De l'utilité pratique des simulations
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De l'utilité pratique des simulations



  1. #1
    Archi3

    De l'utilité pratique des simulations


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    Bonjour

    le point de départ de cette réflexion (qui est venu "cristalliser" des réflexions déjà anciennes ) est la lecture des propos du président de la République qui a justifié son action (ou son inaction) de janvier de la façon suivante :

    https://www.francetvinfo.fr/sante/ma...s_4351033.html

    "L'unanimité scientifique n'a jamais été au rendez-vous (...). Certains nous disaient : ’En février vous allez prendre le mur.’ On ne s'est pas pris le mur (...). On a pris des mesures proportionnées à la situation"
    il ne s'agit pas de lancer une discussion politique et de polémiquer sur le bien fondé de ces propos, simplement de les prendre comme un fait et de s'interroger sur ces qu'ils disent de l'impact sociétal de produire des simulations scientifiques d'un problème complexe.

    Par problème complexe, j'entends un problème multifactoriel dont on ignore les mécanismes exacts, ou quand on les connaît, la valeur des paramètres pertinents, ce qui fait que toutes les simulations, quelle que soit leur complexité, entrainent une barre d'erreur importante. Un exemple concret est donc donné par les prévisions de l'évolution de l'épidémie, un autre est celui par exemple des prévisions climatiques, les deux ayant le point commun d'avoir un fort impact dans la société et de motiver des décisions politiques. Il est courant d'entendre qu'améliorer les simulations va aider la prise de décision, mais la question que je pose ("sans tabou" comme on dit) est : est ce que c'est vraiment le cas ? est ce que la décision est VRAIMENT aidée (ou même influencée) par la complexité des simulations qu'on peut faire ?

    L'examen des différentes simulations fait apparaitre plusieurs niveaux de complexité possible, qui requièrent toutes un minimum de compétence scientifique (par exemple savoir ce qu'est un logarithme ou une exponentielle) mais à des niveaux très différents

    * il y a des estimations "basiques", analytiques, qui peuvent être faites à la main ou au pire à la calculette, qui cherchent à extraire l'essentiel de l'information et à le ramener à un très petit nombre de paramètres. Il n'y a donc pas d'études détaillée, et la valeur des paramètre est simplement étalonnée sur la réalité observée. C'est à peu près ce qu'on appelle les "estimations à la Fermi", grand amateur de ce genre d'estimation (par exemple il a pu évaluer assez correctement la puissance d'une explosion nucléaire en observant la distance à laquelle le souffle avait entrainé des petits morceaux de papier qu'il avait jeté en l'air) https://fr.wikipedia.org/wiki/Estimation_de_Fermi

    Pour une épidémie, ce sera typiquement une extrapolation exponentielle à taux constant (le taux étant évalué par le temps de doublement observé ). Pour le climat, on fait une estimation de la sensibilité climatique à partir des données déjà connues et on paramétrise la prédiction en fonction du cumul attendu des émissions.

    * il y a un niveau intermédiaire de modèles "simples" (pour quelqu'un ayant quand même une formation scientifique), où on met des choses plus compliquées, par exemple des équations différentielles couplées qu'on résout pas à pas. Ca peut se faire par un tableur Excel programmé ou un petit programme simple, ça demande typiquement quelques heures ou quelques jours de travail pour une personne ayant l'habitude de ça : typiquement un modèle SEIR pour une épidémie , ou un modèle "climatique simple" où on essaiera de décrire les échanges avec l'océan par exemple de manière simplifiée. La description est meilleure, mais on a aussi besoin de paramètres supplémentaires (en général inconnus et qu'on doit fixer plus ou moins arbitrairement). On commence à rentrer dans le problème du "jeu de paramètres", et on va jouer avec différentes valeurs pour voir ce que ça donne.

    C'est le genre de démarche qu'on verra régulièrement postée sur des forums comme celui ci ou des sites web perso : en effet ça demande un public "averti" pour s'y intéresser, mais ce n'est pas assez "professionnel" pour etre publiable. (pas de jugement péjoratifs la dedans, c'est simplement une description sociologique de la praxis habituelle)

    * enfin le niveau professionnel où là on entre dans la simulation "lourde", le but étant d'intégrer le maximum de paramètres possibles compatible avec les capacités de simulations professionnelles, qui peuvent être grandes. On entre là dans la démarche scientifique, avec du travail d'équipe, des thèses, des financements, des méthodes numériques élaborées, des publications scientifiques.

    Toutes ces démarches appliquées à un problème complexe ont un point commun : elles ne peuvent être mises en oeuvre qu'en fixant la valeur de paramètres mal connus, et plus le modèle est complexe, plus le nombre de paramètres est grand (ce qui augmente la dimensionnalité du problème et donc le nombre potentiel de solutions possibles) . De fait on aura toujours un intervalle de prédictions, de plus en plus complexe à décrire quand le nombre de paramètres est grand.

    La conséquence de ça, c'est que la complexification de la description du problème ne réduit souvent pas l'intervalle d'incertitude, et même paradoxalement peut l'augmenter. On a un écart croissant entre l'évaluation de la qualité du travail sur des standards scientifiques (la communauté scientifique valorisant positivement le caractère "compliqué" de la théorie, l'intelligence des solutions trouvées aux problèmes numériques, l'épaisseur de l'article avec le nombre de solutions étudiées, voire la finesse et le caractère esthétique de la présentation graphique des résultats , et le montant des financements obtenus sur le projet - ce n'est pas de l'humour, c'est typiquement le genre de choses importantes à faire apparaitre dans un dossier de candidature à un poste de professeur ou de directeur de recherche ), et l'utilité des résultats obtenus pour un décideur qui est à peu près totalement insensible à ces beautés et demande juste qu'on lui dise ce qu'il doit faire.

    De plus, plus l'intervalle de possibilités est grande, plus on a tendance à inclure des "extrêmes", d'une part pour se "couvrir" en prévoyant le plus grand nombre de possibilités, pour ne pas risquer d'en louper, d'autre part car inclure les extrêmes permet aussi de faire apparaitre les scénarios les plus graves, et donc de justifier l'importance de faire ce travail - c'est humain, on a tous envie de penser qu'on sert à quelque chose, et on rêvait tous de sauver le monde , ou au moins une jeune fille (pour la plupart des garçons) quand on était petit.

    Le résultat final est décrit dans la phrase du début ; ""L'unanimité scientifique n'a jamais été au rendez-vous (...). Certains nous disaient : ’En février vous allez prendre le mur.’ On ne s'est pas pris le mur (...)." qui exprime paradoxalement une défiance accrue devant le nombre croissant de scénarios décrits et le fait que les catastrophes annoncées ne se produisent le plus souvent pas. L'autre paradoxe étant que la complexité du modèle fait que tout le gain qu'on pense pouvoir faire en mettant de plus en plus de processus est souvent annihilé par l'incertitude qu'il y a sur les paramètres, et l'examen pragmatique des intervalles d'incertitude entre les trois niveaux de complexité montrent qu'ils ne changent pas du tout.

    Est ce qu'il n'y a pas là un malentendu fondamental entre scientifiques et société ? les scientifiques bénéficient de 'l'aura" acquis historiquement sur leur pouvoir de prédiction accru pour les systèmes simples (mouvement des planètes, retour des comètes), puis de plus en plus complexes (réalisation d'appareils hautement complexes comme des centrales nucléaires ou des accélérateurs de particules géants), mais n'arrive-t-on pas un peu au bout de ces capacités lorsqu'il s'agit de systèmes naturels complexes ? Et la prétention à "guider la société" est-elle réellement justifiée ?

    J'ai bien conscience naturellement du caractère provocateur de ces questions .

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  2. #2
    obi76

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Comme dit dans une autre discussion, qui résume ma position : https://forums.futura-sciences.com/c...ml#post6769196

    Citation Envoyé par obi76 Voir le message
    Oui : l'argument d'autorité ne devrait pas intervenir, du moins pas comme ça. Avoir des diplômes ne veut pas dire qu'on a raison sur tout. Juste que la parole est plus crédible dans le domaine particulier des diplômes en question. Donc un médecin généraliste, qui n'a jamais fait d'étude d'épidémio (poussée), aura (pour moi) une parole aussi crédible que n'importe quelle autre personne n'ayant jamais fait d'études d'épidémio (valable pour les chef de service urgentiste, virologues, directeur du SAMU de tel ou tel département, etc.).

