Oui, c'est un aspect bien délicat à appréhender. Un petit repost sur la question.
Dans ce genre de débat il y a pour commencer 4 notions qu'il faut clairement distinguer :
1) Le néant qui représente l'absence d'espace, de temps et plus généralement de tout ce qui pourrait représenter quoique ce soit d'intelligible. Le néant est une notion métaphysique, et non physique, c'est à dire qu'il réside dans sa simple définition : ce n'est rien. On ne doit, en droit, le faire correspondre avec rien d'existant, par définition.
2) le nombre zéro en mathématique qui représente quelque chose. De même que l'ensemble vide. En tant que nombre ou ensemble, ils sont pourvus de nombreuses propriétés. On peut d'ailleurs distinguer zéro de l'ensemble vide, car ils expriment deux concepts distincts. Alors que "néant" et "rien" sont synonymes. Si un concept possède des propriétés qui permettent de le distinguer d'un autre autrement que par le langage, ce n'est pas rien.
3) Le vide, qui n'est pas rien. Avec le vide, nous entrons dans la physique. Le vide se définit comme l'état d'énergie minimale des champs. Il n'est donc pas absolu dans le sens de "pas absolument vide", même fondamentalement. Une particule est ou n'est pas. Alors qu'un champs existe même à l'état d'énergie minimale et élucider ses lois occupe les jours et les nuits des théoriciens. Le vide héberge "en potentiel" absolument tout le bestiaire des particules. Il suffit d'agiter le tapis, de lui injecter de l'énergie, pour provoquer une profusion de particules, comme les fruits tombant de l'arbre que l'on secoue. La notion de vide devient relative : il y a "quelque chose" formant ce vide manifestement, muni de lois précises et non triviales. Formé de champs couplés qui se répartissent l'énergie de manière très inégales. Le nombre et le couplage possibles des champs sont absolument inépuisables.
4) L'espace-temps, le contenant géométrique du vide, que l'on pourrait supposer coïncider avec un "vide absolu" (un vide sans les champs qui composent le vide réel). Cet espace-temps est décrit par la relativité générale et même si on le "vide de son vide" il conserve des propriétés qui n'ont rien de triviales :
- l'espace fait bloc avec le temps, au sens que toute mesure des distances entre deux événements doit faire intervenir la coordonnée temporelle t en plus du vecteur position r pour être invariante d'un référentiel à un autre (invariant de Lorentz : ds² = c²dt² - dr²);
- en présence d'énergie-impulsion il adopte une courbure ;
- dès lors qu'on le remplit de quoique ce soit et envisagé dans son ensemble il ne possède pas de solution statique stable : il ne peut être qu'en expansion ou en contraction ;
- il possède possiblement une topologie complexe (concept d'espace non simplement connexe) ;
- il est possible d'envisager un nombre plus grand que 3+1 dimension (dimensions compactifiées requises par la théorie des cordes) ;
- il est possible de le discrétiser, c'est à dire de concevoir un genre d'atome d'espace temps (voie suivie par la théorie des boucles) ;
- il est possible d'utiliser une notion de point qui n'est plus sans dimension mais qui devient un opérateur quantique (géométrie non commutative).
L'espace-temps n'a donc rien d'un objet simple et sa complexité structurale pourrait être mise à l'origine de la fécondité du vide.
Ces deux dernières notions de vide quantique et d'espace-temps représentent quelque chose de physique, et elles font l'objet de spéculations de haut niveau, car elle sont testables.
Vide et matière
Ce qu'on appelle la matière, c'est un vide qui n'est pas à son état d'énergie minimal, c'est à dire un vide excité.
Ce qu'on appelle le vide c'est un ensemble de champs, un pour chaque particule élémentaire, à leur état d'énergie minimal.
L'énergie par unité de volume ρ autrement dit la densité d'énergie du vide (en Joule/m3, par exemple) résulte d'une sommation sur les champs quantique.
Prenons une boite fermée dont on chauffe les parois à la température T (un four). Il se remplit d'un rayonnement à l'équilibre thermique avec les parois. On a un gaz de photons à différentes fréquences, ou modes, et on veut connaitre la densité d'énergie totale.
