation pour l'effet photoélectrique qui allait au-delà de ce qui
    avait été trouvé expérimentalement jusqu'alors.

    En 1914, Milikan a interprété l'équation comme impliquant trois
    affirmations, à savoir

    1) qu'il existe un rapport linéaire entre le potentiel d'arrêt et la fréquence ;
    2) que la valeur de la pente de sa droite représentative est h / e pour
    tous les métaux ;
    3) que l'intersection de cette droite avec l'axe des fréquences donne le
    seuil fréquentiel de l'émission

    et il les a toutes confirmées sur un échantillon de sodium. >>

    Pouvez-vous m'expliquer, s'il vous plait,
    comment le physicien Milikan a pu "confirmer" expérimentalement
    "l'équation" d'Einstein, si elle est fondée sur la "fausse loi
    de Wien" ?


    Suite de l'extrait de "Adieu la raison" :

    << Mais pas plus lui que Planck ou même Bohr n'étaient prêts à
    considérer les équations de Maxwell comme réfutées.

    Bohr, en particulier, resta attaché à la théorie ondulatoire classique
    jusqu'au début des années 30, et avec de bonnes raisons.

    Milikan exprima l'attitude générale en ces termes : "L'expérience
    a gagné la théorie de vitesse, ou, mieux, guidée par une théorie
    erronée, elle a découvert des relations qui semblent être du plus
    grand intérêt et de la plus haute importance, mais leurs raisons
    ne sont toujours absolument pas comprises."

    Einstein à la première conférence Solvay de 1911, a décrit ses
    idées de la manière suivante : "J'insiste sur le caractère provisoire
    de ce concept qui ne semble pas être conciliable avec les
    conséquences expérimentalement vérifiées de la théorie ondulatoire" :
    la théorie ondulatoire n'était pas menacée par les quanta ( ou par
    l'effet photoélectrique ), ce sont les quanta qui étaient menacés
    par la théorie ondulatoire.

    La dimension corpusculaire de la lumière ( et la nature réfutatrice
    de l'effet photoélectrique ) fut admise seulement après que les
    discussions sur l'interprétation de la théorie quantique eurent trouvé
    une conclusion préliminaire, ce qui veut dire que l'effet photoélectrique
    n'est devenu une réfutation après seulement que les processus soit-disant
    engendrés par son potentiel de réfutation eurent suivi leurs cours.

    On pourrait dire la même chose de l'expérience de Michelson,
    de la réfutation des conceptions antiatomistes, de l'électron de
    Thomson.

    Dès qu'ils sont étudiés par des historiens de la science sur la base
    de documents, et non "principalement sur la base du souvenir",
    presque tous les exemples que Popper donne comme étant des
    réfutations remarquables conduisant à des reconstructions
    théoriques majeures deviennent des processus où les réfutations
    jouent un rôle secondaire qui n'a guère d'intérêt. Il y en a, mais
    elles ne constituent pas le moteur principal du changement
    scientifique. >>

    Donc, à cette époque, l'effet photoélectrique n'était pas appréhendé
    comme une réfutation de la théorie de Maxwell alors que, de nos
    jours, l'effet photoélectrique réfute la théorie de Maxwell.

    Comment expliquez-vous cette volte-face des physiciens ?

    Merci.

    Meilleures salutations,

    Sophie

    -----

  2. #2
    invite6dffde4c

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Bonjour et bienvenue au forum.
    L'effet photoélectrique ne réfute en rien les lois de l'électromagnétisme de Maxwell.
    Pour expliquer ce genre phénomènes les physiciens ont trois modèles: le modèle ondulatoire (Maxwell si vous préférez), le modèle corpusculaire avec des photons "grand public" (quantas d'énergie) puis, le modèle complet, celui de l'électrodynamique quantique (QED). Qui explique tout mais qu'il est tellement merdique à utiliser, qu'il est inutilisable dans la vie de tous les jours d'un physicien. Il utilise des photons virtuels qui ont une phase et qui transportent une "amplitude" de probabilité de trouver le vrai photon, une fois que l'on a additionnée toutes les amplitudes de tous les photons virtuels sur toutes les trajectoires possibles, et calculé "l'intensité" de la probabilité.
    Suivant ce que l'on veut expliquer, on utilise un des deux premiers modèles: on n'explique pas l'effet photoélectrique avec le modèle ondulatoire, pas plus que le fonctionnement d'une antenne, la diffraction ou la réfraction, avec le modèle de particules (photons d'Einstein).
    Dans certains cas, la lumière se comporte en même temps comme une onde et une particule. Dans ce cas, il faut se résigner à utiliser le troisième (le bon) modèle. Je vous recommande le petit livre "Lumière et Matière" de Feynman (un des pères de la QED). Il ne coute que 6 € et il les vaut.

    J'insiste sur le fait que les trois ne sont que des modèles. Aucun scientifique ne prétend qu'un de ces modèles décrit à la réalité.
    Les physiciens n'ont pas fait "volte face". Ils ont des modèles que l'on garde aussi longtemps qui décrivent les observations. Quand des faits nouveaux apparaissent, on ajuste les modèles, ou on limite leur utilisation à la partie de phénomènes qu'ils décrivent correctement. C'est ce qui est arrivé avec les lois de Newton à la suite de l'expérience de Michelson et Morley. Ou à la théorie de Darwin. Et aussi au modèle ondulatoire de la lumière.

