Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?
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Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?



  1. #1
    invite5321ebfe

    Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?


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    Bonjour à tous,

    Je me pose une question concernant le rythme des innovations technologiques ayant des impacts importants sur notre vie collective.

    Lisant des livres d’histoires des techniques, je suis frappé par le fait que bon nombre de choses organisant notre quotidien étaient déjà en place ou au moins en preuves de concept industriellement avancées entre 1850 et 1914, par exemple la turbine à vapeur, le moteur à combustion interne, la lumière et le moteur électrique, la transmission haute tension, le forage et raffinage du pétrole, la radio et la transmission sans fil en général, l’acier de bonne qualité, l’aluminium, les engrais synthétiques, les voitures et avions…

    Certes, il y a eu après la première guerre mondiale des progrès importants dans divers domaines (physique nucléaire et quantique, biologie moléculaire, informatique), mais l’impact de ces progrès sur la création technologique et le changement social induit me semble moindre que ceux accomplis dans la deuxième moitié du XIXe siècle et la première décennie du XXe siècle. Si par exemple Lavoisier s’était trouvé téléporté au début du XXe siècle, il aurait sans doute été frappé par les changements radicaux par rapport à la fin du XVIIIe siècle. Mais si Planck, Haber ou d’autres avaient subi la même téléportation au début du XXIe siècle, auraient-ils été fondamentalement surpris par l’évolution de la civilisation ? Il me semble que non, disons qu’ils auraient très vite compris ce qui avait été optimisé dans la plupart des domaines, sur une base déjà acquise vers 1900-1914. Je dirais que la physique est plus concernée par mon observation que la biologie (où des choses comme la mise au point des antibiotiques et la découverte du code ADN ont changé les perspectives au XXe siècle, mais aussi la vie des gens).

    Et donc mon point : qu’en pensez-vous ? Est-ce que je mesure mal la réalité des évolutions technologiques ou est-ce qu’effectivement nous n’avons jamais retrouvé le rythme exceptionnel d’inventions et transformations observé entre 1850 et 1914 ? Sommes-nous menacés par une panne de créativité (une décroissance tendancielle des inventions importantes) ? Ou au contraire, pouvons-nous être à l’aube d’une nouvelle « grappe » de créations fondamentales pour la société ? Qu'est-ce qui a vraiment changé nos vies ?

    Merci de votre participation.

    PS : on aura observé que mon sujet concerne plus la technologie que la science, même si l'une ne va pas sans l'autre. C'est-à-dire que les théories sophistiquées ayant d'expliquer la gravitation quantique (par exemple) représentent certainement une forte concentration de matière grise et une grande sophistication intellectuelle, mais je m'interroge sur leurs possibles retombées pratiques, en comparaison par exemple avec l'électromagnétisme au XIXe siècle.

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  2. #2
    Geb

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Bonjour,

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Si par exemple Lavoisier s’était trouvé téléporté au début du XXe siècle, il aurait sans doute été frappé par les changements radicaux par rapport à la fin du XVIIIe siècle. Mais si Planck, Haber ou d’autres avaient subi la même téléportation au début du XXIe siècle, auraient-ils été fondamentalement surpris par l’évolution de la civilisation ? Il me semble que non, disons qu’ils auraient très vite compris ce qui avait été optimisé dans la plupart des domaines, sur une base déjà acquise vers 1900-1914.
    Il faut tout d'abord être conscient du fait que la civilisation technique n'apparaît véritablement qu'après la révolution agricole puis industrielle en Angleterre à la fin du XVIIIe siècle.

    Ensuite, d'une manière générale, je dirais que l'innovation technologique passe par 2 stades : une intense sélection positive dans un premier temps, puis une sélection dans le sens de la moindre action négative (plus neutre) dans un second temps.

    Autrement dit, à la fin du XVIIIe siècle, la science moderne, apparue avec Galilée à la fin du XVIe siècle, procure des améliorations rapides et profondes (intense sélection positive), puis la recherche favorise les innovations technologiques qui préservent le principe de base en lui adjoignant de nouvelles fonctions qui comportent le moins d'effet négatif sur la performance de base (moindre action négative).

    Ton parallèle avec les recherches en gravitation quantique est pour moi le meilleur moyen d'expliquer ce fait. Il m'est très facile d'imaginer qu'une théorie quantique de la gravitation soit une sorte d'aboutissement de la physique théorique. Imaginons qu'on arrive à tester expérimentalement les théories déjà existantes (théorie des supercordes, gravitation quantique à boucles, ...) et qu'une d'entre elles se révèle en accord avec les observations. Alors, il est fort probable qu'une fois ce stade de cette théorie ultime est atteint, il n'y a plus aucun phénomène physique inexplicable.

    En d'autres mots, si une théorie quantique de la gravitation est testée favorablement en 2020 et qu'une théorie du tout atteint un concensus dans la communauté scientifique vers 2050 (dates complètement hypothétiques), alors il est peut-être envisageable qu'un scientifique de 2100 puisse comprendre sans aucune difficulté les technologies d'un scientifique de l'an 3000 ou de l'an 4000 et au-delà.

    Les changements fréquents et profonds de paradigmes théoriques dans de nombreux et très souvent nouveaux domaines de la science ne seraient dûs qu'à le caractère relativement récent (depuis ~1600 en Italie) de la science, et a fortiori, de la civilisation technique (depuis ~1780 en Angleterre).

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 12/01/2012 à 12h23.

  3. #3
    ansset
    Animateur Mathématiques

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par Geb Voir le message

    Ton parallèle avec les recherches en gravitation quantique est pour moi le meilleur moyen d'expliquer ce fait. Il m'est très facile d'imaginer qu'une théorie quantique de la gravitation soit une sorte d'aboutissement de la physique théorique.
    Imaginons qu'on arrive à tester expérimentalement les théories déjà existantes (théorie des supercordes, gravitation quantique à boucles, ...) et qu'une d'entre elles se révèle en accord avec les observations. Alors, il est fort probable qu'une fois ce stade de cette théorie ultime est atteint, il n'y a plus aucun phénomène physique inexplicable.
    En d'autres mots, si une théorie quantique de la gravitation est testée favorablement en 2020 et qu'une théorie du tout atteint un concensus dans la communauté scientifique vers 2050 (dates complètement hypothétiques), alors .....

    comment croire à une finalité ultime !
    à une compréhension ultime
    serait-ce une croyance en l'homme omniscient ?

  4. #4
    Geb

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par ansset Voir le message
    serait-ce une croyance en l'homme omniscient ?
    Un cadre théorique permet une compréhension d'un phénomène, pas forcément la reproduction d'un phénomène. Autrement dit, il peut y avoir une amélioration quantitative, mais pas une amélioration qualitative de la compréhension. On pourrait continuer à en apprendre indéfiniment plus sur un phénomène physique, mais le cadre de notre compréhension n'aurait pas besoin d'évoluer. C'est en ce sens que je parle de théorie ultime.

    Cordialement.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Bonjour Skept, Bonjour à toutes et à tous,

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Lisant des livres d’histoires des techniques, je suis frappé par le fait que bon nombre de choses organisant notre quotidien étaient déjà en place ou au moins en preuves de concept industriellement avancées entre 1850 et 1914, par exemple la turbine à vapeur, le moteur à combustion interne, la lumière et le moteur électrique, la transmission haute tension, le forage et raffinage du pétrole, la radio et la transmission sans fil en général, l’acier de bonne qualité, l’aluminium, les engrais synthétiques, les voitures et avions…

    On peut également rajouter le béton et les enrobés des routes, par exemple. Tous ces équipement lourds sont issus des progrès de la mécanique, et se sont affinés avec le développement de la Résistance des matériaux, de l’aérodynamique, de la mécanique des fluides, etc. Disons les « sciences de l’Ingénieur ».

