Inutile de se raconter trop d'histoires sans appréhender l'échelle de grandeur des quantités d'énergie en jeu...
Quelques petits points de repère utiles à méditer:
- le stockage d'énergie dans les ballons d'ECS n'est pas un stockage d'électricité (ça ne redeviendra jamais de l'électricité), mais un simple étalement de la demande d'énergie, déjà largement utilisé pour transférer la demande électrique aux heures où cette demande est faible et la production économique. On ne pourra pas l'utiliser une deuxième fois pour "stocker" l'électricité.
- les énergies renouvelables se classent en plusieurs catégories, peu comparables, et bien identifiées:
1) les énergies fatales régulables, comme l'hydroélectricité, déjà largement utilisées (l'hydroélectricité fournit environ 12% de l'électricité en France; tous les sites viables sont pour l'essentiel exploités, et il n'y a rien à attendre de plus, aucune extension n'étant raisonnablement possible.
2) les énergies renouvelables stockables, comme le bois ou le "bio-gaz", pour partie très utilisées (le bois est certainement la première énergie renouvelable, mais il échappe pour une part importante aux circuits commerciaux, donc aux statistiques), pour l'autre partie très limitées par la quantité de terres disponibles (voir à ce sujet http://www.amisdelaterre.org/Mais-me...ectricite.html , article d'autant plus crédible qu'il émane des Amis de la Terre, peu suspects d'être pro-nucléaires).
3) les énergies fatales intermittentes (solaire et éolien) qui elles ne sont ni stockable en masse, ni régulables, ni garanties dans la durée; ce sont elles qui posent problème au cas où elles sont défaillantes, et si elles sont chargées d'assurer une part importante du mix énergétique...
Voyons un peu ces ordres de grandeur
- la consommation moyenne d'électricité en France en hiver tourne autour de 70 GigaW, soit environ 1,5 TeraWh par jour
- Aujourd'hui mercredi 20/01/2016, le nucléaire assure 77% de cette production, l'hydroélectrique 12%, les énergies fossiles 15%, la biomasse 0,7% (essentiellement les incinérateurs), le solaire 0,5%, l'éolien 0,5%, importations et divers couvrant le reste. Le stockage par Step représente environ 1,6% de la production (et de la consommation), et ne sert qu'à couvrir les pics de consommation journaliers (soit quelques GigaWh au maximum). La production certaine et maîtrisable est assurée par le nucléaire, l'hydro, les fossiles et la biomasse, pour près de 95% du total, plus 1,5% stocké par les Step.
En faisant la supposition que nous n'ayons que le renouvelable à disposition, il ne resterait plus, comme énergies certaines et maîtrisables, que l'hydroélectrique (13%), et la bio masse...
C'est donc une puissance moyenne installée de environ 60 GigaW qu'l faudra demander à la biomasse, à l'éolien et au solaire; à supposer que cela soit possible (le solaire produit très peu en hiver, et jamais la nuit, et l'éolien a un taux de charge très faible; le tout implique des puissances crêtes installées 4 à 6 fois la puissance moyenne), et la biomasse ayant ses limites (fixons les à 20% de la production, ce qui est déjà très très optimiste)en cas de défaillance du vent et du soleil (comme aujourd'hui), c'est une quantité d'énergie colossale qu'il faudra avoir stockée pour faire face pendant quelques jours: probablement, selon les options de mix retenues, autour de 40 GigaWx24Hx 3 jours= 2880 GigaWh pour 3 jours, soit environ 1000 fois la capacité actuelle des step (capacité que l'on ne peut augmenter, rappelons le).
Inutile de compter non plus sur les importations: les conditions météorologiques dans les pays voisins seront très proches de celles règnant en France, et ils connaîtront la même situation de pénurie. La conclusion est que le stockage journalier, ou inter-journalier, est totalement hors de portée.
Reste la possibilité d'un stockage saisonnier; le problème majeur est que nous ne savons guère faire un tel stockage, les quantités d'énergie à stocker devenant gigantesques pour une seule autonomie de 3 semaines sur l'ensemble de la saison (et c'est très peu) :
- les Step, n'en rêvons pas, c'est déjà insuffisant pour un stockage journalier dans l'hypothèse d'un tout ENR.
- les stockages mécaniques (inertie ou gaz comprimé) sont expérimentaux, et souffrent d'un mauvais rendement, allié à des investissements pharaoniques.
- le recours à l'hydrogène, ou au méthane, souffre lui aussi d'un rendement final très faible (autour de 0,2), ce qui veut dire qu'il faut produire 5 kWh pour récupérer 1 kWh, tout en nécessitant de doubler au moins l'investissement initial pour implanter une usine de transformation... A ce prix, c'est à dire multiplier par 10 le prix du kWh, c'est sans doute possible... reste à savoir si nous pouvons le financer...
Bof, on aura sans doute l'occasion de rediscuter de tout cela, la dure loi des réalités ayant toujours le dernier mot sur les plus belles utopies... En tous cas, je constate que la COP21 a cessé de parler de priorité aux énergies renouvelables pour s'attacher à un objectif prioritaire: la baisse drastique des émissions de gaz à effet de serre à court terme; c'est déjà un pari très ambitieux, et très risqué...
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