    Millikan ne croyait pas à la théorie d'Einstein sur le photon. Et il entreprit de prouver qu'elle était fausse. Mais se expériences prouvèrent, au contraire qu'elle était correcte.
    J'ai pu lire la description de l'appareillage et de la manipulation de Millikan. Il utilisait un appareil en verre, dans lequel il y avait le vide. Dans le bas il avait un système qui lui permettait d'évaporer des métaux (de tête: sodium, potassium, calcium) sur une plaque de verre. Avec des aimants, il pouvait remonter la plaque de verre vers le haut de l'appareil où elle se mettait en contact avec un électromètre. En éclairant la plaque avec des raies de la lumière du mercure passées par un monochromateur, il mesurait la tension maximale atteinte par la plaque (quand la tension était assez positive pour ne pas permettre aux électrons de s'échapper).
    L'a manip de Millikan est simplement géniale. Comme le fut son autre manip pour mesurer la charge de l'électron.

    Au revoir.

  3. #3
    invitef73a730a

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Pouvez-vous m'expliquer, s'il vous plait,
    comment le physicien Milikan a pu "confirmer" expérimentalement
    "l'équation" d'Einstein, si elle est fondée sur la "fausse loi
    de Wien" ?
    Bonjour,

    La "vrai loi" est celle de Planck. En revanche, la loi de Wien tend vers la loi de Planck pour les hautes fréquences de la lumière.
    Autrement dit, la loi de Wien est une très bonne approximation de la loi de Planck dans certaines circonstances, et on peut donc en tirer des informations tout à fait valables.

    Donc, à cette époque, l'effet photoélectrique n'était pas appréhendé
    comme une réfutation de la théorie de Maxwell alors que, de nos
    jours, l'effet photoélectrique réfute la théorie de Maxwell.

    Comment expliquez-vous cette volte-face des physiciens ?
    Essentiellement par le fait qu'une expérience ne parle pas d'elle-même et qu'elle se traduit toujours dans un cadre théorique préexistant. Or, au début du siècle, la théorie maxwellienne de la lumière avait des bases beaucoup plus solides que la théorie des quanta de lumière. Tant que le choix des physiciens était de "sauver" la théorie de Maxwell (c'était par exemple le cas de Lorentz et de Planck, qui se sont posés explicitement la question assez tôt), ils pouvaient toujours essayer d'expliquer les aspects discontinus du rayonnement non pas par la nature de la lumière, mais par exemple par les mécanismes d'interactions entre la lumière et la matière. Cependant, ceux qui ont effectivement cru à l'aspect corpusculaire de la lumière (Einstein était d'abord un peu seul, puis il a été rejoint par de plus en plus de monde à la fin des années 1910) ont continué à développer cette idée jusqu'à ce qu'elle repose sur des bases (que ce soit empiriques et conceptuelles) assez solides pour qu'elle rende "l'abandon" de la théorie de Maxwell plus "facile". Pour reprendre la terminologie de Lakatos (dont Feyerabend, j'imagine, ne manque pas de parler dans son livre, même si c'est pour le critiquer), la théorie des quanta de lumière constituait alors un programme de recherche qui parvenait à se développer rapidement tandis que l'électrodynamique classique de Maxwell-Lorentz était un programme qui dégénérait.

    Là où je suis d'accord avec Feyerabend c'est qu'il ne suffit pas d'une expérience pour réfuter une théorie, et que, généralement une théorie en remplace une autre uniquement à partir du moment où elle est assez mature pour pouvoir la concurrencer sur un domaine élevé de faits empiriques et par des raisons théoriques suffisamment étayées. C'est exactement ce qui se passe à partir des années 1920 pour la théorie des quanta de lumière : l'étude de plus en plus poussée de l'effet photo-électrique, le développement théorique de l'idée de la dualité onde-corpuscule dans les travaux de Louis de Broglie qui aboutit à la découverte de la Mécanique ondulatoire, la découverte de l'effet Compton qui s'explique le plus facilement du monde par l'existence des quanta de lumière sont autant d'éléments sur lesquels pourront s'appuyer les défenseurs de l'hypothèse des quanta de lumière. En 1925, un des derniers adversaires de cette théorie, Pascual Jordan, se laisse convaincre de l'impossibilité d'échapper à cette hypothèse, et pose les bases d'une théorie consistante de la lumière dans le cadre de la toute nouvelle Mécanique quantique. Dès la fin des années 1920, des théoriciens comme Dirac, Fermi, Heisenberg et Pauli développent l’électrodynamique quantique, un cadre théorique qui permet de rendre compte de manière cohérente à la foi des aspects corpusculaires et ondulatoires de la lumière.
    Soit dit en passant, dans ce cadre théorique, on ne considère pas que les équations de Maxwell soient fausses. On les écrit encore telles qu'elles. C'est seulement la manière avec laquelle on "lit" ces équations qui a changé.

    Croisé avec LPFR

  4. #4
    invitec32070f6

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Merci beaucoup pour vos réponses : je commence à comprendre ...

    "J'insiste sur le fait que les trois ne sont que des modèles.
    Aucun scientifique ne prétend qu'un de ces modèles décrit à la réalité."

    Ce sont des "modèles" d'un ensemble de phénomènes : des modèles
    d'une fraction de la réalité.

    Je crois que vous voulez dire que les scientifiques ne prétendent pas
    qu'un de ces modèles d'une fraction de la réalité est "vrai". Dans ce
    cas, je suis d'accord avec vous.

    Les scientifiques disent seulement, à un moment donné, que tel ou
    tel modèle de tel ensemble de phénomènes est scientifique ou non scientifique.