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Certes, il y a eu après la première guerre mondiale des progrès importants dans divers domaines (physique nucléaire et quantique, biologie moléculaire, informatique), mais l’impact de ces progrès sur la création technologique et le changement social induit me semble moindre que ceux accomplis dans la deuxième moitié du XIXe siècle et la première décennie du XXe siècle. Si par exemple Lavoisier s’était trouvé téléporté au début du XXe siècle, il aurait sans doute été frappé par les changements radicaux par rapport à la fin du XVIIIe siècle. Mais si Planck, Haber ou d’autres avaient subi la même téléportation au début du XXIe siècle, auraient-ils été fondamentalement surpris par l’évolution de la civilisation ? Il me semble que non, disons qu’ils auraient très vite compris ce qui avait été optimisé dans la plupart des domaines, sur une base déjà acquise vers 1900-1914.
    Il est clair que le « changement social visible » est « moins apparent » aujourd’hui. Cela porte squrtout sur les constructions, les véhicules dans les rues, les avions, etc.
    Il y cependant des domaines « moins visibles » où la vie a « changé ». Je vois au moins deux aspects, ceux liés à l’électronique grand public – qui va bien au-delà de l’informatique – et les progrès gigantesques des soins médicaux. Exemple les soins dentaires ou ophtalmologiques, l’élimination de certaines maladirs (la variole étant l’exemple emblématique) les progrès fulgurants de la chirurgie des greffes.
    Il y a aussi l’explosion annoncée (et en devenir) des biotechnologies.
    Pour le reste, je ne sais pas. J’ai tendance à penser que les techologies et biotechnologies liées au milieu marin devraient se développer fortement (elles sont actuellement bien embryonnaires).

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Je dirais que la physique est plus concernée par mon observation que la biologie (où des choses comme la mise au point des antibiotiques et la découverte du code ADN ont changé les perspectives au XXe siècle, mais aussi la vie des gens).
    Oui. Encore que nos brillants physiciens du CERN n’ont pas l’air de beaucoup avancer sur le boson de Higgs ? Vont-ils le découvrir, ou nous « accoucher » d’une « nouvelle physique » ?

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Et donc mon point : qu’en pensez-vous ? Est-ce que je mesure mal la réalité des évolutions technologiques ou est-ce qu’effectivement nous n’avons jamais retrouvé le rythme exceptionnel d’inventions et transformations observé entre 1850 et 1914 ? Sommes-nous menacés par une panne de créativité (une décroissance tendancielle des inventions importantes) ? Ou au contraire, pouvons-nous être à l’aube d’une nouvelle « grappe » de créations fondamentales pour la société ? Qu'est-ce qui a vraiment changé nos vies ?

    A mon sens, le « moteur » des progrès fondamentaux et technologiques n’a jamais été aussi puissant. Je parle en nombre de chercheurs et en moyens de ces chercheurs (ordinateurs, LHD, réseaux, …).
    Je n’ai pas en tête (ni de source) pour le nombre de chercheurs aujourd’hui en activité par rapport au nombre total de chercheurs estimé dans l’Histoire. Ce ratio doit être beaucoup plus élevé que le nombre d’Hommes vivants (7 000 000 000) par rapport au nombre total d’Humains nés viables depuis le début de l’Humanité (environ 110 000 000 000).
    Il est vrai aussi que tout cela n’est sans doute pas encore monté à son régime optimal. Il faut arriver à optimiser les travaux en équipe, les travaux pluridisciplinaires, etc.
    A mon avis le fonctionnement psychologique des individus et des équipes est encore largement perfectible – et n’a pas vraiment suivi le développement fulgurant des technologies des communications. Je le constate concrètement dans des organisations tertiaires classiques – y compris des bureaux d’études et des labos de recherche appliquée, et je ne vois pas pourquoi ce serait très différent en « big science ».
    Mais les techniques pour « soigner » cela existent et … progressent !
    Donc, la « baisse de productivité individuelle » supputée ci-dessus et le côté « moins visible » des innovations technologiques récentes expliquent peut-être ta perception – que je partage largement quelque part, au moins au niveau « ressenti ».

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    PS : on aura observé que mon sujet concerne plus la technologie que la science, même si l'une ne va pas sans l'autre. C'est-à-dire que les théories sophistiquées ayant d'expliquer la gravitation quantique (par exemple) représentent certainement une forte concentration de matière grise et une grande sophistication intellectuelle, mais je m'interroge sur leurs possibles retombées pratiques, en comparaison par exemple avec l'électromagnétisme au XIXe siècle.
    Certes .. encore qu’un « bouclier antigravitation » ferait bien nos affaires « technologiques » !

    Voili voilou, Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  7. #6
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Bonjour ansset, Geb, Skept, Bonjour à toutes et à tous,

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Un cadre théorique permet une compréhension d'un phénomène, pas forcément la reproduction d'un phénomène. Autrement dit, il peut y avoir une amélioration quantitative, mais pas une amélioration qualitative de la compréhension. On pourrait continuer à en apprendre indéfiniment plus sur un phénomène physique, mais le cadre de notre compréhension n'aurait pas besoin d'évoluer. C'est en ce sens que je parle de théorie ultime.

    Cordialement.
    Hum ! Pour moi, être en possession de le « théorie ultime », cela signiferait être capable de :
    • Créer un Univers comparable au nôtre (au moins théoriquement),
    • Créer ou recréer chacune de nos personnalités (nos « moi » individuels) à la demande.
    Cet essai de définition n’engage que moi, mais j’ai l’impression que ce n’est pas demain la veille …

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  8. #7
    invite5321ebfe

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Ensuite, d'une manière générale, je dirais que l'innovation technologique passe par 2 stades : une intense sélection positive dans un premier temps, puis une sélection dans le sens de la moindre action négative (plus neutre) dans un second temps.
    Autrement dit, à la fin du XVIIIe siècle, la science moderne, apparue avec Galilée à la fin du XVIe siècle, procure des améliorations rapides et profondes (intense sélection positive), puis la recherche favorise les innovations technologiques qui préservent le principe de base en lui adjoignant de nouvelles fonctions qui comportent le moins d'effet négatif sur la performance de base (moindre action négative).
    Oui c'est intéressant, mais je vois la phase de sélection positive comme concernant déjà la technologie, pas seulement ou forcément la science en amont. Par exemple entre 1870 et 1910, il existe une intense compétition dans le domaine de l'automobile : des véhicules à vapeur, électrique et à combustion interne sont présents, tous obtiennent des performances intéressantes. L'automobile à moteur thermique finit pas l'emporter technologiquement et commercialement, on entre ensuite dans un cycle séculaire où il s'agit d'ajouter des fonctions nouvelles / d'améliorer les fonctions existantes.

    Après, c'est vrai qu'il existe une compétition (sélection positive) dans la science, on sait par exemple l'âpreté de certains débats en thermodynamique entre les "énergétistes" (Otswald) et les "mécaniciens" (Boltzmann). Mais je ne suis pas sûr que ces débats théoriques aient eu une grande importance en TD industrielle, justement, où les ingénieurs travaillaient sur les bases déjà posées par Carnot, Rankine, Clausius, etc.



    En d'autres mots, si une théorie quantique de la gravitation est testée favorablement en 2020 et qu'une théorie du tout atteint un concensus dans la communauté scientifique vers 2050 (dates complètement hypothétiques), alors il est peut-être envisageable qu'un scientifique de 2100 puisse comprendre sans aucune difficulté les technologies d'un scientifique de l'an 3000 ou de l'an 4000 et au-delà.
    Ce débat là concerne plus la clôture ou non-clôture de la connaissance scientifique en tant que telle, mais comme je l'indiquais, mon débat regarde plutôt la technologie, la science vue du côté des applications qui changent la vie. Je donnais le contre-exemple de l'abondante littérature en physique quantique (cordes, supersymétrie, etc.) pour m'interroger sur la capacité de ces travaux à produire des changements, par exemple équivalent au passage de l'alchimie à la chimie. Se peut-il qu'une compréhension plus avancée de l'énergie, matière, espace, temps... au niveau quantique produise quelque chose comme une révolution industrielle à l'avenir? Ou de telles recherches fondamentales sont-elles par nature cantonnées à des domaines d'applicabilité assez discrets, des optimisations locales? Je l'ignore.

    Je ne souhaite pas forcément verser dans la futurologie, d'ailleurs, mon texte est tourné vers le passé et traduit plus l'impression qu'entre 1850 et 1914, il y a des transitions plus importantes dans un nombre plus large de domaines qu'entre 1914 et 2012.