    - que les directeurs du SAMU parlent de la prise en charge des patients du CoViD, OK. Ce n'est pas le boulot d'un virologue ni d'un épidémiologiste
    - qu'un virologue parle de contagiosité, des variants, de la létalité, des traitements, OK. Ce n'est pas le boulot d'un directeur de SAMU ni d'un médecin généraliste
    - qu'un épidémiologiste parle de vague, d'impact de confinement, d'évolution de tel ou tel variant plus contagieux dans une population, de l'impact des fermetures des écoles : OK. Ce n'est pas le boulot d'un virologue, d'un directeur de SAMU ou d'un généraliste
    - qu'un chef de service urgentiste témoigne de l'encombrement de la réa : OK. Ce n'est pas le boulot d'un médecin généraliste, ni d'un virologue, d'un épidémiologiste

    Faut faire la part des choses, si eux ne le font pas.
    Et là, tout à coup, on s'aperçoit que les gens compétents en question ont toujours été à l’unisson, et se sont peu plantés.

    Et si on ajoute le fait que le gouvernement prend des décisions du jour pour le lendemain, il est évident qu'il est difficile de faire des prévisions viables.
    \o\ \o\ Dunning-Kruger encore vainqueur ! /o/ /o/

  3. #3
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Je pense qu'on dériverait vers une discussion politique (donc hors charte) en discutant de la politique gouvernementale, mais ce n'était pas le point que je voulais soulever : c'était plus le problème précis posé par le caractère complexe du problème et l'incertitude irréductible sur la valeur des paramètres, qui fait que les barres d'incertitude ne se réduisent pas avec la complexité des simulations (pour les modèles climatiques sur lesquels on a nettement plus de recul, voire l'évolution -inexistante- des barres d'erreur sur la sensibilité climatique par exemple malgré des efforts énormes dans les simulations : https://en.wikipedia.org/wiki/Climate_sensitivity )

    Pour être plus concret : quel sens donnes tu à "faire des prévisions viables " ?

  4. #4
    obi76

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    Pour être plus concret : quel sens donnes tu à "faire des prévisions viables " ?
    Ben pour moi c'est comme la météo : on peut donner des tendances globales à long terme, et faire des prévisions plus fines à court terme.

    Prévision à long terme :
    - une fois l'immunité collective acquise ça redescendra
    - on peut estimer cette immunité (déjà discuté : ce n'est pas 66%)
    - on connaît à peu près le nombre de personnes touchées au final en fonction de la vitesse à laquelle on l'atteint (particulièrement grace au vaccin)
    - on sait à peu près d'ici une semaine environ comment ça va évoluer

    Tous ceux qui disent ce qu'il en sera dans un mois ou plus sont [à ce jour] des charlatans : on n'en sait strictement rien.

    Et malheureusement la politique est indissociable de cette problématique : ça n'est pas QUE l'épidémio qui gouverne. Si c'était le cas on pourrait faire des prévisions à bien plus long terme (par exemple en fixant des critères stricts qui déclenchent ou non un confinement). Ajouter à ça qu'avec la vaccination les critères initiaux (250 / 100 000) sont maintenant inutiles, le seuil devrait augmenter à mesure que les personnes à risque sont protégées (si on se fixe comme limite une non saturation des réas). Et ce n'est pas le cas.
    Dernière modification par obi76 ; 29/03/2021 à 06h38.
    \o\ \o\ Dunning-Kruger encore vainqueur ! /o/ /o/

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par obi76 Voir le message
    Ben pour moi c'est comme la météo : on peut donner des tendances globales à long terme, et faire des prévisions plus fines à court terme.
    tu crois que la météo peut donner des tendances globales à long terme ?
    la météo, non, le climat , oui, mais la question que je soulevais était : en quoi les prévisions "sophistiquées" réduisent-elles l'intervalle d'incertitude ? ce qui serait nécessaire pour "mieux décider", mais rien ne montre que ce soit le cas

    Prévision à long terme :
    - une fois l'immunité collective acquise ça redescendra
    - on peut estimer cette immunité (déjà discuté : ce n'est pas 66%)
    - on connaît à peu près le nombre de personnes touchées au final en fonction de la vitesse à laquelle on l'atteint (particulièrement grace au vaccin)
    - on sait à peu près d'ici une semaine environ comment ça va évoluer

    Tous ceux qui disent ce qu'il en sera dans un mois ou plus sont [à ce jour] des charlatans : on n'en sait strictement rien.

    Et malheureusement la politique est indissociable de cette problématique : ça n'est pas QUE l'épidémio qui gouverne. Si c'était le cas on pourrait faire des prévisions à bien plus long terme (par exemple en fixant des critères stricts qui déclenchent ou non un confinement). Ajouter à ça qu'avec la vaccination les critères initiaux (250 / 100 000) sont maintenant inutiles, le seuil devrait augmenter à mesure que les personnes à risque sont protégées (si on se fixe comme limite une non saturation des réas). Et ce n'est pas le cas.
    oui mais tout ça c'est aussi accessible par des estimations "de niveau 1" (j'en sais quelque chose, j'en fais régulièrement, sans chercher à faire des modèles plus complexes, et en gros ça marche aussi bien).

    "par exemple en fixant des critères stricts qui déclenchent ou non un confinement" , je n'appelle pas ça des prévisions, j'appelle ça justement une stratégie de décision, et il me semble que ces critères pourraient très bien être fixés par des raisonnements simples de niveau 1 . L'effet contreproductif est qu'en faisant croire que (pour simplifier) "on va aider les décideurs à prendre des décisions grâce à des modèles compliqués" , on finit par perdre leur confiance et ne plus servir à rien. En l'occurrence, je mets l'incapacité des politiques à prendre des bonnes décisions sur une incompréhension profonde et structurelle de comprendre ce qu'est une évolution exponentielle - qui ne requiert pas des modélisations sophistiquées pour le comprendre.
    Dernière modification par Archi3 ; 29/03/2021 à 06h46.

  7. #6
    obi76

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    tu crois que la météo peut donner des tendances globales à long terme ?
    la météo, non, le climat , oui, mais la question que je soulevais était : en quoi les prévisions "sophistiquées" réduisent-elles l'intervalle d'incertitude ? ce qui serait nécessaire pour "mieux décider", mais rien ne montre que ce soit le cas
    A moins que vous n'ayez un autre terme pour de l'épidémio à long terme...

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    oui mais tout ça c'est aussi accessible par des estimations "de niveau 1" (j'en sais quelque chose, j'en fais régulièrement, sans chercher à faire des modèles plus complexes, et en gros ça marche aussi bien).
    Je n'ai pas dit le contraire...

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    "par exemple en fixant des critères stricts qui déclenchent ou non un confinement" , je n'appelle pas ça des prévisions, j'appelle ça justement une stratégie de décision, et il me semble que ces critères pourraient très bien être fixés par des raisonnements simples de niveau 1 .
    Ben les deux sont liés. Si les décisions sont prises de manière anarchique (ce qui est un peu le cas quand même), impossible de prévoir quoique ce soit...

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    L'effet contreproductif est qu'en faisant croire que (pour simplifier) "on va aider les décideurs à prendre des décisions grâce à des modèles compliqués" , on finit par perdre leur confiance et ne plus servir à rien.
    La confiance n'a jamais été là. Il suffit de voir qui et pourquoi ils les écoutent.

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    En l'occurrence, je mets l'incapacité des politiques à prendre des bonnes décisions sur une incompréhension profonde et structurelle de comprendre ce qu'est une évolution exponentielle - qui ne requiert pas des modélisations sophistiquées pour le comprendre.
    Rien à voir avec une évolution exponentielle ou non. En ce moment c'est tout sauf exponentiel. Les décisions qui vont être prises dépendent juste de savoir si on est en haut de la 3° vague ou pas. Et ça même un modèle simpliste aura du mal à vous le dire.
    Dernière modification par obi76 ; 29/03/2021 à 06h53.
    \o\ \o\ Dunning-Kruger encore vainqueur ! /o/ /o/

  8. #7
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par obi76 Voir le message
    Ben les deux sont liés. Si les décisions sont prises de manière anarchique (ce qui est un peu le cas quand même), impossible de prévoir quoique ce soit...
    ah oui, vu sous cet angle là ... mais c'est un renversement curieux de priorité, tu es en train de dire que les politiques devraient avoir une stratégie mieux définie pour que les simulateurs puissent avoir plus raison ?