    S'il est scientifique, ils disent aussi qu'il est
    - faux depuis telle date ;
    - ou vraisemblable actuellement ;
    - ou ni faux ni vraisemblable actuellement : il faut poursuivre les recherches
    pour se prononcer.

    Le terme "valide" ( utilisé par les scientifiques anti-réalistes ) ne me convient
    pas car "valide" signifie "cohérent". Or, une théorie physique qui fonctionne
    ( dans un domaine ou quelque soit le domaine ), à un moment donné, est plus
    qu'un ensemble cohérent d'énoncés. Elle est corroborée par des ou par tous les
    énoncés d'observation, à un moment donné.

    * * *

    "J'insiste sur le caractère provisoire de ce concept qui ne semble pas
    être conciliable avec les conséquences expérimentalement vérifiées
    de la théorie ondulatoire", Einstein.

    Est-ce que je me trompe si je dis que la "théorie ondulatoire" dont parle
    Einstein est la théorie de Maxwell ? La théorie ondulatoire dont parle
    Einstein me semble différente de la "mécanique ondulatoire" de Louis de
    Broglie ( qui intègre le concept de quanta ).

    * * *

    "C'est seulement la manière avec laquelle on "lit" ces équations qui a changé."

    Voulez-vous dire que c'est la manière dont on interprète ces équations ( avec le
    concept de quanton ) qui a changé ?

    Merci encore.

    Cordialement.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    invite6dffde4c

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Re.
    Le seul attribut important d'un modèle est s'il décrit et prévoit les observations. Je suppose que ce sont ces observations que vous appelez "réalité".
    A+

  7. #6
    invite6dffde4c

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique


    Je déplace cette discussion dans le forum "débats scientifiques".
    Je pense que le forum est plus approprié.
    Pour la modération.

  8. #7
    invitef73a730a

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Est-ce que je me trompe si je dis que la "théorie ondulatoire" dont parle
    Einstein est la théorie de Maxwell ? La théorie ondulatoire dont parle
    Einstein me semble différente de la "mécanique ondulatoire" de Louis de
    Broglie ( qui intègre le concept de quanta ).
    Oui effectivement. Mais lorsque Louis de Broglie a écrit sa thèse sur la mécanique ondulatoire, il avait clairement en tête la théorie ondulatoire de la lumière.
    Ce qu'il voulait était écrire une théorie qui était à la mécanique ce que l'optique ondulatoire était à l’optique géométrique. D'ailleurs, à l'origine, sa théorie était censée aussi bien s'appliquer à l'électron qu'au photon. Mais une fois obtenue la mécanique ondulatoire, la mécanique était alors dans un état plus avancé que l'optique en ceci qu'elle comprenait les deux aspects (ondulatoire et corpusculaire) alors que l'optique en comprenait qu'un (ondulatoire). C'est l'électrodynamique quantique, fondée quelques années après dans le cadre de la théorie quantique des champs, qui permet d'intégrer à la foi les ondes et les quanta dans une théorie consistante de la lumière.

    "C'est seulement la manière avec laquelle on "lit" ces équations qui a changé."

    Voulez-vous dire que c'est la manière dont on interprète ces équations ( avec le
    concept de quanton ) qui a changé ?
    Ma phrase était effectivement très vague...
    Oui et non. Pour faire court, les équations de Maxwell décrivent en électrodynamique classique la dynamique et les contraintes auxquelles sont soumises les valeurs des champs électriques et magnétiques en fonction de l'espace et de temps. En électrodynamique quantique, les champs électromagnétiques n'ont pas à tout moment et en chaque point de l'espace des valeurs définies (par exemple, les champs électriques et magnétiques en un point ne peuvent pas être définies simultanément). Par contre on peut écrire des équations qui relient les "valeurs moyennes" de ces champs dans un état quantique donné (valeur moyenne signifiant "espérance (au sens statistique) de la valeur si on essaie de la mesurer"), et ces équations sont les équations de Maxwell.


    Les scientifiques disent seulement, à un moment donné, que tel ou
    tel modèle de tel ensemble de phénomènes est scientifique ou non scientifique.
    Je ne crois pas qu'il y ait de consensus parmi les physiciens ou les philosophes des sciences pour attribuer ou non un statut ontologique aux théories physiques, ni pour fixer un critère précis de ce qui est scientifique et de ce qui ne l'est pas. Tout dépend de sa philosophie personnelle. Je pense que la philosophie qui domine chez beaucoup de scientifiques est une forme ou une autre de positivisme ou d'instrumentalisme. Personnellement, ma philosophie scientifique est celle d'un réalisme structural (http://plato.stanford.edu/entries/st...ism/#OSRSpaPhy), essentiellement parce que je reste assez persuadé que de rejeter complètement une vision réaliste conduit à un mode de pensée schizophrénique (notamment, à moins de tomber dans le solipsisme, cela revient à se comporter différemment envers les objets physiques et envers les personnes, alors que les informations que l'on peut acquérir vis-à-vis de ces deux sortes d'entités empruntent les mêmes canaux pour nous parvenir), et, qu'en même temps, les formes plus ambitieuses de réalisme ne résistent plus à l'examen du développement de la physique moderne.

    Un philosophe des sciences qui dit des choses qui me semble tout à fait raisonnables et équilibrées sur la science dans un livre très accessible est Alan Chalmers, Qu'est-ce que la science ? : Popper, Kuhn, Lakatos, Feyerabend

  9. #8
    invitec32070f6

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Vos arguments sont très clairs, merci.