  9. #8
    Geb

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Hum ! Pour moi, être en possession de le « théorie ultime », cela signiferait être capable de :
    • Créer un Univers comparable au nôtre (au moins théoriquement),
    • Créer ou recréer chacune de nos personnalités (nos « moi » individuels) à la demande.
    Il y a une différence entre théorie et applications. Je crois que tu confonds omniscience et omnipotence.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 12/01/2012 à 13h19.

  10. #9
    invite5321ebfe

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Il y cependant des domaines « moins visibles » où la vie a « changé ». Je vois au moins deux aspects, ceux liés à l’électronique grand public – qui va bien au-delà de l’informatique – et les progrès gigantesques des soins médicaux. Exemple les soins dentaires ou ophtalmologiques, l’élimination de certaines maladirs (la variole étant l’exemple emblématique) les progrès fulgurants de la chirurgie des greffes.
    Il y a aussi l’explosion annoncée (et en devenir) des biotechnologies.
    Tout à fait, je citais l'informatique et la biologie comme des domaines où la progression est sensible au XXe siècle, et cette progression concerne la vie des gens, la vie au sens propre d'ailleurs dans le cas de la médecine fondée sur la preuve (donc sur la biologie). Il est d'ailleurs heureux qu'Haber et Bosch aient synthétisé l'ammoniac à grande échelle entre 1909 et 1913, sinon on n'aurait jamais pu nourrir les individus que la biomédecine faisait survivre!

    Ces changements sont plus discrets au sens où ils ne transforment pas les campagnes en villes, comme le fit la révolution industrielle qui a multiplié les infrastructures "visibles" d'acier, verre et béton, et qui a permis la mobilité sans précédent des personnes et des biens. Mais ils sont réels. Ils paraissent plus "intensifs" qu'"extensifs", si je puis dire.


    A mon sens, le « moteur » des progrès fondamentaux et technologiques n’a jamais été aussi puissant. Je parle en nombre de chercheurs et en moyens de ces chercheurs (ordinateurs, LHD, réseaux, …).
    Je n’ai pas en tête (ni de source) pour le nombre de chercheurs aujourd’hui en activité par rapport au nombre total de chercheurs estimé dans l’Histoire. Ce ratio doit être beaucoup plus élevé que le nombre d’Hommes vivants (7 000 000 000) par rapport au nombre total d’Humains nés viables depuis le début de l’Humanité (environ 110 000 000 000).
    Il est vrai aussi que tout cela n’est sans doute pas encore monté à son régime optimal. Il faut arriver à optimiser les travaux en équipe, les travaux pluridisciplinaires, etc.
    A mon avis le fonctionnement psychologique des individus et des équipes est encore largement perfectible – et n’a pas vraiment suivi le développement fulgurant des technologies des communications. Je le constate concrètement dans des organisations tertiaires classiques – y compris des bureaux d’études et des labos de recherche appliquée, et je ne vois pas pourquoi ce serait très différent en « big science ».
    C'est évidemment un point intéressant : si (ce qui reste à débattre) il y a effectivement un certain ralentissement du transfert technologique depuis la science, par rapport au rythme 1850-1914, est-ce que cela tient à des raisons purement physiques (on a découvert le gros de ce qu'il y avait à découvrir sur l'organisation de l'espace-temps et de la matière-énergie, donc c'est normal que l'on ait exploité le gros de ce qu'il y avait à exploiter) ou à des raisons d'organisation du travail des chercheurs et ingénieurs (en augmentant la masse critique des chercheurs-ingénieurs et surtout la densité des réseaux d'information entre eux, on peut voir émerger des choses nouvelles aux frontières de la chime, de la physique, de la biologie...).

    Il faut noter que des données purement quantitatives comme le nombre de brevets ne sont pas forcément très riches d'enseignement. Par exemple, un brevet d'Amazon pour la commande en un-click n'a pas la même importance que le brevet de Bosch sur l'ammoniac (exemple cité), parce que l'un est une merdouille commerciale sans intérêt quand l'autre a permis à des milliards d'humains de vivre.

  11. #10
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Re-,

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Oui c'est intéressant, mais je vois la phase de sélection positive comme concernant déjà la technologie, pas seulement ou forcément la science en amont. Par exemple entre 1870 et 1910, il existe une intense compétition dans le domaine de l'automobile : des véhicules à vapeur, électrique et à combustion interne sont présents, tous obtiennent des performances intéressantes.
    Mais c’est reparti ! Les actuels protos / concept-cars / préséries / séries limitées de véhicules « sans fossiles » utilisent aujourd’hui des technologies très variées (voir les Chevrolet Volt, BMW série 7, Mercedès conspt-car à pile à cimbustible, Peugeot, Renault …). Aujourd’hui, on ne sait plus quelle sera la « bonne » technologie.

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    L'automobile à moteur thermique finit pas l'emporter technologiquement et commercialement, on entre ensuite dans un cycle séculaire où il s'agit d'ajouter des fonctions nouvelles / d'améliorer les fonctions existantes.
    Il y a toujours eu deux phases en permanence dans l’industrie :
    - Innovation et développement de nouvelles technologies, qui « riment » pour le moment avec le développement industriel et ses conséquences (aller vite pour « prendre des marchés », prise de risques, mauvaise qualité, gaspillage),
    - Industrialisation de l’existant (démarche qualité, fidélisation client, optimisation des processus de fabrication, économie de matières premières et de moyens humains).

    Les nouveaux développements automobiles – par exemple - s’efforcent de faire les deux à la fois – ce qui n’est pas simple.

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Ce débat là concerne plus la clôture ou non-clôture de la connaissance scientifique en tant que telle, mais comme je l'indiquais, mon débat regarde plutôt la technologie, la science vue du côté des applications qui changent la vie. Je donnais le contre-exemple de l'abondante littérature en physique quantique (cordes, supersymétrie, etc.) pour m'interroger sur la capacité de ces travaux à produire des changements, par exemple équivalent au passage de l'alchimie à la chimie.
    Pour le moment, ces travaux sont hautement spéculatifs, donc tant qu’il n’y a pas de validation expérimentale, il ne peut y avoir d’application …

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Se peut-il qu'une compréhension plus avancée de l'énergie, matière, espace, temps... au niveau quantique produise quelque chose comme une révolution industrielle à l'avenir? Ou de telles recherches fondamentales sont-elles par nature cantonnées à des domaines d'applicabilité assez discrets, des optimisations locales? Je l'ignore.
    Je ne pense pas. Il est manifeste qu’il existe une « continuité » entre le monde quantique et notre monde macroscopique. Actuellement, les théories existantes permettent mal de « relier » les deux (sauf erreur de ma part).

    Lorsqu’on aura trouvé un modèle théorique qui assure une certaine continuité, ce modèle aura certainement des applications possibles autres que marginales … Je ne parle évidemment pas d’accéder à une éventuelle « réalité » indépendante, simplement d’avoir un modèle scientifique plus continu que les actuels.

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  12. #11
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Re-,

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Il y a une différence entre théorie et applications. Je crois que tu confonds omniscience et omnipotence.
    Je jouais un peu, et je crois qu'à ce niveau - que j'ai volontairement poussé au niveau que les relignions attibuent à Dieu ou aux Dieux, la nuance devient très théorique

    Plus sérieusement, je voulais dire qu'à mon avis, la question de la "connaissance ultime" est indécidable en l'état.

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  13. #12
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Re-,

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Tout à fait, je citais l'informatique et la biologie comme des domaines où la progression est sensible au XXe siècle, et cette progression concerne la vie des gens, la vie au sens propre d'ailleurs dans le cas de la médecine fondée sur la preuve (donc sur la biologie). Il est d'ailleurs heureux qu'Haber et Bosch aient synthétisé l'ammoniac à grande échelle entre 1909 et 1913, sinon on n'aurait jamais pu nourrir les individus que la biomédecine faisait survivre!

    Ces changements sont plus discrets au sens où ils ne transforment pas les campagnes en villes, comme le fit la révolution industrielle qui a multiplié les infrastructures "visibles" d'acier, verre et béton, et qui a permis la mobilité sans précédent des personnes et des biens. Mais ils sont réels. Ils paraissent plus "intensifs" qu'"extensifs", si je puis dire.
    Oui. Je pense que le prochain changement « extensif », comme tu dis, sera l’évolution liée à la délocalisation du travail (pas au sens où on l’entend dans les média, mais au sens bureau vers domicile) qui devrait entraîner une réorganisation profonde de l’habitat au XXIè siècle.