    Citation Envoyé par obi76 Voir le message
    Rien à voir avec une évolution exponentielle ou non. En ce moment c'est tout sauf exponentiel. Les décisions qui vont être prises dépendent juste de savoir si on est en haut de la 3° vague ou pas. Et ça même un modèle simpliste aura du mal à vous le dire.
    je m'attendais à cette réponse . Je sais que ce n'est pas vraiment exponentiel, parce que l'exponentielle est le résultat d'une approximation tres simplifiée.

    Mais en ce qui concerne les décisions à prendre, la question n'est pas là. La question est : est ce que ça te conduirait à prendre des décisions foncièrement erronées en travaillant dans l'hypothèse où c'est exponentiel, ou non?

    et pour moi , la réponse est non: ça ne conduirait PAS à prendre des décisions erronées et dommageables. Pour un décideur, le but n'est pas d'avoir la simulation la plus juste possible ( ça c'est le but d'un scientifique qui pense à sa carrière, et il en a tout à fait le droit) , le but est de prendre des décisions qui minimisent les dommages à la société.

    C'est la divergence entre les buts des scientifiques (par ailleurs plutot mal atteints) et les besoins des décideurs que je soulève, justement.

  9. #8
    obi76

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    ah oui, vu sous cet angle là ... mais c'est un renversement curieux de priorité, tu es en train de dire que les politiques devraient avoir une stratégie mieux définie pour que les simulateurs puissent avoir plus raison ?
    Pour mieux savoir dans quelle direction on va...

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    je m'attendais à cette réponse . Je sais que ce n'est pas vraiment exponentiel, parce que l'exponentielle est le résultat d'une approximation tres simplifiée.
    Ben c'est exponentiel en début d'épidémie. Ca ne l'est plus du tout.

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    Mais en ce qui concerne les décisions à prendre, la question n'est pas là. La question est : est ce que ça te conduirait à prendre des décisions foncièrement erronées en travaillant dans l'hypothèse où c'est exponentiel, ou non?

    et pour moi , la réponse est non: ça ne conduirait PAS à prendre des décisions erronées et dommageables. Pour un décideur, le but n'est pas d'avoir la simulation la plus juste possible ( ça c'est le but d'un scientifique qui pense à sa carrière, et il en a tout à fait le droit) , le but est de prendre des décisions qui minimisent les dommages à la société.

    C'est la divergence entre les buts des scientifiques (par ailleurs plutot mal atteints) et les besoins des décideurs que je soulève, justement.
    Ben qui dit minimiser signifie pouvoir faire des prédictions et prendre la moins pire en terme d'impact. C'est ce qui a été fait pour la vaccination par exemple.
    \o\ \o\ Dunning-Kruger encore vainqueur ! /o/ /o/

  10. #9
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par obi76 Voir le message

    Ben c'est exponentiel en début d'épidémie. Ca ne l'est plus du tout.
    ça dépend ce que tu appelles "plus du tout" . Etre exponentiel, c'est identique à être linéaire en échelle logarithmique. Se demander si c'est exponentiel, c'est pareil de se demander si un nuage de point est linéaire : dans la très grande majorité des cas, il ne l'est pas strictement, mais néanmoins une régression linéaire peut être utile, même pour des prédictions à court terme.

    Je reformulerais donc plutot la question comme ça : y a-t-il un intervalle de temps sur lequel une approximation exponentielle (= une linéarisation de log N = f(t) ) est utile pour prédire le comportement dans un intervalle utile ?

    Il me semble que même si c'est pas "strictement exponentiel" , la réponse est oui, et j'ai un exemple concret à donner que je peux ressortir : le fait qu'en janvier, une extrapolation exponentielle de la croissance du variant prévoyait une prédominance et le redémarrage d'une vague au mois de mars. Pas très compliqué, et pourtant les décisions politiques l'ont ignoré.

    Inversement, dire "ce n'est pas exponentiel", c'est utile si tu reformules la question : la prise en compte des écarts à l'exponentielle est elle suffisamment utile pour influencer les décisions dans le bon sens ? et là la réponse ne me semble pas "évidemment oui "...

  11. #10
    obi76

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    Je reformulerais donc plutot la question comme ça : y a-t-il un intervalle de temps sur lequel une approximation exponentielle (= une linéarisation de log N = f(t) ) est utile pour prédire le comportement dans un intervalle utile ?
    Oui : quand on est loin de l'immunité collective (i.e. pas en haut du pic) : donc au début ou au début d'une vague si l'immunité acquise est faible. Ca permet au moins d'estimer son amplitude (faut-il prendre des mesures de restriction ?) et la date où ça arrivera.

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    Il me semble que même si c'est pas "strictement exponentiel" , la réponse est oui, et j'ai un exemple concret à donner que je peux ressortir : le fait qu'en janvier, une extrapolation exponentielle de la croissance du variant prévoyait une prédominance et le redémarrage d'une vague au mois de mars. Pas très compliqué, et pourtant les décisions politiques l'ont ignoré.
    Tout à fait. Cependant un point à ne pas négliger (n'en déplaise à M. Macron) : quelques modèles qui ont bien marché jusque là montrent que la vague actuelle est probablement la dernière, et son amplitude sera similaire à la première (plus répartie géographiquement et en temps mais en nombre ça reviendrait sensiblement au même). Donc non : tous les modèles ne disaient pas de reconfiner. A ce jour c'est à peu près ce qu'on observe. Sauf mauvaise surprise, c'est une tension hospitalière qui devrait durer quelques semaines pour redescendre naturellement ensuite (si le modèle auquel je pense continue à donner de bonnes prévisions).
    Dernière modification par obi76 ; 29/03/2021 à 11h53.
    \o\ \o\ Dunning-Kruger encore vainqueur ! /o/ /o/

  12. #11
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par obi76 Voir le message
    Donc non : tous les modèles ne disaient pas de reconfiner. A ce jour c'est à peu près ce qu'on observe. Sauf mauvaise surprise, c'est une tension hospitalière qui devrait durer quelques semaines pour redescendre naturellement ensuite (si le modèle auquel je pense continue à donner de bonnes prévisions).
    personne n'a dit que "tous les modèles disaient de reconfiner" à ma connaissance. Ce qu'a dit Macron, c'est que les modèles n'étaient pas d'accord entre eux, et que du coup il ne les écoutait pas (je simplifie mais c'est ce que je comprends). En disant "tous les modèles ne disaient pas de reconfiner" , tu confirmes au moins le premier point, qui vient de ce que je disais ; l'incertitude sur les paramètres est telle qu'on ne peut rien dire de manière certaine.

    Et du coup je reviens à la question initiale : qu'est ce que ça apporte concrètement , ( c'est à dire qu'est ce que ça change dans les décisions à prendre) , d'avoir à sa disposition des prédictions faites par des modèles compliqués mais incertains, par rapport à des prédictions "simplistes" , tout aussi incertaines mais finalement beaucoup plus simples à faire ?

    Meme ta dernière remarque "Sauf mauvaise surprise, c'est une tension hospitalière qui devrait durer quelques semaines pour redescendre naturellement ensuite (si le modèle auquel je pense continue à donner de bonnes prévisions).", c'est une réflexion de scientifique qui a des satisfactions de scientifique, c'est à dire d'avoir eu raison. Tu as peut être raison, ou tort, l'avenir le dira, mais pour un décideur, la vraie question n'est pas de savoir si tu auras eu raison, mais : est ce que cet élément d'information change les décisions à prendre dans l'immédiat ?

  13. #12
    obi76

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    personne n'a dit que "tous les modèles disaient de reconfiner" à ma connaissance. Ce qu'a dit Macron, c'est que les modèles n'étaient pas d'accord entre eux, et que du coup il ne les écoutait pas (je simplifie mais c'est ce que je comprends). En disant "tous les modèles ne disaient pas de reconfiner" ,
    Heu non ce n'est pas ce qu'il a dit. Enfin bref.

