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Jusqu’où ira-t-on ?
Envoyé par Collège de physique et de philosophieHéritage du dix-septième siècle, le sigle, Ph.D. (pour Doctor of Philosophy), qui, en anglais, désigne le doctorat ès sciences, rappelle qu’à ses débuts la science moderne venait en complément de la philosophie. En gros, la bonne entente entre elles se maintint jusqu’à Kant inclusivement. Mais dès le début du dix-neuvième siècle les deux activités se séparèrent comme on le sait, et le fossé entre elles devint vite tel qu’en dépit d’explorations individuelles - on songe à Henri Poincaré - il semblait être devenu infranchissable.
Ce jugement est aujourd’hui à corriger. Plongeant au cœur de ce qu’on appelle "le microscopique" la physique contemporaine en découvre jour après jour l’étrangeté par rapport à notre univers d’autrefois, limité au macroscopique. Loin de nous est l’âge dit "classique" où les mots "objet", "lieu", "forme", mouvement" et autres termes généraux désignaient des notions premières, si manifestes que leur validité à toute échelle était tenue pour évidente. Où, s’appuyant à fond sur elles, la science paraissait (au moins à certains !) avoir enfin trouvé, pour accéder à… "tout", la voie directe et rationnelle rendant à jamais dérisoires aussi bien les recherches des philosophes que les illuminations des poètes.
Le physicien d’aujourd’hui est obligé de dire adieu à ce mirage. Très naturellement il tente alors de le remplacer par une conception générale de la nature qui, à tout le moins, soit ‘réaliste’ : entendons, formulée en termes d’entités connaissables existant tout à fait indépendamment de nous. Mais il constate que réaliser ce dessein sans méconnaître certaines découvertes de sa propre science exige l’acceptation d’idées radicalement déconcertantes, plus difficiles encore à adopter que celles des systèmes philosophiques considérés comme les plus fous ! Que peut-il dès lors faire, sinon s’interroger - au moins hors de ses "heures de travail" - sur des questions fondamentales qui relèvent - mais oui ! - de la philosophie ? En s’aidant éventuellement des ressources de cette dernière.
Mais la réciproque est vraie. Le philosophe, lui aussi, gagnera à se ressourcer dans la physique contemporaine. À ne plus regarder de haut - comme si elles ne touchaient qu’à de simples techniques utilitaristes - les récentes découvertes de cette science. Car celles-ci frappent de caducité, non pas seulement les extrapolations mécanicistes de la physique de Newton mais aussi les "idées claires et distinctes" de Descartes (comme nous venons de le constater), et jusqu’à, chez Kant, les (trop fameuses) "catégories", sans même parler de maintes autres tentatives de re-fondation de la connaissance jalonnant la pensée moderne et contemporaine. Disons-le, en bref mais sans exagération : les découvertes en question sont de nature à jeter un jour tout à fait nouveau sur le degré de plausibilité des diverses conceptions de l’être et de notre rapport à lui qui ont été envisagées ou auxquelles on pourrait songer. C’est ce dont, en nombre de pays, on commence à s’aviser et il sera bon qu’il en aille de même chez nous.
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