Bonjour,
Suite à la fermeture du fil sur le variant delta, je voudrais revenir sur un sujet que j'avais évoqué la semaine dernière dans un message resté sans réponse :
Un article de Marc Gozlan pour le Monde relate les conclusions d'une étude chinoise portant sur une flambée épidémique à l'occasion de laquelle les chaînes de transmission ont pu être clairement établies dans 24 clusters.
Selon cette étude la rapidité de la transmission du variant delta est autant, voire plus, une conséquence de la diminution de l'intervalle de génération (presque 2 fois plus court que pour la souche historique de Wuhan, 2,9 (IC95%: 2,4 - 3,3) vs. 5,7 jours, au point que 20% des cas secondaires ont présenté des symptômes avant les cas primaires correspondants) que d'un taux de reproduction de base Ro plus élevé : les chercheurs chinois estiment qu'il n'est qu'environ 1,5 fois plus élevé que celui de la souche historique, 3,2 (IC95%: 2,0 - 4,8) vs. 2,2.
Le Ro du variant delta serait donc à peine supérieur à celui de la souche européenne de 2020 (celle qui portait la mutation D614G et qui était devenue majoritaire dès mars 2020) et inférieur à celui du variant alpha, estimé 43 à 90% fois plus transmissible que cette dernière, avec un intervalle de génération similaire. C'est plutôt la réduction de l'intervalle de génération (le délai moyen qui sépare la contamination d'une personne de celle de des personnes qu'elle contamine) qui donnerait un avantage au variant delta.
Pour la dynamique de l'épidémie hors mesures de contrôle, qu'on ait affaire à un Ro identique mais à un intervalle de génération deux fois plus court ou à un Ro deux fois plus élevé avec un intervalle de génération identique, le résultat est le même. Mais l'impact sur l'efficacité des mesures de contrôle est évident, puisque ça augmente fortement la probabilité qu'une personne présentant un test PCR négatif datant de moins de 48h mais ayant été contaminée après le prélèvement (ou peu avant) soit déjà contagieuse.
En revanche, l'impact de l'immunité collective serait plus précoce qu'estimé jusqu'à présent, puisque le seuil serait plus bas (68% pour la valeur la plus probable de Ro), du moins si le variant delta n'augmente pas fortement la probabilité de (ré)infection d'une personne immunisée suite à une infection par un variant antérieur ou à la vaccination. Même en supposant que cette immunité ne protège qu'à 80% contre l'infection par le variant delta et que la probabilité de transmission du virus par un immunisé (ré)infecté est 50% plus faible que par un non-immunisé (soit au total une probabilité d'infection ET transmission réduite de 90%), le seuil d'immunité collective se situerait à environ 75%.
Cela pourrait contribuer à expliquer l'évolution de l'épidémie en Inde, où la dernière enquête sérologique indique que 67% de la population sont immunisés (avec des disparités importantes entre les états), ou au Royaume-Uni où l'ONS estimait qu'environ 90% des adultes possédaient des anticorps contre le SARS-CoV-2 fin juin, et où le nombre de nouveaux cas a commencé à baisser ces derniers jours (et depuis 3 semaines en Ecosse où la vague due au variant delta avait commencé plus tôt).
Qu'en pensez-vous (de la crédibilité de l'étude chinoise et des conclusions que j'en tire) ?
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