    J'adhère aussi au "réalisme structural" ( Soler ) / "réalisme modeste" : Sokal.

    Il me semble qu'Alan Chalmers défend une épistémologie instrumentaliste : il dit des choses raisonnables, équilibrées, sauf, de mon point de vue, dans la conclusion de son livre à laquelle je n'adhère pas complètement.

    Quand vous écrivez "cela revient à se comporter différemment envers les objets physiques et envers les personnes, alors que les informations que l'on peut acquérir vis-à-vis de ces deux sortes d'entités empruntent les mêmes canaux pour nous parvenir", voulez-vous dire qu'on doit appréhender un phénomène physique comme on appréhende une personne car on acquiert des informations sur une personne de la même manière qu'on acquiert des informations sur un phénomène physique : grâce à nos 5 sens ?

    Sophie

  10. #9
    invitef73a730a

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Il me semble qu'Alan Chalmers défend une épistémologie instrumentaliste
    Au contraire, il la rejette explicitement dans son livre (voire par exemple p 235-240). Il adhère à ce qu'il appelle le "réalisme non-figuratif", qui grosso-modo dit que le monde est tel que les théories physiques lui sont, à certains degrés d'approximations, applicables. C'est une forme de réalisme, certes très modeste, mais un réalisme tout de même dans le cadre duquel la portée d'une théorie physique va au-delà de la simple prédiction des résultats d'observation. Il ne fait pas référence aux structures, mais sa position ne me semble pas irréconciliable avec le réalisme structural dans la mesure où, pour qu'une théorie soit applicable au monde physique, il doit y avoir jusqu'à un certain niveau d'approximation un isomorphisme entre la réalité et la théorie physique en question.

    voulez-vous dire qu'on doit appréhender un phénomène physique comme on appréhende une personne car on acquiert des informations sur une personne de la même manière qu'on acquiert des informations sur un phénomène physique : grâce à nos 5 sens ?
    Oui, c'est bien ce que je voulais dire. C'est une remarque assez banale, qui existe depuis au moins un siècle dans la littérature épistémologique (Lénine l'utilisait déjà dans son livre "matérialisme et empiriocriticisme" en 1908 ; Bertrand Russell en faisait également usage pour critiquer l'idéalisme), mais je n'ai jamais lu une réponse convaincante de la part des adversaires du réalisme. Ce que j'entends dire, c'est qu'on ne peut pas avoir accès à la chose en soi, etc... donc il est trop imprudent de tenir un discours sur celle-ci, et il est préférable de s'en tenir au phénomène ; sauf qu'en écrivant cela, l'auteur est tout à fait persuadé que son livre va susciter des réactions mentales chez des individus dont il n'a pourtant pas d'autres moyens de croire en l'existence, que précisément, les interactions physiques dont l'existence même lui paraissent douteuses. La seule attitude cohérente serait d'aller jusqu'au bout du raisonnement et d'accepter le solipsisme, ce qu'aucun philosophe, me semble-t-il, n'a fait pour le moment.

  11. #10
    invitec32070f6

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Vos arguments sont clairs et convaincants.

    Merci.

    Au plaisir de vous lire sur ce forum.

    Sophie

  12. #11
    invitec32070f6

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Bonjour Aristark,

    Lors de la première conférence Solvay de 1911, Albert Einstein dit,
    au sujet du concept de quanta :

    J'insiste sur le caractère provisoire de ce concept qui ne semble pas
    être conciliable avec les conséquences expérimentalement vérifiées de
    la théorie ondulatoire.


    J'imagine qu'Albert Einstein fait notamment allusion à une affirmation de
    la théorie ondulatoire qui était expérimentalement vérifiée à cette époque :
    la lumière est une onde.

    Existe t-il une ou plusieurs autres conséquences expérimentalement
    vérifiées à laquelle / auxquelles Albert Einstein fait allusion, selon vous ?

    D'autre part, tout se passe comme si, à cette époque, la théorie
    quantique était une théorie qui n'avait jamais été confirmée par
    une expérience. Est-ce que je me trompe ?

    Sophie

  13. #12
    invite6dffde4c

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Bonjour.
    En 1911 la théorie quantique pour la lumière était loin d'être démontrée. Ce n'est qu'en 1914 que Millikan fit la démonstration.
    En 1911 il n'y avait que la théorie de Planck qui expliquait le rayonnement du corps noir qui demandait une quantisation de l'énergie (ou plutôt de l'énergie des états des oscillateurs).
    Au revoir.

  14. #13
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par Sophie1235 Voir le message

    Lors de la première conférence Solvay de 1911, Albert Einstein dit,
    au sujet du concept de quanta :

    J'insiste sur le caractère provisoire de ce concept qui ne semble pas
    être conciliable avec les conséquences expérimentalement vérifiées de
    la théorie ondulatoire.

    Il a dit beaucoup de choses dans le domaine de l'épistémologie en physique.

    La science a besoin, pour être édifiée, de concepts arbitraires ; quant à savoir si ces concepts sont donnés a priori, ou sont des conventions arbitraires, je ne puis rien dire.
    La meilleure façon de se faire une idée épistémologique sur une théorie est de l'étudier.

    Patrick

  15. #14
    invitec32070f6

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Donc, si je comprend bien, Albert Einstein dit dans cette citation
    qu'il ne voit pas comment un phénomène discontinu pourrait être
    expliqué par une théorie dont les grandeurs sont continues.