La densité d'énergie par mode (cad par intervalle infinitésimal de fréquence ou pulsation) est :
avec ρ la densité d'énergie
hbar la cte de Planck/2π
c la vitesse de la lumière
ω la pulsation = 2πν (avec ν la fréquence)
Le premier terme entre crochet est le rayonnement du corps noir classique, c'est à dire ce qui existe dans un four chaud remplit de photons réels. Pour supprimer les photons, il faut refroidir les murs de la cavités jusqu'au zéro absolu, soit T=0K. Il n'y a plus de pĥotons dans le four. Il est vide. Mais il reste le second terme, qui n'est pas nul, voilà toute l'étrangeté de l'affaire !
Pour connaitre la densité d'énergie électromagnétique de ce vide il faut intégrer cette quantité sur tous les modes ω.
Mais quelles bornes d'intégrations choisir ? Pour la borne inférieure pas de soucis, c'est zéro. Mais quid de la borne supérieure ? On voit tout de suite qu'on est face à une divergence ultra-violette : si je fais tendre ωmax vers l'infini, la densité d'énergie fait de même. Il doit bien exister une borne supérieure finie qui ait un sens physique, faute de quoi le vide aurait une densité d'énergie infinie, ce qui est absurde. On doit trouver ce qu'on appelle la fréquence de coupure, càd la fréquence la plus élevée qui ait physiquement du sens. Aujourd'hui la fréquence maximale qui ait un sens physique est l'inverse du temps de Planck. On la choisit donc classiquement comme fréquence de coupure, ce qui donne une quantité... planckienne.
~ 10113 J.m-3
Le même raisonnement peut être tenu pour chaque particule élémentaire, mais tu vois que le problème est déjà posé dans toute son intensité avec une seule. La résolution de ce problème peut se faire très simplement d'un simple point de vue formel, en limitant le nombre de modes qu'on intègre. Mais il faut le justifier théoriquement, et c'est là que le prochain prix Nobel est attendu
Donc, voilà, même si on ne fait le calcul que sur une seule particule, comme ici le photon, l'intégrale donne une densité d'énergie de l'ordre de ρ~10120 fois la densité d'énergie mesurée. Ok, ce n'est pas infini. Mais c'est quand même extraordinairement élevé. Ou pour le dire à l'inverse : notre vide apparaît extraordinairement peu énergétique par rapport à ce qu'il devrait être, si on se fie à la théorie quantique des champs. C'est le problème dit de la constante cosmologique. Sans doute le problème ouvert le plus brûlant de la physique actuelle.
Mais bon... Si on passe ça sous le tapis, l'idée est que "naturellement" on a une "énergie plancher" qui se déduit du formalisme fondamental la théorie quantique des champs. Comme il s'agit de l'état fondamental des champ, l'idée d'une "dilution" est sans objet. Cela signifierait que les lois de la physiques changent avec l'expansion.
Vide et expansion
Si je prend un système constitué très simplement d'un volume de vide et que j'augmente ce volume, en lui faisant subir une expansion, que se passe t'il ? J'ai crée un volume plus grand d'espace remplis de vide. Comme ce vide représente une certaine énergie par unité de volume, j'ai augmenté l'énergie de mon système.
Soit U l'énergie interne de mon système.
En thermodynamique de base, j'ai l'équation de conservation de l'énergie qui s'écrit comme ça, pour un système adiabatique (=qui n'échange pas de chaleur avec l'extérieur, ce qui est le cas de l'Univers) et isentropique (= dont le nombre moyen de particules par unité de volume ne change pas, ce qui est le cas du vide) :
dU = -pdV
dU est la variation de mon énergie interne
p est la pression
dV est la variation de volume
Très simplement, si j'ai un piston remplis de gaz sous pression et que je le laisse aller, son volume va augmenter (dV>0), et l'énergie interne va diminuer : une force travaille, et ce travail est fourni à l'extérieur, ce qui fait tourner le moteur de la Volvo, par exemple . Mais ici, il ne semble pas que l'Univers puisse faire tourner une Volvo. Il ne fournit de travail à personne.
