Bonjour,
La discussion sur la téléportation quantique ayant dérivé sur le théorème de Bell et les écrits d'E.T.Jaynes à ce sujet, je propose de poursuivre ici ce dernier sujet.
Rappels des échanges :
L'article d'E.T.Jaynes : http://bayes.wustl.edu/etj/articles/cmystery.pdf
Ce n'est pas aussi simple. En mécanique quantique, nous ne somme absolument pas dans la situation confortable d'un monde réel dont nous nous efforçons de construire des représentations qui sont approximatives. Selon ce point de vue apparemment très sage, il existera toujours un écart entre le modèle et la réalité. Mais rien n'empêche a priori de réduire cet écart par nos efforts et par la construction d'un modèle un peu plus précis, pour obtenir un autre modèle, toujours différent de la réalité.
En mécanique quantique, dans l'interprétation de Copenhague, plus ou moins suivie par Rovelli et Jaynes, il faut bien comprendre que cette opération est interdite. C'est une interprétation qui implique l'existence d'un écart irréductible entre le modèle et la réalité, c'est-à-dire qu'il n'est pas possible de réduire à un écart plus petit en utilisant un autre modèle : "la fonction d'onde contient toute l'information qu'il est possible d'obtenir sur un système".
En termes plus précis, pour raisonner sur des faits expérimentaux, la violation des inégalités de Bell réfute l'existence de variables cachées locales.
Ce que prétend Jaynes, c'est que la communauté scientifique en a déduit qu'il existait forcément des variables cachées non locales. Il (*) n'emploie pas ce terme, mais c'est clairement ce qu'il ressort de son article.
Il démontre ensuite, en analysant le théorème de Bell que cette affirmation n'est pas du tout impliquée par la violation des inégalités. Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes : les paradoxes sont évités.
Ce qu'il ne dit pas, c'est que si on n'accepte pas les variables cachées non locales, alors la seule alternative restante est l'absence de variables cachées, c'est-à-dire que le hasard quantique n'est pas, justement, un hasard probabiliste, mais un hasard ontologique.
Pour le dire plus clairement, la valeur prise par les résultats de mesure n'a pas de cause. L'évènement "j'obtiens le résultat -hbar/2" est une information issue du néant. Evacuer le problème de la non localité einsteinienne se fait au prix de l'introduction "d'effets qui n'ont pas de cause" dans notre modèle.
Le paradoxe EPR constitue bien un paradoxe philosophique. On ne peut résoudre l'un de ses côté paradoxaux qu'en en introduisant un autre.
Il existe une troisième voie peu développée publiée par Mark Rubin : dans les mondes multiples d'Everett, on peut donner une interprétation locale et déterministe du paradoxe EPR. Le prix à payer : les univers parallèles doivent nécessairement exister physiquement, et non plus seulement au niveau interprétatif.
(*) J'ignore si E T Jaynes est un homme ou une femme.Oui, je suis d'accord.
Vis-à-vis de la localité einsteinienne, il n'est pas grave de mélanger évènements et informations, car ni matière ni information ne peuvent dépasser la vitesse de la lumière. Et on parle bien de non-localité einsteinienne, le théorème de Bell se s'occupant absolument pas de la non localité quantique.
Mais je reconnais que du point de vue de la causalité, on peut distinguer "causer un évènement" et "causer une information". Pour moi, cela ne change rien au problème car à toutes informations I et J distinctes, on peut associer les évènements distincts "on obtient l'information I" et "on obtient l'information J".
Mieux, on peut, comme avec le chat de schrödinger, conditionner le déclenchement ou non d'un évènement à l'information obtenue : je déclenche l'envoi d'un signal si je reçois l'information I, et je ne le déclenche pas si je reçois l'information J.
Ainsi, le choix de l'information I ou J n'ayant pas de cause, l'émission ou non de mon signal n'aura pas de cause.La théorie quantique est une théorie probabiliste. Comme Laplace l'a expliqué, une théorie probabiliste n'est pas indéterministe. En effet, l'indéterministe accepte les effets sans cause, ce qui est contraire au credo de tout physicien qui se respecte (littéralement).