  16. #15
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par Sophie1235 Voir le message
    Donc, si je comprend bien, Albert Einstein dit dans cette citation
    qu'il ne voit pas comment un phénomène discontinu pourrait être
    expliqué par une théorie dont les grandeurs sont continues.
    Il est difficile d'être dans sa tête, mais il a surement du déjà dans une premier temps s'interroger sur les sens qu'il donne à comprendre, expliquer, phénomène, continue, ...

    Patrick

  17. #16
    invite6dffde4c

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Re.
    Dans mon intervention précédente j'ai oublié qu'en 1911 il y avait déjà le modèle atomique de Bohr (de 1905), dans lequel les niveaux d'énergie étaient discrets et l'électromagnétisme classique bafoué, puis Bohr avait été obligé de postuler que les électrons en orbite ne rayonnaient pas, en désaccord avec les lois de Maxwell. Car si non, son atome s'effondrerait.
    A+

  18. #17
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Bonjour,

    Peut être quelques précisions.

    Différents formalismes (formulation ou représentation) sont utilisées en mécanique quantique pour la description des états et des observables : la mécanique ondulatoire, la mécanique matricielle et le formalisme invariant introduit par Dirac.



    Voir une mesure en MQ : Le résultat de la mesure d’une grandeur A n’est en général pas unique. Il y a un ensemble {ai} de modalités avec des probabilités pi. L’ensemble {ai} peut être continu comme c’est le cas pour la position d’une particule. Il peut être discret, comme énergie d’un électron lie dans un atome.

    Patrick

  19. #18
    invitef73a730a

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Bonjour à tous

    Citation Envoyé par ù100fil
    mais il a surement du déjà dans une premier temps s'interroger sur les sens qu'il donne à comprendre, expliquer, phénomène, continue, ...
    A ses heures de méditation ou lorsqu'il parlait à des philosophes peut-être, mais lorsqu'il faisait de la physique, j'en doute fort, autrement il n'aurait jamais rien fait. Comme l'a dit Einstein lui-même, le physicien théoricien doit être un opportuniste épistémologique, capable de faire feu de tout bois.

    Citation Envoyé par Sophie1235 Voir le message
    Bonjour Aristark,

    J'imagine qu'Albert Einstein fait notamment allusion à une affirmation de
    la théorie ondulatoire qui était expérimentalement vérifiée à cette époque :
    la lumière est une onde.

    Existe t-il une ou plusieurs autres conséquences expérimentalement
    vérifiées à laquelle / auxquelles Albert Einstein fait allusion, selon vous ?
    En 1911, la théorie ondulatoire de la lumière était en réalité établie sur une double base, optique et électromagnétique, ce qui la rendait particulièrement solide.
    Premièrement effectivement, on connaissait bien depuis notamment les travaux de Fresnel les aspects ondulatoires de la lumière. La théorie de Fresnel permettait notamment de rendre compte avec une très grande précision des phénomènes de diffraction et d'interférence, et permettait même de prédire des phénomènes qui étaient encore totalement inconnus (comme la tâche de Poisson) ; ensuite les travaux de Maxwell, confirmés par la découverte des ondes Hertziennes, ont permis de montrer dans la seconde moitié du 20ème siècle que l'onde lumineuse de Fresnel était une solution des équations qui régissent les champs électriques et magnétiques (autrement dit, que la lumière est une onde électromagnétique), et enfin, Lorentz à la toute fin du 19ème siècle parvenait même à rendre compte de certains phénomènes optiques liés aux interactions entre la lumière et la matière (l'effet Zeeman, ou encore la réfringence des corps) en parvenant à décrire comment, au niveau microscopique, les électrons produisaient et réagissaient aux ondes électromagnétiques (la théorie de Lorentz est ce que l'on appelle aujourd'hui "l'électrodynamique classique"). La théorie de Maxwell-Lorentz paraissait un édifice si solide, tant du point de vue de ses succès expérimentaux que de sa consistance théorique, qu'il était difficile de trouver une place pour introduire un aspect corpusculaire à la lumière. D'ailleurs, même si on dispose aujourd'hui d'une théorie parfaitement cohérente de la lumière (l'électrodynamique quantique), la description qu'elle nous en propose est absolument indicible.

    Citation Envoyé par Sophie1235 Voir le message
    D'autre part, tout se passe comme si, à cette époque, la théorie
    quantique était une théorie qui n'avait jamais été confirmée par
    une expérience. Est-ce que je me trompe ?

    Sophie
    Pour compléter la réponse de LPFR, et pour aller même plus loin que lui, il a fallu énormément de temps à l'hypothèse des quanta de lumière pour être unanimement acceptée, même après les travaux de Milikan. Paradoxalement, lorsqu'Einstein a reçu son prix Nobel pour l'effet photo-électrique en 1921, encore beaucoup de savants, et non pas des moindres (par exemple Niels Bohr) étaient encore très sceptiques par rapport à l'hypothèse des quanta de lumière. Sociologiquement, le véritable renversement s'est produit avec la découverte de l'effet Compton au début des années 1920. Mais bien sûr, comme toujours en science, c'est un tout, et pas uniquement une expérience qui permet d'emporter la conviction du plus grand nombre. Par exemple, l'on a démontré peu de temps après que dans le cadre de la mécanique ondulatoire, l'effet Compton pouvait s'interpréter sans faire recourt aux quanta de lumière ; c'est un exemple typique de ce que l'on appelle la sous-détermination des théories par l’expérience.

