Bonjour,
Je ne comprends pas vraiment la question mais je fais quelques remarques.
La notion de dimension, comme tout notion utilisée en physique, est dépendante d'un modèle mathématique. Ce modèle est ensuite comparé à la réalité expérimentale. La notion de dimension a ainsi un sens clair pour les modèles mathématiques que sont l'espace euclidien, l'espace-temps de Minkowski, l'espace-temps de la relativité générale...
Pour l'espace euclidien ou l'espace-temps de Minkowski, il y a une correspondance apparemment claire entre la dimension telle que définie dans le modèle mathématique et la dimension expérimentale "intuitive".
Une première subtilité apparaît en relativité générale, dont le formalisme autorise a priori à considérer des espace-temps à la topologie non-triviale. La théorie de Kaluza-Klein consiste en la relativité générale, avec un espace-temps asymptotiquement donné par le produit d'un espace-temps de Minkowski de dimension 4 (dimension spatiale:3, dimension temporelle: 1) par un cercle. Si ce cercle est suffisamment petit par rapport aux distances de la vie "quotidienne", il n'entre pas en contradiction avec la dimension expérimentale "intuitive", qui provient d'expériences concernant un domaine limité d'échelles de grandeur. En revanche, ce cercle devrait être responsable de phénomènes nouveaux pour des expériences suffisamment précises. Dans cette théorie, la dimension spatiale, au sens de dimension spatiale de la variété espace-temps dans le modèle de la relativité générale, est égale à 4. Cela suggère de distinguer pour ces modèles la notion de dimension macroscopique ("non-compacte") de la notion de dimension microscopique (incluant les facteurs "compacts"). La dimension expérimentale "intuitive" ne permet a priori que de contraindre la dimension macroscopique de ces modèles.
(Remarque: Un intérêt de la théorie de Kaluza-Klein, i.e. de la relativité générale en dimension d'espace-temps égale à 5 compactifiée sur un cercle, est qu'elle produit une théorie "effective", pour un observateur n'ayant accès qu'à des distances grandes par rapport à la taille du cercle, qui contient automatiquement la relativité générale et l'électromagnétisme en dimension d'espace-temps égale à 4. Autrement dit, une théorie comme l'électromagnétisme peut émerger comme approximation d'une théorie purement gravitationnelle en dimension supérieure. La théorie de Kaluza-Klein n'est pas réaliste pour de multiples raisons, mais reste utile comme test d'idées théoriques).
Une subtilité de niveau supérieur est de se poser la question de savoir si la notion de dimension macroscopique d'un espace-temps est bien définie, comme coïncidente de manière évidente avec la dimension expérimentale "intuitive". Par exemple, on pourrait se demander s'il existe des modèles mathématiques basés sur des espace-temps de dimensions macroscopiques différentes, mais qui sont néanmoins physiquement équivalents. Il n'y a pas d'exemples réalistes connus mais le fait qu'il existe simplement des exemples théoriques est un fait déjà remarquable et provient de la théorie des cordes. Plus précisément, la correspondance AdS/CFT donne un exemple de deux modèles mathématiques apparemment distincts: l'un est une théorie quantique des champs sur un espace-temps de Minkowski de dimension d, l'autre est une théorie quantique de la gravité (théorie des cordes) sur un espace-temps asymptotiquement Anti-de-Sitter de dimension d+1. Néanmoins, ces modèles sont physiquement équivalents au sens où toute question physique posée dans l'un peut se traduire en une question posée dans l'autre. Bien entendu, l'absence de contradiction provient du fait que cette traduction est en général non-triviale (Exemple: l'exemple le plus élémentaire de question physique est donné par les symétries asymptotiques de l'espace-temps, qui déterminent des quantités conservées. Du côté Minkowski, la théorie quantique des champs étant conforme, ce groupe de symétrie est le groupe des symétries conformes de l'espace-temps de Minkowski en dimension d. C'est un fait mathématique pas complètement évident que ce groupe est aussi le groupe des isométries de l'espace-temps d'Anti-de-Sitter en dimension d+1). Ainsi, si dans un monde décrit par un tel modèle, un physicien déclare que l'espace-temps est Minkowski de dimension d, et un autre déclare que l'espace-temps est Anti-de-Sitter de dimension d+1, il n'y a aucune manière expérimentale de décider qui a raison: les deux ont simplement raison. Pour répondre de manière concrète à certains questions, une description est souvent plus simple et plus utile que l'autre.
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