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    tu confirmes au moins le premier point, qui vient de ce que je disais ; l'incertitude sur les paramètres est telle qu'on ne peut rien dire de manière certaine.
    Ha ça c'est sûr. Typiquement le paramètre dû aux vacances de juillet dernier, même si on savait qu'il existait, impossible de savoir à l'avance ce qu'il allait donner, ni même sa valeur.

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    Et du coup je reviens à la question initiale : qu'est ce que ça apporte concrètement , ( c'est à dire qu'est ce que ça change dans les décisions à prendre) , d'avoir à sa disposition des prédictions faites par des modèles compliqués mais incertains, par rapport à des prédictions "simplistes" , tout aussi incertaines mais finalement beaucoup plus simples à faire ?
    Les modèles compliqués et pas compliqués n'ont pas le même but. A la grosse louche les modèles compliqués peuvent tenter d'estimer l'impact d'une fermeture des écoles par exemple, ou bien d'un couvre feu, ou encore d'un variant qui s'invite. Ca permet par exemple d'estimer l'amplitude de la vague qui s'annonce, comme je l'ai dit (et donc de la nécessité ou non de serrer la vis). Un modèle simple avec un variant, c'est déjà plus délicat...

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    Meme ta dernière remarque "Sauf mauvaise surprise, c'est une tension hospitalière qui devrait durer quelques semaines pour redescendre naturellement ensuite (si le modèle auquel je pense continue à donner de bonnes prévisions).", c'est une réflexion de scientifique qui a des satisfactions de scientifique, c'est à dire d'avoir eu raison. Tu as peut être raison, ou tort, l'avenir le dira, mais pour un décideur, la vraie question n'est pas de savoir si tu auras eu raison, mais : est ce que cet élément d'information change les décisions à prendre dans l'immédiat ?
    Ben je ne dis pas qu'il a eu raison, puisque c'est une prédiction (pas encore vérifiée). Et oui cet élément d'information pousse le gouvernement à ne pas reconfiner, quitte à dépasser les limites qu'ils avait lui-même fixées.

    Et si on rajoute à ça tout ce qui est économique / psychiatrique / autre, là c'est leur boulot de faire la synthèse et de prendre des décisions pas aux scientos.
    Dernière modification par obi76 ; 29/03/2021 à 12h21.
    \o\ \o\ Dunning-Kruger encore vainqueur ! /o/ /o/

  14. #13
    yves95210

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    Meme ta dernière remarque "Sauf mauvaise surprise, c'est une tension hospitalière qui devrait durer quelques semaines pour redescendre naturellement ensuite (si le modèle auquel je pense continue à donner de bonnes prévisions).", c'est une réflexion de scientifique qui a des satisfactions de scientifique, c'est à dire d'avoir eu raison. Tu as peut être raison, ou tort, l'avenir le dira, mais pour un décideur, la vraie question n'est pas de savoir si tu auras eu raison, mais : est ce que cet élément d'information change les décisions à prendre dans l'immédiat ?
    Bien sûr que ça peut changer les décisions, en particulier conforter celle qui consiste à ne durcir les mesures que localement, dans les régions où les hôpitaux sont (ou vont être prochainement) le plus en tension, plutôt que d'imposer un confinement strict à l'échelle nationale : celui-ci n'aurait de sens que pour anticiper une vague analogue aux deux premières; et si le but était de diminuer drastiquement le nombre de nouveaux cas (parce qu'on s'attend à un rebond après le relâchement des mesures), il devrait durer 6 à 8 semaines.
    Là, a priori, le rebond n'aura pas lieu, du moins en nombre d'hospitalisations / lits de réa occupés, grâce à la vaccination des personnes vulnérables (pas que les >75 ans qui contribuent moins à l'occupation des lits de réa, mais aussi les 50-74 ans avec comorbidités qui sont les suivants dans l'ordre de priorité de la campagne. 22% des 64-74 ans et 13% des 50-64 ans ont déjà reçu leur première dose, ça doit représenter une grande partie des personnes de ces tranches d'âge souffrant de comorbidités).
    Mais (comme je l'ai dit dans l'autre discussion), sans faire tourner une simulation, tu auras du mal à prévoir l'ampleur et la durée de la vague en cours en tenant compte de l'ensemble des paramètres dont l'avancement de la campagne de vaccination par catégorie de population.

  15. #14
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par yves95210 Voir le message
    sans faire tourner une simulation, tu auras du mal à prévoir l'ampleur et la durée de la vague en cours en tenant compte de l'ensemble des paramètres dont l'avancement de la campagne de vaccination par catégorie de population.
    en disant ça, tu sous-entends qu'en faisant tourner la simulation, tu saurais mieux le faire?

    Et donc à rebours de ce que je disais, c'est que l'incertitude sur les paramètres est assez petite pour ne pas handicaper la fiabilité des prévisions.

    Moi je veux bien, mais un critère assez sûr de la fiabilité d'un modèle, c'est sa faible sensibilité aux erreurs sur les paramètres, et une conséquence de ça, c'est que tous les modèles devraient être à peu près d'accord. Ce qui est l'exact opposé de ce que disait Macron, et sur ce point, je pense qu'il est plus proche de la vérité.

    Mais Obl et toi avez une occasion de vous "engager" la dessus, c'est de donner aujourd'hui une prévision sur l'amplitude et la durée de cette vague, et de prédire quelles seront les mesures qui seront mises en place en mai pour en éviter une quatrième (ce qui était plus ou moins l'objet de la question que je posais sur l'autre fil "et après" ).
    Dernière modification par Archi3 ; 29/03/2021 à 13h03.

  16. #15
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    Mais Obl et toi avez une occasion de vous "engager" la dessus, c'est de donner aujourd'hui une prévision sur l'amplitude et la durée de cette vague, et de prédire quelles seront les mesures qui seront mises en place en mai pour en éviter une quatrième (ce qui était plus ou moins l'objet de la question que je posais sur l'autre fil "et après" ).
    bon donc ... non ?
    c'est assez compréhensible, ceci dit. Personnellement, toutes les prévisions que j'ai faites étaient des extrapolations exponentielles dans l'hypothèse "où on ne change rien". L'exponentielle étant précisément fondée sur l'idée que "les enfants font comme les parents". Du coup c'est assez simple à extrapoler ...

    mais si on sort de l'exponentielle, ça veut donc dire que "les enfants ne font pas comme les parents". Y a des choses qui changent, peut etre que l'immunité s'installe, ou peut etre que les gens changent spontanément de comportement devant l'épidémie, ou peut etre que le gouvernement met en place des mesures, mais peut etre que les gens les respectent plus ou moins, ...etc, etc ...
    sauf que ça justement c'est NON prédictible dans les modèles. On peut bien sur imaginer des modèles dans lesquels des rétroactions existent (par exemple SEIR), mais rien ne dit que ce sont ces rétroactions qui vont jouer et pas d'autres.

    Et des quantités comme "l'amplitude et la durée du pic", c'est précisément gouverné par ces rétroactions, parce que bien sur , l'exponentielle ne produit aucun pic en elle même. Et donc, c'est gouverné par ce qu'on ne sait pas modéliser ... donc c'est pas modélisable.

  17. #16
    yves95210

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    bon donc ... non ?
    c'est assez compréhensible, ceci dit. Personnellement, toutes les prévisions que j'ai faites étaient des extrapolations exponentielles dans l'hypothèse "où on ne change rien". L'exponentielle étant précisément fondée sur l'idée que "les enfants font comme les parents". Du coup c'est assez simple à extrapoler ...

    mais si on sort de l'exponentielle, ça veut donc dire que "les enfants ne font pas comme les parents". Y a des choses qui changent, peut etre que l'immunité s'installe, ou peut etre que les gens changent spontanément de comportement devant l'épidémie, ou peut etre que le gouvernement met en place des mesures, mais peut etre que les gens les respectent plus ou moins, ...etc, etc ...

    sauf que ça justement c'est NON prédictible dans les modèles. On peut bien sur imaginer des modèles dans lesquels des rétroactions existent (par exemple SEIR), mais rien ne dit que ce sont ces rétroactions qui vont jouer et pas d'autres.
    Justement si, il y a des choses qui sont prédictibles dans les modèles et qui font que, sans changement de comportement, on sort de le progression exponentielle. A commencer par l'immunité, sans laquelle ton exponentielle conduirait asymptotiquement à un nombre de cas infini dans une population finie... Mais aussi l'effet de la vaccination qui permet de faire passer chaque jour un certain nombre d'individus du compartiment S au compartiment R du modèle SEIR sans passer par les cases E et I, et qui est à peu près prédictible en fonction des livraisons attendues, de l'efficacité des vaccins et de la priorisation de certaines catégories de la population.