    Pour en revenir à la question, peut-on dire qu'il y avait une théorie quantique bien constituée en 1911 ? J'en doute ! Il y avait des résultats expérimentaux de plus en plus incontestables qui étaient difficilement conciliables avec les théories classiques : pour compléter ce que dis LPFR, outre le rayonnement du corps noir, il y avait également la chaleur spécifique de certains gaz et solides qui devaient être quantifiées ; et comme l'indique LPFR, on se doutait bien que l'électrodynamique classique n'était pas capable de rendre compte de la stabilité et du spectre des atomes (au passage, une petite correction si tu me le permets LPFR , l'atome de Bohr est de 1913).

    Mais ce n'est qu'en 1925 que l'on a disposé d'un véritable cadre théorique (la Mécanique quantique) permettant d'intégrer l'hypothèse des quanta de manière totalement cohérente, et ce n'est qu'en 1927 que l'on a réussi à appliquer ce cadre théorique à la lumière (électrodynamique quantique). Einstein a montré par des considérations thermodynamiques que l'hypothèse d'une certaine granularité de l'énergie (1905) puis de la quantité de mouvement (1917) de la lumière était nécessaire, mais il n'est jamais parvenu à intégrer cette hypothèse au sein d'une théorie consistante de la lumière (c'est pour cela qu'il insiste sur le caractère provisoire du concept de quanta de lumière). Ce qui ressemblait le plus à une théorie quantique systématique est la théorie de Bohr-Sommerfeld qui s'appliquait aux électrons dans les atomes mais qui ne décrivait pas la lumière (même si elle prédisait les fréquences lumineuses observées dans le spectre des atomes), mais cette théorie était une théorie hybride (à moitié quantique, à moitié classique) et Bohr lui-même savait qu'elle ne reposait pas sur des bases conceptuelles consistantes.

  20. #19
    invite6dffde4c

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Re.
    Effectivement, je me suis planté sur la date de l'atome de Bohr.
    Donc, en 1911, il n'était pas encore là.
    A+

  21. #20
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par Aristark Voir le message
    A ses heures de méditation ou lorsqu'il parlait à des philosophes peut-être, mais lorsqu'il faisait de la physique, j'en doute fort, autrement il n'aurait jamais rien fait. Comme l'a dit Einstein lui-même, le physicien théoricien doit être un opportuniste épistémologique, capable de faire feu de tout bois.
    A un moment donné il faut poser ses a-priori afin de les formaliser pour avancer, bien d'autre théoricien on fait comme lui (Heisenberg, Weyl, ...) utiliser la métaphysique comme un terreau.

    Les questions sur les échafaudage utilisés pour construire les fondements d'une théorie sont toujours d'actualité

    Patrick
    Dernière modification par invite6754323456711 ; 16/08/2012 à 20h41.

  22. #21
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par ù100fil Voir le message
    Les questions sur les échafaudage utilisés pour construire les fondements d'une théorie sont toujours d'actualité
    Heisenberg nous le rappelle.

    << Néanmoins il faut tout de même se rendre compte que, avec l'évolution historique, la structure de la pensée humaine change également. Le progrès de la science ne s'accomplit pas seulement en ce sens que nous apprenons à connaître et à comprendre des faits nouveaux, mais également en ce sens que nous réapprenons sans cesse ce que signifie le mot " comprendre " . >>

    Patrick

  23. #22
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par Aristark Voir le message
    Mais ce n'est qu'en 1925 que l'on a disposé d'un véritable cadre théorique (la Mécanique quantique)
    Comme quoi les points de vue sont subjectif

    Citation Envoyé par J.Dieudonné
    “Mais c’est lorsqu’on aborde les théories mathématiques qui sont à la base de la mécanique quantique que l’attitude de certains physiciens dans le maniement de ces théories confine véritablement au délire. [...] On se demande ce qui peut rester dans l’esprit d’un étudiant lorsqu’il a absorbé cette invraisemblable accumulation de non-sens, une véritable ‘bouillie pour les chats’ ! Ce serait à croire que les physiciens d’aujourd’hui ne sont à l’aise que dans le flou, l’obscur et le contradictoire.”
    Patrick

  24. #23
    invitef73a730a

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Les questions sur les échafaudage utilisés pour construire les fondements d'une théorie sont toujours d'actualité
    Que les questions de fondement se posent ne me paraît pas contestable. En revanche, ce que je conteste, c'est le moment quand elles se posent. Lorsque l'on étudie la genèse d'une théorie, on remarque que le théoricien a recours à toutes les ressources heuristiques dont il dispose, et que la formulation de la théorie précède souvent sa véritable compréhension. Les réflexions créatrices à proprement parlées sont d'ordre conceptuelle plutôt que d'ordre épistémologique ou philosophique. Il arrive que certaines convictions métaphysiques soient inspiratrices, certes, mais beaucoup moins qu'on le pense, et de toute manière, le fleuve s'éloigne toujours de sa source, et la signification d'une théorie qui réussit diffère souvent énormément de celle que ses pères fondateurs lui donnaient (Einstein, de Broglie ou encore Schrödinger sont des exemples typiques de théoriciens qui ont vu certaines de leurs découvertes théoriques leur "échapper" sur le plan philosophique).

    Heisenberg nous le rappelle.
    Typiquement, Heisenberg était loin d'avoir une conception claire de ce que signifiait sa théorie au moment où il l'a publiée en 1925. Si on lit ses écrits, il dit qu'il a été guidé par des principes positivistes comme le fait de dire qu'une théorie ne doit posséder que des grandeurs observables, mais la plus part des historiens qui ont étudié de près la question en conclue qu'il s'agit pour une grande part d'un procédé de justification. Comme le montre Darrigol, c'est surtout par des procédés heuristiques impliquant des analogies formelles avec la Physique classique qu'Heisenberg a découvert la Mécanique quantique.