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    C'est évidemment un point intéressant : si (ce qui reste à débattre) il y a effectivement un certain ralentissement du transfert technologique depuis la science, par rapport au rythme 1850-1914, est-ce que cela tient à des raisons purement physiques (on a découvert le gros de ce qu'il y avait à découvrir sur l'organisation de l'espace-temps et de la matière-énergie, donc c'est normal que l'on ait exploité le gros de ce qu'il y avait à exploiter)
    A mon avis non. On ne sait pas :
    - Réaliser industriellement la fusion de l’hydrogène,
    - Fabriquer vraiment des objets au niveau atomique – ça commence tout juste,
    - Produire et employer des matériaux monocristallins,
    - …/…
    Tous ces « bidules » - potentiellement – « changeront la vie ».

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    ou à des raisons d'organisation du travail des chercheurs et ingénieurs (en augmentant la masse critique des chercheurs-ingénieurs et surtout la densité des réseaux d'information entre eux, on peut voir émerger des choses nouvelles aux frontières de la chime, de la physique, de la biologie...).

    Très certainement.

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Il faut noter que des données purement quantitatives comme le nombre de brevets ne sont pas forcément très riches d'enseignement. Par exemple, un brevet d'Amazon pour la commande en un-click n'a pas la même importance que le brevet de Bosch sur l'ammoniac (exemple cité), parce que l'un est une merdouille commerciale sans intérêt quand l'autre a permis à des milliards d'humains de vivre.
    Hum ! Il faut quand même bien trouver une mesure. Le fait de produire beaucoup de brevets – ou de publications, pour une structure de recherche, n’est pas forcément une preuve de qualité, mais ne pas en produire pose la question inverse …
    Expérimentalement, les gens qui « font du brevet » « font » aussi du Nobel (MIT, Caltech …).

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  14. #13
    invite5321ebfe

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Re-,
    Hum ! Il faut quand même bien trouver une mesure. Le fait de produire beaucoup de brevets – ou de publications, pour une structure de recherche, n’est pas forcément une preuve de qualité, mais ne pas en produire pose la question inverse …
    Expérimentalement, les gens qui « font du brevet » « font » aussi du Nobel (MIT, Caltech …).
    Bien sûr mais mon exemple voulait signaler que le nombre absolu de brevets n'est pas nécessairement une indication pertinente sur l'importance des progrès "concrets" en espérance et qualité de vie, ou en changements socio-techniques, il faut aussi des critères qualitatifs pour apprécier cela. De surcroît, le nombre de brevets dépend également des évolutions du régime de propriété intellectuelle (et de l'importance du capital immatériel dans la compétition économique), pas seulement de l'inventivité scientifique / technologique pure. Aujourd'hui, on va déposer en rafale pour gagner un avantage compétitif, et ralentir juridiquement le concurrent, mais la rafale en question ne signifie pas que son contenu volumineux représente une prodigieuse avancée par rapport au passé.

  15. #14
    invite5321ebfe

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Mais c’est reparti ! Les actuels protos / concept-cars / préséries / séries limitées de véhicules « sans fossiles » utilisent aujourd’hui des technologies très variées (voir les Chevrolet Volt, BMW série 7, Mercedès conspt-car à pile à cimbustible, Peugeot, Renault …). Aujourd’hui, on ne sait plus quelle sera la « bonne » technologie.
    Oui mais c'est un bon exemple de mon propos. On a en effet une sorte de compétition tous azimuts autour du véhicule à moteur électrique comme il y a eu une compétition voici 120 ans. Mais le véhicule électrique... était déjà là il y a 120 ans! Et d'ailleurs, jusque vers 1905, c'est lui qui gagnait de mémoire les concours de vitesse! Donc dans la compétition actuelle vers les véhicules électriques, on n'a pas vraiment d'innovations remarquables par rapport aux grandes avancées de ma période de référence, 1850-1914.

    Le cas serait différent si Renault ou BMW annonçait demain un véhicule à "pile quantique" et dévoilait au monde émerveillé que l'exploitation de certaines propriétés nouvellement connues des particules élémentaires avait permis de produire ou stocker assez simplement une énergie abondante et dense. Une telle chose serait bien sûr perçue comme une invention réelle, un bond en avant qualitatif et certainement un nouvel âge industriel de la mobilité. Mais je ne trouve pas que nous prenions cette voie pour le moment, on s'échine surtout à remplacer péniblement et coûteusement les propriétés si remarquables du pétrole et de ses dérivés... Cela dit, l'avenir est ouvert et ma "pile quantique" verra peut-être le jour!

  16. #15
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Re-,


    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Bien sûr mais mon exemple voulait signaler que le nombre absolu de brevets n'est pas nécessairement une indication pertinente sur l'importance des progrès "concrets" en espérance et qualité de vie, ou en changements socio-techniques, il faut aussi des critères qualitatifs pour apprécier cela. De surcroît, le nombre de brevets dépend également des évolutions du régime de propriété intellectuelle (et de l'importance du capital immatériel dans la compétition économique), pas seulement de l'inventivité scientifique / technologique pure.
    Non ...

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Aujourd'hui, on va déposer en rafale pour gagner un avantage compétitif, et ralentir juridiquement le concurrent, mais la rafale en question ne signifie pas que son contenu volumineux représente une prodigieuse avancée par rapport au passé.
    Je pense à autre chose. Quand tu déposes un brevet « sérieux », ou une publication scientifique d’ailleurs, normalement, des gens dans le monde entier viennent le voir et se mettent à travailler dessus. A partir de là, ceux qui travaillent sur les sujets connexes vont éventuellement orienter leurs propres travaux en fonction de ton brevet, et en déposer d’autres, et ainsi de suite.

    C’est un « jeu de jambes » qui existe et qui est peut-être mesurable. Le nombre d’‘interactions entre brevets » (j’ignore si ça existe) est sans doute pluis significatif.

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  17. #16
    invite5321ebfe

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Je pense à autre chose. Quand tu déposes un brevet « sérieux », ou une publication scientifique d’ailleurs, normalement, des gens dans le monde entier viennent le voir et se mettent à travailler dessus. A partir de là, ceux qui travaillent sur les sujets connexes vont éventuellement orienter leurs propres travaux en fonction de ton brevet, et en déposer d’autres, et ainsi de suite.
    Tout à fait, c'est une combinatoire qui dépend de la densité des échanges (et pour le coup du nombre absolu d'échangistes), il ne fait pas de doute que les technologies de l'information ont accéléré ces échanges, c'est-à-dire en gros que les bonnes idées ou les bonnes pratiques peuvent se diffuser plus vite dans les esprits, y suscitant de nouvelles idées et nouvelles pratiques qui seront elles-mêmes sélectionnées si elles se révèlent bonnes. Il y aussi des formes inédites d'intelligence collective et travail collaboratif, dont la construction itérative des logiciels libres ou d'encyclopédies en ligne est un bon exemple. J'ai lu que certaines entreprises, quand elles rencontrent un obstacle technologique dans leur process, n'hésitent pas à dépasser leur R&D interne et à externaliser le problème, lançant des concours mondiaux ouverts (auprès d'ingénieurs spécialisés dans la branche concernée) pour résoudre le problème en question.

    C'est un peu le débat (biologique) entre saltationnisme et gradualisme, appliqué à la société humaine. Mon impression est qu'il y a eu un "saut" décisif dans la seconde moitié du XIXe siècle, puis énormément d'optimisation graduelle à partir de ce saut (ce que dit Geb dans une autre formulation). Il y a eu d'autres sauts depuis, mais moins concentrés et de moindre envergure en changement des modes de vie, pour l'impression que j'en ai. Les technologies de l'information me paraissent une sorte de "gradualisme généralisé" : en construisant des réseaux de compétence et d'expertise partout, elles accélèrent les petites améliorations possibles. Mais créent-elles pour autant des "sauts" qualitatifs dans les connaissances et les transformations possibles à partir de ces connaissances ?

  18. #17
    Geb

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Depuis la période que tu cibles (1850-1914), on a eu droit aux applications de la physique quantique et de la relativité restreinte et générale. En matière d'applications technologiques, on observe que la densité énergétique est très importante.