    En revanche, on ne sait évidemment pas prédire l'évolution des comportements (à part de vagues aspects saisonniers), puisque cette évolution en général dictée au moins en partie par l'évolution des mesures, elle même dictée par un agenda politique (on peut néanmoins supposer que le gouvernement fera en sorte d'éviter la saturation des hôpitaux - ou au moins d'atteindre un niveau tel que des patients dans un état critique ne puissent plus y être admis).

    Et des quantités comme "l'amplitude et la durée du pic", c'est précisément gouverné par ces rétroactions, parce que bien sur , l'exponentielle ne produit aucun pic en elle même. Et donc, c'est gouverné par ce qu'on ne sait pas modéliser ... donc c'est pas modélisable.
    L'exponentielle non, mais la fonction logistique qui décrit l'évolution d'une épidémie sans contrôle aucun (ni modification des comportements), si.
    Tu oublies l'effet de l'immunité (avec un seuil d'immunité collective effective d'autant plus bas que les mesures limitent R à une valeur peu supérieure à 1), et celui de la vaccination comme accélérateur de l'augmentation du taux d'immunité (mais également comme facteur de réduction du taux d'hospitalisation).
    Et le fait que, s'il y est contraint par les circonstances, le gouvernement prendra les mesures permettant de limiter l'amplitude du pic suffisamment pour éviter la saturation des hôpitaux et services de réa.

  18. #17
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par yves95210 Voir le message
    Justement si, il y a des choses qui sont prédictibles dans les modèles et qui font que, sans changement de comportement, on sort de le progression exponentielle. A commencer par l'immunité, sans laquelle ton exponentielle conduirait asymptotiquement à un nombre de cas infini dans une population finie... Mais aussi l'effet de la vaccination qui permet de faire passer chaque jour un certain nombre d'individus du compartiment S au compartiment R du modèle SEIR sans passer par les cases E et I, et qui est à peu près prédictible en fonction des livraisons attendues, de l'efficacité des vaccins et de la priorisation de certaines catégories de la population.

    En revanche, on ne sait évidemment pas prédire l'évolution des comportements (à part de vagues aspects saisonniers),
    oui on est d'accord , dans le monde théorique des simulations, les comportements humains ne changent pas. Mais en réalité, ils changent. Et de façon impredictible, non seulement par des mesures politiques, mais aussi par des changements de comportements (si des proches se font contaminer, on sera plus prudent, encore plus si on connait des morts), plus des événements imprévisibles (un accident lors d'une vaccination, ça passera peut etre inaperçu en Angleterre et ç fera un buzz en Autriche, qui conduira le gouvernement à suspendre des vaccinations etc ...), donc finalement ce qui fait vraiment changer l'exponentielle (qui n'est jamais je pense sur le court terme ni l'immunité acquise, ni les vaccinations) n'est pas prédictible en réalité.

  19. #18
    obi76

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    donc finalement ce qui fait vraiment changer l'exponentielle (qui n'est jamais je pense sur le court terme ni l'immunité acquise, ni les vaccinations) n'est pas prédictible en réalité.
    Ben oui, si d'aventure c'était encore une exponentielle, ce qui n'est plus le cas depuis longtemps. Quand on fait des hypothèses fausses, on tire des conclusions fausses.
    \o\ \o\ Dunning-Kruger encore vainqueur ! /o/ /o/

  20. #19
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par obi76 Voir le message
    Ben oui, si d'aventure c'était encore une exponentielle, ce qui n'est plus le cas depuis longtemps. Quand on fait des hypothèses fausses, on tire des conclusions fausses.
    bon manifestement il y a un problème de vocabulaire parce que tu te polarises sur le fait que ce n'est pas une exponentielle globale, mais c'est pas ça que je veux dire. Au lieu de dire, "c'est une exponentielle", remplaçons le par le critère plus correct "le taux de croissance relatif 1/N dN/dt = d(ln N) /dt reste constant". Evidemment une exponentielle est caractérisée par le fait que ce taux est resté constant depuis le début, et évidemment c'est faux. Mais quand on analyse une vague, on peut tres bien regarder le taux local et se demander si il reste à peu près constant dans l'intervalle considéré.

    Ce que je dis, c'est que toutes les prévisions "simples" (de type 1 dans ma terminologie , donc faisable à la louche sur un coin d'enveloppe, ou en quelques lignes sur ce forum, ou encore ce qu'on appelle "estimations de Fermi"), reposent sur un critère simple, c'est que le taux relatif reste constant.C'est simple parce que ça revient en gros à extrapoler linéairement la courbe log (N) en fonction du temps. Ca ne demande aucun modèle compliqué , juste la connaissance des derniers chiffres extrapolés de cette façon.

    Et ce que je dis, c'est que personnellement j'en ai fait quelques unes de ce type (en mars pour dire qu'on allait probablement confiner une semaine après les italiens, en septembre pour dire qu'à ce rythme là on renconfinerait dans un mois ou deux , ou en janvier pour dire que le variant anglais allait probablement devenir majoritaire en mars - je tiens à la disposition de qui le veut des extraits de mails ou des posts ici comme "preuve" ).

    Ca n'a rien d'un exploit bien sur encore une fois puisque ça consistait en rien de plus compliqué que de prendre une règle et de tracer une extrapolation linéaire de log (N) en fonction du temps, donc de supposer que le taux de croissance relatif restait constant, donc de supposer un comportement "localement exponentiel".

    (La philosophie du raisonnement étant juste de supposer que rien n'allait changer dans les comportements ni dans l'immunité pendant l'intervalle de temps de la projection).

    Mais évidemment ça n'a qu'une validité limitée, parce qu'on est bien d'accord, en réalité les comportements ou l'immunité finissent par changer , donc le taux de croissance finit par changer, donc on finit par s'écarter de la droite extrapolée, donc ça s'arrête d'être exponentiel (tout ça étant des manières équivalentes de dire la même chose). Je suis bien d'accord la dessus, ces extrapolations n'ont qu'un domaine de validité limité dans le temps - et d'ailleurs je ne les ai employés que dans des intervalles où je me douterais que rien n'allait changer.

    Ce que je soulève cependant, c'est que si on veut commencer à modéliser les écarts à l'extrapolation linéaire en log (donc les écarts à l'exponentielle), ce qui est indispensable par exemple si on veut estimer l'amplitude et la largeur d'un pic épidémique, alors tout devient beaucoup beaucoup plus compliqué, parce qu'on ne maitrise pas bien ces facteurs. Pour donner une image, on peut extrapoler linéairement une tangente parce qu'on a des règles rectilignes, mais on n'a pas de forme connue de règles curvilignes pour extrapoler autre chose qu'une droite.

    Donc on peut s'amuser avec plein de modèles de complexité croissante allant du SEIR à de grosses simulations stochastiques, mais les écarts à l'exponentielle qu'ils décrivent ont un fiabilité inconnue, donc leurs résultats sont inutilisables pour des décideurs.

    Par exemple un modèle SEIR sans vaccination attribuera les écartes à l'exponentielle à l'immunité acquise. On peut le modifier avec de la vaccination si on veut. Sauf que ce n'est jamais ça qui bloquera un pic épidémique en réalité, sauf peut être dans des situations localement catastrophiques comme à Manaus. La raison est assez simple à comprendre dimensionnellement. Le taux de croissance typique du pic épidémique est de l'ordre de la semaine (pour des raisons simplement liées au temps où on est contagieux, donc à la "physique de base" de ce virus - c'est bien plus long pour le Sida par exemple) . Pour qu'un facteur bloquant la progression exponentielle agisse, il faut donc agir sur une partie importante de la population sur un temps inférieur ou de l'ordre de la semaine. Sauf qu'on se rend compte que c'est impossible avec l'immunité ou la vaccination dans un temps aussi court. Il faudrait que des dizaines de millions de personnes soient infectées ou vaccinées en une semaine pour que ce soit capable d'inverser la croissance exponentielle -et ça ça veut dire soit qu'on s'est laissé déborder et qu'on est dans une situation sanitaire catastrophique (c'était la cas de figure des premières simulations de Ferguson qui ont "fichu la trouille " aux dirigeants), soit qu'on vaccine à un taux irréaliste.