    Comme quoi les points de vue sont subjectif
    Tiens tiens, cela me fait penser à...

    http://forums.futura-sciences.com/de...maticiens.html

    Je suis personnellement de l'avis qu'exprime Mariposa dans ce fil, et notamment le message 27

    PS : j'ai dû changé de compte à cause de la fermeture de mon ancien adresse mail mais je suis le Pyrrhon d'Elis qui se trouve dans la discussion.

  25. #24
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par Aristark Voir le message
    Les réflexions créatrices à proprement parlées sont d'ordre conceptuelle plutôt que d'ordre épistémologique ou philosophique.
    C'est ton introspection d'un retour d’expérience sur la création d'une théorie ?

    Patrick

  26. #25
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par Aristark Voir le message

    Je suis personnellement de l'avis qu'exprime Mariposa dans ce fil, et notamment le message 27

    En ce qui me concerne, je m’intéresse à tous les avis, juste pour prendre conscience de nos à-priori afin de les assumer voir d'en changer.

    Patrick

  27. #26
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par Sophie1235 Voir le message
    Le terme "valide" ( utilisé par les scientifiques anti-réalistes ) ne me convient
    pas car "valide" signifie "cohérent".
    Un article qui fait la distinction entre valide et cohérent.

    Peut on dire que la théorie de Newton par exemple est fausse ou que la géométrie euclidienne est plus vrai ou l'inverse que la non-euclidienne ? Dans son périmètre les observations construites sont pourtant aussi corroborées.

    Patrick

  28. #27
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par Aristark Voir le message
    Typiquement, Heisenberg était loin d'avoir une conception claire de ce que signifiait sa théorie au moment où il l'a publiée en 1925.
    Un autre récit historique donné par M.Bitbol.

    Le but était donc désormais d'aller jusqu'au bout de l'entreprise de discrétisation des quantités intervenant dans la théorie physique, de tendre vers cette théorie intégralement quantique, ne faisant intervenir que des grandeurs discrètes, que Heisenberg et quelques autres chercheurs appelaient de leurs voeux. Max Born fit un pas important dans cette direction en 1924 lorsqu'il énonça le projet de ce qu'il appela pour la première fois une “mécanique quantique” 21 : formuler les lois du mouvement, les lois de la mécanique, non plus à l'aide d'équations différentielles continues, mais en se servant directement d'équations aux différences finies discontinues. Ce projet ne sera cependant réalisé dans toute son ampleur, et avec le succès que l'on sait, que dans la mécanique matricielle de Heisenberg 22 au début de l'année 1925.
    Maintenant Richard Feynman donnait l'avertissement :

    « ce que je vous raconte la, c'est une espece de saga conventionnelle que les physiciens racontent a leurs etudiants, lesquels a leur tour la racontent a leurs etudiants, et ainsi de suite. Ca n'a pas forcement grand-chose a voir avec le developpement historique reel de la physique... que j'ignore evidemment ! »

    Patrick

  29. #28
    invitef73a730a

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    En ce qui me concerne, je m’intéresse à tous les avis, juste pour prendre conscience de nos à-priori afin de les assumer voir d'en changer.
    Désolé, je n'avais pas vu le lien hypertexte. Je ne l'ai que survolé, mais Gieres semble effectivement avoir des bons arguments (l'ayant eu comme prof de Méca Q, il faudra que je vérifie dans mes notes s'il applique bien ses prescriptions ).

    Cela dit, je ne vois pas en quoi cela change au fait que "ce n'est qu'en 1925 que l'on a disposé d'un véritable cadre théorique (la Mécanique quantique) permettant d'intégrer l'hypothèse des quanta de manière totalement cohérente". Que je sache, le premier ouvrage présentant une formulation impeccable de la Mécanique quantique est John Von Neumman en 1932, mais celui-ci n'a jamais revendiqué la paternité de la Mécanique quantique que l'on utilisait bien avant sa parution. Si on veut vraiment être tatillon, on pourrait même dire que l'on a toujours pas, à l'heure actuelle, ce véritable cadre théorique, étant donné que la théorie quantique des champs axiomatique pose, il me semble, encore quelques soucis ; mais enfin on arrête dans ce cas là toute discussion de physique, et on retire le prix Nobel à Feynman, Schwinger, Weinberg, Gell-Mann et consort.

    Citation Envoyé par ù100fil Voir le message
    C'est ton introspection d'un retour d’expérience sur la création d'une théorie ?

    Patrick
    Non, c'est ma lecture de travaux d'Histoire des sciences qui se basent sur les témoignages des personnes en question, leurs manuscrits et leurs correspondances, leurs backgrounds ainsi qu'une recontextualisation des connaissances et des idéologies qui circulaient au moment de la création en question.
    Bien sûr, on est jamais dans la tête de ces personnes au moment même où la création est faite, mais c'est là la meilleur façon de se donner une idée approximative de comment ça marche là-dedans.