    En matière de véhicules, il est possible, mais pas souhaitable, de mettre au point des véhicules utilisant la fission nucléaire. Il y a plein d'applications technologiques qui aurait été révolutionnée si on avait remplacer les moteurs à combustion par les moteurs nucléaires. C'était une application potentielle de la révolution quantique qui a été abandonné pour les raisons que l'on connaît.

    Si on parvenait à miniaturiser des réacteurs à fusion nucléaire aneutronique, ce serait une sorte de revanche tardive de la révolution quantique. Il y a des projets en ce sens qui sont théoriquement faisable, mais pas techniquement au point : le Polywell (de 100 à 10000 MWe), et la fusion focus (5 MWth). Cela ne demanderait pas une nouvelle physique.

    Est-ce qu'une théorie du Tout permettrait d'atteindre une densité énergétique plus importante encore ? Impossible de le dire à l'heure actuelle.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 12/01/2012 à 15h21.

  19. #18
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Re-,

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Oui mais c'est un bon exemple de mon propos. On a en effet une sorte de compétition tous azimuts autour du véhicule à moteur électrique comme il y a eu une compétition voici 120 ans. Mais le véhicule électrique... était déjà là il y a 120 ans! Et d'ailleurs, jusque vers 1905, c'est lui qui gagnait de mémoire les concours de vitesse!
    Oui ! C'était la "Jamais Contente" du Français JENATZY, un genre de cylindre métallique "aérodynamique" au sens où in l'entendait à l'époque, monté sur des roues de vélo ... Plus de 100 km/h quand même ...

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Donc dans la compétition actuelle vers les véhicules électriques, on n'a pas vraiment d'innovations remarquables par rapport aux grandes avancées de ma période de référence, 1850-1914.
    Sur la source d'énergie électrique proprement dite, non, mais sur à peu près tout le reste ... Les véhicules électriques de demain ne seront sans doute plus que très partiellement en acier, et bourrés d'électronique ... Les véhicules actuels thermiques sont déjà des engins infiniment plus complexes que les voitures d'il y a 40 ans. Pratiquement aucune pièce n'est plus comparable.

    Quelques exemples : l'anticorrosion des caisses, le multiplexage des faisceaux électriques, le contrôle électronique du moteur, la sécurité passive, la sécurité active, ... Tout cela ne fait peut-être pas appel à la MQ ou à la RG (encore que, en cherchant bien du côté des peintures ou des diodes ...) mais représente une gigantesque plus-value de savoir-faire qui "change la vie" du conducteur.

    Un petit tour au volant d'un véhicule des années 60 devrait en convaincre tout le monde. Pour le fun, je vous recommande une Ford Mustang 1966, et pour l'épate une Oldsmobile Toronado 1965 si mes souvenirs sont bons : hyper-spectaculaire ... Ou plus prosaïquement, mais bien de chez nous une "traction 15-six" hydropneumatique 1954 ...

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Le cas serait différent si Renault ou BMW annonçait demain un véhicule à "pile quantique" et dévoilait au monde émerveillé que l'exploitation de certaines propriétés nouvellement connues des particules élémentaires avait permis de produire ou stocker assez simplement une énergie abondante et dense. Une telle chose serait bien sûr perçue comme une invention réelle, un bond en avant qualitatif et certainement un nouvel âge industriel de la mobilité. Mais je ne trouve pas que nous prenions cette voie pour le moment, on s'échine surtout à remplacer péniblement et coûteusement les propriétés si remarquables du pétrole et de ses dérivés... Cela dit, l'avenir est ouvert et ma "pile quantique" verra peut-être le jour!
    Hum ! On fait mieux que s'échiner. Potentiellement, un véhicule électrique est BEAUCOUP plus agréable à conduire qu'un véhicule thermique. Il est hyper-nerveux, sa tenue de route est imbattable (application instantanée d'un couple ad hoc à chaque roue indépendamment), il est silencieux et exempt de vibrations. En outre, ce qui ne gâte rien, l'entretien est très simplifié.

    Enfin, la conduite devient "facile" à automatiser, compte tenu de l'informatique embarquée : plus d'embouteillages, plus d'accidents ...

    Et tout cela est "à la porte de la fabrication de série", même si plusieurs solutions sont en concurrence. Voir les actuels véhicules proto ou concept-car BMW ou Mercédès (comme d'habitude, les innovations comencent à s'appliquer sur les véhicules très haut de gamme).

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  20. #19
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Re-,

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Tout à fait, c'est une combinatoire qui dépend de la densité des échanges (et pour le coup du nombre absolu d'échangistes), il ne fait pas de doute que les technologies de l'information ont accéléré ces échanges, c'est-à-dire en gros que les bonnes idées ou les bonnes pratiques peuvent se diffuser plus vite dans les esprits, y suscitant de nouvelles idées et nouvelles pratiques qui seront elles-mêmes sélectionnées si elles se révèlent bonnes. Il y aussi des formes inédites d'intelligence collective et travail collaboratif, dont la construction itérative des logiciels libres ou d'encyclopédies en ligne est un bon exemple. J'ai lu que certaines entreprises, quand elles rencontrent un obstacle technologique dans leur process, n'hésitent pas à dépasser leur R&D interne et à externaliser le problème, lançant des concours mondiaux ouverts (auprès d'ingénieurs spécialisés dans la branche concernée) pour résoudre le problème en question.
    Tout à fait ...

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    C'est un peu le débat (biologique) entre saltationnisme et gradualisme, appliqué à la société humaine. Mon impression est qu'il y a eu un "saut" décisif dans la seconde moitié du XIXe siècle, puis énormément d'optimisation graduelle à partir de ce saut (ce que dit Geb dans une autre formulation). Il y a eu d'autres sauts depuis, mais moins concentrés et de moindre envergure en changement des modes de vie, pour l'impression que j'en ai. Les technologies de l'information me paraissent une sorte de "gradualisme généralisé" : en construisant des réseaux de compétence et d'expertise partout, elles accélèrent les petites améliorations possibles. Mais créent-elles pour autant des "sauts" qualitatifs dans les connaissances et les transformations possibles à partir de ces connaissances ?
    Les technologies de l'information et leurs applications actuelles tiennent plus de la "révolution" que du "graduel". Je me souviens vers 1996-97 de cadres dirigeants d'énormes entreprises affirmant haut et fort qu'"Internet n'avait aucun avenir" et "qu'il ne fallait surtout pas s'en servir" ... Ces gens ont fait tout ce qu'ils ont pu pour empêcher Internet de se développer - et ils ont obtenu le succès que l'on sait. En fait, Internet a surtout été très corrosif - ça a même été une vraie catastrophe - pour les organisations ou les gens qui basaient leur pouvoir sur la rétention d'information.

    L'utilisation des réseaux s'est malgré eux développée concrètement à une vitesse ahurissante, en moins d'une dizaine d'années. Et on est encore loin du "bout" des évolutions qu'ils vont encore générer (au moins à mon avis).

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  21. #20
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Re-,

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Depuis la période que tu cibles (1850-1914), on a eu droit aux applications de la physique quantique et de la relativité restreinte et générale. En matière d'applications technologiques, on observe que la densité énergétique est très importante.
    Oui.

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    En matière de véhicules, il est possible, mais pas souhaitable, de mettre au point des véhicules utilisant la fission nucléaire. Il y a plein d'applications technologiques qui aurait été révolutionnée si on avait remplacer les moteurs à combustion par les moteurs nucléaires. C'était une application potentielle de la révolution quantique qui a été abandonné pour les raisons que l'on connaît.
    Il existe quelques véhicules qui fonctionnent à l'énergie nucléaire : porte-avions, sous-marins, brisse-glaces. Et aussi quelques satellites et sondes si mes souvenirs sont bons. Tout cela "marche" ma foi très bien. En son temps, le paquebot "France" avait même été conçu pour rmbarquer une chaufferie "atomique" dans un second temps.

    Par contre, je vois mal - en l'état actuel - une "automobile atomique" ?