    Donc : ce n'est pas ça qui va jouer. Ce qui va jouer , ce sont les rétroactions sur les comportements et les mesures prises par les gouvernements pour éviter d'en arriver là (et qui;, effectivement, agissent sur le comportement de dizaines de millions de personnes en quelques jours, ce qui est d'ailleurs ressenti comme une 'brutalité") .

    Et ça, ce n'est pas modélisable dans des simulations -ce qui explique que les modélisations ne sont pas prédictives dès qu'on sort de la simple extrapolation à taux relatif constant.
    Dernière modification par Archi3 ; 30/03/2021 à 05h49.

  21. #20
    yves95210

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    (...)

    Par exemple un modèle SEIR sans vaccination attribuera les écartes à l'exponentielle à l'immunité acquise. On peut le modifier avec de la vaccination si on veut. Sauf que ce n'est jamais ça qui bloquera un pic épidémique en réalité, sauf peut être dans des situations localement catastrophiques comme à Manaus. La raison est assez simple à comprendre dimensionnellement. Le taux de croissance typique du pic épidémique est de l'ordre de la semaine (pour des raisons simplement liées au temps où on est contagieux, donc à la "physique de base" de ce virus - c'est bien plus long pour le Sida par exemple) . Pour qu'un facteur bloquant la progression exponentielle agisse, il faut donc agir sur une partie importante de la population sur un temps inférieur ou de l'ordre de la semaine. Sauf qu'on se rend compte que c'est impossible avec l'immunité ou la vaccination dans un temps aussi court.
    Juste sur ce point (car je suis assez d'accord avec ce qui précède) : la situation est très différente suivant qu'on approche d'un pic épidémique avec R(t) proche de Ro=3 ou par exemple avec R(t)=1,1, donc grossièrement une augmentation de l'incidence de 10% par semaine, soit environ 50% par mois. En supposant que les hôpitaux soient encore capables d'accueillir 50% de patients supplémentaires et qu'on ne soit donc pas obligé de prendre de nouvelles mesures, si par ailleurs la vaccination réduit de 10% en un mois la part de la population susceptible d'être infectée, cela contribue à faire baisser R de 10% dans la même période; au bout d'un mois R tombe donc en-dessous de 1, et on a atteint le pic, avec une incidence 50% supérieure à ce qu'elle était.
    Qui plus est, si on s'intéresse avant tout à l'occupation des hôpitaux et qu'on considère (pour simplifier) que ce sont uniquement les personnes dites vulnérables qui risquent d'être hospitalisées (je sais, c'est faux), par exemple 20% de la population adulte, et que ce sont elles qui sont vaccinées en priorité, en un mois ce sont 50% d'entre elles qui peuvent l'être. Sur le papier, l'occupation des hôpitaux n'aura pas augmenté.

    Evidemment c'est bien trop schématique : d'une part plus de 10 à 15% des entrées en réa concernent des patients sans comorbidités connues; d'autre part on sait bien que le taux d'hospitalisation en réa des plus de 75 ou 80 ans est beaucoup plus faible que celui des plus jeunes et que le fait de les vacciner en priorité n'a pas l'impact souhaité sur l'occupation des lits de réa; d'autre part il faudrait tenir compte des taux de transmission du virus par les différentes catégories de la population, certainement plus faible dans la population âgée (ou se sachant vulnérable et qui limite ses contacts pour se protéger), puisque dans ce cas, le fait de vacciner 5 millions de personnes vulnérables n'aura pas le même effet sur R que de vacciner 5 millions de jeunes en bonne santé; etc...
    Mais c'est juste pour illustrer le fait que ta prédiction basée sur une exponentielle à R constant sur la période ne tient pas la route dans une telle situation.

  22. #21
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par yves95210 Voir le message
    Juste sur ce point (car je suis assez d'accord avec ce qui précède) : la situation est très différente suivant qu'on approche d'un pic épidémique avec R(t) proche de Ro=3 ou par exemple avec R(t)=1,1, donc grossièrement une augmentation de l'incidence de 10% par semaine, soit environ 50% par mois
    oui mais là tu es dans un ordre de grandeur d'un temps de doublement de deux mois, donc on n'est pas vraiment dans une "vague épidémique", on va plutot la ressentir comme une croissance lente. C'était d'ailleurs le cas en septembre , et du coup on n'a pas réagi... jusqu'à ce qu'à ce que ça s'accélère fin octobre. Je m'étais d'ailleurs appuyé sur ce sentiment que c'était pas trop grave pour penser que rien n'allait changer ...jusqu'à ce que ça devienne grave .

    C'est là où c'est subtil, les rétroactions psychologiques jouent sur des ressentis, qui ne démarrent que quand on commence à se dire que c'est grave, et on n'a ce sentiment que quand ça évolue assez vite (sinon on s'habitue, finalement on s'est tranquillement habitué à 10 000 morts par mois alors qu'au début de l'épidémie on se demandait si ça atteindrait les chiffres d'une bonne grippe, c'est à dire 10 000 morts ... par an !)

    Par ailleurs plus tu es proche de 1 (à 1,1 tu es tres proche ce qui correspond bien sur au même critère de temps de croissance long), plus tu es sensible à des fluctuations genre variants, donc effectivement moins il est probable de garder "un taux constant". Les extrapolations ne marchent bien que si les taux de croissance sont assez importants , on est d'accord.

    Mais si tu es tres sensibles aux variation ça augmente aussi la difficulté pour les modèles, donc on ne sort pas vraiment du problème.
    Dernière modification par Archi3 ; 30/03/2021 à 07h05.

  23. #22
    obi76

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    bon manifestement il y a un problème de vocabulaire parce que tu te polarises sur le fait que ce n'est pas une exponentielle globale, mais c'est pas ça que je veux dire. Au lieu de dire, "c'est une exponentielle", remplaçons le par le critère plus correct "le taux de croissance relatif 1/N dN/dt = d(ln N) /dt reste constant". Evidemment une exponentielle est caractérisée par le fait que ce taux est resté constant depuis le début, et évidemment c'est faux. Mais quand on analyse une vague, on peut tres bien regarder le taux local et se demander si il reste à peu près constant dans l'intervalle considéré.
    on peut aussi dire que c'est linéaire par morceau dans ce cas...

    Et de toutes façons tout ce que je vous ai dit avant reste valable : sans prise en compte des hétérogénéités spatiales, ce que vous dites est connu depuis bien longtemps avec ces modèles...
    Dernière modification par obi76 ; 30/03/2021 à 08h03.
    \o\ \o\ Dunning-Kruger encore vainqueur ! /o/ /o/

  24. #23
    yves95210

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    oui mais là tu es dans un ordre de grandeur d'un temps de doublement de deux mois, donc on n'est pas vraiment dans une "vague épidémique", on va plutot la ressentir comme une croissance lente.
    Mais c'est le cas actuellement : depuis 3 semaines le nombre d'hospitalisations augmente à un rythme à peu près constant de 1,7% par jour. Ce qui rend la situation critique n'est pas la rapidité de cette croissance, c'est le fait qu'on est parti d'un nombre déjà élevé (50% du pic de novembre).

    Par ailleurs plus tu es proche de 1 (à 1,1 tu es tres proche ce qui correspond bien sur au même critère de temps de croissance long), plus tu es sensible à des fluctuations genre variants, donc effectivement moins il est probable de garder "un taux constant".
    Comme je l'ai dit ailleurs, on est arrivé à un point où la progression du nouveau variant ne va plus beaucoup influer sur R, puisqu'il représente déjà plus de 80% des contaminations.

