Lettre à un jeune manifestant
PAR BERNARD DEBRE * [16 février 2005]
Toi qui n'as pas encore 20 ans et qui manifestes dans la rue, connais-tu véritablement cette réforme ?
Tu parles du bac comme s'il était l'examen le plus important de ta vie, certes il l'est ; mais déjà 80% des élèves le décrochent ; bientôt ils seront 100%.
Tu dis vouloir refuser le contrôle continu des connaissances, car certains établissements seraient moins bons que d'autres ! Vigoureuse découverte que tu fais là ! Alors comment expliquer que ceux qui y travaillent réussissent déjà le bac ?
A t'entendre, ils n'auront plus aucune chance de le réussir. Où est la logique, s'ils le réussissent aujourd'hui, que changeront ces contrôles ? D'ailleurs, ils sont institués dans tant d'autres pays d'Europe. Alors, ils seraient bons à l'étranger et mauvais chez nous. Comment peux-tu l'expliquer sereinement ?
Toi qui n'as pas 20 ans, tu es une proie facile pour les syndicats politisés ; ils t'utilisent dans le but de ne jamais rien changer, ils sont les plus «ringards» d'Europe.
Ils ont toujours refusé l'évolution, la modernisation, qu'elles viennent de droite ou de gauche.
Tu as toujours marché pour eux et rien ne change. Que vas-tu répondre à ceux qui te disent avec raison que 50% des jeunes de ton âge ne savent pas écrire sans faute, ne lisent pas ou peu, ne parlent aucune langue étrangère ?
Te crois-tu capable d'affronter un jour les jeunes Belges, Allemands, Italiens ou Espagnols ? Toi qui n'as pas 20 ans et qui manifestes dans la rue, quelle France veux-tu ? As-tu réfléchi un instant à ton métier, à ta destinée ?
Tu es contre l'élitisme, dis-tu, mais l'exigence de la perfection est nécessaire pour inventer, découvrir, produire.
Ariane s'est envolée dans les cieux, victoire des ingénieurs et des chercheurs. Crois-tu que cette perfection a été donnée à tous sans efforts ?
L'Airbus géant va bientôt décoller, victoire de la technologie.
Te sens-tu capable de participer à toutes ces victoires ? Ou veux-tu simplement t'éclater dans une rave-partie, jouer sur une console vidéo à tuer le plus possible d'ennemis virtuels ? En refusant l'effort, tu te refuses à ton pays et à ta famille.
En vérité, tu attends que d'autres puissent à l'avenir subvenir à tes besoins.
Tu es contre l'élitisme affirmes-tu, mais tes copains, ceux qui le pourront, partiront aux Etats-Unis, en Angleterre ou ailleurs. Ils sont nombreux à l'avoir déjà fait, pour obtenir des diplômes, ceux qui vont compter dans l'avenir. Alors tu trouveras une France véritablement coupée en deux, entre ceux qui, comme toi, auront joué les révolutionnaires et qui se seront trompés d'époque et les autres qui auront accepté l'effort, la lutte, et qui dirigeront notre pays et occuperont les postes les plus importants.
Vois-tu, la France n'est plus isolée et tu fais partie de la jeunesse du monde, ton destin est lié à celui de l'humanité.
Tu vas te trouver dans une compétition plus féroce encore que tu ne peux l'imaginer, et ce que tu ne feras pas pour l'affronter, personne ne le fera pour toi.
Retourne à l'école de la République, car tu as cette chance inouïe de pouvoir y aller alors que tant d'autres enfants de ton âge errent sans but et sans espoir dans des bidonvilles insalubres ou dans des déserts torrides. Eux sont déjà abandonnés, et seule notre solidarité éphémère peut les empêcher de mourir.
Toi qui n'as pas 20 ans et qui vis en France, tu seras prêt si tu ne mesures pas chichement tes ambitions pour les porter au niveau de l'effort nécessaire pour que ton pays reste un pays fier et accueillant. Et tu pourras, si les circonstances t'aident, t'élever à la hauteur du combat suprême, celui des hommes pour les autres hommes, nos frères. Abandonne ces adultes syndiqués qui vivent déjà dans le passé, élance-toi dans l'avenir, celui de ton humanisme.
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