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Si on parvenait à miniaturiser des réacteurs à fusion nucléaire aneutronique, ce serait une sorte de revanche tardive de la révolution quantique. Il y a des projets en ce sens qui sont théoriquement faisable, mais pas techniquement au point : le Polywell (de 100 à 10000 MWe), et la fusion focus (5 MWth). Cela ne demanderait pas une nouvelle physique.
    Si j'ai bien compris tes posts sur ce sujet, c'est surtout de la R&D appliquée, mais "à gogo" !

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Est-ce qu'une théorie du Tout permettrait d'atteindre une densité énergétique plus importante encore ? Impossible de le dire à l'heure actuelle.
    Personnellement, je pense plutôt à des percées majeures dans le domaine des nanotechnologies, débouchant sur des matériaux hyper-résistants par exemple. Ou encore à une compréhension beaucoup plus fine de la biologie, entraînant des évolutions très importantes.

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  22. #21
    invite5321ebfe

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Sur la source d'énergie électrique proprement dite, non, mais sur à peu près tout le reste ... Les véhicules électriques de demain ne seront sans doute plus que très partiellement en acier, et bourrés d'électronique ... Les véhicules actuels thermiques sont déjà des engins infiniment plus complexes que les voitures d'il y a 40 ans. Pratiquement aucune pièce n'est plus comparable.
    Quelques exemples : l'anticorrosion des caisses, le multiplexage des faisceaux électriques, le contrôle électronique du moteur, la sécurité passive, la sécurité active, ... Tout cela ne fait peut-être pas appel à la MQ ou à la RG (encore que, en cherchant bien du côté des peintures ou des diodes ...) mais représente une gigantesque plus-value de savoir-faire qui "change la vie" du conducteur.
    Un petit tour au volant d'un véhicule des années 60 devrait en convaincre tout le monde. Pour le fun, je vous recommande une Ford Mustang 1966, et pour l'épate une Oldsmobile Toronado 1965 si mes souvenirs sont bons : hyper-spectaculaire ... Ou plus prosaïquement, mais bien de chez nous une "traction 15-six" hydropneumatique 1954 ...
    C'est vrai, mais cela rentre dans le cadre de ce que je nommais l'optimisation graduelle, on n'a eu de cesse depuis un siècle d'améliorer les points principaux pour l'usager final : sécurité, confort, vitesse et consommation. C'est très bien, et cela fait appel à beaucoup de progrès partiels ("information embarquée" comme tu le décrivais dans une autre discussion) mais ce n'est pas de même nature que la transition de la charrette à la voiture.

    Hum ! On fait mieux que s'échiner. Potentiellement, un véhicule électrique est BEAUCOUP plus agréable à conduire qu'un véhicule thermique. Il est hyper-nerveux, sa tenue de route est imbattable (application instantanée d'un couple ad hoc à chaque roue indépendamment), il est silencieux et exempt de vibrations. En outre, ce qui ne gâte rien, l'entretien est très simplifié.
    Enfin, la conduite devient "facile" à automatiser, compte tenu de l'informatique embarquée : plus d'embouteillages, plus d'accidents ...
    Et tout cela est "à la porte de la fabrication de série", même si plusieurs solutions sont en concurrence. Voir les actuels véhicules proto ou concept-car BMW ou Mercédès (comme d'habitude, les innovations comencent à s'appliquer sur les véhicules très haut de gamme).
    A te lire, je me demande pourquoi on ne roule pas électrique depuis deux décennies Je rigole, mais blague à part, tout ce que tu décris (comme l'évidence des limites pétrolières) fait que je n'ai pas grand doute sur l'électrification future du transport individuel, quand la question du stockage sera réglée ou à tout le moins améliorée. Ce point n'étant pas une mince affaire.

  23. #22
    invite5321ebfe

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Personnellement, je pense plutôt à des percées majeures dans le domaine des nanotechnologies, débouchant sur des matériaux hyper-résistants par exemple. Ou encore à une compréhension beaucoup plus fine de la biologie, entraînant des évolutions très importantes.
    Le vivant est un domaine où je perçois des changements plus manifestes, mais il faudrait sans doute que des biologistes donnent leur avis. Les théories cellulaires, chromosomiques et génétiques sont anciennes, mais le craquage du code ADN, puis la possibilité de manipuler à cette échelle moléculaire (enzyme de restriction, duplication, lignée clonale, etc.), cela représente un changement potentiel (et déjà réel avec les OGM) dans le rapport de l'homme au vivant. On passe d'une très longue époque où l'homme modifie la vie par des traits d'intérêt dans son apparence (phénotype) à une autre toute récente où il la modifie directement par ses mécanismes internes (génome, épigénome, protéome et tous les "omes"), franchissant du même coup les frontières d'espèces ou de genre (puisque le nouveau langage mis à jour est commun à tout le vivant). C'est assez caractéristique d'un "saut" tel que je l'entends, on sent qu'il y a des possibilités gigantesques dans de nombreux domaines, médecine, procréation, agronomie, énergie, matériaux, etc.

    Il est vrai bien sûr (pour répondre à Geb) que la physique atomique et quantique a aussi produit des applications, du laser au transistor en passant par le nucléaire, même si j'ai tendance à en inclure une partie de la paternité dans ma période de référence (les premiers travaux de Planck, Einstein, Bohr, Rutherford, Curie, etc. sont antérieurs à 1914 et ils n'auraient pas été totalement surpris par les développements subséquents, alors qu'un savant du XVIIIe pour qui la théorie de la combustion par oxygène commençait à peine à remplacer la phlogistique aurait probablement été épaté par la portée et la précision de la table de Mendeleïev).

  24. #23
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Re-,

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    C'est vrai, mais cela rentre dans le cadre de ce que je nommais l'optimisation graduelle, on n'a eu de cesse depuis un siècle d'améliorer les points principaux pour l'usager final : sécurité, confort, vitesse et consommation. C'est très bien, et cela fait appel à beaucoup de progrès partiels ("information embarquée" comme tu le décrivais dans une autre discussion) mais ce n'est pas de même nature que la transition de la charrette à la voiture.
    Je pense que tu as raison sur le plan du service rendu. Par contre, au nuveau de la définition du produit et de son processus de fabrication, l'échelle est différente. Je m'explique :
    - On peut "bricoler" un moteur à pistons et une caisse d'automobile quasiment sans outillage entre 1900 et 1910. On peut toujours le faire dans les années 20, en formant les tôles au marteau. Dans ce contexte, on travaille par essais-erreurs pour avancer.
    - Un véhicule actuel est inaccessible pour ce processus de conception / fabrication. Il ne peut être réalisé qe dans plusieurs usines à fort potentiel technologique.
    Là, il y a un vrai "gap" : pas dans le service perçu par le consommateur, qui a effectivement évolué "graduellement", mais dans la conception / fabrication : on a en fait changé de monde.

    Evidemment, cela se traduit aussi par le l'info : Sciences de l'Ingénieur pour le savoir-faire, plans et descriptions Bureau d'études, gammes et outillages Bureau des Méthodes, mais aussi ingéniérie pour réaliser l'usine-robot, etc.

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    A te lire, je me demande pourquoi on ne roule pas électrique depuis deux décennies Je rigole, mais blague à part, tout ce que tu décris (comme l'évidence des limites pétrolières) fait que je n'ai pas grand doute sur l'électrification future du transport individuel, quand la question du stockage sera réglée ou à tout le moins améliorée. Ce point n'étant pas une mince affaire.
    Faute de R & D et d'outils de production ! ... Le moteur thermique est de loin le plus facile à "bricoler" pour en tirer de la puissance. Regarde simplement un moteur de Vélosolex : ça propulse un deux-roues, et c'est d'une simplicité bluffante. Pour réaliser un scooter électrique qui fonctionne, bonjour les dégâts !

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  25. #24
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Re-

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Le vivant est un domaine où je perçois des changements plus manifestes, mais il faudrait sans doute que des biologistes donnent leur avis. Les théories cellulaires, chromosomiques et génétiques sont anciennes, mais le craquage du code ADN, puis la possibilité de manipuler à cette échelle moléculaire (enzyme de restriction, duplication, lignée clonale, etc.), cela représente un changement potentiel (et déjà réel avec les OGM) dans le rapport de l'homme au vivant. On passe d'une très longue époque où l'homme modifie la vie par des traits d'intérêt dans son apparence (phénotype) à une autre toute récente où il la modifie directement par ses mécanismes internes (génome, épigénome, protéome et tous les "omes"), franchissant du même coup les frontières d'espèces ou de genre (puisque le nouveau langage mis à jour est commun à tout le vivant). C'est assez caractéristique d'un "saut" tel que je l'entends, on sent qu'il y a des possibilités gigantesques dans de nombreux domaines, médecine, procréation, agronomie, énergie, matériaux, etc.
    Oui, c'est bien un "saut" tel que tu le définis, visible par le client final. Quand on saura faire repousser les cheveux des chauves (ou les empêcher de tomber), ça "changera la vie" de millions de gens, brutalement ...