Alors voyons. D'après ce qui précède :
dU = ρdV
d'où :
ρ = -p
Autrement dit l'augmentation de l'énergie interne est compensée par une pression négative. C'est un truc plutôt bizarre, mais vrai et qui se constate dans l'effet Casimir.
Bon, ça c'est ce que nous dit la théorie quantique des champs, au sujet du vide.
Que nous dit la relativité générale, au sujet de l'espace ? Que la gravité d'un fluide quelconque de densité d'énergie ρ et de pression p est :
g = ρ + 3p
On l'a vue plus haut : en relativité générale, la pression gravite, c'est à dire qu'elle doit être comptabilisée dans la somme des termes qui produisent une courbure de l'espace. Le chiffre 3 devant le terme p est lié comme on l'a vu aux 3 dimensions spatiales.
Comme p est négative et égale à -ρ, ρ+3p est une quantité négative, ce qui implique une gravité répulsive, et la croissance de la métrique da/dt est du genre (univers de de Sitter) :
a(t) ~ exp(Ht)
avec H =√(Λ/3) avec Λ la constante cosmologique.
C'est le premier miracle de la Physique : le vide engendre une pression négative qui elle même engendre l'expansion, ce qui nous manquait cruellement dans la théorie classique.
Bon, maintenant on pourrait se dire ok, le vide rentre en expansion, mais quand même... Même si la création de vide semble "compensée" par une pression négative, bah, on viole quand même allègrement le Premier Principe de thermodynamique dans cette histoire : l'énergie n'est pas conservée, elle ne fait que croître ! Et c'est la connexion avec la relativité générale qui permet le second miracle de la Physique : tout se fait à bilan d'énergie nul.
Cela fait intervenir l'idée que l'énergie d'un champ gravitationnel a une valeur négative, susceptible de compenser cette création d'énergie. Cette valeur négative de l'énergie gravitationnelle n'est pas un concept récent : c'est déjà classiquement vrai dans le cadre newtonien. La gravité est une force de liaison. Deux masses liées par une force ont moins d'énergie potentielle que deux masses libres. Cela signifie que pour les délier il va falloir leur fournir du mouvement. Si on se représente deux masses situées à l'infini l'une de l'autre, leur énergie est nulle. Elles tombent l'une vers l'autre : leur énergie cinétique augmente ce qui est compensé par une énergie potentielle gravitationnelle négative, et la valeur totale de leur énergie mécanique reste nulle.
La valeur de l'énergie gravitationnelle dans le cadre de la relativité générale n'est pas un calcul simple, mais dans le cadre du scénario inflationnaire, on peut effectuer ce calcul avec une rigueur suffisante, et le bilan est nul.
Si on rassemble toutes nos billes, on obtient donc le scénario suivant : on postule que l'état d'énergie typique du vide est très élevé, en se basant sur les résultat de la QFT. De façon qu'on explique pas encore, mais qui se constate simplement du fait que notre univers existe, il existe un état du vide de basse énergie. La thermodynamique classique permet donc de prédire que ce vide énergétique va décroître spontanément pour rejoindre le point bas. Avant et durant cette chute, l'univers est en inflation, et un volume élémentaire de vide de dimension subatomique (disons 10-28 cm) va atteindre une taille centimétrique, càd une croissance d'un facteur e100 environ en une durée très brève de l'ordre de 10-32s. Si on donne à la densité d'énergie initiale la valeur d'énergie dite de Grande Unification (GUT), de l'ordre de (1016 GeV)4 alors la bille d'univers qui sort de l'inflation est remplit d'un plasma dont l'énergie totale est suffisante pour donner naissance à toute la matière (baryonique et noire) et tous le rayonnement de l'univers. Le vide initial a changé de phase, et convertit son énergie en matière et rayonnement. La pression qui était fortement négative est devenu fortement positive, le taux d'expansion de l'espace est maintenant freiné par son contenu. On raccroche ainsi les wagons avec un Big Bang chaud classique, mais on a désormais une idée de ce qui aurait pu faire "bang".
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