Quand on dit que la cause de tel effet est le hasard, c'est que la cause est inconnue et inconnaissable. Mais le hasard n'est pas l'absence de cause. Conclure de mon incapacité à déterminer précisément la cause à son inexistence est une attitude inqualifiable.
1) Bell faisait partie des théoriciens qui n'avaient jamais accepté le caractère probabiliste de la théorie de Copenhague.
2) Son théorème pue le fréquentisme à plein nez.Si tu penses que Jaynes suit l'interprétation de Copenhague, tu devrais relire son papier. Tu ne l'as pas compris.Envoyé par Pio2001Ce n'est pas aussi simple. En mécanique quantique, nous ne somme absolument pas dans la situation confortable d'un monde réel dont nous nous efforçons de construire des représentations qui sont approximatives. Selon ce point de vue apparemment très sage, il existera toujours un écart entre le modèle et la réalité. Mais rien n'empêche a priori de réduire cet écart par nos efforts et par la construction d'un modèle un peu plus précis, pour obtenir un autre modèle, toujours différent de la réalité.
En mécanique quantique, dans l'interprétation de Copenhague, plus ou moins suivie par Rovelli et Jaynes
Non. La physique quantique ne parle pas de ce qu'on pourrait obtenir en utilisant d'autre modèles, avec d'autres paradigmes. Par contre, elle pose des limites au modèles basés sur les mêmes concepts qu'elles.Envoyé par Pio2001il faut bien comprendre que cette opération est interdite. C'est une interprétation qui implique l'existence d'un écart irréductible entre le modèle et la réalité, c'est-à-dire qu'il n'est pas possible de réduire à un écart plus petit en utilisant un autre modèle : "la fonction d'onde contient toute l'information qu'il est possible d'obtenir sur un système".
Non, c'est pas ça qu'il dit. C'est plus près du contraire.Envoyé par Pio2001En termes plus précis, pour raisonner sur des faits expérimentaux, la violation des inégalités de Bell réfute l'existence de variables cachées locales.
Ce que prétend Jaynes, c'est que la communauté scientifique en a déduit qu'il existait forcément des variables cachées non locales.
Une question que je me pose : est ce que tu comprends que l'interprétation de Copenhague (la position de Bohr, en tout cas), c'est : " It is wrong to think that the task of physics is to find out how nature is. Physics concerns what we can say about nature..."Envoyé par Pio2001Ce qu'il ne dit pas, c'est que si on n'accepte pas les variables cachées non locales, alors la seule alternative restante est l'absence de variables cachées, c'est-à-dire que le hasard quantique n'est pas, justement, un hasard probabiliste, mais un hasard ontologique.
L'interprétation de Copenhague ne consiste pas à dire que le hasard existe réellement. Elle consiste à dire que les théories scientifiques (toutes, pas seulement la physique quantique) servent à décrire et échanger des connaissances sur les expérience qu'on peut faire. Pas à décider si telle ou telle chose existe réellement. Les éléments des théories scientifiques ne sont pas des éléments de la réalité, parce que les théories ne sont pas la réalité.
En conséquence, tout ce qu'on peut demander à une théorie, c'est d'être en accord avec les faits. Si c'est le cas, qu'elle ne soit pas en accord avec telle ou telle idée préconçues sur la réalité (comme "tout à une cause" ou "le principe de localité s'applique à tout et partout") ne doit pas être retenue contre elle. Au lieu de ça, il vaut mieux remettre en question le bien fondé des idées préconçues. Sur la causalité, par exemple, on peut ire Hume. Ou alors juste regarder la définition d'un principe en physique. Histoire de constater que ça n'a rien d'une loi immuable et formellement prouvée.
Le prix à payer est totalement nul, puisqu'en dehors de fournir une interprétation, leur existence ou leur inexistence ne change strictement rien. L'interprétation d'Everett dis qu'il existe de multiple univers, et que mon expérience se limite à un seul d'entre eux. C'est tout à fait compatible avec mon expérience. Il faudrait donc que je sois diablement dogmatique pour déduire que c'est faux.Envoyé par Pio2001Le prix à payer : les univers parallèles doivent nécessairement exister physiquement, et non plus seulement au niveau interprétatif.
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