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Il est vrai bien sûr (pour répondre à Geb) que la physique atomique et quantique a aussi produit des applications, du laser au transistor en passant par le nucléaire, même si j'ai tendance à en inclure une partie de la paternité dans ma période de référence (les premiers travaux de Planck, Einstein, Bohr, Rutherford, Curie, etc. sont antérieurs à 1914 et ils n'auraient pas été totalement surpris par les développements subséquents, alors qu'un savant du XVIIIe pour qui la théorie de la combustion par oxygène commençait à peine à remplacer la phlogistique aurait probablement été épaté par la portée et la précision de la table de Mendeleïev).
    Je crois cependant que l'on est encore loin d'avoir tiré la "substantifique moëlle" de la physique nucléaire et de la MQ en termes d'applications industrielles. En fait, ça commence à peine. Alors qu'on a bien exploité la physique et la chimie précédentes.
    Le monde des matériaux - en Sciences de l'Ingénieur - me semble très porteur dans ce domaine.

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  26. #25
    WizardOfLinn

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Faites donc une recherche sur "AB matter" et "femtotechnology"...
    http://ascelibrary.org/aso/resource/...sAuthorized=no
    Manipuler de nouveaux assemblages de nucléons, et pas seulement de "vulgaires" atomes radioactifs.
    Inutile de dire que si ce genre de chose existe un jour, ça ouvre quelques possibilités.

  27. #26
    Geb

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par WizardOfLinn Voir le message
    Faites donc une recherche sur "AB matter" et "femtotechnology"...
    Ce professeur Bolokin nous dit simplement que ce serait cool si on avait une matière qui ressemble un peu au "neutronium" des étoiles à neutrons mais stable à température et à pression ambiante sur la planète Terre. Il appelle ça la "matière AB". Sauf que le neutronium à température ambiante, ça n'est pas possible, même théoriquement. Ce matériau serait théoriquement le plus résistant aux contraintes mécaniques et thermiques que la physique des particules puisse imaginer. Sauf qu'il n'est pas stable à température et pression ambiantes, même en théorie.

    Il ne propose même pas de moyen de le synthétiser, et encore moins d'en assurer la stabilité dans des conditions terrestres de température et de pression. Ou alors, il faut vraiment que l'on m'explique... En outre, ce qu'il ne dit pas, c'est qu'un centimètre cube de neutronium pèse théoriquement 100 millions à 1milliard de tonnes. Pas génial pour des applications, a fortiori en matière de transports spatiaux et/ou aériens.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 13/01/2012 à 14h39.

  28. #27
    invite5321ebfe

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par WizardOfLinn Voir le message
    Inutile de dire que si ce genre de chose existe un jour, ça ouvre quelques possibilités.
    Je ne doute pas qu'avec des raisonnements conditionnels, nos avancées dans la compréhension du réel peuvent produire des technologies et donc des civilisations tout à fait différentes de la nôtre. Et c'est vrai aussi pour les deux films intéressants de Geb (merci des liens) sur la fusion. Peut-être que cela fonctionnera et changera notre destinée, peut-être pas... Mais mon propos concernait plus modestement les changements que l'on observe empiriquement dans nos sociétés, avec environ 200 ans de recul depuis l'entrée dans l'industrialisation.

    Les exemples qu'a donné Jean sur la voiture suggèrent sur ce cas particulier que le rythme d'innovation technologique a continué de façon soutenue, mais qu'il est moins visible, car nous n'avons plus une innovation industrielle appliquée à un monde paysan, mais une innovation industrielle appliquée à un monde industriel, où ce sont les process de conception et fabrication qui évoluent au point de devenir différents au bout de quelques générations. Le résultat ne change pas fondamentalement (on produit toujours une voiture à moteur thermique dans cet exemple), les procédés si, de même que l'efficience du service rendu.

    Quant aux trois grands domaines ayant changé des éléments importants dans la société par rapport à ce qui était déjà conçu / produit dans la période de référence 1850-1914, ce serait d'après les premiers échanges la physique atomique et quantique (électricité et propulsion nucléaire, laser, transistor, etc.), l'informatique (toutes les TIC dans la science, l'administration, l'entreprise et la vie des particuliers), la biomédecine et la biotechnologie (de l'antibiotique aux OGM médicaux et végétaux). On doit pouvoir y ajouter encore des choses, je pense pour prendre un exemple à la mise au point des turboréacteurs (moteurs à réaction), postérieure à 14-18, ayant permis le développement de l'aviation civile et le très rapide "rétrécissement du monde" depuis deux générations.

  29. #28
    Geb

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    si (ce qui reste à débattre) il y a effectivement un certain ralentissement du transfert technologique depuis la science, par rapport au rythme 1850-1914, est-ce que cela tient à des raisons purement physiques (on a découvert le gros de ce qu'il y avait à découvrir sur l'organisation de l'espace-temps et de la matière-énergie, donc c'est normal que l'on ait exploité le gros de ce qu'il y avait à exploiter) ou à des raisons d'organisation du travail des chercheurs et ingénieurs (en augmentant la masse critique des chercheurs-ingénieurs et surtout la densité des réseaux d'information entre eux, on peut voir émerger des choses nouvelles aux frontières de la chime, de la physique, de la biologie...).
    Oui il y a un certain ralentissement du transfert technologique depuis la science par rapport à ta période de référence et oui c'est parce qu'on a découvert le gros de ce qu'il y avait à découvrir sur l'organisation de l'espace-temps et de la matière-énergie.

    Ce qui nous attend c'est une optimisation marginale et un saut quantitatif, plus qualitatif. Les lois de la physique ont des bornes aujourd'hui mieux définie que jamais.

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Le cas serait différent si Renault ou BMW annonçait demain un véhicule à "pile quantique" et dévoilait au monde émerveillé que l'exploitation de certaines propriétés nouvellement connues des particules élémentaires avait permis de produire ou stocker assez simplement une énergie abondante et dense. Une telle chose serait bien sûr perçue comme une invention réelle, un bond en avant qualitatif et certainement un nouvel âge industriel de la mobilité. Mais je ne trouve pas que nous prenions cette voie pour le moment, on s'échine surtout à remplacer péniblement et coûteusement les propriétés si remarquables du pétrole et de ses dérivés... Cela dit, l'avenir est ouvert et ma "pile quantique" verra peut-être le jour!
    C'est l'exemple que je voulais donner avec la pile atomique, qui n'a jamais été intégré dans les véhicules comme les voitures ou les avions. Ce sera peut-être le cas bientôt (20 à 30 ans) avec le procédé de focus fusion et dans une moindre mesure (dispositif plus grand à la base, donc plus difficilement miniaturisable), avec le procédé Polywell.

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Mon impression est qu'il y a eu un "saut" décisif dans la seconde moitié du XIXe siècle, puis énormément d'optimisation graduelle à partir de ce saut (ce que dit Geb dans une autre formulation). Il y a eu d'autres sauts depuis, mais moins concentrés et de moindre envergure en changement des modes de vie, pour l'impression que j'en ai.
    À propos de l'évolution de la technique, tu devrais peut-être regarder les conférences de Kevin Kelly :

    Kevin Kelly on how technology evolves

    Kevin Kelly tells technology's epic story

    Il y a un sous-titrage en français et un transcript dans la fenêtre de droite.

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Il existe quelques véhicules qui fonctionnent à l'énergie nucléaire : porte-avions, sous-marins, brisse-glaces. Et aussi quelques satellites et sondes si mes souvenirs sont bons. Tout cela "marche" ma foi très bien. En son temps, le paquebot "France" avait même été conçu pour rmbarquer une chaufferie "atomique" dans un second temps.