    Prenons un exemple : Dirac. C'est assez facile de comprendre comment lui est venue telle ou telle idée à tel ou tel moment pourvu que l'on connaisse l'état de l'art du moment (ce qui ne veut pas dire que c'était facile d'avoir ces idées, nous sommes bien d'accord que pour cela, il faut s'appeler Dirac). On bénéficie de plus de son témoignage (il a été interviewé à de nombreuses reprises sur ces questions). Bien entendu, il y a sans doute beaucoup de reconstruction a posteriori dans celui-ci, mais disons qu'en croisant les différentes informations dont on dispose, on peut se faire une idée approximative mais cohérente de sa démarche intellectuelle (par exemple pour son équation ou l'idée de la seconde quantification). Le plus marquant dans ses écrits et ses interviews est la candeur épistémologique absolu de Dirac. Clairement, des questions du genre : qu'est-ce que la connaissance, qu'est-ce que le réel, etc... lui passait complètement au dessus de la tête, ce qui ne l'a pas empêché d'être sans doute après Einstein le physicien le plus prolixe du vingtième siècle.
    Je pourrai multiplier des exemples : de Broglie, Feynman, Fermi, Schrödinger, etc... Ces physiciens sont très différents, et utilisent des procédés heuristiques différents pour former leur théorie, peuvent même par ailleurs être de très fin épistémologues à leurs heures perdues, mais ils illustrent le fait que l'acte de création scientifique nécessite une liberté que pourrait compromettre l'adoption d'une attitude épistémologique trop contraignante. La littérature historique ne manque pas d'illustrations et d'exemples dans lesquelles une posture épistémologique trop tatillonne a freiné la recherche : c’était par exemple le cas en France où le positivisme régnait en maitre, de la fin du 19ème siècle jusqu'au début du 20ème. Actuellement, que ce soit dans le domaine des particules élémentaires ou de la matière condensée ou de quoi que ce soit, alors que l'on sait, par ailleurs, tout les problèmes philosophiques liées aux cadres théoriques dont se servent les physiciens, je ne vois vraiment pas en quoi l'épistémologie pourrait être un guide à la création des nouvelles théories. L'analyse des concepts physiques comme le temps et l'espace, oui (c'est par exemple ce que fait Carlo Rovelli dans le cadre de la gravité quantique à boucle), mais des questions du genre : qu'est-ce comprendre, expliquer, phénomène, etc... je ne vois pas d'exemple, mais peut-être en as-tu ? Clairement, ceux qui réfléchissent intensément sur les fondements (d'Espagnat, Omnès, etc...) ont arrêté depuis longtemps de produire de nouvelles théories physiques. Après tout, il y a peut-être des exceptions, et les choses peuvent changer et je ne veux pas en faire une règle absolue, mais disons que mon expérience (que ce soit par mes lectures d'ouvrages d'histoire des sciences et ma fréquentation de physiciens) m'indique en tout cas qu'elles doivent être rares. En bref, mon propos s'inscrit banalement dans un raisonnement inductif (tu pourras toujours me rétorquer que le principe d'induction repose sur des bases bien fragiles ).

    Je précise, je n'ai rien contre l'épistémologie ou la philosophie, bien au contraire, je suis tout à fait passionné par ces sujets. Mon propos est seulement de dire que, pour employer une expression d'épistémologue (qui n'a certes plus le vent en poupe), les réflexions épistémologiques interviennent beaucoup plus dans le contexte de justification que dans le contexte de découverte.

    Un autre récit historique donné par M.Bitbol.
    Bitbol dit en substance dans cet article ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir que la compréhension des fondements de la Mécanique quantique succède de très loin à la formulation de la théorie. Mais ce n'est pas un autre récit, puisqu'en l’occurrence, pour cette partie historique, Bitbol s'appuie essentiellement sur les travaux de Darrigol (mon lien) qu'il cite en base de page du passage en question et qu'il connait très bien pour avoir co-dirigé une publication ensemble.

    c'est une espece de saga conventionnelle que les physiciens racontent a leurs etudiants,
    Feynman a tout à fait raison à propos de la saga conventionnelle ! Mais Bitbol est plutôt bien entouré en historiens des sciences compétents, qui eux, ne se contentent heureusement pas de la saga conventionnelle des physiciens


    Sur ce, bonne nuit !

  30. #29
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par Aristark Voir le message
    L'analyse des concepts physiques comme le temps et l'espace, oui (c'est par exemple ce que fait Carlo Rovelli dans le cadre de la gravité quantique à boucle)
    Weyl , semble faire une construction de sa théorie « La Nahe-geometrie » basée sur un jugement synthétiques, mais aussi analytique : La Nahe-geometrie a pour corrélat physique une ontologie des champs.

    Dans la construction des théories physiques, nous remarquons incessamment qu’une fois que nous avons réussi à mettre en lumière l’uniformité d’un certain groupe de phénomène, cela doit être exprimé dans des formules d’une harmonie mathématique parfaite.
    Patrick

  31. #30
    invite6754323456711
    Invité

    Re : SOPHIE : question sur l'effet photoélectrique

    Citation Envoyé par Aristark Voir le message
    En bref, mon propos s'inscrit banalement dans un raisonnement inductif (tu pourras toujours me rétorquer que le principe d'induction repose sur des bases bien fragiles ).
    L'induction au sens bayésien semble être une des racines de la construction de nos connaissances. Nos cerveaux sont complexes, ils contribuent par des actes conscients et inconscients à construire les représentations que nous nous faisons de notre environnement. La construction par exemple de la théorie de la relativé générale est restée assez formelles durant une longue période du fait qu’alors, les technologies disponibles ne permettaient pas qu’elle fût en contact ni avec l’expérience, ni avec l’observation astronomique. Peut on prétendre que seul les faits ont organisé la réflexion ? Au préalable n'avons nous pas besoin d'un référentiel théorique ?

    Patrick

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