Bonjour
ce fil reprend des thèmes qui ont été déjà discutés ça et là sur le forum - il est en parti motivé par des réflexions suite à la crise sanitaire et comment (il me semble) elle a jeté le trouble dans la notion de "vérité scientifique" - en résonance d'ailleurs avec d'autres polémiques auxquelles elle a été aussi comparée pour d'autres raisons.
Il est courant d'opposer les "croyances" à la "science", et le dogme religieux à l'esprit scientifique, avec des images d'Epinal de scientifiques courageux s'opposant aux dogmes (Galilée, etc ...). La "méthode scientifique" est vue comme une méthode rigoureuse faite d'hypothèses et de vérifications conduisant à des vues de plus en plus précises de la réalité. Cependant si on regarde par exemple l'article de Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Méthode_scientifique on sent déjà que la réalité n'est pas simple.
déjà notons l'usage du mot "canons" qui renvoie curieusement aux pratiques religieuses, et ensuite on voit que la description des méthodes scientifiques s'appuie sur l''observation concrète des praxis et pas sur une valeur théorique claire qui s'imposerait à tous.L'étude des pratiques des chercheurs révèle cependant une si grande diversité de démarches et de disciplines scientifiques que l'idée d'une unité de la méthode est rendue très problématique.
Ce constat ne doit cependant pas être entendu comme une forme d'anarchisme épistémologique. Si la question de l'unité de la méthode est problématique (et ce problème sera abordé plus en détail ci-dessous), cela ne remet pas en question l'existence d'une pluralité de canons méthodologiques qui s'imposent aux chercheurs dans leurs pratiques scientifiques.
De fait l'observation concrète des discours scientifiques montre quand même que la "méthode" est loin de conduire à des unanimités dans le traitement des questions complexes. La crise covid a mis en évidence des divergences parfois profondes entre experts, qui s'est vue par exemple dans la variété des politiques sanitaires mises en place dans différentes pays y compris européens très proches - sans même parler des controverses sur les vaccins ou les traitements. Il est tout à fait compréhensible que des problèmes nouveaux et complexes soient difficiles à traiter, et il ne s'agit pas du tout d'en faire un reproche. En revanche, on peut s'interroger sur la représentation sociale associée au discours scientifique. On a beaucoup invoqué "l'avis des experts" - tout en s'en écartant parfois. Comme dans d'autres débats, il me semble que la "caution scientifique" est souvent utilisée pour justifier des pratiques dont la rigueur scientifique est loin d'être établie .
Evidemment on peut adopter la vision simple qu'il y a des bons scientifiques qui ont raison et des mauvais qui ont tort - le souci est que les bons et les mauvais ne sont pas les mêmes suivant ceux qu'on écoute, et donc que finalement, la croyance à la vérité revient à la confiance qu'on met dans telle ou telle personne, confiance dont on a du mal à tracer des raisons objectives. On se retrouve finalement dans une situation assez proche de la croyance religieuse où personne ne peut donner des raisons "vraiment rationnelles" de croire à telle ou telle religion, les vraies raisons étant très probablement psychologiques et sociétales - on croit essentiellement à ce qu'on nous a dit être vrai depuis qu'on est tout petit. A noter que c'est un processus tout à fait compréhensible vu l'importance de l'éducation par les adultes pour l'espèce humaine, et que pour faire société il est indispensable que les enfants croient à ce que disent les parents, sans avoir les moyens de tout vérifier eux mêmes.
J'observe aussi que dans beaucoup de discussions sur ces forums, on tend à adopter la classification en "bons forumeurs qui auraient raison" et "mauvais qui auraient tort". Cette classification n'est évidemment pas dépourvue de réalité , il y a évidemment des forumeurs qui disent nettement plus de bêtises que d'autres. Mais là où c'est plus gênant, c'est quand cet argument est avancé sans réelle discussion scientifique sur le fond , comme jugement de valeur et d'autorité - qui n'est pas forcément toujours justifié.
Il y a des domaines de la science "officielle" qui sont d'ailleurs très borderline par rapport à cette notion de "vérité." Le "canon" de la méthode scientifique a toujours été la comparaison à l'expérience. Mais dans des domaines de physique théorique fondamentale (comme les théories sur l'univers primordial, la gravitation quantique, l'unification des forces...), nos capacités de vérification expérimentales se sont réduites à pratiquement zéro. Les théories sont devenues tellement complexes que même faire des prédictions théoriques sur le résultat d'expériences devient très très compliqué, et en plus les expériences à réaliser seraient techniquement hors de portée. D'autres sciences bizarres comme "l'exobiologie" sont apparues, alors qu'elles sont caractérisées par une absence totale de données expérimentales (puisqu'on a ZERO fait actuellement observé qui montre l'existence d'une vie extraterrestre). Ces sciences ne sont fondées QUE sur des spéculations : du coup on peut s'interroger sur le critère permettant d'évaluer leur pertinence scientifique, de distinguer les "bons" des "mauvais" scientifiques (ou théories). On est dans une situation qui rappelle plus le marché de l'art contemporain , qui sera plus guidé par des modes et des conventions sociales auto-référentes (un bon artiste c'est celui dont les créations valent cher ! ) que par des critères objectifs. Sans aller sur l'idée extrême que la science ne serait QUE convention sociale (il n'est pas question de nier la pertinence et l'existence de vraies méthodes scientifiques de vérification, ni leur succès dans la réalisation d'artefacts impossibles à réaliser sans cette rigueur scientifique, ne serait ce que l'ordinateur sur lequel j'écris et le réseau qui vous permet de le lire), on est obligé de constater que dans de larges secteurs, l'autorité scientifique est invoquée pour couvrir des croyances incertaines et des zones d'ignorance, en bloquant parfois des critiques qui pourraient etre pertinentes (pour prendre un exemple concret, qui peut prétendre avoir une justification quantitative fiable et rigoureuse de l'intérêt de rendre la vaccination obligatoire pour les jeunes ou le port du masque en classe ?)
Il n'est pas sans interêt d'ailleurs de constater que ces zones floues sont souvent ce qui attire le plus les "amateurs scientifiques" , qui sont incapables de résoudre eux mêmes un problème simple de mécanique quantique, mais qui "flashent" sur la gravité quantique , les trous noirs, ou la cosmologie primordiale, ou , souvent pour ce qui touche à l'humain, ce qui provoque aussi les débats sociétaux les plus passionnés voire les plus violents, l'affirmation d'être soutenu par tel ou tel discours scientifique étant assénée d'autant plus fortement que cette justification est objectivement incertaine (cette caractéristique ne se retrouvant pas, à mon avis, que dans les "fausses sciences" mais aussi dans une partie de la science "'officielle". )
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