    Les extrapolations ne marchent bien que si les taux de croissance sont assez importants , on est d'accord.
    Mais si tu es tres sensibles aux variation ça augmente aussi la difficulté pour les modèles, donc on ne sort pas vraiment du problème.
    Si tu sais modéliser ces variations avec une marge d'erreur pas trop importante, tu peux quand-même obtenir des résultats, sous forme de scénarios, chacun basé sur des hypothèses concernant les mesures prises (par ex. à mesures constantes, ou ayant pour effet de diminuer R de 10% ou de 20%). Evidemment cela ne dit pas lequel de ces scénarios va être le plus proche de la réalité, puisque ça dépend de décisions politiques et de la réaction de la population à ces décisions, voire de la météo et de l'âge ou de l'humeur du capitaine.

    La progression du nouveau variant était prédictible avec une marge d'erreur limitée - sur ce point les modèles ne se sont pas trompé (d'ailleurs l'approximation de cette progression par une exponentielle marchait bien pour établir cette prédiction, comme tu l'as démontré ailleurs, puisqu'elle dépendait assez peu de l'évolution de l'épidémie à partir du moment où le variant était suffisamment répandu géographiquement).
    L'impact de la campagne de vaccination est également prédictible (une fois le calendrier des livraisons réactualisé et en considérant qu'il va maintenant être respecté; mais même auparavant, rien n'empêchait d'établir un scénario basé sur le calendrier le plus pessimiste).

    En gros, ça suffit aujourd'hui pour estimer que, même si les dernières mesures prises (le confinement qui n'en est pas un) n'ont qu'un effet très limité (réduction de R de 5 à 10%), voire même nul, le pic des infections de la partie la plus vulnérable de la population sera atteint avant ou vers la mi-avril, et que son amplitude sera inférieure à celle du pic de novembre.
    Pas forcément le pic des admissions à l'hôpital puisque, à moins d'un impact plus important de ces mesures, le nombre d'infections continuera d'augmenter dans le reste de la population (je n'ai pas essayé de calculer l'impact en termes d'hospitalisations, car il faudrait faire une modélisation plus fine, tenant compte des taux d'hospitalisation par tranche d'âge et présence ou non de comorbidité, et du détail du calendrier de la campagne de vaccination); et d'autre part le ratio réa / hospitalisations a augmenté avec la baisse de l'âge moyen des hospitalisés, et c'est surtout ça qui rend la situation critique à court terme. Donc je ne prendrai pas de pari sur la date à laquelle ce pic sera atteint (mais sur son amplitude, si : si la situation est assez critique, le gouvernement sera obligé de prendre des mesures supplémentaires - au-delà de la déprogrammation des interventions "non urgentes" - pour éviter la saturation des services de réa).

    D'autre part, je ne sais absolument pas quel va être l'effet des vacances de printemps, surtout si rien n'est fait pour limiter les déplacements inter-régionaux (effet peut-être positif de la fermeture des collèges et lycées, mais effet négatif du brassage de population et des réunions familiales ou entre amis et effet inconnu de la météo, favorisant ou pas la vie au grand air). Or elles vont commencer au moment où la situation pourrait basculer dans le bon sens...

  25. #24
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par obi76 Voir le message
    on peut aussi dire que c'est linéaire par morceau dans ce cas...
    oui aussi, mais le domaine de validité est moins long. Une exponentielle n'est " à peu près linéaire" (taux de croissance absolu dN/dt constant) que sur un temps plus petit que son temps de doublement, alors qu'elle peut rester "à peu près exponentielle" (taux de croissance relatif dN/Ndt constant, ou de façon équivalente dN/dt proportionnel à N) sur plusieurs temps de doublements.
    Et de toutes façons tout ce que je vous ai dit avant reste valable : sans prise en compte des hétérogénéités spatiales, ce que vous dites est connu depuis bien longtemps avec ces modèles...
    bien évidemment, les modèles reproduisent forcément les estimations "à la louche", c'est pas une suprise. Ce n'est pas le point que je soulevais. Le point que je soulevais était de savoir en quoi rajouter des complexités de calcul aidaient à la décision. C'est aussi assez facile de considérer des modifications simples d'un modèle exponentiel pur, en considérant des exponentielles localisées spatialement, ou bien des sommes d'exponentielles pour deux variants différents, ou bien des variations linéaires de R comme avec la vaccination , ce qui revient à introduire une relation linéaire sur le taux de croissance, etc ...

    Le calcul d'Yves est un exemple de calcul qui sort de l'exponentielle pure tout en restant "de type 1", c'est à dire des estimations de dos d'enveloppe et pas des résultats de simulations numériques complexes.

  26. #25
    Archi3

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par yves95210 Voir le message
    Mais c'est le cas actuellement : depuis 3 semaines le nombre d'hospitalisations augmente à un rythme à peu près constant de 1,7% par jour. Ce qui rend la situation critique n'est pas la rapidité de cette croissance, c'est le fait qu'on est parti d'un nombre déjà élevé (50% du pic de novembre).
    pas dans les régions qui sont passées en mesure renforcées, le taux de croissance est devenu bien plus important, plutot de 30 % par semaine je pense, avec la prédominance du variant anglais. Et justement c'est là qu'on a reconfiné (ou quel que soit le nom qu'on lui donne on a renforcé les mesures).
    Comme je l'ai dit ailleurs, on est arrivé à un point où la progression du nouveau variant ne va plus beaucoup influer sur R, puisqu'il représente déjà plus de 80% des contaminations.
    oui mais ce R est devenu élevé dans certaines régions.

    Si tu sais modéliser ces variations avec une marge d'erreur pas trop importante, tu peux quand-même obtenir des résultats, sous forme de scénarios, chacun basé sur des hypothèses concernant les mesures prises (par ex. à mesures constantes, ou ayant pour effet de diminuer R de 10% ou de 20%). Evidemment cela ne dit pas lequel de ces scénarios va être le plus proche de la réalité, puisque ça dépend de décisions politiques et de la réaction de la population à ces décisions, voire de la météo et de l'âge ou de l'humeur du capitaine.
    je pense que je n'ai jamais contesté qu'on pouvait faire des scénarios .

    la question que je pose est de savoir quel est le "plus" de faire des scénarios complexes par rapport aux calculs de dos d'enveloppe (et ce que tu as développé dans tes derniers posts, ça fait partie des calculs de dos d'enveloppe). Ma conclusion est que la valeur ajoutée est faible, et que les calculs de dos d'enveloppe sont largement suffisants pour en tirer des conséquences sur les mesures à prendre.

    Pour aller dans le sens de "quelles conséquences concrètes tirer d'un raisonnement pour justifier une action", mon sentiment est qu'il serait plus intéressant de développer la capacité d'appréhension des décideurs à comprendre les caractéristiques d'une exponentielle (ce qui ne veut PAS dire que la courbe réelle est exponentielle, mais qu'on comprend quand elle s'en approche et quand elle s'en écarte, et quelles en sont les conséquences, et comment et quand vaut il mieux agir), que de leur présenter des résultats de simulation compliquées dont ils ne sont pas capables d'apprécier la pertinence.

  27. #26
    yves95210

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    pas dans les régions qui sont passées en mesure renforcées, le taux de croissance est devenu bien plus important, plutot de 30 % par semaine je pense, avec la prédominance du variant anglais. Et justement c'est là qu'on a reconfiné (ou quel que soit le nom qu'on lui donne on a renforcé les mesures).

    oui mais ce R est devenu élevé dans certaines régions.
    Environ 1,2 en IdF ces dernières semaines (pour les autres je n'ai pas fait le calcul). Et effectivement ce n'est pas pour rien que de nouvelles mesures y ont été prises - on devrait commencer à en voir l'effet (ou son absence...) sur les admissions à l'hôpital en fin de semaine, et un peu avant sur le taux d'incidence (pour autant qu'il soit mesuré de manière fiable).

    je pense que je n'ai jamais contesté qu'on pouvait faire des scénarios .

    la question que je pose est de savoir quel est le "plus" de faire des scénarios complexes par rapport aux calculs de dos d'enveloppe (et ce que tu as développé dans tes derniers posts, ça fait partie des calculs de dos d'enveloppe). Ma conclusion est que la valeur ajoutée est faible, et que les calculs de dos d'enveloppe sont largement suffisants pour en tirer des conséquences sur les mesures à prendre.
    En l'occurrence, le calcul de dos d'enveloppe que j'avais fait permettait de voir les conséquences à moyen terme (de l'ordre de 2 mois, une fois terminée la vaccination des personnes à risque), mais pas comment ça va évoluer entre-temps; et il ne suffit pas de dire que dans 2 mois ça ira mieux pour prendre des décisions à plus court terme, permettant en particulier d'éviter la saturation des services de réa si le risque est réel.
    Alors soit on les prend de toute façon par précaution, en se fichant des effets collatéraux sur l'économie, la scolarité des jeunes, la santé mentale de la population, soit on a besoin de simuler des scénarios plus complexes (et diversifiés) pour avoir une vision plus précise de la manière dont la situation risque d'évoluer et pour justifier la nécessité (ou son absence) de nouvelles mesures.