    Par contre, je vois mal - en l'état actuel - une "automobile atomique" ?
    Dans l'état actuel de la technologie, même un moteur diesel est plus performant qu'un moteur atomique. Par exemple, un moteur common rail Fiat 1.3 16v de 130 kg produit 77,28 kW (105 ch DIN), soit 0,6 kW/kg. Il n'existe aucun moteur nucléaire capable d'en faire autant. Seuls des concepts avancés comme les réacteurs à fission à cœur gazeux (jusqu'à 2,7 kW/kg) auraient pu, s'ils avaient été développé, se révéler plus performants que les moteurs à combustion interne. Ils se sont arrêtés au stade de l'étude papier. Le problème de la miniaturisation demeure. En revanche, même si le procédé Polywell est plus difficilement miniaturisable, le premier prototype fusion focus qui produirait de l'énergie de façon nette devrait tenir dans un garage, ou dans le volume d'une voiture. Il serait donc plus facilement miniaturisable à la taille d'un moteur, d'environ 5 MWth dans les décennies qui suivraient. Une densité d'énergie de plusieurs centaines de fois les moteurs thermiques classiques, théoriquement possible avec le Polywell et la fusion focus, mais pas les tokamaks comme ITER (plus de 23000 tonnes pour seulement 500 MWth et à la hausse pour une production continue d'énergie).

    Citation Envoyé par Jean-GUERIN Voir le message
    Si j'ai bien compris tes posts sur ce sujet, c'est surtout de la R&D appliquée, mais "à gogo" !
    Je ne comprend pas le sens de l'expression "à gogo" dans ce contexte. Pourrais-tu clarifier stp ?

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Il est vrai bien sûr (pour répondre à Geb) que la physique atomique et quantique a aussi produit des applications, du laser au transistor en passant par le nucléaire, même si j'ai tendance à en inclure une partie de la paternité dans ma période de référence (les premiers travaux de Planck, Einstein, Bohr, Rutherford, Curie, etc. sont antérieurs à 1914 et ils n'auraient pas été totalement surpris par les développements subséquents, alors qu'un savant du XVIIIe pour qui la théorie de la combustion par oxygène commençait à peine à remplacer la phlogistique aurait probablement été épaté par la portée et la précision de la table de Mendeleïev).
    Si je me souviens bien, la physique classique indique que pour casser un noyau atomique comme le lithium, il faut une particule avec une énergie collisionnelle de 10 MeV, alors qu'en physique quantique, grâce à l'effet tunnel théorisé par le russe George Gamow en 1928 (après 1914), cette énergie théorique est en fait de moins de 300 keV (estimation de Gamow à l'époque, de mémoire) pour la même réaction.

    Donc, même si les rayonnements alpha, bêta et gamma sont connus depuis les dernières années du XIXe siècle, l'énergie nucléaire est véritablement une invention post-1914.

    L'exemple de la physique des particules est aussi significatif dans le sens que les plus grandes percées théoriques jusque dans les années 1930 pouvaient être réalisées par un scientifique seul, avec un dispositif qu'il avait fabriqué intégralement lui-même et dont le financement pouvait être assuré par un petit laboratoire avec un budget dérisoire. Que l'on songe simplement à la vie d'Ernest Rutherford...

    On a pas fait de découvertes révolutionnaires en physique depuis les théorie de relativité et la physique quantique. Peut-être simplement que la Big Science (sans aucun caractère péjoratif) a pris le dessus sur l'époque des grandes découvertes effectuées personnellement.

    Cordialement.

  30. #29
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Bonsoir Skept, Bonsoir à toutes et à tous,

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Les exemples qu'a donné Jean sur la voiture suggèrent sur ce cas particulier que le rythme d'innovation technologique a continué de façon soutenue, mais qu'il est moins visible, car nous n'avons plus une innovation industrielle appliquée à un monde paysan, mais une innovation industrielle appliquée à un monde industriel, où ce sont les process de conception et fabrication qui évoluent au point de devenir différents au bout de quelques générations. Le résultat ne change pas fondamentalement (on produit toujours une voiture à moteur thermique dans cet exemple), les procédés si, de même que l'efficience du service rendu.

    On peut en trouver beaucoup d’autres. Prenons l’exemple des colles. Dans les années 80, les baguettes de flanc des automobiles étaient collées sur les véhicules bas de gamme : elles se décollaient. Sur les hauts de gamme, on les agrafait à grands frais : agrafes traversant la caisse, ou chevilles soudées sur la caisse – dites « clous Warren » - sur lesquelles on fixait des agrafes plastiques. Depuis, les colles ont fait de gigantesques progrès (et on est bien dans de la chimie au niveau moléculaire). De nos jours, toutes les baguettes sont collées (sauf erreur) et quasi-impossibles à arracher. Les progrès des colles s’appliquent dans tous les secteurs industriels.

    En règle générale, c’est vrai de tous les matériaux et procédés de fabrication, qui sont par ailleurs la « mamelle » des produits « NTIC » (voir par exemple les « fondeurs » de microprocesseurs, ou les fabricants des dalles d’écrans …).

    Citation Envoyé par skept Voir le message
    Quant aux trois grands domaines ayant changé des éléments importants dans la société par rapport à ce qui était déjà conçu / produit dans la période de référence 1850-1914, ce serait d'après les premiers échanges la physique atomique et quantique (électricité et propulsion nucléaire, laser, transistor, etc.), l'informatique (toutes les TIC dans la science, l'administration, l'entreprise et la vie des particuliers), la biomédecine et la biotechnologie (de l'antibiotique aux OGM médicaux et végétaux). On doit pouvoir y ajouter encore des choses, je pense pour prendre un exemple à la mise au point des turboréacteurs (moteurs à réaction), postérieure à 14-18, ayant permis le développement de l'aviation civile et le très rapide "rétrécissement du monde" depuis deux générations.
    Du point de vue technologique, les turboréacteurs ne sont jamais qu’une race nouvelle de turbo-machines (turbines à vapeur du XIXe siècle). D’ailleurs, détail amusant si mes souvenirs sont bons, les « Mirage » ont longtemps été propulsés par des réacteurs SNECMA « Atar », qui n’étaient que des dérivés – certes très améliorés – des turbines Jumo qui équipaient les Messerschmidt 262 de 1943-45. La nouvelle génération est arrivée, dans les années 80 avec les moteurs « M 88 ».

    Tout cela pour dire que les « nouvelles générations » de turboréacteurs sont rares, mais les développements d’une série ont beaucoup d’« allonge temporelle ». C’est vrai de tous les produits industriels un peu « lourds » : moteurs, turbomachines, boîtes de vitesses … Ce qui n’empêche pas les procédés de fabrication de changer. Par exemple, aujourd’hui, une culasse de moteur thermique (pièce « horrible »), s’usine entièrement sur une chaîne de machines-outils intégrée automatique. Il faut dire aussi que la fonderie de la susdite pièce a fait d’énormes progrès – en particulier de précision géométrique, ce qui permet de réduire largement l’usinage (le volume des copeaux) depuis que l’on tassait le sable au marteau pneumatique dans les châssis …

    Mais c’est vrai que les turboréacteurs « changent la vie » : on traverse l’Atlantique d’un coup d’aile, même si cela ne plaît pas aux habitants des … Açores (l’étape des « Super-Constellation » antérieurs) !

    Amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

  31. #30
    Jean-GUERIN

    Re : Notre créativité technologique moderne est-elle décroissante?

    Re-,

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Je ne comprend pas le sens de l'expression "à gogo" dans ce contexte. Pourrais-tu clarifier stp ?
    Tu as raison ... Je voulais dire que la quantité de R&D nécessaire pour développer "Polywell" ou "Focus fusion" est d'après ce que je perçois de tes posts beaucoup plus importante que pour un projet industriel "classique" même très important (genre Apollo, programme électronucléaire français, etc.). Je n'ai pas vraiment idée des ordres de grandeur, mais par exemple développer une autombile complète (caisse, moteur, boîte, liaisons au sol ...) fait à peu près 5 000 années-hommes de R&D si mes souvenirs sont bons.

    A mon sens, Polywell ou Focus fusion sont de plusieurs ordres de grandeur supérieurs.

    Voili, voilou, amitiés,

    Jean
    Γνῶθι σεαυτόν

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