    Pour aller dans le sens de "quelles conséquences concrètes tirer d'un raisonnement pour justifier une action", mon sentiment est qu'il serait plus intéressant de développer la capacité d'appréhension des décideurs à comprendre les caractéristiques d'une exponentielle (ce qui ne veut PAS dire que la courbe réelle est exponentielle, mais qu'on comprend quand elle s'en approche et quand elle s'en écarte, et quelles en sont les conséquences, et comment et quand vaut il mieux agir), que de leur présenter des résultats de simulation compliquées dont ils ne sont pas capables d'apprécier la pertinence.
    Je ne sais pas quelle est la capacité d'appréhension de notre président, mais il doit bien avoir quelques connaissances élémentaires en maths (et s'il ne se rappelait pas ce qu'est une exponentielle, depuis un an il a eu droit à un rafraîchissement...). Et son ministre de la santé est médecin, il a dû apprendre un peu de maths durant ses études supérieures, il y a bien moins longtemps que moi (et même si je n'ai pas fait de maths depuis, je n'ai pas tout oublié). Pareil pour ceux des ministres qui ont un background en économie, et il doit y en avoir quelques-uns. Bref, s'il y en a qui ne sont pas capables de comprendre les caractéristiques d'une exponentielle (mais aussi les résultats des simulations plus compliquées que leur présente le Conseil scientifique), c'est qu'ils ne veulent pas.
    Faut pas non plus prendre les gens pour des cons. S'ils jouent aux cons par posture politique (par exemple en prétendant que toutes les simulations présentées en janvier prédisaient une explosion en février si on ne confinait pas immédiatement, et que le fait qu'elle ne s'est pas produite prouve qu'ils ont eu raison contre les épidémiologistes) c'est une autre histoire, et on n'en discutera pas ici...

  28. #27
    obi76

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par Archi3 Voir le message
    Le calcul d'Yves est un exemple de calcul qui sort de l'exponentielle pure tout en restant "de type 1", c'est à dire des estimations de dos d'enveloppe et pas des résultats de simulations numériques complexes.
    Ben oui, et le point principal de l'épidémio ce sont bien les barres d'erreur. Faut pas croire qu'un résultat d'une simulation sans étude de l’intervalle de confiance sera prise au sérieux (ni par les scientos, ni par les politiques)...
    \o\ \o\ Dunning-Kruger encore vainqueur ! /o/ /o/

  29. #28
    yves95210

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par obi76 Voir le message
    Ben oui, et le point principal de l'épidémio ce sont bien les barres d'erreur. Faut pas croire qu'un résultat d'une simulation sans étude de l’intervalle de confiance sera prise au sérieux (ni par les scientos, ni par les politiques)...
    Et je ne prétends pas faire de l'épidémiologie, encore moins faire des "prédictions".
    (même si j'ai comme Archi3 annoncé ici dès le mois d'août qu'à mesures à peu près constantes la deuxième vague atteindrait le même niveau que le pic de la première entre début et mi-novembre...).
    J'essaie juste de comprendre l'évolution de l'épidémie (ou pour le futur, ses évolutions possibles) et l'intérêt des mesures prises à tel ou tel moment.

  30. #29
    obi76

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par yves95210 Voir le message
    J'essaie juste de comprendre l'évolution de l'épidémie (ou pour le futur, ses évolutions possibles) et l'intérêt des mesures prises à tel ou tel moment.
    Actuellement c'est pas bien difficile à comprendre. Il y a eu un sursaut à l'arrivée du variant anglais (on est passé d'une immunité collective à atteindre de 25 à 33% à peu près), du coup là ce qu'on a ce sont les 8 points restants pour atteindre un état non explosif. Là actuellement c'est vraiment limite : entre la vaccination qui réduit les réas chez les personnes agées, mais la vague qui est d'une amplitude telle qu'au final les réas sont remplis de personne plus jeunes mais à peu près avec le même nombre qu'à la première vague... Mais en un sens c'est pas si mauvais si le système hospitalier arrive à tenir : ça veut dire que ces 8 points seront atteints rapidement.

    Pour ça que je disais que l'indicateur à 250 / 100 000 n'a plus lieu d'être : la probabilité de finir en réa décroit à mesure que la vaccination avance, du coup à état égal cet indicateur doit augmenter. Fois l'amplitude de la vague, ça donne le nombre de réas (c'est d'ailleurs ce que l'on voit : les réas sont à peu près aussi remplies qu'en mars 2020, sauf que cet indicateur est 2x plus élevé).

    Pour ma part je pense que ça n'explosera pas, qu'on est quasiment en haut du pic (si on n'y est pas déjà). Par contre la baisse une fois le haut du pic atteint : c'est long... La vaccination en fera qu'accélérer la décroissance.
    Dernière modification par obi76 ; 30/03/2021 à 10h41.
    \o\ \o\ Dunning-Kruger encore vainqueur ! /o/ /o/

  31. #30
    yves95210

    Re : De l'utilité pratique des simulations

    Citation Envoyé par obi76 Voir le message
    Actuellement c'est pas bien difficile à comprendre. Il y a eu un sursaut à l'arrivée du variant anglais (on est passé d'une immunité collective à atteindre de 25 à 33% à peu près), du coup là ce qu'on a ce sont les 8 points restants pour atteindre un état non explosif. Là actuellement c'est vraiment limite : entre la vaccination qui réduit les réas chez les personnes agées, mais la vague qui est d'une amplitude telle qu'au final les réas sont remplis de personne plus jeunes mais à peu près avec le même nombre qu'à la première vague... Mais en un sens c'est pas si mauvais si le système hospitalier arrive à tenir : ça veut dire que ces 8 points seront atteints rapidement.
    C'est la conclusion à laquelle j'arrive aussi (mais contrairement à Archi, j'ai fait une simu, même si assez basique, et fait varier de quelques % les paramètres pour voir l'impact à moyen terme - à défaut de calculer rigoureusement un IC...).

    Pour ça que je disais que l'indicateur à 250 / 100 000 n'a plus lieu d'être : la probabilité de finir en réa décroit à mesure que la vaccination avance, du coup à état égal cet indicateur doit augmenter. Fois l'amplitude de la vague, ça donne le nombre de réas (c'est d'ailleurs ce que l'on voit : les réas sont à peu près aussi remplies qu'en mars 2020, sauf que cet indicateur est 2x plus élevé).
    On est d'accord - si ce n'est que cette proba a d'abord augmenté par rapport à la période précédente, conséquence de la diminution de la proportion des patients de plus de 75 ans. Mais pas de quoi s'affoler, elle n'augmente plus.
    Clairement le taux d'incidence n'est pas le bon indicateur (ou pas le seul à prendre en compte).

    Pour ma part je pense que ça n'explosera pas, qu'on est quasiment en haut du pic (si on n'y est pas déjà). Par contre la baisse une fois le haut du pic atteint : c'est long... La vaccination en fera qu'accélérer la décroissance.
    Oui, et même si 70 à 80% des personnes vulnérables sont vaccinées (et protégées à 90 ou 95% contre les cas graves par le vaccin), il en restera un quart pour continuer de remplir les hôpitaux pendant la redescente.
    D'autant plus que, si les mesures sont assouplies dès que l'occupation des services de réa aura baissé, ou en tout cas quelque-part entre début mai et fin juin, bien avant que le reste de la population soit vacciné, le nombre d'infections continuera de croître. En nombre d'infectés, le vrai pic n'aura lieu plus tard. Plus haut quand je parlais d'un pic avant mi-avril il s'agissait uniquement du pic des infections dans la population vulnérable, vaccinée en priorité. En nombre d'hospitalisations, je n'en sais rien (j'ai expliqué pourquoi).

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